Almayrac a écrit :
Réunir toutes ces conditions en même temps est quelque chose de hautement improbable. C'est une rupture catastrophique qui a fait que sur le long terme l'agriculture a triomphé d'ou son caractère singulier qui fait qu'il a fallu 2 millions d'année pour que ça arrive.
Neanderthal était peut être trop respectueux vis à vis de la nature pour pouvoir créer cette rupture catastrophique, comme toute les espèces animales sociales comme les rats, les fourmis ou les sangliers la population s'autorégule en fonction des ressources disponibles, cela ne semble pas le cas d'homo sapiens sapiens.
Je crois que vous encensez un peu trop Neandertal (et Sapiens aussi, d'ailleurs). Les Néandertaliens étaient peu nombreux sur un très vaste territoire dont les ressources en terme de cueillette et surtout de chasse servaient plus qu'amplement à couvrir ses besoins. Les chasseurs-cueilleurs Sapiens, lorsqu'ils sortent à leur tour d'Afrique, sont sans doute un peu plus nombreux, mais leur accroissement démographique reste restreint du fait de leur mode de vie : les femmes allaitent longtemps, le temps entre chaque naissance est espacé, ça limite d'éventuels booms démographiques (d'autant que le climat ne s'y prête guère : le froid, s'il favorise les rapprochements humains, n'entraîne jamais la prolifération des espèces, quelles qu'elles soient). Et puis même si son mode de vie est plus "sain" que celui de son descendant agriculteur et sédentaire, il ne faut pas se leurrer : la vie est rude et courte, les accidents nombreux, il y a aussi des maladies la plupart du temps fatales et la mortalité infantile doit être élevée. Mais au fil du temps, ces chasseurs-cueilleurs ont certainement observé les cycles de la nature (tout comme celui des étoiles) et remarqué que certaines plantes comestibles (ou champignons) repoussaient au même endroit d'année en d'année, et par ce fait "appris", non pas à cultiver dans le plus strict sens du terme, mais à essayer de reproduire ce que faisait la nature autour d'eux. Ils étaient primitifs, mais pas stupides, et pas si différents de nous, au fond. On sait aussi qu'occasionnellement Neandertaliens et Sapiens pratiquaient le cannibalisme, sans qu'on sache très bien dans quelles circonstances.
En ce qui concerne l'agriculture et, par extension, la sédentarisation, arrêtez moi si je me trompe, mais il me semble bien qu'elles sont tout de même précédées par l'apparition des premiers temples cultuels monumentaux en Anatolie, et probablement liées à ce "nouveau" (ça reste à démontrer) courant spirituel. J'ai même vu un reportage, je ne sais plus si c'était sur Çatal Hoyük ou le Göbekli Tepe, où la recherche démontrait que "l'invention" de l'agriculture provenait de la nécessité de fabriquer des boissons fermentées à offrir aux dieux, quels qu'ils soient (et on peut observer, en effet, que ça marche dans tous les coins du monde où l'agriculture apparaît, quelle que soit la céréale de base : blé, riz, maïs...). La sédentarisation et, de toute façon, les traces les plus anciennes de bourgs habités de façon permanente sont postérieures à tout cela. Ce qui signifie que les premiers agriculteurs étaient encore plus ou moins nomades et sans doute encore plus ou moins chasseurs-cueilleurs. Ensuite, seulement, ils ont dû constater qu'avoir des réserves d'une nourriture qu'on pouvait produire soi-même, c'était quand même largement plus confortable, que par voie de conséquence, le spectre de la famine était moins omniprésent, qu'on pouvait faire la même chose avec la viande en domestiquant des bestioles et en les parquant (ou pas) dans des enclos, que la fécondité des femmes était, du coup, bien meilleure, malgré les conséquences que vous citez : apparition des caries, des troubles cardio-vasculaires, de l'usure du squelette due à des gestes répétitifs, de la mortalité infantile élevée, des épidémies liées à la proximité des animaux domestiques, à la promiscuité et, probablement, à une insalubrité effroyable... mais au bout du compte, ils s'en sont quand même plutôt bien tirés !