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Message Publié : 20 Déc 2018 19:02 
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Jean Froissart
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Je rappelle le contexte : on est à la mi-février, le Général Giraud a été choisi depuis décembre par les Alliés pour "gouverner" l'Afrique du Nord où les Alliés ont débarqué en novembre 1942.

Cet épisode est tiré de l'ouvrage de François Kersaudy, De Gaulle et Roosvelt. le duel au sommet, Tempus N° 136, pp.252-253.

François Kersaudy a écrit :
[...]à la mi-février, le cuirassé Richelieu, venu de Dakar, est arrivé à New York pour y être réparé et réarmé ; or, au cours des semaines suivantes, plus de trois cents marins ont quitté le navire pour rejoindre la France combattante. Dès lors, la Délégation du général Giraud en a appelé aux autorités américaines qui, ayant assimilé ces marins à des déserteurs, en ont fait arrêter douze par les service de l'immigration. En même temps, le Département d'État a convoqué Tixier pour lui demander d'ordonner l'arrêt de tout recrutement par la France combattante de marins servant sur des navires du général Giraud...


C'est moi qui est ai mis en gras.


- Connaissiez vous cet épisode ?

- Il faut le comprendre évidemment dans le contexte de l'Afrique du Nord et des rapports entre De Gaulle (et la France combattante) et les Alliés particulièrement les Américains d'une part et le rapport entre De Gaulle et le général Giraud et les Vichystes encore en place à Alger et ailleurs. Mais cette situation n'est elle pas paradoxale alors que les Français combattent encore les Allemands en Tunisie ? Bien que Vichyste/Pétainiste convaincu le général Giraud n'a t-il pas vu compris quel paradoxe il y avait à arrêter des marins français certes devenus gaullistes mais qui auraient pu servir contre les Allemands.

- Y a t-il eu d'autres épisodes de cet ordre ? J'ai lu (ibidem) que certains français avaient été arrêtés en Afrique du Nord pour avoir aidé au débarquement des Alliés mais ce n'était pas (tous) des soldats.

- Je pense que cela en dit long sur l'incompréhension de la situation d'une part du général Giraud, et d'autre part des Vichystes en place en Afrique du Nord. mais également de la part de l'Administration américaine quelques mois avant les débarquements.

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Xerxès, in Hérodote,

L'Empereur n'avait pas à redouter qu'on ignorât qu'il régnait, il tenait plus encore à ce qu'on sût qu'il gouvernait[...].
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Message Publié : 20 Déc 2018 21:40 
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Philippe de Commines
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Oulligator,

je n'ai pas lu le livre de Kersaudy,
https://www.amazon.fr/Gaulle-Roosevelt- ... 226202474X
mais sur un autre forum français j'ai fait des recherches autour du meurtre de Darlan, du coin des monarchistes ou de qui?
http://geoffroy.dastier.free.fr/index.htm
http://www.empereurperdu.com/tribunehis ... f=12&t=257
J'ai fait aussi beaucoup de recherches pour le même forum autour de l'operation Torch...
Et Roosevelt avait commandité Giraud par le sous-marin Seraph vers l' AFN, préférant lui envers de Gaulle, pour qui il avait presque une rancune personelle...
J'ai aussi beaucoup appris du série du BBC:
http://www.bbc.co.uk/history/worldwars/ ... r_01.shtml
Et si vous comprenez l'anglais, il semble qu'on a un livre concernant la série.
"Simon Berthon wrote the book Allies at War (Harper Collins, 2001) to accompany the television series."
Peut-être que vous trouveriez quelque chose là bas...
Et oui de Gaulle pas averti du débarquement le 6 Juin 1944...et "l'AMGOT money"...

Cordialement, Paul.


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Message Publié : 20 Déc 2018 23:14 
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Je lis cet épisode avec un certain sourire : j'imagine la fureur de De Gaulle à voir Tixier convoqué et chapitré par le Département d'Etat ! :rool:

Je serais curieux de savoir quelles instructions il lui a données : à ce moment précis faire le gros dos aurait été indiqué, mais c'est tellement peu son genre... Au minimum, il y avait lieu de demander à Cordell Hull :"De quel droit arrêtez-vous des marins français qui veulent se battre ?"

Faire le gros dos, parce qu'à cette période De Gaulle est en pleine négociation avec Giraud sur les modalités d'établissement d'une direction unique, à Alger, pour l'ensemble des Français hors de France, auxquels il faut ajouter la résistance en métropole. (Ce qui deviendra le CFLN, Comité Français de Libération Nationale.) Le paradoxe, si c'en est un, est que De Gaulle n'entend pas venir à Alger à n'importe quel prix, et que c'est lui qui pose ses conditions. Une formule acceptable sera enfin trouvée 3 mois plus tard, et De Gaulle viendra s'installer à Alger en mai, sur une formule de "diumvirat" (partage du pouvoir à égalité à la tête de cet organisme.)

L'analyse de De Gaulle ne se trompe pas de cible : "La question n'est pas entre nous et Giraud, qui n'est rien, mais entre nous et les Américains." C'est faire bon marché d'un Giraud qui dispose à peu près de tous les atouts en AFN, mais de fait il ne lui faudra que 6 mois pour le "dévorer".

