Vézère a écrit :
Les contreparties à fournir sont des ouvertures libérales (au sens actuel du mot) au soft power américain. La plus emblématique est le retour en masse des films américains dans les salles. Le prometteur cinéma français de la guerre (les Clouzot, Christian-Jacque, Becker, Le Chanois & Co) se trouve maintenant en concurrence, même s'il y aura toujours des mécanismes de protection du cinéma français.
Coïncidence, hier sur ARTE, était justement diffusé
Le Corbeau (1943) de Henri-Georges Clouzot... Film réalisé pour la Continental Continental, société financée par des capitaux allemands (et créée en 1940 par Joseph Goebbels). Le film est un chef-d’œuvre mais son histoire est basée sur un thème délicat (les lettres anonymes) et produit par une société officiellement créé dans un but de propagande.
Il est toujours bien de rappeler que Henri-Georges Clouzot, probablement l'un des réalisateurs les plus doués de sa génération, s'est bel et mangé une suspension professionnelle
à vie, au moment de la Libération... Entre autres parce que
Le Corbeau avait été perçu comme une tentative pour dénigrer le peuple français.
Mais, finalement, Clouzot put revenir à la réalisation dès 1947 (avec
Quai des Orfèvres).
Ceci dit, le fait que les cinémas s'ouvrent de nouveau aux films hollywoodiens n'a pas empêché les cinémas européens (pas seulement le français) de se développer et de prospérer au cours des années 1950-60...
Ceux qui pleurnichent aujourd'hui sur l'invasion des films américains oublient que, jusqu'aux années 1970, Hollywood a toujours lorgné du côté de l'Europe... A cause de la qualité de son cinéma, du talent de ses réalisateurs, etc.
On peut en rire aujourd'hui, mais ce sont bien les Italiens qui ont ringardisé le bon vieux western hollywoodien dans les années 1960... L'arrivée du
western-spaghetti et des films de Sergio Leone ont complètement modifié la donne, et cela dans un genre que l'on pensait réservé aux seuls Américains.
Les choses ont complètement changé à partir des années 1970, quand des réalisateurs comme Steven Spielberg et George Lucas ont ouvert la voie aux grosses productions, faisant appel à des effets spéciaux révolutionnaires. Les Européens n'ont pas voulu suivre... Plus par frilosité que réellement par " manque de moyens " (quand on veut vraiment trouver du pognon, en Europe, on peut en trouver).
Pour ma part, les blocages chez les Européens ont toujours été plus mentaux que réels... Et il est toujours plus facile de rejeter les fautes sur les autres que de chercher chez soi ce qui cloche.