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Alors keikoz, on rentre de vacances ?
C'est bien ça, merci, bien que ce n'était pas de véritables vacances ;)
Je ne peux porter d'arguments, n'ayant pas de dossier sous les mains, ni de connaissances suffisantes sur la question (ni le temps actuellement de m'y intéresser suffisamment dans le détail).
Ce que je veux dire, c'est que:
1. Nous dépendons des sources pour établir la "cruauté" de Frédégonde (comme pour tout le reste, d'aillleurs); en quelle mesure celles-ci tendent-t-elles a présenter Frédégonde dans une optique négative? J'imagine que la principale source soit la chronique de Frédégaire... peut-tu confirmer? Si c'est le cas, elle a des chances d'avoir une vision biaisée, puisque (si je ne me trompe) elle est l'oeuvre (pour sa partie originale) d'un Burgonde.
2. Ce que nous interprétons comme attitude négative ne l'est pas forcément pour les contemporains. Je peux être d'accord pour affirmer qu'elle a tué telle ou telle personne; je ne peux être d'accord pour qualifier cela de cruauté,
a fortiori. Frédégonde n'est pas la seule à être très cruelle; de nombreux rois le sont aussi... Il faut confronter l'attitude de Frédégonde à l'attitude des rois eux-mêmes: beaucoup de meurtres de rois, par d'autres rois ou par le peuple lui-même revêtent un caractère rituel, par exemple, lié au caractère magique de la royauté telle que la présente par exemple Grégoire de Tours. Le roi est présenté avec des attributs faisant de lui un homme intégrant des caractères magiques, et partant surnaturels. Dès lors dans la sacralité de la royauté mérovingienne il est "licite" que le roi exerce son pouvoir en-dehors des cadres normatifs communément admis pour ses sujets; ce qui explique les nombreux meurtres exercés à l'égard des membres de la famille royal par le roi lui-même. Dans cette optique, il n'est pas impossible que cette symbolique de la violence soit appropriée - consciemment ou inconsciemment - par la reine elle-même. D'ailleurs on notera que en dépit des nombreux actions dont elle se rend "coupable", elle reste entourée de nombreux fidèles; comment expliquer cela si elle avait été "folle à lier"?
Pour finir, et pour pas qu'on pense que je suis l'illustre inventeur de toutes ces réfléctions, je vous livre ceci à méditer:
"Chez ces rois qui violaient l'ordre familial, la rupture génératrice du sacré était un facteur de reconnaissance, un moyen de situer l'être hors du commun, au-dessus et en dehors du groupe, celui qui détenait une force active ambivalente - maléfique dans le domaine de la sexualité et de la luxure, bénéfique dans le domaine de la guerre -, assuraient finalement fécondité et prospérité au peuple. Les moeurs débridées des fils et petits-fils de Clovis, leurs multiples épouses et concubines, souvent issues de milieux serviles, ne témoignent certainement pas des pratiques sociales en vigueur dans la Gaule mérovingienne du VIe siècle, elles sont des ruptures de l'ordre social qui situent le roi dans la zone de l'interdit." (Régine Le Jan,
Annales ESC, 58, 6).
Au passage je ne prétends pas non plus que les réflections d'un historien soient l'alpha et l'oméga de la vérité. Peut-être et même probablement la thèse de Régine le Jan sur le sens magique et rituel de la violence royale des Mérovingiens peut - et doit certainement - être nuancée, infirmée peut-être... Mais ce qui importe c'est d'envisager la question dans une optique où l'altérité, la différence n'est pas interprétée à l'aune de catégories qui sont les notres...
D'ailleurs je ne dis pas ça en tant que critique; c'est ce que j'ai envie de dire à la lecture de très nombreux messages que je visionne sur le forum en général... Je me permet de le faire ici en vertu de cette discussion porteuse...
Keikoz