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Message Publié : 23 Sep 2020 23:17 
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Duc de Raguse a écrit :
L'aveuglement des autres est incroyable.


Ils raisonnaient sur des schémas "habituels", ils n'ont pas compris qu'Hitler était différent des dictateurs "usuels".

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Message Publié : 23 Sep 2020 23:20 
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Et les autres, minoritaires, relégués à des rôles de Cassandre, de ne jamais être crus, ni pris au sérieux.
Donc, non, l'armistice du 22 juin 1940 n'a jamais servi les intérêts de la France, ni même celui des futurs alliés.
Elle donne deux ans au Reich et les mains quasiment libres pour s'occuper des Slaves.

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Message Publié : 23 Sep 2020 23:30 
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Ce qui apparait de Mein Kampf, c'est qu'Hitler considère que le destin de l'Allemagne est de conquérir l'est de l'Europe. C'est son "grand œuvre". Si la situation s'était enlisée à l'ouest, tôt ou tard, il aurait bougé à l'est. Cela lui tenait trop à cœur. L'Armistice lui donne une opportunité, il met la main sur les réserves stratégiques françaises, mais aussi belges et néerlandaises. Mais surtout, ce sont les français qui vont continuer à administrer leur pays, et les allemands n'auront qu'à en récolter les fruits.

Un repli en AFN lui donne presque la même chose. Quelque part, les cadres de l'Armée française et Hitler ont quelque chose de commun, leur vision de la situation est territoriale et terrestre. Ils n'ont pas d'ouverture sur la dimension mondiale. Ou plutôt; s'ils pensent "monde", ils le pensent comme on le pensait en 1914-18, les colonisés sont justes bons à fournir de la main d’œuvre peu ou pas qualifiée et à servir de chair à canon.

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Message Publié : 23 Sep 2020 23:39 
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Étonnamment, je n'en suis pas si sûr. Même si la position des Alliés semble plus forte si la France, même amputée de sa métropole et de l'essentiel de son armée de Terre, continue le combat, et même si je ne doute pas que cela aurait rendu moins précaire la position de Churchill aux Communes, en réalité en obligeant Hitler à surseoir à ses projets orientaux, rien ne prouve que cela n'ait pas été un inconvénient plus qu'un avantage.

Avec un Ouest (et un Sud) moins affaibli qu'il ne l'a été après l'été 1940, Hitler aurait-il attaqué l'URSS, ou bien aurait-il privilégié un "second round" pour s'assurer de la sortie du conflit des deux puissances maritimes ? Pour ce faire, il n'avait besoin que d'objectifs à sa portée, et si l'archipel britannique ne l'est guère, Gibraltar l'est assurément, et l'AFN peut-être aussi. Et si toute la puissance allemande, à peine atténuée par le maintien de forces aériennes face à l'Angleterre, s'ajoute à celles de l'Italie et de l'Espagne, je ne pense pas que l'Afrique septentrionale ait été hors d'atteinte de leurs attaques combinées.
Or, si Churchill perd Gibraltar, ne perd-il pas le conflit ? Car Gibraltar est la clef du lien vital de la Grande-Bretagne avec le reste de l'empire britannique par la Méditerranée orientale et le canal de Suez, dont le verrou, l’Égypte, serait bien vulnérable sans liaison avec la métropole. Mais l’Égypte, c'est aussi la porte d'entrée de la Palestine, et de l'Irak. Et du pétrole du Moyen-Orient.
Sans parler du conflit, aurait-il politiquement résisté à une telle défaite ? Perdre Tobrouk ou Singapour, ce fut déjà difficile pour lui. Mais perdre Gibraltar aujourd'hui et Alexandrie demain ?

Du coup, la sortie de la France du conflit neutralise quasiment la Méditerranée occidentale et la Méditerranée centrale (à part Gibraltar et Malte), dissipant de ce fait la menace britannique sur le flanc sud de l'Europe allemande. De quoi tranquilliser Hitler et lui permettre d'initier l'étape suivante, l'attaque de l'URSS.
Dans le cas contraire, il suffit de voir avec quelle virulence il réagit au retour des Britanniques sur le continent le 1er novembre 1940 (pour porter secours aux Grecs attaqués par les Italiens), ou au coup d’État pro-britannique qui fait virer de bord la Yougoslavie tout juste alignée sur l'Allemagne le 27 mars 1941, pour comprendre qu'il est peu probable qu'il eut laissé la rive sud de la Méditerranée, Libye exceptée, aux mains de puissances ennemies, d'où elles seraient capables à terme de reprendre pied sur le continent.

