Helios a écrit :
pourtant, je trouve Léonard excessif quand il sous-entend que l’archéologie permet de contredire les sources textuelles (peut-être n’est-ce pas votre point de vue, mais c’est ce que le message donne l’impression)
Pas contredire : relativiser. Je n'ai pas eu le temps et la place de tout développer, et j'avais dit que je reviendrais sur les "témoins". Il m'est arrivé de spécifier sur ce forum que je suis habitué aux analyses d'évènements en milieu professionnel. L'une des premières chose qu'on a prend est que tout est relatif. Même une information venant d'une machine nommée "consignateur d'état" qui donne l'heure d'une alarme peut être mise en cause. Parce qu'il faut tenir compte du temps de traîtement par la machine des informations. Pour l'humain, c'est pire.
Des universitaires américains ont fait des expériences dans les années 60 à 70. Ils ont même fait parfois les choses en grand : attaque par des "terroristes" armés du amphithéâtre et ensuite, dépouillement des témoignages par les étudints attaqués, qui ignoraient que c'était un coup monté et qui pensaient témoigner devant des policiers et des juges.... Tel témoin, passionné par les armés était capable de vous dire que telle assaillant avait une arme de tel modèle, telle série, mais se trompait quand on lui demandait si l'arme était tenue par un blanc ou un noir... Tel autre décrivait les basket portée par les assaillants, mais était incapable de dire s'il y avait des femmes parmi les assaillants.
En fait, un témoin ment rarement. Il lui arrive de masquer des détails surtout s'ils le mettent en cause, mais il essaye de raconte du mieux possible ce qu'il a vu. Et, chacun voit une scène différente. Parce que chacun n'est pas placé au même endroit, parce que chacun ne réagit pas de la même façon à une agression, parce que ... Moi-même j'ai été confronté à ma mémoire plusieurs fois. La plus nette, lors d'un exercice sur un simulateur de salle de commande d'une centrale nucléaire. J'étais occupé à maintenir le niveau des générateurs de vapeur car on avait perdu des sources électriques, donc la régulation. J'étais concentré sur ma tâche et j'étais convaincu de faire mon boulot de manière parfaite. Lors du débriefing, l'instructeur me demande si j'ai été informé de telle chose. Je réponds que non. Il insiste, personne ne t'a dit ceci ou cela ... Et moi, j'ai déclaré que non. J'aurais juré sur tout et n'importe quoi que cette information je ne l'avais jamais eu. Et là, il lance la vidéo, on me voit concentré sur mes enregistreurs et maniant les boutons manuels de mes régulateurs pour maintenir le niveau des 3 générateurs de vapeur. Là, le téléphone sonne. Je regarde si quelqu'un d'autre peut répondre, mais je suis le seul à proximité et les autres sont occupés. Je décroche, je réponds automatiquement "Léonard, Salle de commande n°3", l'autre (un instructeur qui jouait le rôle d'un technicien), se présente aussi et me donne cette fameuse information. Je réponds que j'ai bien compris, et que je vais le dire à mon supérieur dès qu'il sera disponible. Puis je raccroche et je reprends ma tâche. Cette information, je ne l'ai jamais passée, et pourtant elle était essentielle à la compréhension du phénomène auquel nous étions confronté.
Oh, rassurez-vous, je ne suis pas plus mauvais que la moyenne des gens. Bien au contraire d'après mes supérieurs et les instructeurs, sans vouloir me vanter. C'est un biais bien connu des psychologues, et e très nombreux oéprateurs sont tombés dans le panneau. Maintenant on a des procédures avec des répétitions de phrases pour pallier à cela, et pourtant, parfois dans un rapport d'incident, on voit que quelqu'un n'a pas pris en compte et/ou pas transmis une information qu'on luii a transmis. S'il en est conscient et s'il ne veut pas être transparent, il va mentir à ce moment-là. Au risque de sanctions, le manque de transparence est une faute professionnelle dans le type de métiers que j'exerce. LA plupart le reconnaissent ou avouent ne pas se rappeler.
C'est cela un témoin. Et on ne parle pas des gens qui rédigent leurs mémoires pour présenter leur version/défense parce qu'ils ont été impliqué dans un fait historiques. Un témoin est, en premier lieu, un humain. Avec ses qualités et ses défauts. Parmis les défauts, nous avons une propension a prendre très vite des décisions. Et à essayer de les assumer ensuite. C'est l'évolution qui a fait cela, car dans la nature face à un prédateur, celui qui va bouger à plus de chances de s'en sortir que celui qui reste paralysé par la peur. D'accord, parfois on pense que le prédateur va partir sur la droite, on esquive vers la gauche et on se fait bouffer par le prédateur qui a commencé à simuler un départ vers la droite avant de se rabattre sur la gauche.
Donc, quand on fait des analyses d'évènements, on récolte toutes les données, et ensuite on essaye de dresser un scénario où un maximum d'éléments collent. Il faut bien être conscient que si tous les éléments collent, cela veut dire que c'est bidonné et que cela a été arrangé. Car dans la réalité, toutes les montres n'indiquent pas la même heure, et tout le monde ne pense pas à la même vitesse. Mais, à-priori, personne ne ment. Sauf si on prouve l'inverse.