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On pourrait en effet avancer qu'il n'y a pas de sujet tabou.
Cependant comme le disait Mme Veil : "Il y a des modes".
Pour que les modes prennent, il faut une ligne donné, un ton, des couleurs et surtout une majorité qui éteint une minorité.
Ceci ne se fait pas au compte mais justement à la mode, à la mode des idées, aux idées en vogue. Sinon, les livres ne seraient pas achetés.
Il existe manifestement aussi au sein des historiens différents courants et s'il n'existe pas de tabou, il existe un timing. N'est-ce pas Lénine qui estimait pour sa révolution que le fruit n'était pas encore suffisamment mûr. Il en est de même pour le public : certains Français ne peuvent pas entendre certains discours pourtant étayés, basés sur des faits incontestables et incontestés et pourquoi se forceraient-ils devant un parterre d'historiens qui eux mêmes offrent le spectacle de leurs factions.
Si les livres traitant de certains sujets historiques étaient simplement destinés aux initiés (étudiants et grands passionnés sur sujet(s) pointu(s) ) ; les libraires n'auraient plus qu'à mettre la clé sous la porte.
Les maisons d'édition ont anticipé ce phénomène en joignant un stock "grand public", avec aussi la publication de magazines qui font écho à des émissions "grand public".
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https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-00584023/documentPour les ventes bien spécialisées a pu jouer aussi un phénomène créé par des problèmes ambiants, de société et parfois des événements qui nous amènent à vouloir savoir/connaître telle ou telle culture, telle ou telle religion plus en profondeur. Ensuite, c'est la facilité à comprendre/sentir le texte qui fait le reste, la capacité aussi à comprendre et peut-être des questionnement plus métaphysiques. Ceci va se diviser en deux : ceux qui vont se diriger vers la science, ceux qui iront plus facilement vers la philosophie ; ce qui n'interdit pas l'un et l'autre. Aussi l'historien -dans ce qui se vend le mieux, la biographie- doit-il savoir poudrer son rédactionnel afin de le rendre attractif quitte à resservir les mêmes anecdotes donnant lieu aux mêmes explications (qui n'a pas connu l'histoire vraie du pied bot de Talleyrand et la véritable histoire du même et le contexte de cet accident etc. ?). On peut décliner pour chaque personnage : tout blanc, tout noir, tout gris, tout normal, dans son contexte du moment, face à des analyses périmées, la nouvelle version, la nouvelle vision, la nouvelle vérité...
Ceci s'inscrit dans un fonctionnement de société et là encore on sait que des impulsions sont données.
Pour obtenir un livre bien spécifique, il faut le commander soit en librairie soit sur le net et comme le net se montre plus véloce, il est le plus souvent choisi. Il faut aussi avouer que des historiens qui semblent pourtant n'avoir rien à prouver veulent faire du chiffre sinon comme expliquer des textes à peu de chose identiques avec des titres différents ? Là encore, comme pour les sources abêties de courtoisie et pourtant citées encore, le client potentiel se détourne.
Existe aussi désormais le SAV et là, on peut être bon historien et pas passionnant ou paraître tellement suffisant ou encore tellement éreinté que l'envie d'avoir une énième vision de tel ou tel personnage est d'emblée éteinte. S'éteint aussi le client.
Eteignent aussi cette envie, ceux qui se font les porte-parole exaltés de leurs idoles. On sent tout de suite que quelque chose cloche devant des mots voire des injures -prises comme autant d'arguments- pour le favori dont le choix semble plus s'inscrire dans une sorte de vénération du niveau fan club ou parfois correspond à une ligne idéologique. Le lecteur ne veut plus lire de l'histoire politisée, ne veut plus mettre la main à la poche pour se faire mal, il s'inscrit parfois de manière instinctive en contre.
Alors oui, plus de sujets tabous ? Peut-être mais alors comment nommer les sujets qui divisent ?
L'histoire de nos jours ne peut se faire sans une étude de société, de ses codes, de ses mots. Elle a déjà manifestement du retard face aux jeunes générations pour qui les conflits ne sont pas même tabous mais "chiants", où le mot horreur de ceci ou cela n'a plus de résonance car les médias offrent une surenchère tous les jours à la TV, dans les jeux etc.
S'il existait encore des sujets tabous, l'envie de la transgression nous porterait peut-être à plus de lectures mais là encore, pour les jeunes générations, la "transgression" est un mot qui ne paie plus.
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https://www.la-nrh.fr/2002/11/a-oublier-durgence-les-tabous-de-lhistoire-de-marc-ferro/Même si le bouquin ne plait pas, il a le mérite de démontrer qu'il existe encore des sujets bien souvent franco-français qu'il ne fait pas bon évoquer, tout comme il ne fait pas bon retoucher la statue de certain commandeur.
Ce soir, Vichy en 2nd partie de soirée, Paxton a eu une large place pour montrer que tout était traité cependant rares sont ceux qui se pose la question de savoir pourquoi des hommes tels Oberg ou Knochen ont terminé leur vie très paisiblement. Petite interrogation pour certains, grande pour ceux dont les ascendants ont connu les caves Lauriston.
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