Du coup, et en refusant bien sûr de croire que ce fut le calcul des promoteurs de l'armistice tant il est évident que ce ne fut pas le cas, je pense que l'armistice, si à court terme il représenta un désastre pour la cause alliée et un déshonneur pour la France, améliora à plus long terme la situation stratégique de la cause alliée (tout comme, symétriquement, le fit l'entrée en guerre de l'Italie le 10 juin 1940, perçue comme un grave revers, alors qu'en fait elle offrit des opportunités stratégiques sans lesquelles l'Allemagne aurait été bien plus à même de se retourner contre l'URSS sans interférence britannique).
Mais bien sûr, je fonde mon raisonnement sur une présupposition : si Hitler attaque l'URSS alors qu'il a encore un ennemi à l'Ouest, il perd la guerre. Sauf que le maintien au combat de la France dans son empire après le 22 juin 1940, s'il ajoute un ennemi à la liste, offre des possibilités de porter des coups fatals au Royaume-Uni, là où son absence en réduit le besoin tout en diminuant les opportunités stratégiques de le faire.

CEN EMB

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Message Publié : 23 Sep 2020 23:46 
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Oui et en ce sens ce qu'il peut y écrire n'est pas totalement étranger à ce que l'Etat-major allemand pensait déjà des Russes entre 1870 et 1914. Il fallait que le Germain domine le Slave, transformant ce dernier en auxiliaire docile et servile.

Là où Hitler innove par rapport aux junkers prussiens du XIXème siècle - et je pense, à ce titre, qu'il dispose bien d'une vision "scientifique" à échelle mondiale - c'est qu'il entre dans une planification systématique dans la formation d'un espace vital à l'Est (là où un contemporain de Bismarck n'aurait perçu qu'une colonisation germanique transformant les Slaves en une gigantesque main d'oeuvre agricole), totalement épuré des types de "vermines" (juiverie, bolchevisme, franc-maçons) qu'il contenait jusqu'alors. Ainsi, cette "nouvelle société" hitlérienne pourrait naitre, croître et, une fois ce plan achevé, qui sait, dominer le monde.
C'est une lutte à mort qu'Hitler promettait à son peuple - peu l'ont réellement compris je crois - dans cette destinée si spéciale qui devait saisir l'Allemagne à travers le prisme de sa personnalité. Je crois qu'il se percevait comme une sorte de catalyseur, choisi par le destin.
Nul élément de ce type dans la tête d'un colonisateur prussien au XIXème siècle : ce traditionnaliste en puissance ne souhaite nullement modifier sa société, il souhaite seulement dominer les autres pour prolonger la sienne.
Hitler - et c'est en cela que sa vision est révolutionnaire - veut créer une société nouvelle pour le millénaire à venir et une Europe totalement allemande.
Dans cette planification globale l'armistice française est, je le répète, une aubaine.

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Message Publié : 23 Sep 2020 23:50 
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Narduccio a écrit :
Ce qui apparait de Mein Kampf, c'est qu'Hitler considère que le destin de l'Allemagne est de conquérir l'est de l'Europe. C'est son "grand œuvre". Si la situation s'était enlisée à l'ouest, tôt ou tard, il aurait bougé à l'est. Cela lui tenait trop à cœur. L'Armistice lui donne une opportunité, il met la main sur les réserves stratégiques françaises, mais aussi belges et néerlandaises. Mais surtout, ce sont les français qui vont continuer à administrer leur pays, et les allemands n'auront qu'à en récolter les fruits.


Oui, mais il ne dit rien du calendrier. Peu importe qu'il décide de liquider le problème soviétique en 1941, en 1942, en 1943, en 1945, tant qu'il le liquide.
En 1941, il le fait dans des conditions mauvaises, avec une guerre sur deux fronts qui impose à son armée de vaincre en quatre mois - ce dont on sait aujourd'hui qu'elle n'était pas capable de lui offrir, a priori.
La seule hypothèse qui lui aurait été favorable, c'est de réussir avant de s'en prendre à l'URSS à sortir le Royaume-Uni du conflit - ce qui est d'ailleurs son intention en 1939-1940, par une victoire militaire suffisamment éclatante pour obliger Londres à la paix - espoir déçu grâce à Churchill. Car une attaque de l'URSS sans le porte-avions britannique et l'abcès méditerranéen pour divertir ses moyens aurait été la seule configuration où l'Allemagne aurait pu espérer l'emporter, éventuellement, sur l'Armée rouge, selon mon opinion.

Aussi, conserver des objectifs stratégiques de grande importance (Gibraltar, Suez) à portée d'atteinte de la Wehrmacht n'est pas nécessairement une bonne chose, surtout quand on ne l'assortit pas de puissantes forces capables de participer à leur défense.

Mais il est vrai qu'il y a là-dedans un grand nombre d'inconnues (attitude espagnole, volonté d'Hitler d'achever en Méditerranée ce qu'il n'a pu conclure à l'Ouest en juin 1940 ou d'aller coûte que coûte vers l'Est) qui fragilisent cet avis. Je persiste à penser que tout ce qui aurait pu inciter Hitler à ne pas se tourner vers l'URSS aurait été catastrophique, l'URSS étant la seule puissance au monde en 1941 capable de mettre l'Allemagne nazie à genoux.

CEN EMB

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Message Publié : 23 Sep 2020 23:51 
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Duc de Raguse a écrit :
Dans cette planification globale l'armistice française est, je le répète, une aubaine.


