Jean-Marc Labat a écrit :
Merci, c'est très intéressant. Il y a une remarque générale qui est très intéressante :
Citer :
Dans ces conditions, le glottonyme « l’alsacien » désignant l’ensemble des parlers dialectaux alémaniques et franciques présents dans l’espace alsacien relève davantage d’une lecture politico-culturelle de l’espace que d’une réalité dialectale observable même si la dialectologie peut faire valoir quelques traits linguistiques spécifiques ou majoritaires en Alsace par rapport aux espaces voisins.
En fait, il y aurait 3 parlers germaniques en Alsace. Ils sont généralement inter-compréhensibles de proche en proche. Mais, parler d'un seul parler alsacien est impropre.
Le point qui concerne spécifiquement l'époque sur laquelle porte la discussion :
Citer :
4.1. XIXe siècle
L’allemand commun est resté, en Alsace, jusque vers le milieu du XIXe siècle, la langue de l’écrit la plus largement répandue, y compris à l’école. La concurrence du français, langue officielle, commence à faire sentir ses effets après 1850. Ce n’est qu’après 1860 que le français commence à s’imposer comme langue d’enseignement à l’école.
Aussi la langue de l’écrit, dépend-elle des compétences acquises à l’école, du destinataire de l’écrit, de la biographie du scripteur. Cependant, lorsque la population a besoin d’utiliser l’écrit, c’est l’allemand qui est le plus fréquemment employé.
C’est également en allemand que lit la majeure partie de la population lorsqu’elle dispose d’une compétence de lecture.
Comme le français est la langue officielle, il est utilisé par l’autorité politique, les administrations et toutes les instances émanant de l’État. Lorsque les textes écrits en français s’adressent à l’ensemble de la population, ils sont traduits en allemand.
L’allemand standard parlé qui, lui, commence à se répandre dans le reste du domaine dialectal allemand, reste absent en Alsace, si l’on excepte un certain nombre de situations formelles (cultes, discours, ...).
Le français oral est utilisé par les couches sociales supérieures qui l’ont adopté depuis longtemps, en abandonnant souvent d’abord l’usage, puis la connaissance du dialecte. Il est également connu et/ou utilisé par les couches cultivées ou savantes qui ont, en revanche, souvent maintenu une pratique et/ou une connaissance des parlers dialectaux (comme langue d’une partie de leur sociabilité) et de l’allemand écrit.
L’image du français, langue minoritaire du point de vue du nombre de locuteurs, garde son prestige et maintient son statut de langue de la distinction.
Par ailleurs, l’allemand commun continue à se construire et à se standardiser tout le long du XIXe siècle, dans l’espace politique de langue allemande. Aussi les liens (objectifs et, pour partie, sentimentaux) entre les parlers dialectaux et l’allemand écrit en Alsace continuent-ils à se distendre bien que personne n’effectue un distinguo formel entre l’oralité (dialectes) et l’écrit (allemand commun). Que ce soit du côté officiel français ou de celui des locuteurs en Alsace, c’est le terme générique « allemand » ou « Ditsch/Deutsch » qui est utilisé. Nommer les variétés selon leur fonction ne fait pas encore sens.
Au total, au XIXe siècle, l’Alsace se distingue -très grossièrement- du reste de l’espace dialectal allemand par la présence du français (quantitativement importante à l’écrit en tant que langue officielle et sans doute inégale [selon la couche sociale, la formalité situationnelle, ...] comme variété parlée), d’une part, et l’absence presque totale (en dehors de circonstances formelles) de l’allemand standardisé parlé, d’autre part. Elle se distingue du reste de la France par la présence massive d’une langue allogène comme langue de l’oralité (parlers dialectaux) et la présence concomitante et concurrentielle d’une autre langue écrite, l’allemand commun.
En fait, avant 1850, même l'enseignement se fait en allemand. En fait, la plupart des gens pensent parler en allemand et pas en alsacien", ce terme étant inventé ultérieurement.
Citer :
4.2. 1870-1918
...
Le fait nouveau, c’est l’« invention » ou, du moins, la mise en place des conditions de l’invention d’un nouveau glottonyme. En effet, durant cette époque, des artistes et des intellectuels de divers horizons dont le point commun réside sans doute dans une forme de besoin d’auto-identification, d’auto-bornage par rapport au reste du monde allemand, « inventent » l’Alsace et lui forgent ses attributs. C’est autour de 1900 qu’apparaît de plus en plus fréquemment le qualificatif d’« alsacien »/« elsâssisch » avec une valeur essentiellement ethnoculturelle. Petit à petit, « alsacien » va être utilisé pour désigner les parlers dialectaux allemands en usage en Alsace au point que « elsâssisch », son équivalent en dialecte, commencera à être utilisé, lui aussi, par les locuteurs pour nommer leur propre langue, durant l’entre-deux-guerres.
En 1926, 67,91% des habitants de l'Alsace déclarent que leur langue usuelle est l'alsacien, 1,11% déclarent parler allemand et 9,86% ne parler que français...