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Message Publié : 04 Nov 2003 9:52 
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Grégoire de Tours
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keikoz a écrit :
Pour la mutation je ne sais pas en réalité... mais je vous renvois à l'ouvrage de Dominique Barthélemy ("La mutation de l'An Mil a-t-elle eu lieu?") qui critique ce concept de "mutation de l'An Mil" forgé par Georges Duby et repris par Poly, Bournazel, dans "La mutation féodale".
Pour ces derniers, vers le milieu du Xe siècle se dessine une crise institutionnelle, qui aboutit à la construction des châteaux autour de l'An Mil, et à l'importance nouvelle des chevaliers, qui ne sont à cette époque que des "humbles". Parallèlement, à ce même moment les institutions féodo-vassaliques deviennent centrales, et ne dominent qu'à partir de ce moment la structure sociale et politique. Dominique Barthélemy remet en cause cette conception, en mettant en avant certaines continuités lourdes, telles l'importance précisément de la cavalerie dès le haut Moyen Age, y comprit au niveau des classes dirigeantes (il n'existe pas de "chevalerie" distinguée de la "cavalerie", jusqu'à la fin du XIe siècle). Je crains que je m'embrouille... pardonnez-moi ;)


En effet, cette idée de mutation doit être relativisée comme le fut celle de Pirenne qui mettaitb en avant le VIIIe S comme tournant de l'Histoire entre Antiquité et Moyen Age.

Si d'un côté, les institutions se développent pour donner un visage "féodal" au Moyen Âge et que naissent de nombreux châteaux, la noblesse s'est déjà "emparée" de la cavalerie.

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"La culture de la pomme de terre est un témoin géographique de la découverte de l'Amérique, comme celle de la betterave est une conséquence du Blocus continental"
* L.-E. Halkin


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Message Publié : 15 Nov 2003 18:35 
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Grégoire de Tours
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Non c'est justement parce que Hannibal remarquait que ça déviait sec dans le sujet sur la chevalerie qu'il a pensé initier un nouveau post sur la question de la mutation de l'An Mil.

Citer :
keikoz: t'as lu les illustrations plus régionalistes de la mutation féodale?
barthelemy est, de plus, relativement isolé.


C'est vrai, Barthélemy est relativement isolé, dans ce débat, il fait nénmoins des remarques fort utiles. Il faut noter aussi qu'il n'est pas facile de remettre en question les thèses de Duby, avec la réputation de ce dernier.
Il remarque surtout, à juste titre, que le concept de mutation de l'an Mil découle de l'apparition dans les chartes de toute uen série de mots, et de la description de plusieurs phénomènes sociaux.
Le problème est que ces "nouveaux mots" s'expliquent en grande partie de la mutation documentaire du XIe siècle. En effet, dans plusieurs corpus de documents on remarque une évolution très nette du style des chartes autour des années 1040-1060. Les chartes deviennent plus descriptives, moins arides. Elles décrivent souvent les conditions dans lesquels interviennent les transactions ou décisions. de plus, la manière de désigner les personnes devient plus précises, avec la mentionde la charge du personnage.
Prenons par exemple le cas du miles: il apparait beaucoup plus fréquemment dans les chartes aux alentours de 1040. Duby en conclue à un développement de ce corps à cette période. Mais comment peut-il en conclure, dès lors qu'auparavent non seulement on ne mentionne pas les chevaliers, mais pas non plus les maçons, les maires, les cuisiniers etc? En gros, on peut affirmer que le chevalier devient prépondérant, dès lors qu'on le mentionne tout simplement plus souvent, tout comme on désigne plus fréquemment les autres personnages dans les autres chartes.

Sinon pour les travaux régionaux je connais assez bien la thèse d'Etat d'André Chédeville sur la région de Chartres. Elle est excellente, et reprend généralement ce plan. En fait, pour avoir travaillé moi-même sur la région de Chartres, je connais assez bien la question du miles. Il apparait précisément que le miles désigne des personnages de statuts très différents. Il peut désigner autant des grands vassaux, que des "cavaliers" très simples, même de statut servile. Du coup, en fait il est faux de parler de chevalerie comme d'un statut pour un long moment. Jusqu'à la fin du XIe siècle, il n'existe pas un "chevalier" (noble et vassal) qui se distinguerait du simple "cavalier". Par contre au début du XIIe siècle, la chevalerie devient progressivement une classe à part, qui se concilie de moins en moins bien avec le servage. Un peu plus tard la "chevalerie" devient un titre de noblesse... et les simples "cavaliers" sont appelé "sergents à cheval"
Peut-être alors une mutation de l'An 1100?

