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Message Publié : 16 Juin 2017 16:15 
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Eginhard
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Narduccio a écrit :
nico86 a écrit :
Il serait intéressant de demander aux enfants d'une dizaine d'années ce que leur évoquent la belle au bois dormant et bien d'autres comtes...une grande majorité d'entre eux auront davantage en tête un DVD ou livre de Disney que les comtes de Perrault. Doit t'on appeler cela un phagocytage culturel ?!?


Si cela leur donne l'envie plus tard de feuilleter l’œuvre de Perrault ...

Au fait, faut-il rappeler que quelque part les studios de Disney s'inscrivent en continuateurs de Perrault, car ils font exactement ce qu'il a fait. On feint d'oublier qu'il a prix des vieux contes et qu'il les a toiletté, présentés avec de belles gravures pour les vendre. La démarche n'est pas bien différente de celle des studios Disney : prendre de "vieilles" choses, les dépoussiérer, les fixer sur un support moderne pour leur donner une nouvelle "modernitude". Perrault imitait en cela des auteurs plus anciens qui firent de même avec des contes encore plus vieux, qui eux-même ...

Les mythologues affirment que certains des contes que nous évoquons ici ont peut-être été imaginés à la fin du paléolithique, car on trouve des versions différentes d'histoires similaires dans des populations qui ont été séparées voilà des millénaires. Bref, chaque fois qu'une histoire risquait de devenir incompréhensible car culturellement trop éloignée du vécu des auditeurs, il y a eu des auteurs pour en faire une version actualisée ... Et cela devrait continuer tant qu'il y aura des humains pour raconter des histoires et d'autres pour les écouter


Hum. Je crois voir où vous voulez en venir, mais si je ne nie pas la valeur artistique des studios Disney, tout au moins à la grande époque, il me semble que cette ambition a depuis longtemps cédé le pas face à une politique commerciale particulièrement agressive. Devant plaire au plus grand nombre, a l'international, Disney est vraiment aujourd'hui dans l'ambition du plus petit dénominateur commun.

S'il reste de vrais conteurs, dans la grande tradition de Perrault, dans l'industrie du dessin animé, ce n'est plus chez Disney qu'il faut les chercher, mais chez certains studios indépendants faisant rêver les gamins comme les parents. Je ne prendrai qu'un exemple : le "Chant de la mer", de Tomm Moore, qui reprend une vieille légende irlandaise (mais il y en a des tas d'autres que l'on pourrait citer).

Le "Chant de la mer", c'est une soirée au coin du feu, en écoutant le vieux grand-père évoquer un conte millénaire et émouvant, avant de s'endormir sous la couette en rêvant des sirènes. Ma fille pleure en regardant le "Chant de la Mer" - la "Belle et la Bête", c'est du cinéma d'animation qui ouvre l'appétit pour aller ensuite se restaurer au Mac Donald... Du recyclage au sens le plus péjoratif du terme.

Pitié pour ce pauvre Perrault. Disney n'est plus qu'une machine à billets.

Ce n'est pas une intervention très historienne, mais après tout nous sommes dans l'Agora ;)

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Message Publié : 16 Juin 2017 17:22 
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En quoi est-ce différent de l’œuvre de Perrault ? Lui aussi cherchait à plaire à son public. L'artiste maudit qui ne vit que pour son œuvre est une invention relativement récente. Tout les "artistes" du passé ont eu une démarche que l'on qualifierait aujourd'hui de commerciale. D'accord, le temps a fait son œuvre et on a oublié la plupart de ceux qui n'ont as eu l'heur de plaire aux diverses générations qui se sont succédé jusqu'à nous. Alors, il est devenu de bon ton de s'extasier sur telle ou telle œuvre du passé où l'auteur aurait voulu .... En fait, l'un de ses buts était de vendre et de plaire. Les meilleures éditions ne sont pas pour "monsieur tout-le-monde", seul un public très restreint peut y avoir accès, contrairement à ce qui se passe de nos jours. Un artiste qui veut réussir doit plaire à son public. Et chercher à plaire au plus grand nombre n'est pas insultant.

Dans une interview, on avait demandé à Tony Banks du groupe Genesis de dire comment il avait vécu la commercialisation du groupe qui avait eu lieu dans les années 80, et donc son passage du statut d'artiste au statut de faiseur de tubes. Il a simplement répondu que Genesis a toujours essayé d'avoir des tubes et de plaire au plus grand nombre ... Et que tout le reste était une invention de fans qui n'avaient pas compris grand chose à l'essence du groupe

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Message Publié : 17 Juin 2017 10:54 
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Marc Bloch
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Aigle a écrit :
Jerôme a écrit :

Il y a eu en 2006 une très belle exposition sur l'univers des contes de Disney.

http://www.grandpalais.fr/fr/evenement/ ... alt-disney

J'avais alors découvert que les dessins ne devant rien à Walt D. mais étaient l'oeuvre d'artistes européens - en particulier des Allemands réfugiés aux Etats-Unis pour échapper au national-socialisme. Ceux-ci se sont souvent référés à des oeuvres romantiques européennes du XIXè siècle pour représenter le moyen Age des contes de fées.