Note comique, Henri Honoré Giraud, n'entend pas "faire de politique" - perçue par lui comme l'art de la duperie et des promesses sans valeur - et tout son programme tient en une phrase :"un seul but, la victoire." Hors si la volonté de combattre va de soi, De Gaulle, lui, fait plus que se préoccuper d'établir quel sera le régime qui conteste la légitimité de Vichy et prendra sa relève en France.

Oulligator a écrit :
- [...] Bien que Vichyste/Pétainiste convaincu le général Giraud n'a t-il pas vu compris quel paradoxe il y avait à arrêter des marins français certes devenus gaullistes mais qui auraient pu servir contre les Allemands.

Pour De Gaulle le pire n'est pas forcément là. Ce qui est insupportable, c'est que le général "commandant civil et militaire" en AFN, aille pleurer dans le giron américain pour demander qu'on arbitre un différend entre deux instances françaises, comme un chef de tribu africaine allant se plaindre d'un concurrent auprès du gouverneur colonial : où est l'indépendance française, là dedans ?

Citer :
- Y a t-il eu d'autres épisodes de cet ordre ? J'ai lu (ibidem) que certains français avaient été arrêtés en Afrique du Nord pour avoir aidé au débarquement des Alliés mais ce n'était pas (tous) des soldats.

Il y a eu effectivement des arrestations pendant le débarquement, c'est à dire pendant que Darlan faisait tirer sur les alliés. Contraint de céder à Alger, celui-ci prolongera pendant 3 jours les combats au Maroc.
Sont arrêtés les résistants, menés par José Aboulker, qui ont paralysé tous les centres de décision d'Alger pendant 24 heures, en bluffant avec un courage impressionnant sur leur force réelle, et permis ainsi aux Américains de prendre la ville pratiquement sans combats.
Au Maroc, Béthouard, qui a essayé de soulever l'armée pour faire cesser le feu, est jugé en conseil de guerre (pour trahison !) et enfermé par Noguès. (Il y a d'autres officiers dans ce cas, à Oran par exemple, où ils ont essuyé le même ratage que Béthouard.)
Dans les deux cas, ce sont les Américains qui imposeront la libération des captifs, avec lesquels ils s'étaient associés en préparation du débarquement.
Mais Giraud poursuit sans réserve la politique de Vichy, et par exemple les communistes emprisonnés - dans des camps du sud algérien - restent enfermés.

Autrement, des épisodes de "désertion" de soldats de l'armée d'Afrique, il y en aura des centaines à destination d'unités de la France Libre - y compris après la fusion des deux dans "l'armée de la Libération." Leclerc recrute ainsi à tour de bras, de même que la 1ère DFL, au point que De Gaulle finira par leur demander de calmer le jeu. Mais à ma connaissance, très peu d'arrestations - c'est à préciser, je ne sais pas tout - même s'il a dû y avoir des malchanceux qui ont fait une période "au trou".

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Message Publié : 21 Déc 2018 9:31 
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Jean Froissart
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Merci pour vos deux réponses. Paul j'irai lire vos contributions sur d'autres fora plus tard.

Pierma a écrit :
j'imagine la fureur de De Gaulle à voir Tixier convoqué et chapitré par le Département d'Etat !


Sachant que Tixier n'hésite pas de son côté à "descendre", à plusieurs reprises, le Général et la France libre aux États-Unis (c'est en tout cas ce que dit Kersaudy à plusieurs reprises)

Voila ce que dit Kersaudy à la suite de cet épisode des marins :

François Kersaudy a écrit :
«La presse et la radio des États-Unis, se souviendra De Gaulle, publiaient des déclarations d'officiels et d'officieux
qui accusaient le Général De Gaulle de saboter l'effort de guerre en empêchant les navires de guerre de remplir leur mission.» Tout cela est considéré sans aucune indulgence par le Général, qui commence par ailleurs à s'impatienter quelque peu :«Les États-Unis nous offraient le miel en même temps que le vinaigre. Le 22 février Summer Welles écrivait à Tixier que Roosevelt, une fois de plus, souhaitait recevoir ma visite à Washington. Une fois de plus, l'invitation ne serait pas précisée. Sans doute ce projet, disparaissant dès qu'il s'était montré, jouait-il dans la politique de la Maison-Blanche le même rôle distrayant et merveilleux qu'on attribue au serpent de mer.»


Le paragraphe suivant commence comme ceci :

François Kersaudy a écrit :
Comment s'étonner dès lors que l'ambiance à Carlton Gardens ait été marquée à l'époque par un fort degré d'antiaméricanisme ?

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Message Publié : 21 Déc 2018 11:55 
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Oulligator a écrit :
Sachant que Tixier n'hésite pas de son côté à "descendre", à plusieurs reprises, le Général et la France libre aux États-Unis (c'est en tout cas ce que dit Kersaudy à plusieurs reprises)

Là il y a un souci. Tixier est le représentant officiel de la France Libre aux Etats-Unis.

