Le commencement de la fin
La guerre de sept ans mit aux prises l'Angleterre, la Prusse, la France, la Russie et l'Autriche.
Elle ensanglanta les champs de bataille du centre de l'Allemagne.
Pendant ce temps, à l'autre bout du monde, dans les colonies américaines, des poignées d'hommes, fusiliers du régiment de Béarn, coureurs des bois et trappeurs, commandés par des lieutenants Marquis égarés dans les Indes Occidentales, soutenus par de nombreuses tribus indiennes, essayèrent, sans moyens, sans soutien, sans canons et sans balles, de sauver la Nouvelle France.
Hormis le Marquis de Montcalm, tous sont oubliés aujourd'hui.
Qui se souvient que 145 fantassins commandés par un capitaine, encadrant les hurons, firent subir à une armée anglaise de 2 500 hommes l'une des pires défaites que la couronne britannique a jamais subi outre-mer ?
Qui se rappelle que les forts construits aux alentours des Grands Lacs, et qui aujourd'hui se nomment Pittsburgh ou Detroit, ont été batis par des soldats du Roy de France ?
Qui sait encore que les grands fleuves, le Mississippi, le Missouri, étaient nommés "les chemins d'eau du Roy" ? Des chemins d'eau dont les coureurs français avaient été les premiers à repérer qu'ils menaient du Canada au golfe du Mexique.
Quand Napoléon Bonaparte, Premier Consul, a vendu la Louisiane aux américains, il savait, et eux aussi, qu'il leur cédait un immense territoire, sur lequel la France n'avait jamais réussi à s'implanter, mais que ses aventuriers avaient été les premiers à découvrir.
Nous avons tous lu "le dernier des Mohicans". Nous avons ainsi effleuré cette guerre des forêts et des rivières, sous l'uniforme écarlate ou sous les tenues vertes des Roger's Rangers qui accomplirent un ahurissant périple au coeur des possessions françaises en passant, eux aussi, par les cours d'eau.
Passionnante histoire, triste histoire de ces hommes qui partirent combattre et protéger les possessions françaises d'un nouveau monde, furent abandonnés, laissés pour compte et reniés ensuite.
Ils furent abandonnés par leur Roi, et avec eux des milliers de colons qui furent livrés sans rémission aux indiens et aux anglais.
En 1754, la France est présente au Nouveau Monde dans deux régions : le Canada et la Louisiane.
Au Canada français, environ 60 000 colons vivent en relative bonne intelligence avec les indiens.
La Louisiane n'a à l'époque aucun rapport avec l'Etat fédéral actuel : c'est une région gigantesque qui, depuis la Nouvelle Orléans, suit les grands fleuves jusqu'aux abords des grands lacs. A peine 4 000 colons parsèment cette gigantesque étendue.
Les colonies anglaises, pour leur part, sont concentrées sur la côte est, depuis Boston et New York jusqu'à Charlestown.
Si leur territoire est considérablement moindre que celui occupé par les français, ces colonies, coincées par les Appalaches, comptent déjà près d'un million cinq cent mille habitants dont près de quatre cent mille esclaves noirs.
Le point de rupture entre les possessions des deux grandes puissances est la vallée de l'Ohio.
Elle est essentielle pour les français, car c'est le boulevard qui leur permet de constituer la communication entre Canada et Louisiane.
Elle est tout aussi importante pour les anglais, car c'est par cette région que l'expansion vers l'ouest, en commençant par le contrôle des grands lacs, s'impose.
Au nord, l'Acadie est tombée sous contrôle anglais avec toute sa population, elle devient la Nouvelle Ecosse. Les français ont réagi en s'implantant dans l'île royale, et en y fondant Louisbourg.
Les nations indiennes présentes le long des fleuves, et plus particulièrement la confédération iroquoise dans la vallée de l'Ohio sont des acteurs essentiels du drame qui va se produire, et dont découlera la disparition de la nouvelle France.
Les escarmouches sont fréquentes, mais rien d'irréparable ne se produit jusqu'en mai 1754 : au cours d'un obscur combat de frontière, le capitaine français de Jumonville et une poignée d'hommes sont massacrés par une troupe constituée de miliciens coloniaux américains et d'indiens ralliés.
L'officier colonial qui commande la petite troupe se nomme Georges Washington.
Rien ne peut laisser prévoir que cette embuscade opposant moins de cent cinquante hommes va déclencher la guerre de sept ans.
_________________ "Notre époque, qui est celle des grands reniements idéologiques, est aussi pour les historiens celle des révisions minutieuses et de l'introduction de la nuance en toutes choses".
Yves Modéran
Dernière édition par La Saussaye le 14 Sep 2018 2:30, édité 2 fois.
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