Je ne sais. Mais ce qui est certain, c'est qu'il l'a perçu ainsi, et tout le monde y a vu un grand succès pour lui.

CEN EMB

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Message Publié : 24 Sep 2020 0:17 
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Localisation : Provinces illyriennes
Citer :
Avec un Ouest (et un Sud) moins affaibli qu'il ne l'a été après l'été 1940, Hitler aurait-il attaqué l'URSS, ou bien aurait-il privilégié un "second round" pour s'assurer de la sortie du conflit des deux puissances maritimes ? Pour ce faire, il n'avait besoin que d'objectifs à sa portée, et si l'archipel britannique ne l'est guère, Gibraltar l'est assurément, et l'AFN peut-être aussi. Et si toute la puissance allemande, à peine atténuée par le maintien de forces aériennes face à l'Angleterre, s'ajoute à celles de l'Italie et de l'Espagne, je ne pense pas que l'Afrique septentrionale ait été hors d'atteinte de leurs attaques combinées

N'oublions pas le retard pris par les Allemands quant à la quête de l'Est pour venir en aide aux Italiens, totalement empêtrés en Grèce.
Les faits d'armes de l'Etat fasciste sont tout de même parfois proches du ridicule. Si les armées de Mussolini ont eu tellement de difficulté face aux Ethiopiens, je les vois mal disputer la Tunisie ou une autre partie de l'AFN aux Français et/ou aux britanniques.
Quant aux Espagnols, ils sont sortis exsangues d'une guerre civile dont les plaies ne sont pas encore cicatrisées.
Franco n'a aucun intérêt à entrer en guerre contre le Royaume-Uni seul, alors avec l'Empire français en embuscade, la question ne se pose même pas.
Il y a des moments où les kriegspiel et l'uchronie se heurtent à certaines réalités géopolitiques, qui dépendent également de la propension des peuples eux-mêmes à supporter les conséquences d'une guerre, même dans une dictature. L'Espagne ne l'aurait pu. Franco enverra quelques divisions et s'estimera quitte envers l'Axe.
Quant à l'exportation du blitzkrieg en AFN je n'y crois pas trop. Même si les troupes françaises n'avaient pas été très nombreuses, manquant de matériel adapté, les armées de l'Axe auraient eu beaucoup de mal à maîtriser le terrain et se seraient autant enlisées que l'Afrikacorps de Rommel au final.
Et puis, il faut s'y rendre : avec quelle flotte ? L'italienne ? Contre celle des franco-britanniques ? Cela ne me semble pas sérieux un instant.

Citer :
Du coup, et en refusant bien sûr de croire que ce fut le calcul des promoteurs de l'armistice tant il est évident que ce ne fut pas le cas, je pense que l'armistice, si à court terme il représenta un désastre pour la cause alliée et un déshonneur pour la France, améliora à plus long terme la situation stratégique de la cause alliée (tout comme, symétriquement, le fit l'entrée en guerre de l'Italie le 10 juin 1940, perçue comme un grave revers, alors qu'en fait elle offrit des opportunités stratégiques sans lesquelles l'Allemagne aurait été bien plus à même de se retourner contre l'URSS sans interférence britannique).

C'est ce que je ne parviens à saisir.
Le fait que la Méditerranée occidentale soit "neutralisée" par les clauses de la Convention d'armistice n'a rien à voir avec l'état d'esprit de ses rédacteurs. Encore que, Hitler laisse faire, parce qu'au final il s'en fiche.
Son but est l'attaque de l'URSS et rien d'autre, il n'a cure de l'AFN et même lorsque l'Afrikacorps s'y trouve il ne cessera de considérer ce front comme secondaire, juste bon à occuper les Anglais pendant que l'élite de l'armée allemande tentera, en vain, de faire tomber Moscou et Léningrad. A titre d'exemple lorsque Rommel demande des troupes supplémentaires pour faire face aux Anglais plusieurs semaines avant El Alamein, ses suppliques demeureront lettres mortes. Encore une fois, Hitler se fiche de ce coin du monde.
C'est pathétique chez lui, au même titre que la destruction de la "juiverie internationale", à tel point qu'il néglige tout ce qui ne sert pas directement son projet.

Citer :
Peu importe qu'il décide de liquider le problème soviétique en 1941, en 1942, en 1943, en 1945, tant qu'il le liquide

Oui, mais il n'est pas stupide pour autant. Il sait que le temps joue contre lui - tout comme le déséquilibre humain qui ne cesse de s'accentuer - et il lui faut impérativement aller vite, tout retard peut être fatal. L'Hiver 1942 était un objectif, qu'il peut encore être repoussé quelques mois, mais plus après et s'il n'y parvient pas, il sait très bien que la défaite sera au rendez-vous.
N'importe quel officier supérieur allemand l'a bien compris après Stalingrad et la contre-offensive soviétique qui suit : la victoire n'est plus possible, on ne peut que désormais retarder la défaite.
Le reste n'est que propagande.