On peut voir là une véritable inter-action entre la culture européenne et l'américaine !


Merci cher Jérôme de ce rappel. J'avais visité cette expo avec enthousiasme et stupéfaction. En effet on y découvrait l'incroyable occultation du lien entre les studios Disney et l'Europe. Convergence paradoxale entre les deux rives de l'Atlantique pour nier l'évidence...

Du côté européen (sous l'influence des communistes ?), les films Disney étaient caricaturés en usine commerciale sans ambition esthétique .. mais du côté américain, on avait aussi fait le choix de cacher les origines européennes des dessinateurs - peut-être parce que beaucoup d'entre eux étaient allemands, communistes et/ou juifs semble-t-il - alors qu'il fallait préserver le mythe de l'américanité démocratique et protestante de préférence de Disney...



Je veux bien croire que les communistes aient pu critiquer les dessins animés de Disney par haine du capitalisme et de la culture américaine mais il me semble que des sentiments comparables ont aussi pu exister dans des milieux moins marqués à gauche. La sous-estimation des productions américaines me semble être un phénomène assez ancien et répandu en France,


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Message Publié : 17 Juin 2017 11:21 
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La première fois de ma vie que je suis allé au cinéma, j'avais 6 ans et mon oncle m'a emmené en famille voir "Le Livre de la Jungle."
Quel émerveillement pour moi !
Si certains sans doute détestaient la culture américaine, il y toujours eu un véritable engouement populaire pour les dessins animés de Disney.

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Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 02 Sep 2017 16:46 
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Hérodote
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Localisation : Moselle
Cette discussion me fait réfléchir sur mon enfance (il n'y a pas si longtemps!): dans mon souvenir, les contes traditionnels étaient très vivants, et pas seulement à travers les films de W. D. et leurs produits dérivés. On trouvait de nombreux livres illustrés qui ne reprenaient pas l'esthétique des films, et donnaient d'autres versions du conte.

De même pour les dessins animés, la version des Trois petits cochons avec laquelle les enfants découvrent le conte n'est pas forcément celle de Disney (surtout présentée aujourd'hui comme un témoignage de l'histoire du studio, plus que comme un film à voir).

Des contes jamais adaptés (du moins à l'époque) étaient connus de beaucoup d'enfants (Raiponce me revient à l'esprit, ou encore Tracassin/Rumpelstilschen). Et la télévision pour enfant diffusait des séries basées sur des recueils traditionnels (Simsalagrimm ou Les Plus beaux contes d'Andersen).

Donc non, je ne pense pas qu'on puisse dire que Disney a phagocyté cette culture, le studio a juste contribué à endonner des versions inédites.

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"Le mérite des hommes a sa saison,comme les fruits."

La Rochefoucault


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Message Publié : 02 Sep 2017 20:26 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 22 Sep 2005 18:53
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demetriospoliorcete a écrit :
Donc non, je ne pense pas qu'on puisse dire que Disney a phagocyté cette culture, le studio a juste contribué à endonner des versions inédites.


Et je ne pense pas qu'il ai lu Bruno Bettelheim :mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:

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Hugues de Hador.


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Message Publié : 02 Sep 2017 22:17 
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Jean Froissart
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Inscription : 25 Juil 2007 21:37
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Jefferson a écrit :
Pitié pour ce pauvre Perrault. Disney n'est plus qu'une machine à billets.
Certes.

Mais les films produits par Disney sont d'un haut niveau technique/artistique.
Pour exemple :

ImageImage
Image

Ces films sont l'oeuvre d'un travail collectif de 200/300 personnes, des gens qui sont des références dans leur domaine (scénario, animation etc.).

Les studios hollywoodiens n'ont jamais cherché à investir à perte (et son origine est le souhait d'industriels de l'Est désirant investir dans le Cinéma, notamment Cecil B. DeMille).

Aucun studio n'envisageait l'échec, surtout à un haut niveau, comme pour "Les Révoltés du Bounty" (MGM), "Clépoatre" (Twentieth Century Fox) ou "La Porte du Paradis" (United Artists).