Keikoz


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Message Publié : 28 Nov 2003 21:47 
... et pourtant on peut pas dire qu'il ne s'est rien passé autour de l'an mil, l'exemple de l'apparition d'une classe de "chevaliers" dans la documentation n'est qu'un exemple parmi d'autres d'une évolution de la société. (voir aussi les chevaliers paysans?)

il est inconcevable de nier les differents phénomènes liés à la perte de pouvoir du roi au Xè, et la montée en puissance de l'aristocratie locale aux dépends des grands princes territoriaux qui ont fait tout le travail pour ruiner l'autorité du roi dans les differentes principautés

avant l'an mil, des potentats locaux essaient de s'imposer parfois contre la puissance de l'Eglise, des évêques et des monastères,
on peut penser en auvergne à Amblard le mal-hiverné, un seigneur qui pète les plombs et ravage les campagnes, pille les chapelles, sans que personne ne trouve ça bizarre
même si cela a toujours existé, il y a vers l'an mil une acceleration de la violence, et des grandes peurs
de là à parler de mutation?

après ça n'est qu'une question de vocabulaire: mutation, révolution, évolution



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Message Publié : 28 Nov 2003 22:18 
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Grégoire de Tours
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Citer :
et pourtant on peut pas dire qu'il ne s'est rien passé autour de l'an mil, l'exemple de l'apparition d'une classe de "chevaliers" dans la documentation n'est qu'un exemple parmi d'autres d'une évolution de la société. (voir aussi les chevaliers paysans?)


Qu'entendez-vous par "apparition d'une nouvelle classe de chevaliers"?
J'ai déjà expliqué qu'il est vrai que dans les chartes à partir de la moitié du XI siècle, apparaissent de nombreux chevaliers, mais non pas à cause du développement de la "classe" de cavaliers, mais plutôt à cause de l'évolution des chartes, beaucoup plus précises sur les caractéristiques des personnages. Ainsi il y a aussi beaucoup plus de mentions de forgerons, cuisiniers, et autres porchers, qui n'apparaissaient pas dans les chartes du X siècle. Cette apparition est ainsi due à una évolution documentaire plus au'au développement d'une nouvelle classe, les chartes étant bien plus "sèches" et moins précises avant les années 1030-1050.

En effet les cavaliers apparaissent au contraire bein plus tôt dans la société médiévale. Dès l'époque carolingienne tout homme susceptible de se le permettre combat à cheval, ainsi que de nombreux combattants à cheval entrainé dans la cour ou dans l'entourage des Grands: ses vassaux.
Rien n'indique vraiment qu'à partir du XI les cavaliers ne deviennent "plus" prédominants qu'ils n'étaient déjà...


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Message Publié : 30 Nov 2003 13:56 
alors pour toi :
le fait que se développe l'enchatellement,
qu'une noblesse "locale"devienne prédominante et presque autonome du pouvoir des grands et du pouvoir royal
et l'apparition du mot miles dans les chartes sont autonomes?

bien sûr les cavaliers existaient déjà, ok les chartes deviennent plus descriptives

mais les" chevaliers" ne sont jamais mis au m^me niveau que les cuisiniers ou autres...

les milites sont les hommes d'armes d'un senior, bien sûr, leur classe sociale n'est pas la noblesse,
c'est pour cela que je parlais des chevaliers paysans du lac de paladru. (je crois qu'il existe deux autres sites comparables, 1 vers bordeaux?)
ces differents sîtes datent de l'an mil je crois, rien avant?, et après c'est different, on connait l'evolution de la chevalerie

MAIS TU PLACE LE DEBAT SUR LE SEUL PROBLEME DES MILES.


