Voici donc quelques informations, - a l'état brut
- à propos de Notger, de son règne et de son temps :
NOTGER en quelques flashes :
-Né en Souabe dans une famille noble.
- Première difficulté au début de son règne : il ne parle que le haut-allemand. Or cette langue n’est celle que de la moitié de ses sujets.
- Etudes dans divers monastères de la Souabe et jamais à Stavelot comme on le raconte parfois.
- Le 14 avril 971, il est sacré évêque dans l’église de Bonn par le métropolitain Géron de Cologne. Il va régner sur son immense principauté pendant trente-six ans.
- Son front est large, son regard à la fois autoritaire et rusé, les lèvres fortes, le menton carréné.
- Le chroniqueur Anselme écrivit à son propos : « Il fut terrible pour les riches orgueilleux, redoutable pour les facétieux et les hommes iniques.
- A cinq reprises, Notger se rendit en Italie. Il ramena de nombreux croquis représentant des pièces d’orfèvrerie religieuse, des ivoires sculptés, de motifs ornementaux.
Voici une liste étonnante des localités appartenant à l’Eglise de Liège en l’an mille. Avec les dates d’acquisition :
Aldeneyck, monastère 952
Arches 894
Brogne, monastère 1006
Celle, monastère 1006
Tirlemont 987
Ciney 1006
Dinant 985
Fosse, monastère 980
Gembloux, monastère 987
Hastière, monastère 908-915
Huy, ville 980
Lobbes, monastère 973-980
Lustin 888
Maestricht 908-985
Malines 915-980
Malonne, monastère 1006
Namur 985
Saint-Hubert, monastère 1006
Theux 988
Tongres 980
Ville-en-Hesbaye 831
Visé 963
Et attention : l’abbaye de Lobbes possède 153 villages comptant de 50 à 600 habitants, celle de saint-hubert contrôle 22 villages, la forêt de Theux englobe tout le marquisat de Franchimont.
Le plan de Notger
Notger fait figure de très grand seigneur européen et sa ville, où il multiplie les constructions civiles et religieuses, surclasse de loin Anvers, Bruges ou Gand qui ne comptent encore aucun monument important, en cet an mille.
A cette époque, Liège, a dit Godefroid Kurth, doit son éclat à ses églises, comme Rome, et ses écoles, comme Oxford. C’est une ville écclésiastique et savante. Jusqu’au XII è sicle, elle restera la plus riche, la plus peuplée, la plus animée des cités des Pays-bas.
Car Notger avait un plan, un véritable programme de grands travaux à accomplir en trois phases : entourer Liège d’une muraille fortifiée, creuser la canal de la Meuse, bâtir plusieurs édifices civils et religieux. Avec à la clé, une logique et une cohérence : les fortifications, les églises, le canal se complètent, forment un tout. C’est de l’urbanisme au sens le plus moderne du terme.
Rien n’est abandonné au hasard. Un exemple : les églises de Saint-Denis, de Sainte-Croix, de Saint-Martin font partie de l’enceinte fortifiée.
Une visite rapide de la ville, en l’an mil :
La colline du Publémont, ses bouquets d’arbres d’où émergent les tours de Saint-Martin, de Sainte-Croix et de Saint-Pierre.
A gauche, c’est Pierreuse : des hauteurs amusantes, gaies, des maisonnettes de bois, des fleurs.
Un quartier grouillant d’habitants entoure la cathédrale. Ces ruelles tortueuses bordées de huttes, de cabanes, un vrai bidonville, s’appelle la matricule, les Liégeois en feront « La Mierchoule ( = œuvre de charité ).
Le palais épiscopale est imposant, mais de lignes simples, presque sévères. Son style s’inspire des contructions de Ravennes, en Italie … Il n’a rien à voir avec le somptueux édifice, qu’au XVI è siècle, Erard de la Mark, fera bâtir.
C’est en barques que l’on franchit la Meuse, car le premier pont des Arches n’existe pas encore. Voici Outre-Meuse.
Au sud de la ville, de superbes forêts : des chênes,de bouleaux, ces bois donneront son nom au village d’Avroy. En ce XI è siècle, il s’appelle encore Abrido, du latin Arboretum, lieu planté d’arbres. Mais ne vivent sous ces futaies que des bûcherons au franc-parler et à la hache bien affutée.
Enfin l’île elle-même, c’est le repaire des sangliers, des lièvres, un fouillis de ronces, de broussailles, de troncs moussus, un feuillage dru.
Notger est un passionné de scolarité. Il estime que c’est le seul moyen d’affirmer une population émergeant de la sombre nuit où les raids des Vikings avaient précipité l’Europe, y faisant, en dix ans de pillage et d’atrocités, reculer la civilisation de plusieurs siècles.
Les pédagogues de ce temps-là se divisent en deux clans : les partisans de la manière forte et ceux qui ne croient pas à la nécessité absolue de rosser les potaches pour améliorer leur savoir.
Parmis d’autres, un exemple de la manière forte :
Gozechin écrit à son élève : « Je me réjouis d’avoir si souvent corrigé sur votre dos vos peccadilles d’écolier « .
Un autre, la manière plus douce :
Egbert : « ( … ) Casser une forêt entière sur les épaules de vos malheureux élèves, vous n’arriverez à rien sans le concours de leur intelligence « .
Notger ne cache pas ses sympathies pour les méthodes humaines et rationnelles. Il a d’ailleurs la violence en horreur.