Donc si Tixier s'en prend à De Gaulle aux USA, il trahit la France Libre, tout simplement. (Si Kersaudy ne se trompe pas - il faut tenir compte de la "distorsion" des informations officielles américaines dès lors qu'elles évoquent la France Libre - je me demande ce que celui-ci en a su, et pour quelles raisons Tixier est resté en place, du moins tant qu'il y a eu une France Libre : le CFLN est créé début juin 43. - Ancien du Bureau international du Travail, Tixier y est nommé commissaire au Travail et à la Protection Sociale, ce qui parait plus dans ses cordes.)

Pour Lacouture, Tixier est un mauvais choix de la part de De Gaulle : trop cassant, pas assez fin, il considère que son attitude face à Roosevelt a plutôt desservi la France Libre. (Que son caractère emporté l'ait conduit à pester contre son patron, y compris publiquement, est de l'ordre du possible.)

Oulligator a écrit :
Le paragraphe suivant commence comme ceci :

François Kersaudy a écrit :
Comment s'étonner dès lors que l'ambiance à Carlton Gardens ait été marquée à l'époque par un fort degré d'antiaméricanisme ?

Tout d'abord, comment s'étonner que l'ambiance à Carlton's Garden ait été marquée depuis juin 40 par une forte volonté de faire respecter l'indépendance et la souveraineté française ? :wink:

De Gaulle, jusqu'aux avanies américaines qui vont pleuvoir sur lui après le débarquement allié en AFN, ne peut pas être considéré comme anti-américain de nature. La référence au potentiel industriel américain, jugé comme un futur allié naturel, figure explicitement dans l'appel du 18 juin.

Mais trop c'est trop. La comédie commence lorsque Roosevelt désigne lui-même qui doit diriger les Français (civils et militaires) en AFN. Et son premier choix est Darlan, un collabo faisandé, vitupéré par toute la presse anglo-saxonne et méprisé, de notoriété publique, par Clark et Eisenhower.

De Gaulle fera savoir officiellement, puis au micro de Londres, que la France Libre n'assume aucune part de ce choix, et écrira à Churchill un texte remarquable, lui remontrant que c'est une grave erreur que de se mettre "en contravention avec le caractère moral de cette guerre", et que s'il comprend que les Etats-Unis trouvent plus simple d'utiliser les services des traitres, "cela ne doit pas être payé sur l'honneur de la France". Je le cite davantage, parce que toute sa ligne politique est là :"Aujourd'hui, nous faisons la guerre avec le sang et l'âme des peuples. Si la France devait découvrir que sa libération c'est Darlan, vous gagnerez certes la guerre, mais vous la perdrez d'une autre manière, et en définitive il n'y aura qu'un seul vainqueur : Staline."

En fait, dès ce moment De Gaulle est dûment averti des menées de Roosevelt, et on pourra difficilement dire que l'humeur de Carlton's Garden soit pro-américaine, sur le plan politique. (Je veux dire que Kersaudy retarde sur ce point.)

Après l'assassinat de Darlan, Roosevelt désigne Giraud, un brav'général vichyste qui signera tout ce qu'on voudra (dont le fameux "mémorandum d'Anfa", qui l'inféodait explicitement aux Etats-Unis, et que Cordell Hull lui même qualifiera d'accord après boire - "over a drink".)

Cordell Hull qui commence à cette occasion (la conférence d'Anfa, dans la banlieue de Casablanca, en janvier 43) à noter la façon injurieuse dont est traité De Gaulle et à se dissocier de son président à propos de la France Libre, et même de la France tout court : l'idée que la France n'existe plus ("Res nullius") tant qu'il n'est pas possible d'y organiser des élections générales, ce qui est la position "démocratique" de Roosevelt, lui semblera de plus en plus impraticable dans les faits.

Au cours de cette conférence, les accords que l'on tente de faire signer à De Gaulle sont tout simplement ridicules, et il est informé par la bande (des officiels américains et anglais indignés) qu'il est tout simplement menacé de liquidation politique. Il ne devra qu'à son sang froid, et à une aide discrète de Churchill, de se sortir de ce mauvais pas, en limitant les accords officiels à une discussion entre Français avec Giraud et à un communiqué de bonne entente qui satisfera Roosevelt, de même que la fameuse poignée de main entre les deux généraux devant Churchill et Roosevelt, destinée aux actualités et au public américain.

Autant dire qu'en février 43, effectivement, Kersaudy peut écrire que Carlton's Garden est anti-américain, encore qu'il serait plus juste de dire que c'est Roosevelt qui est non seulement anti-gaulliste, mais tout bonnement anti-français !

Mais De Gaulle dispose d'atouts importants face à Giraud, dont le plus important est sa position morale inattaquable, qui lui vaut l'estime des journalistes et de nombreux généraux et officiels alliés - spécialement anglais - ainsi que le soutien officiel de la Résistance : lui, il combat depuis juin 40, et n'est en aucun cas suspect de collusions vichystes, ou à fortiori allemandes.

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Message Publié : 21 Déc 2018 16:37 
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Intéressant épisode! Ubuesque. Merci du partage, qui apporte une nouvelle fois confirmation du personnage que fut Giraud. Je suis particulièrement intéressé par les événements au Maroc, mon grand-père s'étant engagé avec les "corps francs" intégrés dans l'armée de Patton au moment du débarquement américain à Casablanca en novembre 1942. Ces Corps Francs furent peu après intégrés dans la 2e DB de Leclerc, toujours avec Patton.