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Message Publié : 30 Nov 2003 20:59 
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Grégoire de Tours
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IL y a aussi une chistianisation de la société, et les familles sont nucléaires et non cognitive!¨Et c'est l'age d'or de la féodalité

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"La France n'est plus qu'un simple simulacre. On ne peut plus parler de déclin, ni de décadence. Nous sommes devant la mort et la disparition." Jean de Viguerie


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Message Publié : 01 Déc 2003 18:48 
L'"enchâtelement"? J'ai cherché dans mon dico, mais je ne trouve pas ce mot (il existe peut-être par ailleurs). Je pense que vous faites référence à l'"incastellamento", qui se déroule en Italie, et qui voit les seigeuries féodales réunir les manants, et autres villageois" dans une grande structure castrale, souvent sur des flancs de collines, avec le château (ou plûtôt la demeure du seigneur) qui trône au milieu du village emmuré. C'est là un phénomène assez spécifique de l'Italie...

Sinon vous faites référence tout simplement au développement des châteaux et des seigneuries châtelaines au cours du XI... et bien tout d'abord:

Citer :
qu'une noblesse "locale"devienne prédominante et presque autonome du pouvoir des grands et du pouvoir royal


Vous avez une idée bien modeste des seigneurs châtelains. Bien sûr ils appartenaient à la noblesse, mais il faut savoir de quoi on parle. Tout d'abord le processus de "délocalisation" et fragmentation des pouvoirs publiques se déroule sur nue période très dilatée. Ca commence à la fin du IX siècle. A cette époque (la date de 877 marque un tournant avec une reconnaissance partielle (mais seulement temporaire) de l'hérédité des charges publiques (comté, duchés, etc)) plusieurs grands ensembles apparaissent en Francia: l'Aquitaine, la Normandie, la Bourgogne, l'ensemble du duc de Neustrie, etc sont peu ou prou indépendants, en fonction de l'éloignement du pouvoir royal.
A la fin du X, on atteint un palier supplémentaire: l'unité "indépendante" de base est à peu près un grand comté (qui compte en fait de nombreux comtés), le duché, la marche. C'est alors le comté de Blois, celui d'Anjou, la Flandre, le Vermandois.
Assez rapidement ce niveau aussi "éclate" (en fin fait il éclate pas, il voit plutôt ses marges être de plus en plus autonome, à des degrés différents): on voit l'apparition de la châtellenie, c'est à dire de familles nobles qui accaparrent à leur tour l'ensemble, ou partie des pouvoirs publics que les comtes avaient pris au roi: c'est le cas des vicomtes de Chartres, que le comte de Blois ne contrôel que très mal. C'est le cas de la famille de Gallardon, qui a bâti une importante seigneurie indépendante entre Paris et Chartres. C'est le cas de la famille de Routrou, qui, investi à la fin du X siècle d'une forteresse au confins de la seigneurie de son maitre (comte de je ne sais plus quoi), s'en affranchi au cours du XI siècle... Mais je vous fait remarquer que c'est châtelains n'ont rien à voir avec les miles d'emblée. Bien sûr ils sont eux-mêmes des chevaliers (comme tous les Grands, depuis pratiquement la nuit des temps: vous imaginez-vous un général romain ou un empereur, où un comte qui ne soit pas à cheval?), mais la chevalerie de ce moment revêt des formes très diverses.

C'est donc là l'époque de la seigneurie châtelaine, qui se développe tout au long du XI siècle. Et alors? Nous sommes d'accord sur tout cela, mais qu'est-ce que cela prouve? La naissance des châteaux privé se situe entre les années 1030-1040, encore qu'ne réalité la plupart des châteaux réels, naissent "légalement", sous l'impulsion du comte (si on veut admettre qu'à ce point son pouvoir est "légal"). C'est seulement après que son seigneur parvient parfois à s'affranchir de la tutelle de son suzerain...

