Pierma a écrit :
Jerôme a écrit :
D'un point de vue interne à l'armée rouge, l'hypothèse de Lopez n'est pas si absurde : n'était il pas utile pour Boudienny et Vorichilov d'accuser Toukhatchevski et avec lui les généraux modernisateurs de l'armée rouge afin de conforter le camp des traditionalistes, liés à Staline ?
Et pour conforter un camp dans une dispute doctrinale, il aurait fait liquider la moitié des capitaines commandants, colonels, etc... ? Cette hypothèse n'est pas en proportion avec le massacre commis par Staline. Je pense qu'il a réellement eu peur pour son pouvoir.
Effectivement, les purges de l'Armée Rouge ne sont pas doctrinales, elle ne remettent en cause aucune des nouveautés introduites depuis la révolution, et il n'y a bien sûr pas de "traditionalistes" dans l'armée rouge. Vorochilov et Boudienny ont appuyés toutes les nouveautés apparues, si ce dernier est un grand amateur de chevaux militaires, c'est bien sûr parce que cet animal représente encore un facteur de mobilité dans les années 30 et le contexte russe et non parce qu'il veut refaire Reichshoffen. Voici une traduction du premier paragraphe de l'article wiki russe sur les opérations en profondeur:
Citer :
L'origine de la théorie des opérations en profondeur remonte à la fin des années 1920. Il s'agissait d'un remaniement de l'idée de regrouper les connexions mobiles inventées par Boudienny et utilisées avec succès par l'Armée Rouge pendant la Guerre Civile (Première Armée de Cavalerie). Le principal prérequis à son apparition était le réarmement massif de l'Armée rouge après la guerre civile. "La théorie de l'offensive des armées modernes dans la guerre moderne", développée par le chef d'état-major adjoint de l'armée rouge, Vladimir Triandafillov, et l'inspecteur en chef des troupes de chars, Kalinovsky, démontrent l'énorme potentiel des troupes blindées en opérations.
Les manuels de l'Armée Rouge ne subissent aucune purge en 37-38 et si des changements doctrinaux apparaissent, ils sont toujours liés au retex des différentes campagnes (guerre d'Espagne, Finlande, France...) et les analyses sont parfois à côté. Ceci dit l'armée rouge de 1936 n'est pas une machine parfaite pleine de gens hyper-compétents avec un chef génial et du matériel performant.
Ensuite avez-vous des chiffres pour démontrer que la moitié des officiers subalternes ont été liquidés? Je serais vraiment intéressé, parce que pour moi on tourne pour l'ensemble du corps des officiers et commissaires autour de 8-12%, dont un certain nombre sera réintégré. Pour des chiffres issus d'archives, voir Roger R. Reese, The Red Army and the Great Purges (in J. A. Getty & R. T. Manning, Stalinist Terror, New Perpectives, Cambribge, 1993): 37.000 officiers (sur environ 300.000) sont arrêtés ou licenciés. 4000 sont rapidement exécutés (ce sont proportionnellement les maréchaux et l'échelon supérieur des généraux, les colonels et les commissaires politiques qui représentent les catégories les plus touchés), d'autres mourront plus tard, mais 13.000 sont réintégrés dès avant 1940. En 1941, l'armée rouge compte 680.000 officiers.
Pour répondre à la question des causes des purges dans l'armée, on doit d'abord se demander pourquoi elle aurait été épargnée par le mouvement de purges. L'armée a d'ailleurs été plutôt moins touchée par les purges que d'autres catégories ou corps de l’État, les chiffres des purges au sein du NKVD sont autrement plus impressionnants, dans l'absolu il ne représente qu'une fraction (environ 4000 fusillés) des plus de 750.000 citoyens soviétiques fusillés à la même époque. Dans l'armée les victimes ont un profil assez proche de celui des victimes civiles, soit ils ont fait l'objet par le passé de purges (des purges importantes ont déjà eu lieu en 29-31, mais beaucoup de purgés ont été réintégrés, ils seront les premiers à être réprimés à nouveau), soit ils ont été proches à un moment ou un autre d'une opposition, soit ils ont fait l'objet d'une arrestation. Prenons l'exemple de A. A. Svechin, il est purgé en 31 (à l'initiative de Toukhatchevsky...), réintégré en 32, arrêté en 37, en 38 son nom est inclus dans la liste n°107, exécuté le 29 juillet 38.
Il n'y a donc pas de dimension spécifiquement militaire (différences doctrinales...) aux purges, c'est une mesure politique qui vise essentiellement à se débarrasser, de façon criminelle, de toute résurgence "oppositionnelle". Un "vieux bolchévik" qui a toujours suivi la ligne Lénine-Staline aura peu de chance d'être touché, un théoricien militaire qui n'aura jamais été proche d'un politique proche de l'opposition de même. En tout cas ce n'est pas parce que l'on est "vieux bolchévik" ou "théoricien militaire moderniste" qu'on est purgé.