Pierma a écrit :
C'est faire bon marché d'un Giraud qui dispose à peu près de tous les atouts en AFN (...) Mais De Gaulle dispose d'atouts importants face à Giraud, dont le plus important est sa position morale inattaquable, qui lui vaut l'estime des journalistes et de nombreux généraux et officiels alliés - spécialement anglais - ainsi que le soutien officiel de la Résistance : lui, il combat depuis juin 40, et n'est en aucun cas suspect de collusions vichystes, ou à fortiori allemandes.

Certes, mais surtout: Giraud, combien de divisions? Il me semble qu'en 1943, le fer de lance des forces de la France Libre, c'est Leclerc, qui est naturellement un Gaulliste sans faille de la première heure (c'est De Gaulle qui l'a confirmé quand il s'est auto-promu colonel, alors que Vichy l'a déchu de sa nationalité). A part une préférence de FDR sur le papier, quels sont les atouts concrets de Giraud? Qu'apporte-t-il en dot aux alliés?


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Message Publié : 21 Déc 2018 21:29 
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Philippe de Commines
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Pierma,

un grand merci pour ce résumé de la difficile relation entre Roosevelt et de Gaulle. J'avais déja beaucoup appris concernant ce problème, mais on apprend toujours quelque chose en plus.
J'ai déjà mentioné la série sur le BBC à Oulligator:
http://www.bbc.co.uk/history/worldwars/ ... r_01.shtml
Mais ce n'est pas facile comme néerlandophone de faire un résumé de l'anglais en français (et maintenant pas assez de temps)
Mais si vous comprenez l'anglais, c'est un ajouté à votre message:
à partir de:
The dispute deepened during the British and French invasion of French North and West Africa in late 1942, Operation 'Torch', from which Roosevelt insisted that de Gaulle be excluded. Roosevelt hoped that as soon as allied forces arrived on French African soil, the local Vichy commanders would switch from collaboration with the Nazis to collaboration with the British and French.
Roosevelt alighted on another French General, Henri Giraud, whom he intended to promote as a rival leader to de Gaulle. Giraud had been captured by the Nazis in May 1940. In early 1942 he dramatically escaped from the German fortress in which he was held prisoner of war. He was brave, high ranking, untainted by Vichy collaborationism, and, most important of all from Roosevelt's point of view, had no connection with de Gaulle. He seemed the ideal figurehead. Roosevelt received assurances from American emissaries in Algeria that, as soon as Giraud appeared on the scene, the local Vichy leaders, both civilian and military, would instantly accept his command.

Cordialement, Paul.


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Message Publié : 22 Déc 2018 2:40 
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@Dalgonar : je n'oublie pas votre question. Je ne sais pas si j'ai sous la main les effectifs de l'armée d'Afrique, je vais regarder.

PaulRyckier a écrit :
The dispute deepened during the British and American invasion of French North and West Africa in late 1942, Operation 'Torch', from which Roosevelt insisted that de Gaulle be excluded. Roosevelt hoped that as soon as allied forces arrived on French African soil, the local Vichy commanders would switch from collaboration with the Nazis to collaboration with the British and French..

Cordialement, Paul.


PaulRyckier a écrit :
La querelle [entre qui et qui ?] s'aggrava au cours de l'attaque anglo-américaine de l'AFN française fin 1942, l'opération Torch, dont Roosevelt insista pour que De Gaulle en soit exclu. Roosevelt espérait que dès l'arrivée des troupes alliées sur le sol de l'AFN, les généraux locaux de Vichy passeraient de la collaboration avec les nazis à la collaboration avec les Anglais et les [Américains]...

D'où sort ce texte, Paul ? il y a une exagération - que je trouve très américaine - les généraux vichystes d'AFN ne collaboraient pas avec les nazis. Au contraire, avec l'aide du 2e Bureau qui avait aveuglé les commissions d'armistice allemandes (lesquelles, terrorisées - entre autres - par quelques violentes agressions nocturnes de la part de "voyous arabes" ne sortaient plus guère que dûment accompagnées par des officiers français, qui leur montraient tout, sauf ce qu'ils n'avaient pas besoin de voir...) ils avaient accumulé des stocks d'armes clandestins et préparé un plan de mobilisation de la population.

Le seul qui soit passé d'un maître à l'autre (de Hitler à Roosevelt) fut Darlan. Et aussi servile dans un cas que dans l'autre. Mais ce ne fut d'abord pas sans mal :

Donc oui, Roosevelt, mal conseillé par Robert Murphy, son représentant à Alger, s'attendait à être reçu à bras ouverts en Algérie et au Maroc, et il y fut reçu à coups de canon. Il est vrai que par un hasard malheureux, Darlan était depuis la veille à Alger - où son fils venait de faire une attaque de polyo - mais je ne crois pas que son absence aurait changé grand chose. A Alger Juin, au Maroc Noguès, n'ont pas eu besoin d'ordres pour combattre. Même chose à Oran. (mais Juin, impressionné par les barrages de résistants au centre d'Alger, alla s'enfermer au fort l'Empereur, un endroit où le manque de liaisons le rendit inefficace.)
Un peu plus tard Darlan et Juin allaient être capturés par ces mêmes résistants dans la villa qui servait de résidence à Darlan, où ils furent rejoints par Robert Murphy, qui obtint une lettre de Darlan demandant aux troupes d'Alger de cesser le feu, à transmettre à l'Amirauté. (on était entre gentlemen, n'est-ce pas ? Murphy n'ouvrit pas la lettre. Mais les résistants chargés de la transmettre, et qui savaient à qui ils avaient affaire, l'ouvrirent, pour y lire :"ordre à la flotte d'ouvrir le feu".) Dans l'après-midi Darlan et Juin furent libérés par une compagnie de Gardes mobiles, mais peu après les troupes américaines entraient en ville et il capitula.