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Message Publié : 24 Sep 2020 9:40 
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Pierre de L'Estoile
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Duc de Raguse a écrit :
c'est cette armée vichyste qui tire pendant plusieurs jours sur les alliés qui débarquent à Oran

Encore heureux !
j'espère que les Vichystes vont les f... dehors ! (De Gaulle)
Il fallait ce simulacre vis-à-vis d'Hitler voyons !!

Duc de Raguse a écrit :
Certes, mais on ne peut écrire que c'est grâce à Weygand et à l'"armée d'Afrique" que le débarquement allié en AFN fut possible.

Confusion, c'est grâce à l'Armistice, pas autre chose

_________________
il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 24 Sep 2020 9:46 
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Polybe
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Bonjour,

CEN_EMB a écrit :
Or, si Churchill perd Gibraltar, ne perd-il pas le conflit ? Car Gibraltar est la clef du lien vital de la Grande-Bretagne avec le reste de l'empire britannique par la Méditerranée orientale et le canal de Suez, dont le verrou, l’Égypte, serait bien vulnérable sans liaison avec la métropole. Mais l’Égypte, c'est aussi la porte d'entrée de la Palestine, et de l'Irak. Et du pétrole du Moyen-Orient.
CEN EMB

Cette affirmation est plusieurs fois revenue sur ce fil, mais je ne la comprends pas car il me semblait, mais apparemment à tort que:
- l'essentiel de la nourriture, du pétrole et des armements importés au Royaume-Uni traversait l'Atlantique depuis les États-Unis (et le Canada dans une moindre mesure);
- ce qui venait de l'Inde contournait l'Afrique dès juin 1940;
- l'Égypte était ravitaillée par la Mer Rouge.
Dans ces conditions, je vois mal en quoi le contrôle de Gibraltar était crucial pour la poursuite de la guerre.

Cordialement

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Quaerendo invenietis


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Message Publié : 24 Sep 2020 10:20 
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Duc de Raguse a écrit :
N'oublions pas le retard pris par les Allemands quant à la quête de l'Est pour venir en aide aux Italiens, totalement empêtrés en Grèce.


J'ai évolué sur cette question en effet. Alors qu'avant je considérais que "Marita" et "25" n'avaient eu que peu d'impact sur "Barbarossa", force est de se rendre à l'avis des intéressés : la marine allemande (le journal de la Seekriegsleitung, entrée du 3 avril 1941 - avant que les opérations ne débutent donc) parle d'un retard de cinq semaines, l'état-major de la Panzergruppe 1 de Kleist (JMO, entrée du 12 avril 1941) d'un retard de quatre à six semaines. Ce qui corrobore la donnée d'entrée de la directive d'Hitler n°21 du 18 décembre 1940 (initiant "Barbarossa") qui évoque la date du 15 mai 1941.

Mais si jamais les données de la guerre en Méditerranée sont bouleversées par le maintien dans la guerre de la France, il est vraiment improbable pour le coup que l'Italie ait cherché des crosses à la Grèce en octobre 1940.

Duc de Raguse a écrit :
Les faits d'armes de l'Etat fasciste sont tout de même parfois proches du ridicule. Si les armées de Mussolini ont eu tellement de difficulté face aux Ethiopiens, je les vois mal disputer la Tunisie ou une autre partie de l'AFN aux Français et/ou aux britanniques.


Oui et non.
Oui parce que, vu les forces françaises déployées en Tunisie, sur la position de Mareth et sur le littoral, je doute que les Italiens aient les moyens - sans même parler de l'allant et de la qualité - de s'emparer de la Tunisie. Les Français y sont forts (cf. mes messages ci-dessus).
Non parce que l'armée allemande est le "game-changer" de l'analyse stratégique. Il suffit d'un corps mécanisé allemand avec appui aérien pour qu'une armée italienne incapable de créer la décision soit capable de ramener les Britanniques du golfe de Syrte à l’Égypte en un mois. Il est hors de doute pour moi que les positions françaises auraient été bréchées, et aisément, par un tel corps d'armée capable de déborder la ligne "Mareth" par le Sud.

Ne pas oublier que la question essentielle de cette uchronie, c'est bien de savoir si avec le maintien dans la guerre d'une France, même réduite à son empire, Hitler aurait persévéré dans son intention d'agresser l'URSS ou alors aurait consacré le temps nécessaire à sécuriser le flanc méridional de l'Europe allemande. Dans le premier cas, une intervention aéroterrestre allemande en Tunisie est peu probable ; dans le second, elle est très plausible (même si avec Mussolini, il aurait d'abord fallu que les Italiens se cassent les dents pour qu'une telle intervention soit sollicitée).

Duc de Raguse a écrit :
Quant aux Espagnols, ils sont sortis exsangues d'une guerre civile dont les plaies ne sont pas encore cicatrisées.
Franco n'a aucun intérêt à entrer en guerre contre le Royaume-Uni seul, alors avec l'Empire français en embuscade, la question ne se pose même pas.