Bref je ne vois pas en quoi l'an Mil (même en admettant un "An Mil" considérablement dilaté, genre 980-1040) constitue uen mutation.
L'"an Mil" n'est qu'une figure rhétorique, une forme du language belle parce qu'elle fait plaisir à ceux qui croient encore aux "terreurs de l'an Mil" (autre mythe).
De plus, on observe ici une évolution politique, même très marquée. On peut même admettre que cette nouvelle forme de pouvoir fragmenté a pu être à l'origine de bouleversements sociaux. Mais il faudrait alors me les signaler. Le servage paysans ne nait certainement pas à cette époque: il est attesté dès l'époque carolingienne. Mais à partir du X il se dégrade fortement et le servage du XI n'est q'une forme très particulière de servage "de fonction", un servage "aristocratique" qui ne concerne que des serfs "hauts en couleur" comme je le dis dasn un autre post. C'est seulement au XIII que le servage renait comme système collectif de sujétion paysanne.
Les miles existent depuis très longtemps (au moins le IX (sauf qu'on les appelait vassus ou vassallus[/]. Jusqu'à la fin du XI siècle, ils ne cosntituent en rien une classe, mais au contraire le miles peut désigner un serf qui sert à cheval, un noble, un simple vassal. Bref il n'a aucune connotation particulière. Dès l'époque carolingienne les élites (qui elles combattent à cheval "naturellement") entretiennent des suites d'armes de chevaliers qui n'ont rien de noble, sauf la monture. Par contre l'évolution particulière concernant les [i]miles concerne la fin du XI siècle. A ce moment on cesse progressivement d'utiliser le terme miles pour les serfs ou les humbles en général. Le miles devient progressivment un statut. Tout au long du XII il se mue en véritable titre, et au XIII il est strictement héréditaire, alors que la noblesse tout entière, en fait, est dévénue juridiquement héréditaire" (sauf anoblissement de la part du roi).
Où voyez vous là dedans une "mutation de l'an mil"?

Pour conclure un double problème se profile à l'horizon:
l'histoire est mutation. Bien sûr, on peut identifier des périodes de plus ou moins longue durée relativement homogènes, préparées par des périodes particulières où "tout change". La Révolution française est très clairement une rupture, une mutation fondamentale des rapports sociaux, des mentalités, etc.. Mais je ne vois pas en quoi l'an Mil constitue une rupture à plusieurs niveaux. Le Moyen Age est un peu rebelle aux "révolutions". Et là on rejoint un autre problème plus spécifique au Moyen Age, à savoir la tendance qu'on les gens à considérer le Moyen Age comme 1000 de structures à peu près stables (je caricature à l'extrème, bien sûr). Personne ne date jamais ses affirmations sur telle ou telle réalité médiévale, ce qui donne lieu forcément à des généralisations périlleuses...
Mais si on se donne la peine d'affiner un peu toutes les observations, et surtout de les dater, on s'aperçoit de grands décalages dans les évolutions, et ça nous oblige à considérer chaque chose pour elle-même avant de cosntituer un grand chauderon et y jeter tout ce qu'on trouve...

Voilà j'ai fini... Merci à ceux qui ont eu le courage de tout lire :wink:

Keikoz


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Message Publié : 01 Déc 2003 18:50 
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C'était moi!!!
Bon... bonne lecture

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Dubitando ad veritatem pervenimus
Cicéron, De officiis


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Message Publié : 25 Juin 2004 9:54 
"C'est vrai, Barthélemy est relativement isolé, dans ce débat", dit keikoz. je voudrais ici nuancer ce propos : il n'est isolé qu'en france ; les thèses qui affirment une "mutation de l'an mil" n'ont eu aucun écho hors de nos frontières chez les savants, et dans la mesure où elles ont été prises en considération, sont considérées comme obsolètes depuis 20 ans. En France même, le récent essai de Dutour, "La ville médiévale. origines et triomphe de l'Europe urbaine", paru chez Odile Jacob en 2003, reprend à fond la question des relations entre ville et campagne (en gros l'auteur, qui est assez décapant, tire toutes les conséquences de la constatation du fait que les villes naissent et se développent pour répondre aux besoins des campagnes) et pulvérise les thèses mutationnistes, en rendant au passage à barthélémy l'hommage qui lui est du. Dutour donne ce qui est, je crois, la meilleure mise au point et la plus récente sur ce débat, et sans doute la plus claire (l'ouvrage se lit facilement).


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 Sujet du message : Re:
Message Publié : 23 Fév 2013 10:38 
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Invité a écrit :
L'"enchâtelement"? J'ai cherché dans mon dico, mais je ne trouve pas ce mot (il existe peut-être par ailleurs). Je pense que vous faites référence à l'"incastellamento", qui se déroule en Italie, et qui voit les seigeuries féodales réunir les manants, et autres villageois" dans une grande structure castrale, souvent sur des flancs de collines, avec le château (ou plûtôt la demeure du seigneur) qui trône au milieu du village emmuré. C'est là un phénomène assez spécifique de l'Italie...