Il est ahurissant mais vrai, que bien qu'il se trouvât dans les mains de Murphy, et sous la garde de soldats anglais qui avaient eu des pertes et se montraient menaçants, Darlan prit 3 jours avant de transmettre à Noguès l'ordre de cesser le feu au Maroc. (Les bonnes manières l'emportaient sur le sang américain !) C'est une intervention brutale du général Clark fou furieux, menaçant de faire fusiller Darlan, qui emporta le morceau. Voila l'homme que Roosevelt allait accepter comme "commandant civil et militaire en AFN". - C'est Darlan lui-même qui choisit ce titre, qu'il disait tenir du Maréchal, par câble secret, de même qu'il continua dans les jours suivants à affirmer qu'il agissait sur instructions (secrètes) de Pétain - dont on ne trouva jamais la moindre trace.
Ce qui donna l'occasion à Churchill de jeter ce mot superbe aux Communes :"Si un jour Darlan fait fusiller Pétain, il le fera sûrement au nom du Maréchal ! "

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Message Publié : 22 Déc 2018 11:44 
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Jean Froissart
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Inscription : 13 Juin 2017 15:04
Message(s) : 1132
.
Il ne faut pas y voir une "exagération" à l'américaine. Il se trouve que les généraux sont "vichystes", que Vichy "collabore" et pour "collaborer" il faut bien un "autre". En France, nous arrêtons avec le terme "Collaboration" car il va de soi que ce fut avec l'Allemagne nazie lorqu'elle est évoquée (la Collaboration).
Ce "malaise" n'existe pas ailleurs. Généraux vichystes = généraux reconnaissant le gouvernement de Vichy et y obéissant, ce gouvernement a fait le choix de la "Collaboration" avec l'Allemagne nazie ----> les généraux s'inscrivent dans ce choix.
Il faut plus tenir compte du verbe "switch" qui induit une véritable action. Celle de faire une scission/coupure ("switch on the light") nette avec le régime de Vichy pour adopter etc. Ce n'est pas un "jugement de valeur" ni un "rappel de", ceci s'inscrit dans une logique qui peut, il est vrai, être ressentie comme "exagérée" lorsque nous lisons ceci en tant que "Français".
:wink:
.

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Message Publié : 22 Déc 2018 12:11 
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Dalgonar a écrit :
Pierma a écrit :
C'est faire bon marché d'un Giraud qui dispose à peu près de tous les atouts en AFN (...) Mais De Gaulle dispose d'atouts importants face à Giraud, dont le plus important est sa position morale inattaquable, qui lui vaut l'estime des journalistes et de nombreux généraux et officiels alliés - spécialement anglais - ainsi que le soutien officiel de la Résistance : lui, il combat depuis juin 40, et n'est en aucun cas suspect de collusions vichystes, ou à fortiori allemandes.

Certes, mais surtout: Giraud, combien de divisions? Il me semble qu'en 1943, le fer de lance des forces de la France Libre, c'est Leclerc, qui est naturellement un Gaulliste sans faille de la première heure (c'est De Gaulle qui l'a confirmé quand il s'est auto-promu colonel, alors que Vichy l'a déchu de sa nationalité). A part une préférence de FDR sur le papier, quels sont les atouts concrets de Giraud? Qu'apporte-t-il en dot aux alliés?

Non, là vous faites erreur sur le rapport de force.

A partir de février 1943, Giraud a tout : le soutien de l'opinion publique d'Afrique du Nord, qui est vichyste, de l'armée d'Afrique, qui l'est tout autant, le soutien matériel (et financier ?) de Roosevelt (qui lui a confirmé à Anfa l'équipement américain pour 12 divisions, dont 3 blindées) ainsi que celui des militaires américains, lesquels à vrai dire ont de l'estime pour De Gaulle, mais ne voient aucun motif à le soutenir dans une lutte politique, Giraud, qui proclame "un seul but, la victoire", faisant l'affaire : l'armée d'Afrique, à peine acquis le cessez le feu, et sous le commandement de Juin, a mis en route la division de Constantine en direction de la Tunisie, à la fois pour y recueillir la division du général Barré, que celui-ci à réussi à extraire de l'invasion allemande, et pour y barrer la route d'une éventuelle attaque allemande en direction de l'Algérie.