_________________
- "Heil Hitler !"
- "Heil Myself !"

"To Be or not To Be" - Ernst Lubitsch (1942)


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Message Publié : 02 Sep 2017 23:09 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 28 Mai 2009 21:52
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Localisation : Belgique
Robert Spierre a écrit :
Jefferson a écrit :
Pitié pour ce pauvre Perrault. Disney n'est plus qu'une machine à billets.

Certes.

Mais les films produits par Disney sont d'un haut niveau technique/artistique.
(...)
Ces films sont l'oeuvre d'un travail collectif de 200/300 personnes, des gens qui sont des références dans leur domaine (scénario, animation etc.).

Les studios hollywoodiens n'ont jamais cherché à investir à perte (et son origine est le souhait d'industriels de l'Est désirant investir dans le Cinéma, notamment Cecil B. DeMille).

Le mercantilisme de la société Walt Disney irrite les Européens (allons, soyons juste : certains Européens)...
Sauf que, effectivement, Walt Disney ne gagne pas son argent en le volant ou par le biais de certaines machineries financières alambiquées.
Les pleurnicheries européennes, depuis des années, me font rire, car on cherche à faire croire que - pour des sordides raisons d'argent - il serait impossible de concurrencer l'horrible Ogre américain... A croire que l'Europe serait devenue un sous-continent économiquement sinistré, et où le talent artistique se serait évaporé.
La vérité est surtout à chercher dans un manque de volonté à concurrencer Disney... Investir dans le cinéma (surtout d'animation), créer et soutenir des structures locales solides dans le domaine, dénicher des talents européens (et pas des gars débauchés à prix d'or aux États-Unis ou en Corée), cela réclame de la volonté et un minimum de courage pour prendre des risques...
Apparemment, les investisseurs européens préfèrent miser sur du sûr, du certain, du bénéfice garanti sur facture... En conséquence, ils investissent à Hollywood, puisque c'est une machinerie conçue pour pondre aussi bien des produits culturels que des gros revenus.
En ce qui me concerne, je suis certain que l'Europe a largement les moyens de fonder des studios équivalent à ceux de Walt Disney...
Le problème est que ce genre d'aspiration semble avoir totalement disparu, ici, depuis des décennies.

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“La barbarie est l'état naturel de l'humanité, [...]. La civilisation n'est pas naturelle. Elle résulte simplement d'un concours de circonstances. Et la barbarie finira toujours par triompher.” ― Robert E. Howard


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Message Publié : 03 Sep 2017 16:59 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Déc 2010 13:31
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Lord Foxhole a écrit :
Le mercantilisme de la société Walt Disney irrite les Européens (allons, soyons juste : certains Européens)...
Sauf que, effectivement, Walt Disney ne gagne pas son argent en le volant ou par le biais de certaines machineries financières alambiquées.
Les pleurnicheries européennes, depuis des années, me font rire, car on cherche à faire croire que - pour des sordides raisons d'argent - il serait impossible de concurrencer l'horrible Ogre américain... A croire que l'Europe serait devenue un sous-continent économiquement sinistré, et où le talent artistique se serait évaporé.
La vérité est surtout à chercher dans un manque de volonté à concurrencer Disney... Investir dans le cinéma (surtout d'animation), créer et soutenir des structures locales solides dans le domaine, dénicher des talents européens (et pas des gars débauchés à prix d'or aux États-Unis ou en Corée), cela réclame de la volonté et un minimum de courage pour prendre des risques...
Apparemment, les investisseurs européens préfèrent miser sur du sûr, du certain, du bénéfice garanti sur facture... En conséquence, ils investissent à Hollywood, puisque c'est une machinerie conçue pour pondre aussi bien des produits culturels que des gros revenus.
En ce qui me concerne, je suis certain que l'Europe a largement les moyens de fonder des studios équivalent à ceux de Walt Disney...
Le problème est que ce genre d'aspiration semble avoir totalement disparu, ici, depuis des décennies.

Est-ce vraiment un ressenti de certains Européens ou un ressenti de certains Français ?
Les points soulevés le sont-ils au-delà de nos frontières, dans d'autres pays européens ?
En France, il y a aussi, chez les mêmes certains, une détestation de tout succès économiques se traduisant en gains financiers importants. C'est, selon moi, aussi cela qui conduit à un manque de création, d'investissement.
Mais, on est limite sur la chronologie, là, non ?


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Message Publié : 03 Sep 2017 17:52 
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ThierryM a écrit :
Est-ce vraiment un ressenti de certains Européens ou un ressenti de certains Français ?