Je partage le constat, mais de facto, Franco a été à deux doigts de se déclarer pour l'Axe en juin 1940. Il est bien moins chaud lors de l'entrevue d'Hendaye fin octobre, mais fin juin 1940, il frôle l'incandescence.
L'intérêt espagnol à une guerre contre le Royaume-Uni est limité à Gibraltar. Il est loin d'être insignifiant, mais de toute évidence cela ne fut pas suffisant pour inciter Franco à rentrer dans le conflit.
Mais si cet intérêt est renforcé par la promesse de se tailler un protectorat marocain au détriment de la France, est-ce que la balance n'aurait pas penché en faveur d'une entrée en guerre ? Car Gibraltar et le Maroc (et pourquoi pas l'Oranais, tant qu'à faire) sont des proies tentantes et vulnérables, pour peu que l'armée espagnole bénéficie du concours allemand (qui est prévu dès juillet 1940 pour "Felix").

Du coup, c'est exactement le contraire, à mon avis : là où il n'y a que peu d'intérêt à rentrer en guerre avec le Royaume-Uni, il y en a un, et fort, à rentrer en guerre contre la France au moment où elle est à terre et la frontière pyrénéenne en mains allemandes.

Duc de Raguse a écrit :
Il y a des moments où les kriegspiel et l'uchronie se heurtent à certaines réalités géopolitiques, qui dépendent également de la propension des peuples eux-mêmes à supporter les conséquences d'une guerre, même dans une dictature. L'Espagne ne l'aurait pu. Franco enverra quelques divisions et s'estimera quitte envers l'Axe.


Une seule division, la 250. Infanterie-Division qui combattra avec brio dans le secteur de Leningrad de novembre 1941 à octobre 1943.
L'Espagne est largement en mesure de se permettre une guerre de quelques semaines, qui a tout l'air d'une promenade, au Maroc et à Gibraltar (cf. le volume de forces espagnoles déployées dans le Nord-Maroc, par rapport à celles des Français : ceux-ci sont surclassés). Elle est certes conditionnée par l'importance de l'aide allemande, directe (forces aéroterrestres) et indirecte (Franco demande ainsi des garanties sur la livraison de céréales, dans des quantités extraordinaires, à Hendaye - ce que Hitler est bien en peine de lui promettre, vu que la pénurie guette l'Allemagne).
Pour moi, du coup, Franco aurait pu se laisser tenter par une entrée en guerre justement parce que la France vaincue à plate couture sur le continent en était encore belligérante - ce que l'armistice a rendu caduc. Si la France sort de la guerre, on l'a vu, l'Espagne n'y prend pas part, parce que les territoires contrôlés par Vichy sont garantis par l'Allemagne en vertu de l'armistice. Mais qu'en est-il si elle en reste un acteur direct que l'Allemagne n'a aucune raison de ménager, au contraire ?

Duc de Raguse a écrit :
Quant à l'exportation du blitzkrieg en AFN je n'y crois pas trop. Même si les troupes françaises n'avaient pas été très nombreuses, manquant de matériel adapté, les armées de l'Axe auraient eu beaucoup de mal à maîtriser le terrain et se seraient autant enlisées que l'Afrikacorps de Rommel au final.


Alors là, hélas, je crains que c'est à la fois s'illusionner sur la capacité française à résister, et sur l'incapacité allemande à s'y imposer.
Vu les moyens aéroterrestres qui auraient pu être mis en oeuvre en AFN, l'armée française n'avait aucune chance d'y résister à une attaque résolue, menée avec des forces même limitées en volume. La ligne "Mareth" aurait pu résister un temps à une attaque frontale, mais les forces françaises en AFN sont absolument incapables d'empêcher son contournement par le Sud : elles n'ont aucune unité à la mobilité opérationnelle et à la puissance suffisantes pour éviter à un corps mobile de mener un raid blindé dans la profondeur, puis de se rabattre sur le coeur de la Tunisie. La Panzergruppe "Afrika" se jouera à plusieurs reprises des Britanniques pourtant bien plus manœuvriers dans les confins libyo-égyptiens. Et que dire de l'incroyable célérité avec laquelle la 12. Armee s'empare de la Grèce continentale en trois semaines (malgré la ligne "Metaxas", malgré un terrain très favorable à la défense, malgré un renfort britannique qui ne fut pas dérisoire) ?
Une position défensive intéressante, une fois la Tunisie perdue, aurait été la dorsale tunisienne, qui arrêtera d'ailleurs les Allemands en 1942-1943. Mais il ne faut pas rêver : là où il a été difficile d'arrêter des forces de bric et de broc hâtivement aérotransportées et sans guère de matériel lourd fin 1942, et où ce sont les forces conjointes américano-britanniques qui le firent en février-mars 1943 face à un corps de bataille mécanisé allemand, les forces françaises d'AFN, au premier semestre 1941, en auraient été vraisemblablement incapables.
Par la suite, à part le fait que l'espace dont il faut s'emparer est vaste, ce n'est qu'une plaisanterie : il n'y a guère d'obstacle d'Est en Ouest, l'Atlas faisant une barrière Nord-Sud.

