Inscription : 22 Sep 2005 18:53 Message(s) : 1947
|
Pierma a écrit : Merci, ce témoignage est passionnant. En effet et je ne peux m'empêcher d'en reprendre une partie : Elle dit : J'ai moi-même été 14 mois en prison, à 20 ans, en 1941, après avoir été torturée. Je sortais de mon couvent et du giron de ma famille : j'en étais encore aux enfants dans les choux et dans les roses. Ça n'a été ni drôle ni facile. J'ai mis 30 ans à digérer cela, maintenant, je peux en parler. Nous étions à Compiègne ("le camp de la mort lente"), dans une prison de femmes, uniquement juives, sauf moi.
J'ai compris plus tard qu'on avait été considérées par les Allemands comme les B.M.C. des troupes allemandes.
Nous étions nombreuses, complètement à part, la baraque était toute propre, toute blanche, et il y avait des infirmières qui s'occupaient de nous. C'était clair et net. Ils ont pris les plus jeunes et les plus avenantes. Toutes les filles mariées, le plus souvent, se laissaient faire et me reprochaient de ne pas en faire autant : "Au moins quand ils font cela, ils ne font pas autre chose" disaient-elles. Moi je rouspétais, je me défendais contre les assauts des Allemands : j'étais punie tout le temps, dès que j'avais refusé un gars. Aussi ai-je été mise assez rapidement en cellule, enfermée à part.
C'est ainsi que j'ai découvert "l'amour" d'une façon un peu curieuse.
J'ai eu beaucoup de mal par la suite à me réinsérer dans une vie normale sur ce plan-là... Il faut croire que je devais être très équilibrée psychologiquement. C'est assez bouleversant. Je ne pouvais plus danser, embrasser un gars, c'était impossible. Quand un type qui était gentil, me prenait par la taille, je sursautais et je m'éloignais. Il a fallu beaucoup d'amour pour qu'un homme arrive à me faire perdre toutes ces inhibitions.
Ensuite et forcément logiquement, elle conteste cette idée répandue concernant le besoin de prostituées pour les soldats : Ensuite j'en ai parlé avec des officiers et je leur ai dit qu'il n'était pas possible que cela se pratique. On me répondait : « Il faut comprendre, c'est presque impossible de s'en passer, les hommes ont besoin de ça quand ils côtoient la mort tous les jours, c'est très difficile ». Ce n'était pas mon point de vue, mais j'ai entendu beaucoup cette défense. Mais un peu après elle ajoute : Pendant les trois semaines qu'ont duré l'évacuation, du 15 mai au début juin, je n'ai pas couché une seule fois dans mon lit. C'était pareil pour mes camarades. Nous étions dix convoyeuses, ce n'était pas beaucoup pour plusieurs centaines de mille hommes. Mais nous, nous pouvions choisir.
J'ai eu la même réaction tout au cours de cette période, quasi automatique, et je n'étais pas seule à l'avoir : je descendais de l'avion après m'être occupée des blessés, je regardais à droite et à gauche, je faisais un signe et je partais avec un gars. J'aime mieux vous dire qu'ils ne disaient jamais non. Je me souviens, c'était moi qui le déshabillais pour trouver... enfin... un homme entier, sain, propre, pas blessé, avec tout ce qui lui fallait, bien portant...
On avait frôlé la mort, la maladie, les blessures, il y avait des gangrènes, des choses horribles. Vous ne pouvez pas imaginer. On avait un besoin, un besoin absolu de quelque chose qui était entier, bien portant. En fait, en y réfléchissant c'est terrible et terriblement humain !! Bien à tous.
_________________ Hugues de Hador.
|
|