L'estime pour De Gaulle chez les militaires américains est assez naturelle : ils connaissent son parcours, son aversion pour Vichy - ils ont été échaudés par l'épisode Darlan - et surtout, si les troupes gaullistes sont peu nombreuses, la 1ère DFL (Division Française Libre) a tenu, un an plus tôt, toute l'opinion alliée en haleine, en faisant face à Bir Hakeim au forces de Rommel pendant 12 jours, sauvant ainsi l'armée anglaise en retraite, avant de s'extraire de nuit en passant de force à travers l'encerclement, ramenant au final les 2/3 de son effectif initial. (3500 hommes, ce qui situe le dénuement des effectifs gaullistes, mais en même temps une élite de volontaires.) Un des plus beaux fait d'armes de la guerre, dira Churchill.

Un point politique essentiel, et qui va conditionner toute la suite : à la conférence d'Anfa, le communiqué final entre les deux généraux (rédigé par De Gaulle et que Giraud ne fera modifier par Catroux, qui le lui transmet, que sur un point : "Vous y croyez, vous, aux "principes démocratiques ?" "oui, dit Catroux, mais on peut mettre "libertés humaines", si vous voulez." Ce qui fut fait.) ce communiqué a acté la volonté des deux généraux de créer une direction unique pour l'ensemble des Français dans la guerre, qui rejoint les Alliés et se fixe comme but de rétablir la souveraineté française et "les libertés humaines", par la victoire sur le nazisme. Le principe d'une direction commune est donc acquis, et cela aux yeux des gouvernements et de l'opinion mondiale. De Gaulle pose des conditions sur la composition de ce comité et mettra 3 mois à obtenir des conditions qui lui paraissent acceptables, mais enfin le mouvement est lancé.

J'ai déjà dit que De Gaulle ne mettra que 6 mois à "dévorer" Giraud et à le mettre sur la touche, mais Lacouture signale que De Gaulle, qui joue toujours avec un coup d'avance et a déjà les yeux braqués sur Paris, sous-estime les obstacles politiques vichystes locaux, et ne doit d'éviter les embuches qu'à la pertinence de Catroux, et plus amusant, à l'aide que lui apporte auprès de Giraud le conseiller politique que Roosevelt a désigné pour celui-ci : Jean Monnet ! lol (Un des piliers à Washington du Victory Program, qui lui aussi croit aux principes démocratiques, et fera beaucoup pour rapprocher Giraud de De Gaulle.)

Pour les effectifs, j'ai cette évaluation, qui compare les effectifs de l'armée d'Afrique et les effectifs gaullistes :
Citer :
À la suite de l’armistice de juin 1940, cette armée [d'Afrique] avait officiellement été réduite de 400 000 à 120 000 hommes. À l’insu des Allemands, des unités avaient été camouflées en groupements de travailleurs ou en forces auxiliaires de police. Au total, les effectifs militaires en Afrique du Nord atteignaient environ 200 000 hommes en novembre 1942 alors que les Forces françaises libres ne dépassaient pas 40 000 hommes à la même époque.


http://www.groupemarat.com/NOSLIBERATEURS/afrique.html

Je ne sais pas ce que valent ces chiffres, qui comprennent non seulement les forces de Terre, Air, Mer, mais également les services et l'administration, et sans doute des "forces de servitude", dans le genre de la Gendarmerie Libanaise (force locale "indigène" chargée du maintien de l'ordre) qui doit être comptée dans les effectifs gaullistes, que je trouve... élevés !

La colonne Leclerc, dont vous parliez, qui remonte du Tchad, vient de faire sa jonction dans le sud tunisien avec la 8e armée britannique, qui comprend aussi les 1ère et 2e DFL, et qui poursuit Rommel depuis El Alamein. La colonne Leclerc compte 4500 combattants. Immédiatement engagée dans la bataille de Tunisie, elle est d'abord renforcée par un détachement français, qui lui apporte 15 chars et 25 automitrailleuses, puis avec du matériel britannique : lorsque Rommel, renforcé par les forces de Tunisie (où Hitler a envoyé dans les 150 000 hommes, je pense) se rebiffe, fait demi-tour et monte une offensive surprise contre les Anglais, il se trouve que Leclerc est bien placé, et c'est à lui que Montgomery fait appel en urgence.

L'état des effectifs en novembre 42 n'est qu'un début : les Pieds Noirs vont être mobilisés dans des proportions très élevées, de même que les "indigènes", pour aboutir aux 12 divisions prévues.
La croissance continue des effectifs engagés est indiquée ici :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arm%C3%A9e_fran%C3%A7aise_de_la_Lib%C3%A9ration#Forces_engag%C3%A9es

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Message Publié : 22 Déc 2018 13:51 
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Merci de ces références, Pierma. Cependant, il reste des points peu clairs pour moi.
Roosevelt à Anfa soutient les deux, et apporte son soutien aux deux. Les américains équipent aussi Leclerc.
Pierma a écrit :
A partir de février 1943, Giraud a tout (...) le soutien matériel (et financier ?) de Roosevelt qui lui a confirmé à Anfa l'équipement américain pour 12 divisions, dont 3 blindées
puis plus loin:
Pierma a écrit :
à la conférence d'Anfa, (...) le principe d'une direction commune est donc acquis

Donc dès janvier 1943, on peut dire que Giraud n'a plus toutes les cartes: il doit partager. Son "règne" ne dure donc que deux mois après le débarquement allié, de novembre 42 à janvier 43, c-à-d. la conférence de Casablanca tenue à l'hôtel Anfa, à partir de quoi il se fait peu à peu supplanter par De Gaulle et les siens. Est-ce bien cela?