Car la Panzergruppe "Afrika" ne s'enlise justement pas. Elle est arrêtée pour des raisons logistiques, impréparée à ses succès du printemps et de l'été, à bout d'allonge et gênée par Tobrouk, en novembre 1941. Elle est bloquée par une position incontournable en juillet 1942. Mais jamais le terrain seul ne l'a empêché de manœuvrer, c'est tout le contraire.


Duc de Raguse a écrit :
Et puis, il faut s'y rendre : avec quelle flotte ? L'italienne ? Contre celle des franco-britanniques ? Cela ne me semble pas sérieux un instant.


Sous le parapluie du X. Fliegerkorps, le franchissement de la Méditerranée de Sicile ou de Naples vers Tripoli n'est qu'une formalité en 1940-1941. Jamais la Force "H" de Gibraltar ou la Mediterranean Fleet d'Alexandrie n'auraient pris le risque de s'engager à fond dans un secteur maritime où la Luftwaffe exerçait la suprématie aérienne. Elles ne le feront pas de 1940 à 1943, elles laisseront l'Afrikakorps se mettre en place en Libye, elles n'interrompront jamais les flux logistiques entre l'Italie et la colonie italienne du conflit (même si les avions et les sous-marins de Malte coulèrent de nombreux bateaux, surtout en 1942), elles ne purent empêcher la mise en place de la 5. Panzerarmee en Tunisie en novembre-décembre 1942 ; il n'y a aucune raison de penser qu'elles auraient empêché une génération de force germano-italienne en Libye. Tout au plus auraient-elles pu la gêner, un peu.
Même la puissante Grand Fleet de Scapa Flow ne s'aventure pas à portée des avions allemands, et on sait que les Allemands comme les Britanniques considéraient que le "Bismarck" aurait été sauvé s'il avait pu rejoindre la zone couverte par le rayon d'action des avions de la Luftwaffe le 28 mai 1941, car jamais les unités de surface qui le poursuivent, pas plus que les "Swordfish" de l'aéronavale britannique, ne se seraient risqués à l'y chasser.

Duc de Raguse a écrit :
C'est ce que je ne parviens à saisir.
Le fait que la Méditerranée occidentale soit "neutralisée" par les clauses de la Convention d'armistice n'a rien à voir avec l'état d'esprit de ses rédacteurs. Encore que, Hitler laisse faire, parce qu'au final il s'en fiche.
Son but est l'attaque de l'URSS et rien d'autre, il n'a cure de l'AFN et même lorsque l'Afrikacorps s'y trouve il ne cessera de considérer ce front comme secondaire, juste bon à occuper les Anglais pendant que l'élite de l'armée allemande tentera, en vain, de faire tomber Moscou et Léningrad. A titre d'exemple lorsque Rommel demande des troupes supplémentaires pour faire face aux Anglais plusieurs semaines avant El Alamein, ses suppliques demeureront lettres mortes. Encore une fois, Hitler se fiche de ce coin du monde.
C'est pathétique chez lui, au même titre que la destruction de la "juiverie internationale", à tel point qu'il néglige tout ce qui ne sert pas directement son projet


Je suis désolé mais là on verse dans le déterminisme. Oui, éliminer l'URSS est au coeur du projet hitlérien. Mais encore une fois, il ne dit rien du calendrier, nulle part. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il l'inscrit à l'agenda en juillet 1940, pour le printemps 1941.
Si jamais la situation stratégique de fin juin 1940 est changée - et le maintien dans le conflit de la France la change très certainement - rien ne prouve qu'il aurait pris une telle décision le mois suivant. Au contraire, c'est typiquement le genre de données géostratégiques qui aurait pu l'amener à une analyse totalement différente de la situation, et je pense qu'il aurait été incité à poursuivre les opérations à l'Ouest et au Sud avant de se retourner à l'Est, ce que le maintien du seul Royaume-Uni dans le conflit ne justifiait apparemment pas (mais ce fut une erreur énorme de sa part de le penser). Du coup, non, si la France reste dans la guerre, je pense qu'il aurait pu décider de consacrer l'année 1941 à éliminer la présence française en Afrique septentrionale, à prendre Gibraltar et sans doute l’Égypte.
Ce qui ne signifie pas qu'il n'aurait pas pris des mesures contre l'URSS - les éléments qui déclenchent le glissement stratégique de l'Ouest vers l'Est en juillet 1940 sont bien connus : le fait que l'URSS se soit emparée dans la seconde quinzaine de juin 1940 d'une partie de la sphère d'influence allemande (le district de Mariampoljé en Sudovie lituanienne) et surtout de la Bessarabie, menaçant les champs pétrolifères roumains vitaux à l'effort de guerre allemand. Mais des mesures de protection auraient suffi à se prémunir d'une pression soviétique, elles ont d'ailleurs été prises : envoi d'un groupe d'armées à l'Est, avec 35 divisions, en septembre 1940, déploiement d'une mission militaire en Roumanie avec comme objectif d'en protéger les ressources stratégiques. Il n'était pas nécessaire de faire beaucoup plus, et la visite de Molotov à Berlin le 12 novembre 1940 aurait peut-être été bien plus cordiale.

