Faget a écrit :
Merci Rebecca West. Si je comprend bien, cette mithridatisation des élites par le nazisme pourrait se comprendre par un sentiment de frustration après le Diktat de Versailles et un chagrin patriotique. C'est une hypothèse.
Je me demande dans quelle mesure les professeurs d'université travaillant dans le domaine scientifique ont versé dans le nazisme ? (Dans les sciences humaines, certainement bien davantage.)
Il y a par exemple le cas très connu de Göttingen, université au rayonnement mondial, spécialement en mathématiques, qui a perdu tout son prestige sous les assauts délirants d'étudiants fanatisés, prônant des mathématiques aryennes, une physique aryenne, etc... Même des professeurs non Juifs ont émigré (aux USA, notamment) pour fuir cette atmosphère impossible.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_de_G%C3%B6ttingen#Embrigadement_des_%C3%A9tudiantsCiter :
L'année suivante (1934) comme le ministre de l'Éducation du Reich Bernhard Rust, lors d'un banquet, demandait au mathématicien David Hilbert assis à ses côtés, si l'institut de mathématiques avait pâti du départ de mathématiciens juifs, démocrates ou socialistes, Hilbert lui aurait répondu : « Pâti ? Il n'a pas du tout pâti, Monsieur le Ministre ; il n'existe plus du tout. »
En physique atomique, il ne resta plus guère en Allemagne que Werner Heisenberg, qui se consacra au projet d'une bombe atomique, et mis au point, simplement, une "pile atomique" (un réacteur nucléaire à eau lourde) La conduite du projet lui fut ensuite retirée - les nazis trouvaient que ça n'avançait pas - mais les enquêtes faites après-guerre ont montré que le projet était parti sur une fausse piste, sans qu'on puisse déterminer si c'était intentionnel ou pas.
Citer :
Selon Manfred Popp, la bombe atomique allemande n'a pas été construite car elle était basée sur un principe erroné. Il rejette cependant le fait que les physiciens allemands aient été incompétents, mais pense que nombre d'entre eux travaillaient sur la conception de piles atomiques, sans zèle outrancier.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Recherches_atomiques_sous_le_r%C3%A9gime_nazi(il faut ajouter à cela que les moyens consacrés par les nazis à ce projet étaient ridicules comparés au projet Manhattan - sans parler de l'absence d'uranium 235 - et qu'ils n'avaient aucune chance d'aboutir.)
Heisenberg reprendra après guerre ses recherches théoriques, orientées vers la physique quantique.
Citer :
Cette "crédulité" des élites me fait penser à ce qui se passe en France après 1945, où ces mêmes élites ne croient que dans le communisme, d'abord stalinien puis par la suite maoïste ou trotskiste. Mais cela n'a pas été plus loin que des débats d'idées.
Vous avez connu des professeurs d'université maoïstes et trotskistes ? Je doute qu'ils aient proliféré !
Communistes en 1945, certainement, vu le prestige du Parti à cette date. Le plus connu est Frédéric Joliot-Curie. A noter que ce rayonnement du communisme parmi les scientifiques s'est effrité assez rapidement au fil des ans. (L'affaire Lyssenko, où une contre-vérité évidente a été défendue jusqu'au ridicule par de pseudo-scientifiques - jusqu'en occident - a été le premier révélateur.)
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En Allemagne de la fin de Weimar et des années 30 c'est autre chose. Un exemple me vient en tête, la "conversion" d'un individu comme Heidegger ce n'est pas rien ! Je ne connais rien en philo et je ne fais que répéter que c'est un des plus grands philosophes du XX°siècle. Mais les exemples foisonnent dans les sciences également.
De fait il est resté suffisamment de physiciens en Allemagne pour étudier des voies originales dans l'armement (typiquement, les bombes planantes radioguidées, ou les roquettes aériennes à détecteurs infrarouge, sans parler du centre de Penemünde pour les V2 - On connait la carrière de Von Braun.)
D'où la ruée des missions scientifiques anglo-saxonne, russe et même française, dans la foulée de la l'occupation de l'Allemagne.