Sinon vous faites référence tout simplement au développement des châteaux et des seigneuries châtelaines au cours du XI... et bien tout d'abord:

Citer :
qu'une noblesse "locale"devienne prédominante et presque autonome du pouvoir des grands et du pouvoir royal


Vous avez une idée bien modeste des seigneurs châtelains. Bien sûr ils appartenaient à la noblesse, mais il faut savoir de quoi on parle. Tout d'abord le processus de "délocalisation" et fragmentation des pouvoirs publiques se déroule sur nue période très dilatée. Ca commence à la fin du IX siècle. A cette époque (la date de 877 marque un tournant avec une reconnaissance partielle (mais seulement temporaire) de l'hérédité des charges publiques (comté, duchés, etc)) plusieurs grands ensembles apparaissent en Francia: l'Aquitaine, la Normandie, la Bourgogne, l'ensemble du duc de Neustrie, etc sont peu ou prou indépendants, en fonction de l'éloignement du pouvoir royal.
A la fin du X, on atteint un palier supplémentaire: l'unité "indépendante" de base est à peu près un grand comté (qui compte en fait de nombreux comtés), le duché, la marche. C'est alors le comté de Blois, celui d'Anjou, la Flandre, le Vermandois.
Assez rapidement ce niveau aussi "éclate" (en fin fait il éclate pas, il voit plutôt ses marges être de plus en plus autonome, à des degrés différents): on voit l'apparition de la châtellenie, c'est à dire de familles nobles qui accaparrent à leur tour l'ensemble, ou partie des pouvoirs publics que les comtes avaient pris au roi: c'est le cas des vicomtes de Chartres, que le comte de Blois ne contrôel que très mal. C'est le cas de la famille de Gallardon, qui a bâti une importante seigneurie indépendante entre Paris et Chartres. C'est le cas de la famille de Routrou, qui, investi à la fin du X siècle d'une forteresse au confins de la seigneurie de son maitre (comte de je ne sais plus quoi), s'en affranchi au cours du XI siècle... Mais je vous fait remarquer que c'est châtelains n'ont rien à voir avec les miles d'emblée. Bien sûr ils sont eux-mêmes des chevaliers (comme tous les Grands, depuis pratiquement la nuit des temps: vous imaginez-vous un général romain ou un empereur, où un comte qui ne soit pas à cheval?), mais la chevalerie de ce moment revêt des formes très diverses.

C'est donc là l'époque de la seigneurie châtelaine, qui se développe tout au long du XI siècle. Et alors? Nous sommes d'accord sur tout cela, mais qu'est-ce que cela prouve? La naissance des châteaux privé se situe entre les années 1030-1040, encore qu'ne réalité la plupart des châteaux réels, naissent "légalement", sous l'impulsion du comte (si on veut admettre qu'à ce point son pouvoir est "légal"). C'est seulement après que son seigneur parvient parfois à s'affranchir de la tutelle de son suzerain...

Bref je ne vois pas en quoi l'an Mil (même en admettant un "An Mil" considérablement dilaté, genre 980-1040) constitue uen mutation.
L'"an Mil" n'est qu'une figure rhétorique, une forme du language belle parce qu'elle fait plaisir à ceux qui croient encore aux "terreurs de l'an Mil" (autre mythe).
De plus, on observe ici une évolution politique, même très marquée. On peut même admettre que cette nouvelle forme de pouvoir fragmenté a pu être à l'origine de bouleversements sociaux. Mais il faudrait alors me les signaler. Le servage paysans ne nait certainement pas à cette époque: il est attesté dès l'époque carolingienne. Mais à partir du X il se dégrade fortement et le servage du XI n'est q'une forme très particulière de servage "de fonction", un servage "aristocratique" qui ne concerne que des serfs "hauts en couleur" comme je le dis dasn un autre post. C'est seulement au XIII que le servage renait comme système collectif de sujétion paysanne.
Les miles existent depuis très longtemps (au moins le IX (sauf qu'on les appelait vassus ou vassallus[/]. Jusqu'à la fin du XI siècle, ils ne cosntituent en rien une classe, mais au contraire le miles peut désigner un serf qui sert à cheval, un noble, un simple vassal. Bref il n'a aucune connotation particulière. Dès l'époque carolingienne les élites (qui elles combattent à cheval "naturellement") entretiennent des suites d'armes de chevaliers qui n'ont rien de noble, sauf la monture. Par contre l'évolution particulière concernant les [i]miles concerne la fin du XI siècle. A ce moment on cesse progressivement d'utiliser le terme miles pour les serfs ou les humbles en général. Le miles devient progressivment un statut. Tout au long du XII il se mue en véritable titre, et au XIII il est strictement héréditaire, alors que la noblesse tout entière, en fait, est dévénue juridiquement héréditaire" (sauf anoblissement de la part du roi).
Où voyez vous là dedans une "mutation de l'an mil"?