Duc de Raguse a écrit :
Il sait que le temps joue contre lui - tout comme le déséquilibre humain qui ne cesse de s'accentuer - et il lui faut impérativement aller vite, tout retard peut être fatal.


Il a peut-être pensé cela, mais si c'est le cas il avait tort, selon moi.
1) mieux vaut un bon retard qu'une mauvaise ponctualité : si ce retard a permis de sortir du conflit le Royaume-Uni et de sécuriser durablement les arrières du Reich pour qu'il se retourne avec toute sa puissance (c'est-à-dire sans laisser cinquante divisions sur 200 à l'Ouest ou au Sud, ainsi qu'un quart de la Luftwaffe) contre l'URSS, alors ce retard aurait été éminemment bénéfique pour l'Allemagne nazie ;
2) on parle des possibilités de renforcement de l'Armée rouge, sans penser que ce délai aurait été mis à profit par la Wehrmacht. On oublie que celle-ci a explosé en seulement cinq ans, et que cette croissance exponentielle et démesurée s'est faite en créant des vulnérabilités et des faiblesses dans l'appareil militaire allemand. Sa motorisation est insuffisante, ses chars et ses canons antichar sont trop peu puissants, etc., etc. Du coup, un an de répit pour se mettre en ordre de bataille en n'ayant à mener que des batailles échantillonnaires mettant en jeu quelques divisions en Libye, en Égypte, en Tunisie, en Andalousie, au Maroc, honnêtement, c'est plutôt un avantage qu'un inconvénient.
Le T-34 aurait-il été une mauvaise surprise en 1942, si chaque division avait eu une batterie antichar de Pak 40 de 75mm voire de 88mm ? "Barbarossa" avec 850 000 véhicules à moteur au lieu de 600 000 aurait-elle été un échec ? Avec 200 divisions au lieu de 150 ? Et avec l'incorporation de la classe 1922 (anticipée le 5 septembre 1941) en plus de la conscription des précédentes, l'Allemagne n'aurait-elle pas eu la possibilité de pousser jusqu'à 235 ou 250 grandes unités, de quoi écraser l'Armée rouge ?

Bref, c'est compliqué, mais l'Histoire a tranché : en attaquant l'URSS en juin 1941 en ayant toujours un ennemi à l'Ouest, Hitler a commis une faute stratégique décisive qui lui coûtera son empire et sa vie. Il aurait donc été logique pour lui d'attendre une occasion plus favorable, soit parce que ses armes auraient été plus fortes qu'elles ne l'étaient, soit parce que sa situation stratégique aurait été améliorée (par exemple avec la sortie du conflit du Royaume-Uni).
Et le maintien de la France dans la guerre l'aurait peut-être incité à des actions capables de s'en assurer : prise de Gibraltar, éviction des Alliés d'Afrique septentrionale, donc rupture de la route des Indes, avec ce que ça aurait eu comme incidence sur la bataille de l'Atlantique et la situation intérieure du Royaume-Uni.

CEN EMB

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Message Publié : 24 Sep 2020 10:27 
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Quodlibet a écrit :
Cette affirmation est plusieurs fois revenue sur ce fil, mais je ne la comprends pas car il me semblait, mais apparemment à tort que:
- l'essentiel de la nourriture, du pétrole et des armements importés au Royaume-Uni traversait l'Atlantique depuis les États-Unis (et le Canada dans une moindre mesure);
- ce qui venait de l'Inde contournait l'Afrique dès juin 1940;
- l'Égypte était ravitaillée par la Mer Rouge.
Dans ces conditions, je vois mal en quoi le contrôle de Gibraltar était crucial pour la poursuite de la guerre.


Bonjour,

L'importance de la route des Indes est psychologique et politique. La couper est clairement de nature à provoquer la chute d'un cabinet. Or, sans Churchill, Hitler gagne la partie, vraisemblablement.
En outre, la capacité de l’Égypte à résister, en 1940-1942, n'a parfois tenu qu'à quelques "Hurricanes" envoyés à Malte depuis Gibraltar (les fameux "Club Runs" dont je parlais précédemment : https://en.wikipedia.org/wiki/Club_Run), c'est-à-dire que sans l'apport de la métropole au potentiel militaire britannique en Méditerranée centrale et orientale, il est probable que l'Axe se serait emparé de Suez. S'emparer de Suez, c'est déboucher à volonté en Palestine et en Irak (avec son pétrole), sans que les Britanniques puissent y faire grand chose puisqu'ils sont incapables d'y envoyer des troupes rapidement, la route étant coupée (ou en tout cas largement allongée).
Autre point : si on supprime Gibraltar de l'équation, les dizaines de sous-marins allemands déployés en Méditerranée ne le sont plus, ils sont envoyés sur la route du cap de Bonne-Espérance ou en Atlantique nord au pire moment de la bataille de l'Atlantique.

