Mes appréciations ne sont pas subjectives, elle repose sur une connaissance factuelle que je n'ai pas nécessairement le temps d'exposer. Mais puisqu'il faut montrer patte blanche, faisons ainsi :
- en avril 1940, les forces françaises en AFN représentent la valeur de six divisions de protection (ex-2e DM ; 88e, 180e, 181e, 182e et 183e DIA), d’une division de forteresse (RFST), de six divisions de manœuvre (3e DM ; 81e, 82e, 83e, 84e et 85e DIA), d’une division légère (6e DLC), réparties au Maroc, en Algérie et en Tunisie.
- en mai 1940, dans le détail : a) Maroc : 3e Division marocaine, unités de l'ancienne 2e Division marocaine (dissoute), Groupe de bataillons de chars n°522 (62e et 66e BCC = 30 R35 et 60 FT, total 90 blindés), 5e Brigade de cavalerie d'Afrique, 2e Régiment étranger de cavalerie, 25e BILA ; b) Algérie : 85e DIA, 181e, 182e et 183e DIA, troupes de forteresse du Front Est-Saharien, 64e Bataillon de chars de combat (45 chars FT), 2e Régiment de chasseurs d'Afrique, 21e BILA ; c) 81e, 83e, 84e, 88e et 180e DIA, Région fortifiée du Sud-Tunisien, 6e Division légère de cavalerie, Groupe de bataillons de chars n°521 (61e, 65e et 67e BCC = 45 chars D1 chacun, pour un total de 135 engins), 4e Brigade de cavalerie d'Afrique, 3e Régiment de chasseurs d'Afrique, 1er Régiment étranger de cavalerie ; Total : une division mixte de cavalerie (qui comprend 27 chars H35 ou H39), cinq divisions de manoeuvre (la 82e DIA a rejoint la métropole), six divisions de protection, une division de forteresse en Tunisie, deux brigades de cavalerie, huit bataillons de chars (270 chars, mais de piètre qualité puisque 105 sont des vieux FT totalement dépassés, les 135 D1 sont obsolètes et même les 30 R35 plus modernes sont lents et sous-armés bien que protégés convenablement), et quelques unités additionnelles (régiments de cavalerie et bataillons d'infanterie légère d'Afrique).
Concernant spécifiquement la Tunisie : - la Région fortifiée du Sud-Tunisien (RFST) a été créée le 12 février 1940 (note de service n°442 TS/3 de ce jour) selon les considérations suivantes : "Le général commandant en chef le TOAFN a décidé de procéder à un regroupement des troupes stationnées en Tunisie ayant pour but : - de libérer les GU de l'occupation de la position de couverture en confiant cette mission à un commandement et à des troupes spécialisés, constituant une région fortifiée ; - de réaliser une articulation plus souple du dispositif des GU ; - d'accroître l'homogénéité des GU en modifiant l'endivisionnement de certaines unités et en constituant les divisions uniformément à deux régiments de tirailleurs et un régiment européen.
Le nouveau dispositif à réaliser est le suivant :
A. Région fortifiée : Commandement : état-major – QG et services de type divisionnaire. Sur la position : - sous-secteur Est : 5e RTS ; - sous-secteur Ouest : RTT formé sur un type spécial, constitué par le II/20e RTT et deux bataillons de pionniers (32e RTT, créé le 25 février 1940 avec le II/20e RTT et les 4e et 8e Bataillons de pionniers tunisiens – NdLB) ; - Matmata : III/1er REI ; - Artillerie : 388e RAP ; - réserve de région fortifiée : un RTA (à créer) (35e RTA – NdLB) ; - défense en avant de la position : demi-brigade d'infanterie légère à trois bataillons, constituée par le 1er BILA, des éléments choisis du 12e BILA et des éléments provenant d'Algérie ; 3e et 4e Brigades de Cavalerie dont une pourra être au repos." (tiré de la note en référence)
Quant à la 180e DIA, elle comprend les unités suivantes : 22e RZ, 5e et 33e RTA, 380e RAP, GRDI n°180.
En gros, il y a l'équivalent d'une très grosse division dans le Sud tunisien, défendant la position de Mareth face aux Italiens (troupes de forteresse de la RFST, troupes d'intervalle fournies par la 180e DIA). En outre, le général de corps d'armée Blanc, commandant des "fronts tunisiens", a alors à sa disposition les 83e, 84e, 88e et 180e Divisions d'infanterie d'Afrique. Soit l'équivalent de six divisions pour la seule Tunisie, qui contribuent à la défense de la ligne "Mareth" et du littoral tunisien contre une attaque brusquée italienne venue de Libye ou de Sicile.
On notera toutefois que la 84e DIA quitte la Tunisie entre le 26 et le 30 mai pour rejoindre le théâtre d'opérations du Nord-Est (elle débarque à Marseille le 1er juin), la 85e DIA quitte l'Algérie pour Marseille où elle débarque entre le 23 mai et le 3 juin, et que les D1 du 67e BCC les imitent début juin.
Il reste donc en AFN fin juin 1940 : - la 6e DLC, la seule unité offrant un tant soit peu de mobilité opérationnelle, déployée en Tunisie ; - trois divisions de manoeuvre (3e DM pour le Maroc, 81e et 83e DIA pour la Tunisie) ; - six divisions de protection* (ex-2e DM pour le Maroc, 88e et 180e DIA pour la Tunisie, 181e, 182e et 183e DIA pour chacun des départements algériens) ; - une division de forteresse sur la position de Mareth ; - sept bataillons de chars dont aucun n'est performant, et 240 sont obsolètes voire carrément dépassés.
J'espère vous avoir convaincu que quand j'analyse une donnée militaire, je le fais en m'appuyant sur des faits très précis.
* Les divisions de protection semblent ne disposer que de faibles capacités. Elles sont chargées d'occuper des positions préparées ou d'assurer l'ordre intérieur, et ne sont en aucune manière capables d'opérer hors de leur secteur d'implantation (mobilité opérationnelle nulle, logistique "soclée"). S'il semble en aller de même pour la division de forteresse (la RFST), en réalité le maillage de réseaux fortifiés sur lesquels elle s'appuie démultiplie ses capacités défensives, et en outre elle barre un axe d'attaque probable ce qui n'exige aucune capacité à la manoeuvre. Son potentiel me semble donc supérieur car elle est en adéquation avec sa mission d'interdiction, et dans une situation opérationnelle favorable pour la remplir.
CEN EMB
_________________ "Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"
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