Jerôme a écrit :
N'est ce pas aussi explicable par lEvolution des techniques militaires ? À la charge de chevaliers à demi suicidaire ou du moins assez aléatoire n'a pas plutôt succédé une série de combinaisons interarmes qui impose au chef une certaine distance pour appréhender l'ensemble du champ de bataille ?
Au roi féodal on demandait du courage mais du monarque absolu on attend surtout de l'intelligence. Plus tardivement il y a au Trocadéro une statue de Foch sans kepi pour mettre en valeur sa tête car "c'est avec le cerveau et non avec le cœur ni avec les "c..." qu'on gagne les batailles" m'avait expliqué un guide conférencier !
Il faudrait peut-être remettre les pendules à l'heure et arrêter de voir les chevaliers médiévaux de manière caricaturale...
D'accord, on ne demandait pas aux chevaliers d'être des intellectuels, mais d'abord des guerriers professionnels. Pour autant, il faudrait cesser de les voir comme des débiles profonds conditionnés pour aller mourir inutilement sur le champ de bataille... Pas plus hier qu'aujourd'hui, on ne forme et entraîne des guerriers pour aller se suicider un beau jour, juste pour la gloire.
Ce que l'on demande aux guerriers, outre d'avoir des qualités propres aux métiers des armes, c'est d'abord de vaincre l'ennemi, et pas de se faire tuer par l'ennemi.
Ceci dit, que la poudre noire ait joué un rôle fondamental dans la
démocratisation des armées occidentale est difficile à nier, et pour deux raisons :
1) Le Chevalier, tactiquement, était une pièce majeure dans la tactique médiévale... C'est un professionnel formé, entraîné, mentalement conditionné ; donc un individu à part, effectivement issu d'une certaine caste. Il bénéficie également d'un équipement coûteux, qui est loin d'être à la portée de tout le monde (la monture, l'armure, le bouclier, l'épée, etc)... Sur le champ de bataille, il est alors l'équivalent d'un tank humain ; si les conditions sont bonnes et permettent la charge, quelques chevalier peuvent suffire à balayer toute une troupe de paysans mal armés.
Mais, à la fin du Moyen Age, justement, la poudre noire et les premières armes portatives changent la donne... Maintenant, j’admets que que le phénomène a été progressif et ne se limite pas à ça (les archers et les arbalétriers aussi ont joué leur rôle) mais les progrès réalisés dans le domaine ont finalement annulé certains avantages tactiques des Chevaliers.
A partir du moment où votre armure ne vous protège plus vraiment contre les armes à feu, l'abandon semble inévitable... Cela ne s'est pas fait en un jour, et vous pouvez constater que les Nobles de la Renaissances portaient toujours des armures, mais de plus en plus allégées.
Le problème est que - tactiquement parlant - le Chevalier n'était plus une pièce maîtresse du jeu, mais pratiquement un pion comme les autres... Et si l'on continue de voir des nobles au cœur des batailles, on verra de moins en moins des Empereurs, des Rois, des Princes où d'autres grands seigneurs s'y risquer. Ils sont là pour commander, et pas pour ramasser un carreau dans l’œil où une balle de plomb entre les omoplates.
2) Au niveau stratégique, les châteaux - demeures des Chevaliers - sont là pour servir littéralement de bases chargées de la protection des territoires. Rôle parfaitement tenu, tant que les engins de sièges avaient des capacités de destruction relativement limitées. Ce sont des engins énormes, difficiles à fabriquer et à déplacer, etc.
Or, là encore, la poudre noire et l'apparition de l'artillerie change tout... A la base, le canon n'est pas conçu pour aller sur les champs de bataille mais bien pour " casser " littéralement les forteresses. Car ces engins ont des capacités de destruction jusqu'alors inconnues : des châteaux réputés imprenables voient leurs murs démolis en peu de temps. Ou alors, dans le pire des cas, on peut
miner des murailles vraiment trop imposantes avec des charges explosives.
Bilan : le château-fort médiéval perd progressivement son importance stratégique... Et finalement, si vous voyez les châteaux de la Renaissance, vous constatez que la plupart sont des grosses demeures somptueuses, mais qui ont perdu pratiquement tout caractère militaire.
En clair, on constate que l'aristocratie, en quelques siècles, perd nettement de son importance militaire sur le terrain... Et se limite de plus en plus au rôle organisation / commandement. Les nobles tiennent toujours les commandes, mais de plus en plus, les professionnels (arbalétriers, arquebusiers, fusiliers, artilleurs, ingénieurs, etc) sont issus de classes plus populaires. Jusqu'au moment critique où l'on se dira que les " têtes " aussi peuvent être remplacées...