Pendant cette "cohabitation" De Gaulle-Giraud, quelles sont les noms des divisions et des officiers des forces commandées par Giraud ou du moins fidèles à Giraud dans l'Armée d'Afrique, et quels sont leurs faits d'armes connus entre nov 42 et juin 1943? On connaît ceux des gaullistes (Koenig à Bir Hakeim, la prise de Bizerte, Leclerc et sa colonne...), mais quid des autres ?


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Message Publié : 22 Déc 2018 14:38 
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Dalgonar
Le sang de l'Armée d'Afrique a coulé lors de la Campagne de Tunisie où, mal équipée, elle a fait des prodiges (les régiments doivent être mentionnés sur wiki)
Et polémique finale : l'organisation du Défilé de la Victoire à Tunis entre Giraudistes et Gaullistes (Leclerc relégué au dernier Rang ou quasi...)

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 22 Déc 2018 15:20 
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bourbilly21 a écrit :
les régiments doivent être mentionnés sur wiki

Justement, wiki ne dit pas quels régiments étaient fidèles à qui, à part les cas de Koenig et Leclerc. Wiki pèche quand même assez souvent quand on entre dans les détails. Ma question était honnête, je ne cherche pas à polémiquer ou minimiser les faits d'armes des Giraudistes, je souhaiterais juste les connaître.

Ici les termes "Armée d'Afrique" sont flous. Est-ce un terme officiel? Par Armée d'Afrique entendez-vous l'armée "légitimiste" aux ordres de Vichy qui tire sur les Alliés avant leur débarquement puis passe de leur côté? Ou comme votre post semble le suggérer, définissez-vous par "Armée d'Afrique" la partie de l'armée d'AFN commandée par Giraud après le débarquement allié? Donc qui, quels officiers? Ces deux définitions se recoupent-elles exactement? Y eut-il beaucoup de soldats et officiers fidèles jusqu'au bout à Vichy qui furent prisonniers des alliés en AFN?

Les Français de la campagne de Tunisie étaient en bonne partie gaullistes (dont Koenig, déjà mentionné, Leclerc, les Corps Francs à Bizerte). Qui étaient les autres?


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Message Publié : 22 Déc 2018 16:21 
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Le terme Armée d'Afrique est ancien et bien avant 1939 désignait les troupes d'Afrique du Nord : Tabors marocains, tirailleurs tunisiens, algériens et marocains, spahis, zouaves et chasseurs d'Afrique ces deux derniers composés d'européens uniquement.
Dans mon jeune temps, j'ai connu des officiers qui avaient connu cette opposition entre giraudistes et gaullistes avec tentatives de débauchage et avec des avantages de soldes ou d'avancement plus rapide. Parfaitement nauséabond pour un militaire et mes témoins en avaient gardé un triste souvenir. Il me semble que la campagne de Tunisie avait engagé toutes les forces et que les querelles furent oubliées au feu.
Un dernier souvenir personnel. Lors du Putsch d'Alger en avril 1961, j'étais à Saint Cyr. Notre chef de bataillon, le commandant Laurier (qui finira général) était un brave d'entre les braves : 21 citations , toujours avec les tirailleurs algériens pendant la 2°GM, l'Indochine et l'Algérie, nous fit un court laïus pour calmer l'ardeur de nos vingt ans. Il conclue par ces mots : " un seul souci, garder l'unité de l'Armée ". J'ai compris plus tard qu'ayant vécu dans ses jeunes années ( il était aspirant en 1940 en Afrique du nord) il gardait un souvenir méphitique de la période du différent Giraud-de Gaulle.

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Message Publié : 22 Déc 2018 17:44 
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Dalgonar a écrit :
Merci de ces références, Pierma. Cependant, il reste des points peu clairs pour moi.
Roosevelt à Anfa soutient les deux, et apporte son soutien aux deux. Les américains équipent aussi Leclerc.

Non, l'aide américaine est promise à Giraud. De Gaulle a bien dû l'apprendre pendant la conférence, mais Giraud ne manquera pas, plus tard, de se vanter de ce succès face à De Gaulle, à Alger, au cours de leurs premières réunions. Lequel balaiera cette "victoire" d'un revers de main : alors qu'on parle de la façon dont doit se structurer le CFLN, ce n'est pas le sujet.
Toutefois, il faut noter qu'après avoir mis Giraud sur la touche, dans un poste honorifique (j'ai oublié lequel : inspecteur de la défense nationale ?) celui-ci se vexe et démissionne. Chose étonnante, De Gaulle lui envoie Catroux et d'autres intermédiaires, lui demandant de revenir sur sa décision : je pense que c'est parce qu'on est alors en plein réarmement, et que De Gaulle ne veut prendre aucun risque avec les Américains. Quelques mois plus tard il le laissera démissionner sans inquiétude.

Sur Leclerc, je réponds plus bas.