Dans les écoles qu’il fonde à Liège, l’enseignement est gratuit et il est donné par petites classes d’une dizaine d’élèves. Ceux-ci reçoivent une formation très supérieure à celle que l’on prodigue alors en Europe. Aussi les anciens des instituts crées par Notger font de brillantes carrières, tels Hubald qui deviendra le meilleur professeur de la naissante université de Paris, la fameuse école Sainte-Geneviève, un autre dirigera tout l’enseignement dans la puissante ville impériale de Bamberg, d’autres deviendront évêques de Cambrai, de Toul, de Verdun, d’Utrecht ou archevêque de Salzbourg.
« Liège, écrit un historien, occupa pendant plus d’un siècle, du X è au début du XII è, dans l’ordre scientifique, une situation internationale extraordinaire. Elle fut l’un des plus importants des centres de culture intellectuelle qui précédèrent la naissance des universités « .
Pourquoi Liège est-elle une pépinière de savants qu’on retrouve enseigner jusqu’à Prague, au XIè siècle ?
Parce qu’à l’inverse de nombreux évêchés médiévaux, celui de la vallée mosane ne limite pas l’enseignement à la seule formation de futurs curés, moines ou prélats.
Notger, cet original, n’a pas peur de la bourgeoisie montante et lui ouvre largement les portes des écoles qu’il a fondées. Quand il apprend que, parmi les modestes bateliers, les batteurs de fer, les paysans, il y a une famille sympathique et méritante, il octroie le bénéfice de l’adoption à leurs enfants. Autrement dit, voilà ces malins petits Liégeois assurés de trouver dans les établissements épiscopaux, le gîte, le couvert, le vêtement et l’enseignement, le tout au frais de l’évêque.
Les garçons doués pour la littérature et l’art apprennent le « Trivium « , soit la grammaire, l’éloquence et le raisonnement. Il existait également le « Quadrivium « , des études comprenant l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et … la musique.
Quelques personnages liégeois illustres :
Au XI è siècle, la Cité Ardente s’enorgueillit d’un excellent compositeur de musique : Lambert de Saint-Laurent.
Le géomètre Francon compose un traité intitulé : « de la quadrature du cercle « .
L’astronome Rodolphe fabrique un astrobale, instrument qui sert à mesurer la hauteur d’un astre à l’horizon.
L’habitat :
Au Xè siècle, on a langage plutôt direct, pas de complexe, on couche à dix par chambre et souvent à cinq dans le même lit : une large caisse bourrée de paille, de fourrures et de couvertures de laine. Aux portes, ni serrures, ni verrous. Aux fenêtres, pas de rideaux, sauf chez les gens très biens. Dans les demeures liégeoises, moitié fermes, moitié maisons de citadins, tout va et vient : les poules, les cochons, les chèvres, l’âne, la pie apprivoisée.
Mais où est donc passé Notger ?
Voici une lettre bien curieuse. Elle est du professeur Julien Fraipont et est adressée à l’historien Godefroid Kurth , datée du 19 juin 1902 :
« Mon cher collègue,
J’ai terminé hier l’étude des ossements de Notger. Voici les trois renseignements que vous m’avez demandés :
1. le crâne est arrondi et de bonne capacité moyenne, avec un beau front bien développé.
2. L’étude des os longs donne pour le vivant une taille de 1 mètre 68 centimètres.
3. L’étude des sutures du crâne accuse un âge de cinquante à 60 ans maximum.
L’étude de l’usure des dents me conduit à la même conclusion
La forme du crâne, arrondie, répond à l’origine souabe du sujet, c’est encore la forme générale des allemands du Sud.
La taille aussi correspond assez bien. L’ensemble du squelette accuse un homme d’une bonne musculature moyenne, sans aucune malformation, si ce n’est que le bras gauche devait être de 6 centimètres plus court que le bras droit.
Mais il y a l’âge ! Le crâne n’est certainement pas celui d’un vieillard et soixante ans, c’est un grand maximum. J’opinerais même pour 40 à 45 ans. « .
Il faut donc se rendre à l’évidence : les restes retrouvés à la collégiale Saint-Jean ne sont pas ceux de Notger.
Mais alors, que s’est-il passé ?
Lors donc, le 10 avril 1008, après avoir régné pendant trente-six ans, meurt l’illustre évêque Notger. Ses funérailles durent cinq jours. On embaume le corps, selon les recettes les plus sûres ( … ) puis on l’ensevelit là où il l’avait lui-même exigé, du coté septentrional de l’octogone formé par les murs de l’église Saint-Jean-l’Evangéliste .
Mais voilà que les événements se corsent : au XIII è siècle, on érige un cénotaphe à Notger, sous la tour du sanctuaire. En 1566, une époque qui aime le faste, on améliore, on orne, on fignole ce monument.
Le chroniqueur Jean d’Outremeuse écrit le plus naturellement du monde que Notger repose sous le cénotaphe.
En 1663, on veut exhumer les restes de Notger et on les cherche sous le fameux cénotaphe. On a beau creuser, fouiller le sol, remuer pierres et gravats, on ne trouve rien et pour cause.
Les chanoines de Saint-Jean consultent les vieux grimoires. Et seconde erreur : ils se persuadent, trompés par des documents altérés, que le tombeau se trouvait, non dans la chapelle Saint-Hilaire, mais en dehors et à côté de celle-ci. Les fouilles qu’ils firent à cet endroit aboutirent à l’exhumation d’un squelette qui fut pris pour celui de Notger.
En 1769, on reconstruit l’église Saint-Jean et ainsi s’efface complètement le souvenir du sanctuaire primitif.