Bref, perdre Gibraltar, ce n'est pas échec et mat en 1941-1942, mais pas loin.

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Message Publié : 24 Sep 2020 10:45 
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Pour en revenir au titre du sujet : L'armistice de 1940 était-il un choix rationnel ?, je vais essayer de considérer la situation telle qu'elle pouvait apparaître le 17 juin 1940 à Weygand, commandant en chef des armées françaises.

La situation sur le terrain est catastrophique. Le meilleur du corps de bataille a été pris dans la poche de Dunkerque ; la ligne de défense hâtivement étirée sur la Somme et l'Aisne a volé en éclats, la Seine n'a en rien ralenti l'avance ennemie, la Loire non plus. La ligne Maginot est prise à revers et ses défenseurs n'échapperont pas à la capture. Tout ce que la France comportait de troupes correctement armées et équipées est anéanti ou en passe de l'être, bien qu'on ait appelé à la rescousse tout ce qui, dans l'armée d'Afrique, pouvait tenir la route (y compris des chars D1 qu'on avait relégués là-bas car ils étaient trop dépassés). L'allié britannique nous a laissés tomber, abandonnant tout son matériel pour sauver la peau de ses soldats et garde tous ce qui lui reste de moyens pour défendre son île. Et l'Italie en profite pour se précipiter à la curée.

Que faire ?

1- Arrêter les frais, dire "pouce ! " , reconnaître la défaite et laisser les diplomates négocier, avec le vainqueur, les conditions de la paix et le prix à payer pour l'obtenir. Schéma classique. C'est ce qui s'est toujours fait jusqu'ici. On s'en est sorti ainsi en 1871. Les Allemands ont fait de même en 1918.

2- Continuer à se replier, franchir la Méditerranée comme on le pourra, et continuer à se battre, jusqu'à... la victoire ou la mort, en quelque sorte.
Selon le tableau détaillé que nous a brossé CEN_EMB (dont je salue au passage les exposés précis et argumentés), les forces présentes en AFN pouvaient résister à une attaque des Italiens contre la Tunisie, mais certainement pas si les Allemands s'en mêlaient. Le Maroc, à l'autre extrémité, était sous la menace potentielle d'une Espagne qui, certes, ne constituait pas en elle-même un ennemi dangereux, mais dont on pouvait suspecter le régime franquiste de complaisance envers une Allemagne qui l'avait bien aidé pendant la guerre civile.

En supposant qu'une fois en Algérie, "un ciel plus pur reluise sur nos têtes et que loin des tempêtes nos jours soient tous d'azur", comme le dit ce chant de tradition que Weygand devait connaître, quelles perspectives sur le long terme, telles qu'elles pouvaient se présenter à ses yeux ?

Réduite aux seules ressources de son empire, la France n'aurait jamais les moyens de reconstituer une armée capable d'aller délivrer la métropole : plus d'industrie d'armement, plus d'industrie tout court, d'ailleurs.

Pouvait-on compter sur l'allié britannique ? On n'était même pas assuré qu'il réussisse à éviter lui-même la défaite.
La Russie ? Elle s'était acoquinée avec l'Allemagne et avait commencé à mordre dans le gâteau, en occupant la moitié de la Pologne.
L'Amérique ? Elle nous avait laissé tomber en 1919 et ne faisait pas mine de se soucier du sort de l'Europe.

Dans ces conditions, et si on ajoute à cela la répulsion viscérale qu'un officier de cette époque, formé à Saint-Cyr, pouvait avoir pour l'idée même de capitulation (j'en ai agacé certains en évoquant Bazaine, mais je persiste), il était d'autant moins irrationnel pour Weygand d'opter pour un armistice, que cela n'incluait pas a priori la totale et franche collaboration qui a animé ensuite l'esprit et les agissements du gouvernement ; le ton étant donné par le décret portant statut des juifs, signé de la main de Pétain dès octobre 1940.

Ce qui biaise un peu le débat, c'est que nous connaissons la suite.


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Message Publié : 24 Sep 2020 10:48 
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Pierre de L'Estoile
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b sonneck a écrit :
un ciel plus pur reluise sur nos têtes et que loin des tempêtes nos jours soient tous d'azur

Magnifique

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il pleuvait, en cette Nuit de Noël 1914, où les Rois Mages apportaient des Minenwerfer


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Message Publié : 24 Sep 2020 12:24 
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b sonneck,

C'est peu ou prou mon avis.
L'armistice pouvait se justifier rationnellement. C'est ce qui en a été fait après par Pétain et sa Révolution nationale qui est problématique. Pétain s'est avili avec le statut des Juifs et d'autres mesures, et a perdu l'occasion d'une éventuelle rédemption en poursuivant dans la voie de la collaboration après novembre 1942.
Effectivement, avec le recul de l'Histoire, on sait qu'on ne pactise pas avec le diable, et donc que la lutte contre Hitler était la seule solution moralement acceptable. Mais sans ce recul, je dirais que Weygand adopte une position parfaitement compréhensible.

CEN EMB

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