makno a écrit :
Concernant la ville en ruine, pour moi cela à le mérite de sortir un peu du "cliché" des combats dans la jungle, (wiki):
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Pour la seconde partie, qui se déroule au Viêt Nam, Stanley Kubrick employa un terrain en cours de démolition situé à Newham, à l'est de Londres. Le terrain appartenait à la compagnie du gaz britannique et présentait une certaine ressemblance avec les photographies de la ville de Huế pendant la guerre du Viêt Nam. Deux mois durant, le directeur artistique et son équipe préparèrent le terrain pour parfaire la ressemblance. Ils firent exploser certains bâtiments et en endommagèrent d'autres à l'aide d'une boule de démolition.
Ce que vous appelez "le cliché des combats dans la jungle" correspond à l'expérience de combats vécue par la majorité des combattants de première ligne au Vietnam. Il y a eu aussi de nombreux combats dans des zones très habitées et cultivées, et pour une faible part dans la région de marais au sud de Saïgon qui constitua pendant un temps un des sanctuaires du Viet-Cong.
Mais cette fixation sur les combats urbains, ça n'a pas de sens : la reprise - très difficile - de Hué et en particulier de sa citadelle s'est produite pendant l'offensive du Tèt, mais c'est le seul épisode de guerre urbaine de tout le conflit. A vrai dire cette tentative d'insurrection générale a conduit à des combats pratiquement dans toutes les agglomérations sud-vietnamiennes (et sur un paquet de bases américaines) mais partout les Viet-Congs ont été exterminés assez rapidement et Hué constitue la seule exception, avec des combats urbains difficiles et longs. (28 jours.)
Il s'agirait donc de savoir si Kubrick a voulu illustrer la guerre du Vietnam ou la bataille de Hué en 68.
Dans ce second cas, le film est très loin du compte par rapport à la réalité vécue par les soldats. On a des témoignages, et même des interviews en pleine action de Gi's qui disent qu'ils ne pensent pas sortir vivants des combats pour la Citadelle : c'est un des cas, pas si nombreux, où l'intensité et la durée des combats ont démoralisé une partie des combattants. Je ne dirais pas que les combats dans la jungle étaient des vacances, mais on sait à quel point les combats urbains - ici contre des Vietcongs encerclés et décidés à se battre jusqu'au dernier - peuvent être épouvantables.
Le bilan US comporte bien davantage de blessés que de tués, mais le bilan tant US que sud-Vietnamien (ARVN) est éloquent :
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À 03h40 dans le matin brumeux du 31 janvier, des positions alliées sont attaquées à Hué. Les défenseurs ARVN parviennent à maintenir leurs positions, dirigés par le général Ngo Quang Truong, mais la majorité de la citadelle tombe dans les mains communistes. La bataille sera sanglante et durera 28 jours.
Les alliés estiment que les forces nord-vietnamiennes ont entre 2 500 et 5 000 tués et 89 capturés dans la ville et alentours56. 216 U.S. Marines et soldats sont tués pendant les combats et 1609 blessés. 421 soldats de l’ARVN sont tués, 2 123 blessés et 31 disparus. Plus de 5 800 civils perdent la vie, 116 000 sont sans toit sur une population initiale de 140 00058.
Après la reprise de la ville, on découvre des fosses communes contenant au total environ 2 800 personnes. La cause de ces exécutions demeure controversée.
(le fait que les pertes "nord-vietnamiennes" ne soit pas dénombrables donne une idée de la bouillie finale !)
Full Metal Jacket ne donne en aucune façon le reflet de cette intensité de la bataille, qui tiendrait davantage de Stalingrad.
Et je ne sais pas quelles photos Kubrick a consulté, je veux bien croire qu'elles provenaient de Hué, mais la ville était d'abord un centre religieux et culturel ancien, et la Citadelle se trouve en haut de quartiers plutôt serrés, avec nombre de rues serrées et en pente. C'est ce qu'on voit sur les reportages, mais bien entendu les combats n'ont pas eu lieu que là. Cela dit, une usine anglaise en ruines...
Quand Ridley Scott tourne la Chute du Faucon Noir, il prend les meilleurs décors urbains du Maroc (A Salé, près de Rabat - effectivement très typée - Kénitra et peut-être Agadir, en tous cas on a des décors de dévastation urbaine très convaincants et d'une ampleur sans commune mesure.)
Mais là où on touche au sublime c'est avec les décors de jungle :
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Une jungle artificielle en plastique fut fabriquée en Californie, mais Stanley Kubrick ne fut pas satisfait du résultat. On fit alors venir 200 palmiers d'Espagne et près de 100 000 arbres en plastique de Hong Kong pour les scènes en extérieur.
Quand il faut lire des insanités pareilles ! Non, mais allo Pukhet, quoi !
Trouver des décors exotiques en Asie du Sud-Est ou d'ailleurs n'importe où en Asie, c'est immédiat.
C'est quoi le problème de Kubrick ? Sa santé lui interdit de quitter l'Angleterre ? Ou de prendre l'avion ? (Ce serait la seule explication rationnelle.) Faire fabriquer 100 000 arbres en plastique, et les faire venir de Hong Kong, le sommet du ridicule...
En revanche votre description des personnages et de leur psychologie m'a un peu ramenée de mes préventions, Kubrick reste un vrai metteur en scène et on a donc un film qui se laisse regarder. De là à le considérer comme un grand film de guerre, et consacré au conflit du Vietnam...
Edit : j'entends bien les remarques de Lord Foxhole sur les décors, mais même à faible budget, ça reste cheap. En revanche votre vision du film recale un peu les choses :
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Pour ma part, je ne pense pas que Kubrick ait vraiment voulu faire un film « sur » le Vietnam, mais plutôt traiter de la déshumanisation des jeunes gens que l'on envoie dans les armées, et sur l'absurdité cruelle de la guerre en général.
Vu comme cela ça devient en effet beaucoup plus audible.