Pour conclure un double problème se profile à l'horizon:
l'histoire est mutation. Bien sûr, on peut identifier des périodes de plus ou moins longue durée relativement homogènes, préparées par des périodes particulières où "tout change". La Révolution française est très clairement une rupture, une mutation fondamentale des rapports sociaux, des mentalités, etc.. Mais je ne vois pas en quoi l'an Mil constitue une rupture à plusieurs niveaux. Le Moyen Age est un peu rebelle aux "révolutions". Et là on rejoint un autre problème plus spécifique au Moyen Age, à savoir la tendance qu'on les gens à considérer le Moyen Age comme 1000 de structures à peu près stables (je caricature à l'extrème, bien sûr). Personne ne date jamais ses affirmations sur telle ou telle réalité médiévale, ce qui donne lieu forcément à des généralisations périlleuses...
Mais si on se donne la peine d'affiner un peu toutes les observations, et surtout de les dater, on s'aperçoit de grands décalages dans les évolutions, et ça nous oblige à considérer chaque chose pour elle-même avant de cosntituer un grand chauderon et y jeter tout ce qu'on trouve...

Voilà j'ai fini... Merci à ceux qui ont eu le courage de tout lire :wink:

Keikoz


Citez vos sources,si vous considérez que vos lignes forment un mini article.Tout ceci me semble tres dangereux pour l'histoire,si la profession revendique une scientificité.Est ce un avis?Une opinion?ou ce que je crois un avis d'historien.?Quelques lignes a peine sur un sujet aussi complexe.Et toujours le meme refrain chez les anti mutationnistes:pas de these ecrite,bien lourde d'au moins 800 pages et plusieurs années de travail(Maconnais Duby_La Catalogne Bonnassie etc)
pour etayer leur propos.On attend encore.....Mais ce n'est qu'un avis.


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Message Publié : 23 Fév 2013 12:44 
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Grégoire de Tours
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Inscription : 18 Jan 2008 13:49
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Bonjour

Citer :
"C'est vrai, Barthélemy est relativement isolé, dans ce débat", dit keikoz. je voudrais ici nuancer ce propos : il n'est isolé qu'en france ; les thèses qui affirment une "mutation de l'an mil" n'ont eu aucun écho hors de nos frontières chez les savants, et dans la mesure où elles ont été prises en considération, sont considérées comme obsolètes depuis 20 ans. En France même, le récent essai de Dutour, "La ville médiévale. origines et triomphe de l'Europe urbaine", paru chez Odile Jacob en 2003, reprend à fond la question des relations entre ville et campagne (en gros l'auteur, qui est assez décapant, tire toutes les conséquences de la constatation du fait que les villes naissent et se développent pour répondre aux besoins des campagnes) et pulvérise les thèses mutationnistes, en rendant au passage à barthélémy l'hommage qui lui est du. Dutour donne ce qui est, je crois, la meilleure mise au point et la plus récente sur ce débat, et sans doute la plus claire (l'ouvrage se lit facilement).


Il faut bien replacer les choses dans leur contexte : Dutour est un enseignant de Paris IV, où il a été formé, et qui est le centre d'exercice de D. Barthélémy. Il s'inscrit dans la continuité des thèses de son laboratoire, c'est assez classique. Ça n'en suffit pas pour en faire une autorité sur le débat mutationniste, d'autant plus que T. Dutour, quoique excellent historien, n'a jamais directement travaillé sur la période en question : c'est un spécialiste de la ville du moyen Âge tardif.