Citer :
Pierma a écrit :
à la conférence d'Anfa, (...) le principe d'une direction commune est donc acquis

Donc dès janvier 1943, on peut dire que Giraud n'a plus toutes les cartes: il doit partager. Son "règne" ne dure donc que deux mois après le débarquement allié, de novembre 42 à janvier 43, c-à-d. la conférence de Casablanca tenue à l'hôtel Anfa, à partir de quoi il se fait peu à peu supplanter par De Gaulle et les siens. Est-ce bien cela?

Non, le timing est différent. A Anfa est validé le principe d'établir une direction commune, mais cela reste à définir et à faire.

(Et en attendant on se bagarre en coulisse sur des broutilles, comme cette histoire des marins "déserteurs" du Richelieu, en février, il y a aussi des défections, en Tunisie, en direction de la division Leclerc, et d'autres incidents du même genre.)

Il y a donc échange de messages entre Londres et Alger, puis De Gaulle enverra deux négociateurs discuter en direct à Alger, avant échange des derniers messages pour accord.
Si on ne parle pas encore du CFLN, sauf a titre de projet, le débat porte sur la composition du "tour de table" qui servira d'organe de décision au départ : combien de conseillers choisis par Giraud, combien par De Gaulle, on discute sur les noms. (De Gaulle refuse absolument la présence des hiérarques vichystes : Noguès, Boisson, Peyrouton, dont il exigera d'ailleurs la démission de leur poste dès les premières réunions. Ceux-ci n'insisteront pas et, avertis, démissionneront d'eux-mêmes.)

L'accord n'est obtenu qu'à la fin du mois de mai, et De Gaulle s'envole pour Alger le 30 mai 43.

(La campagne de Tunisie se termine le 13 mai. D'où la relégation de Leclerc en queue de peloton du défilé des unités françaises à Tunis - Giraud n'en rate pas une - ce qui n'empêchera pas qu'il soit le plus acclamé : son épopée est connue.)

La première semaine est consacrée à définir la composition du CFLN (Liste des "commissariats" et de leurs titulaires) après quoi ce "tour de table" devient une sorte de conseil de direction du CFLN, mais dont la composition évoluera peu à peu, pour devenir un "conseil des ministres" réunissant les principaux commissaires. Jusqu'en novembre 43, tous les décrets du CFLN sont co-signés par les deux co-présidents.

Le point clé qui pose problème est la volonté de Giraud d'être à la fois co-président et commandant en chef de l'armée, alors que pour De Gaulle le commandant en chef doit être sous l'autorité du "commissaire à la défense nationale". (De Gaulle considère tout simplement le CFLN comme un gouvernement, auquel il ne manque que le nom, et qui doit en suivre les règles.) Le clash aura lieu à propos de la libération de la Corse, commencée en septembre, une opération que Giraud organise en douce sans informer personne au sein du CFLN. En novembre les commissaires l'éjectent de la co-présidence.

(A vérifier : les détails de ces péripéties, et des manoeuvres politiques menées par De Gaulle, pour rester seul maître à bord : https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Giraud_(militaire)#Le_d%C3%A9barquement_en_Corse)

Concernant l'équipement de l'armée : Juin est envoyé à la fin de l'année, avec 4 divisions d'infanterie nouvellement équipées, à la tête du corps expéditionnaire en Italie. (au passage, un des premiers gestes de De Gaulle à Alger fut d'envoyer une lettre amicale à Juin - ils avaient fait Saint-Cyr ensemble, les deux hommes se tutoyaient et Juin était considéré comme le meilleur tacticien de l'armée française - lettre où il lui faisait part de sa satisfaction à le savoir à la tête des opérations en Tunisie, lui renouvelait son amitié et sa confiance. Gros succès dans l'armée d'Afrique : De Gaulle ne cherchait pas à régler des comptes, au contraire. La lettre fuita dans les journaux d'AFN.)

Leclerc commence à recevoir ses équipements en août, puis passe au Maroc pour compléter et entraîner sa division, cela jusqu'en avril 44 où il embarque pour l'Angleterre. (A priori les 3 divisions blindées, les plus sophistiquées, seront celles qui demanderont le plus de préparation.)

Donc Roosevelt n'équipe pas spécialement Leclerc : il équipe toute "l'armée française de la libération", fusion des forces effectuée sous autorité du CFLN ou siège Giraud.

C'est seulement en avril 44 que Giraud démissionne de son dernier poste (inspecteur de l'armée) et prend sa retraite.

Citer :
Pendant cette "cohabitation" De Gaulle-Giraud, quelles sont les noms des divisions et des officiers des forces commandées par Giraud ou du moins fidèles à Giraud dans l'Armée d'Afrique, et quels sont leurs faits d'armes connus entre nov 42 et juin 1943? On connaît ceux des gaullistes (Koenig à Bir Hakeim, la prise de Bizerte, Leclerc et sa colonne...), mais quid des autres ?

Je ne sais pas répondre en détail, si ce n'est que ces divisions sont bien commandées sur le terrain par Juin, mais qu'elles prennent cher : les Américains y connaissent leurs premiers engagements, pas fameux, avec quelques déroutes, et les divisions de l'Armée d'Afrique sont encore équipées au standard de 1940, pour simplifier, face à des Allemands dont l'armement a progressé.

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