De certains européens. Je le sais pour les italiens, et en consultant les médias européens qui recensent des articles de divers pays, on voit que c'est un questionnement qui a cours dans la plupart des pays européens. En fait, les intellectuels qui s’intéressent un peu aux contes de leurs pays savent qu'il y avait souvent plusieurs versions, mais qu'il y a une espèce d'unification qui se fait vis-à-vis de la version "Disney" et ils ont tendance à le déplorer


Mais, trop uniformisation tue uniformisation et il est possible que ce qui bouscule cette uniformisation vienne des USA à travers la série Once Upon a Time. Série dont les personnages sont bien plus complexes que ceux des dessins animés.

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Message Publié : 03 Sep 2017 18:24 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 23 Déc 2010 13:31
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Narduccio a écrit :
ThierryM a écrit :
Est-ce vraiment un ressenti de certains Européens ou un ressenti de certains Français ?


De certains européens. Je le sais pour les italiens, et en consultant les médias européens qui recensent des articles de divers pays, on voit que c'est un questionnement qui a cours dans la plupart des pays européens. En fait, les intellectuels qui s’intéressent un peu aux contes de leurs pays savent qu'il y avait souvent plusieurs versions, mais qu'il y a une espèce d'unification qui se fait vis-à-vis de la version "Disney" et ils ont tendance à le déplorer


Mais, trop uniformisation tue uniformisation et il est possible que ce qui bouscule cette uniformisation vienne des USA à travers la série Once Upon a Time. Série dont les personnages sont bien plus complexes que ceux des dessins animés.


Merci.

Concernant les contes et leurs adaptations modernes, je conseillerais également le comics "Fables" de Bill Willingham que je trouve viser moins le consensuel que OUAT.


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Message Publié : 10 Jan 2022 7:20 
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Grégoire de Tours
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Barbetorte a écrit :
dans le texte originel de Perrault, la pantoufle est bien en verre. C'est facile à vérifier. L'édition originale est mise en ligne sur gallica : c'est bien du verre (...) La notion de réalisme nous ramène à la question de la pantoufle de Cendrillon. La version de référence qui est celle de Perrault, est, par la volonté même de l'auteur, irréaliste : la pantoufle est bien en verre, elle n'est pas en vair n'est déplaise à des générations de cuistres. Le réalisme d'un conte de fée ! On fait difficilement mieux comme oxymore.


Le mot cuistres me paraît outrancier, puisqu'il y a eu débat incluant Balzac, Littré, Pierre Larousse, ou Anatole France qui n'en sont pas ni ne dégradent leurs contradicteurs de la sorte.

Si le débat a perduré (ce qui est formidable: peu de pays peuvent ainsi produire de tels débats historico-littéraires), c'est que les deux possibilités sont possibles.
1. En l'absence du manuscrit de Perrault, on ne sait pas ce qu'il a écrit. L'interprétation de Larousse semble plausible: c'est l'éditeur de Perrault qui aurait remplacé vair par verre.
2. le mot pantoufle renvoie à une chaussure confortable, la fourrure étant associée au confort et au luxe (fût-elle le vair)
3. sur le réalisme: il y a bien des éléments féériques dans le déroulement de l'histoire, notamment dans les changements d'état de Cendrillon, mais pour apparaître au bal, elle passe d'un état réaliste à un autre état réaliste qui donne le change. Sa robe n'est pas en arc-en-ciel, son carrosse n'est pas tiré par des licornes, etc.

En-dehors d'appeler les contradicteurs des cuistres, je suis de l'avis de Barbetorte: mon interprétation est que Perrault a d'abord pensé vair, puis l'homonymie l'ayant séduit, il aurait écrit verre.


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Message Publié : 10 Jan 2022 15:08 
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Pierre de L'Estoile
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1. Le manuscrit de Perrault a peut-être disparu mais peu importe parce que la version qui compte est celle que l’auteur a voulu publier. Les contes de Perrault ont été édités à sa demande et de son vivant en 1697. Le titre du conte qui figure dans l’ouvrage est : Cendrillon , ou la petite pantoufle de verre. En dernière page ont été insérés des errata et « verre » n’y est pas corrigé en « vair ». L’ouvrage a été réédité la même année 1697. Dans la seconde édition, les erreurs signalées dans la première ont été corrigées et « verre » reste « verre ». Il ne peut donc y avoir aucun doute sur l’intention de l’auteur et l’interprétation de Larrousse, plus d’un siècle après, est bien erronée.

2. Le mot pantoufle, qui fait aujourd’hui penser à « charentaise », signifiait à l’époque (dictionnaire de l’Académie Française de 1694) : Mule. Sorte de chauſſure dont on ſe ſert habituellement dans la chambre , & qui ne couvre point le talon … On dit prov. & baſſ. Raisonner pantoufle , pour dire Faire des raisonnements ridicules.
Perrault n’a certainement pas voulu envoyer son héroïne à un bal princier en charentaises, tout luxueuses que pussent être ces charentaises. Défendre la version « vair » est bien raisonner pantoufle.