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Ira principis mors est


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Message Publié : 28 Mars 2013 19:13 
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Bonjour,

vous devriez vous pencher sur les indices matériels qui désormais nous renseignent davantage. Un historien actuel de la Provence (plus particulièrement, mais il embrasse des zones plus larges), Florian Mazel, en intégrant les données archéologiques à sa réflexion penche plutôt dans le sens d'une répétition des cadres politico-économiques antérieurs à la moitié du Xe s. (date à partir de laquelle l'archéologie cerne une multiplication des fortifications en Provence) à plus petite échelle, autrement dit, une répétition des schémas préexistants, sauf qu'autour de l'an Mil, il y a multiplication des détenteurs du pouvoir. Après certains s'avanceront à parler de pouvoirs et fortifications privés/publics. Sincèrement, on peut rester prudent en sachant que la fameuse redistribution des pouvoirs entre dans le cadre des seigneuries qui sont, multiples de par leur nature et hiérarchisées encore de manière multiple. Définir ce qui est privé ou public dans ce cadre est très complexe. Parler au singulier en faisant de l'Histoire classique un élément porteur de La Mutation ou de La Féodalité semble périlleux, il vaut mieux parler de "féodalitéS" et de "MutationS", cela tient compte des réalités locales qui peuvent avoir eu un rôle très important dans les sociétés rurales médiévales.

Bien à vous.


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Message Publié : 29 Mars 2013 14:11 
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Salluste
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Dominique Barthélemy ne dit pas autre chose. Il anticipe la mise en place de la féodalité dès 888. Il me semble que l'émiettement va du Ve au Xe s en une succession de division. De l'Empire romain hégémonique, suit la royauté mérovingienne(v 500 stable mais fragile) jusqu'à 650 . Neustrie Austrasie Bourgogne Aquitaine dessinent alors la carte jusque 750 et la parenthèse carolingienne. Ce retour à l'empire et à l'unité ne dure pas et au milieu du IX s on assiste à la naissance des principautés .Il faudra attendre la fin du XIIe s pour qu'un embryon d'état monarchique éclose.
Du Ve au Xe s Il me semble que la poussée d'une nouvelle "couche sociale" la noblesse (ou plus exactement ,les hommes proches du pouvoir qui se ruent sur les terres et les hommes libérés du fisc romain)se fait de plus en plus forte,et que la féodalité en est l'aboutissement.Après les "invasions barbares",contre la royauté mérovingienne puis la res publica carolingienne le privé finalement l'emporte.Quand?888 (Barthelemy,Mazel..) ou 980 (Duby,Bonnassié..).L'important n'est il pas :pourquoi?


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Message Publié : 29 Mars 2013 21:09 
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Inscription : 04 Mai 2012 23:28
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Attention, l'archéologie a prouvé que ce schéma d'évolution aristocratique est certainement faux, au moins en partie. Ce qu'on voit, en tout cas pour la Provence à la veille de l'an Mil, c'est la montée en puissance d'une aristocratie alleutière qui n'est rien d'autre que paysanne (voir les fouilles de la roca de Aldefred à Niozelles). Dire qu'il y a une filiation avec l'aristocratie romaine c'est un peu précipité. J.-P. Poly parlait beaucoup d'un clivage entre "gallo-romains" et "germains". Seulement, il se trouve qu'à cette époque avoir un nom de telle ou telle origine est le reflet de fonctions, de pouvoir etc... Les évêques ont par exemple presque toujours des noms gallo-romains (Pons revient souvent), tandis que les comtes/vicomtes (souvent issus de la même famille) portent des noms d'origine germanique (Guillaume est le plus courant).


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Message Publié : 31 Mars 2013 9:39 
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Salluste
Salluste

Inscription : 02 Oct 2009 11:13
Message(s) : 206
Je traitai de ce sujet sur la longue durée. Le dominium (sur la terre et les hommes) est un phénomène que l'on retrouve à chaque période, s'adaptant dans le temps et l'espace. D'autre part l'archéologie est essentielle aux médiévistes si l'ont considère que les sources écrites sont toutes découvertes.


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