Sir Peter a écrit :
Je pense que la date de notification officielle des morts peut avoir été différée pour ne pas alarmer et décourager la population,mais les survivants des unités,eux, savaient.....
Je doute qu'une telle politique ait été pratiquée. (on le saurait, c'est impossible à cacher longtemps.)
Un fils "porté disparu", à la guerre, on savait ce que ça voulait dire : il pouvait éventuellement être prisonnier, mais comme le courrier circulait bien entre les Stalag et la France, cela signifiait que passé quelques semaines si on n'avait pas de nouvelles, alors il n'y avait plus d'espoir : ce fils était resté sur le terrain. (Et puis, fréquemment, c'était un copain ou un officier qui écrivait à la famille pour donner des détails.)
Mais c'est tout de même un cas rare, ou en tous cas peu courant : cela suppose qu'aucun témoin ne l'a vu tomber. (L'inverse est plus fréquent : le soldat qu'on a cru tombé au feu, dans une situation très confuse, dont on reçoit soudain une lettre envoyée d'Allemagne. C'est ce qui est arrivé à De Gaulle à Verdun : il a donné l'ordre à sa compagnie submergée de courir vers l'arrière, sous les tirs et les rafales. Ses hommes, dans cette course éperdue, ont à peine eu le temps de voir ce qui lui arrivait, et l'on considéré comme perdu.)
L'histoire de votre oncle est un peu déconcertante : il n'y avait donc personne à côté de lui lorsqu'il est décédé ? C'est une circonstance bien particulière, et il est étonnant qu'il n'y ait pas eu d'autre courrier pour préciser davantage les circonstances.
On peut imaginer des situations où un homme est volatilisé sans témoins. Le premier qui me vient à l'esprit, dans une attaque, est le moment où il faut franchir le barrage d'artillerie ennemi. Barbusse, dans "le feu", l'a très bien décrit : on entre dans un nuage de poussière ou on ne voit pratiquement rien, ponctué par les lueurs des explosions, et on le fait en courant pour en sortir au plus vite. On voit vaguement des copains tomber, sans savoir qui, et il n'est pas question de s'arrêter pour secourir quelqu'un : celui qui tombe reste sur place. Savoir ce qu'on en retrouvera... (Comme à la guerre tout arrive, il pouvait se produire qu'on retrouve malgré tout, plus tard, des blessés dans cette zone, et qu'on puisse les évacuer.)
Le fait qu'on n'ait retrouvé sa plaque d'identité que bien plus tard suggère un scénario de ce genre : partiellement enterré par les obus, dans une zone sous le feu de l'ennemi, et dégagé bien plus tard...
Mais bon, c'est une hypothèse parmi d'autre, mais cette plaque qui n'arrive que bien après suggère tout de même des circonstances exceptionnelles.
Au passage, la main de Massiges, c'est encore un de ces endroits où on a sacrifié des milliers de soldats pour un bénéfice militaire qui ne justifiait pas des sacrifices pareils. C'est aussi à cause de ces offensives locales que l'année 1915 a été, je crois, la plus meurtrière de la guerre. (Ces offensives locales avec guère de gains à la clé irritaient profondément les hommes.) En tous cas, la moitié des pertes de la guerre ont eu lieu dans les 18 mois de 1914 et 1915.