3. C’est encore raisonner pantoufle. Oui le carrosse et les chevaux sont réalistes et exempts de merveilleux. Cela n’empêche nullement le merveilleux dans les chaussures de Cendrillon. Il faut s’en tenir au fait et le fait est que Perrault a écrit « verre » et que lui prêter l’intention d’écrire « vair » est tirée par les cheveux (capillotracté disent les cuistres) et ne résiste pas à l’analyse. Elle ne résiste pas pour la principale raison que le mot vair n’était déjà plus employé qu’en héraldique pour désigner Un des émaux du blaſon , composé de pluſieurs petites pièces égales, qui ſont ordinairement d’argent & d’azur, rangées alternativement , et diſposées de telle ſorte, que la pointe des pièces d’azur est oppoſée à la pointe des pièces d’argent, et la baſe à la baſe comme l’atteste le dictionnaire de l’Académie de 1694.

GustavedeBeaumont me reproche une irrévérence à l’égard de ces grands hommes que sont Balzac, Littré, Pierre Larrousse et Anatole France qui ne sont pas des cuistres et ne dégradent pas leurs contradicteurs de la sorte. Grands hommes du monde des lettres certes, mais qui ont pu toutefois tomber dans l’erreur ou le ridicule. Quand on met son érudition au service de la sottise, on se comporte en cuistre. Cela peut arriver même à de grands hommes. L’oeuvre de Balzac est grandiose dans son ensemble mais ça et là on peut relever des âneries. Par exemple, la description de naturaliste de ce qu’est un cheval de curé à laquelle Balzac se livre dans les premières pages du Curé de campagne fait sourire. Littré était un éminent lexicographe mais il n’était pas linguiste et nombre d’étymologies données dans son dictionnaire sont fausses. Quant à dégrader leurs contradicteurs, Larrousse, très anticlérical, n’hésitait pas à le faire à l’égard des hommes d’église. De toute façon, fidèle lecteur de Charlie Hebdo, je revendique haut et fort le droit au blasphème et à l’irrévérence. En outre, sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur. En fait, en écrivant « des générations de cuistre »je ne pensais pas à Balzac, Larrousse et Littré mais à tous ceux qui ont fait prospérer l’histoire du « vair » sans esprit critique jusqu’à aujourd’hui, dont mon professeur de collège ou de lycée. Dans cette affaire, Anatole France est, lui, totalement innocenté : Je vous avais pourtant bien dit de vous défier du bon sens. Cendrillon avait des pantoufles non de fourrure, mais de verre, d'un verre transparent comme une glace de Saint-Gobain, comme l'eau de source et le cristal de roche. Ces pantoufles étaient fées ; on vous l'a dit, et cela seul lève toute difficulté. Un carrosse sort d'une citrouille. La citrouille était fée. Or, il est très naturel qu'un carrosse fée sorte d'une citrouille fée. C'est le contraire qui serait surprenant.


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Message Publié : 10 Jan 2022 16:14 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 22 Mai 2021 20:18
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Barbetorte a écrit :
GustavedeBeaumont me reproche une irrévérence (...) fidèle lecteur de Charlie Hebdo, je revendique haut et fort le droit au blasphème et à l’irrévérence. En outre, sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur. En fait, en écrivant « des générations de cuistres »je ne pensais pas à Balzac, Larrousse et Littré mais à tous ceux qui ont fait prospérer l’histoire du « vair » sans esprit critique


lol Personne n'a parlé de charentaises. Ne vous fâchez pas Barbetorte, je ne reproche pas d'irrévérence, mais je relève une outrance. Heureusement nous aimons tous deux l'irrévérence, ce qui ne nous empêche pas d'être aimables. Vous ne parliez pas d'irrévérence envers un dieu ou un puissant, mais envers des générations entières qui ont une interprétation différente de la vôtre, pas forcément de manière sotte. Il semble bien, à lire les pages consacrées à Cendrillon, que ce n'est pas sans esprit critique, mais avec certains arguments. Les appeler cuistres m'a semblé quelque peu outrancier, c'est tout.


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Message Publié : 10 Jan 2022 16:53 
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Je n'ai fait que survoler le sujet, mais je n'ai pas vu de mention du film de Cocteau, qui date quand même de 1946, que je n'ai plus vu depuis longtemps, mais qui m'avait laissé un bon souvenir.

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Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)


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