Oui mon jugment était certainement péremptoire et sans doute influancé par la lecture de cet article (notamment la partie que j'ai retranscrite en gras), de Pascale Bourgain, qui compare les écrits de Grégoire de Tour, de Frégédaire et du Liber francorum concernant Clotilde et Clovis, dont je vous livre ici un extrait, que je soumets, si vous en avez le temps à votre critique:
.........La Clotilde de Grégoire de Tours est une grande dame. Elle n'a pas de visage : elle est « élégante et sage » . D'elle n'apparaît que la chrétienne fervente qui endoctrine son époux (mais non pas la première nuit comme dans le Liber historiae Francorum), la mère qui refuse de fléchir dans sa foi devant le cadavre de son enfant, la femme qui prie pour le baptême et construit des églises, la grand-mère pleine d'affection, une affection qui inclut la pensée dynastique (elle a élevé ses petits-fils pour régner). La dignité lui semble naturelle, la piété est sa caractéristique dominante. Avant son mariage, elle est dite « sage », mais aucune de ses paroles n?est rapportée; ensuite, elles sont toutes édifiantes; après son veuvage, elles sont toutes malheureuses. Elle est celle qui assure le cérémonial familial et royal, les baptêmes et les enterrements, la cohésion de la famille. Incapable de contrôler le déchaînement de la violence et de l'avidité chez ses fils, coupable d'un mouvement de colère qui est en même temps une maladresse politique et dont elle est durement punie, car c'est le début des déchirements de la dynastie, elle disparaît dans le silence et la prière. C'est une Clotilde toute prête à être canonisée. La Clotilde de Frédégaire est une fille d'ogre. Quand le prince ou son lieutenant apparaît, elle met tout en œuvre pour qu'il réussisse dans son entre-prise de l'arracher à l'ogre, lui donne des conseils et des cadeaux, prévoit les dangers, s'enfuit à cheval comme une walkyrie. Comme une fée, elle prévoit ce qui va arriver et sait ce qu'il faut faire. Elle prend à son mariage une part active. Elle respire la vengeance et exulte devant les campagnes dévastées. À la fin de l'histoire, elle vient à bout de l'ogre, puisque le royaume burgonde disparaît.
Entre les deux, la Clotilde du Liber historiae Francorum est d'abord une charmante jeune fille, qui utilise fort bien une apparente naïveté, garde le secret lorsqu'on la demande en mariage et laisse faire le sort. Plus tard, elle influence son mari avec une douce obstination, efficace sur tous les plans, la politique burgonde comme la politique religieuse. Enfin, elle se transforme en une vieille femme plaintive.
La question se pose de savoir quelle est la veine la plus ancienne. Autrement dit, il est possible que, s'il existait déjà au temps de Grégoire de Tours des traditions relatives à une Clotilde vindicative et violente, il ait tendu tout naturellement à les estomper, non sans les laisser parfois resurgir : quand la Clotilde de Grégoire lance ses fils, quarante ans après la mort de ses parents, contre les fils de son oncle, le lecteur a peine à y croire . Quand elle se laisse entraîner à préférer, pour ses petits-fils, la mort à la tonsure, il se dit qu'elle avait eu plus de maîtrise de soi à la mort de son premier-né. Reine-mère dont les deux interventions amènent des catastrophes, Clotilde est en léger contraste avec la reine-épouse, parfaite et discrète, que Grégoire avait auparavant dessinée.......
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