LE FRONT DES OUBLIES Au début du mois d’août 1944, la Bretagne est libérée… enfin, presque. Les Allemands ont réussi à faire replier des troupes sur Lorient et sur Saint-Nazaire, les 2 plus importants ports bretons après Brest. Prés de 70,000 hommes de la Heer, de la Kriegsmarine et quelques éléments de la Luftwaffe y resteront jusqu’en mai 1945. Encerclés et gardés de près comme il se doit. Pas par les forces américaines ou très peu. Essentiellement par les ex-Forces Françaises de l’Intérieur, des résistants devenus soldats d’unités de la «régulière ».
Et quelles forces ! L’un d’entre eux dira plus tard : «On peut dire que ces poches allemandes ont été gardées par une armée de jeunes en haillons, crevant de faim et de froid derrière des talus ou dans des marais, mais avec un moral d’acier qui a permis de tenir jusqu’au bout dans un hiver glacial et sans statut militaire, ce qui veut dire que si nous étions pris par les Allemands, nous risquions d'être traités comme terroristes, et donc d'être torturés ou fusillés aussitôt. »
1 - LA FORMATION DES «POCHES » DE LORIENT ET SAINT-NAZAIRE : Les Forces Américaines, en arrivant en Bretagne durant l’été 1944, se méfient un peu de la Résistance Bretonne, d'autant plus que le C.O.M.A.C.* en a confié le commandement régional à des officiers F.T.P.F.* * Comité d'Action Militaire, organe créé par le Comité Central des Mouvements de Résistance, le 1er février 1944 pour diriger les Forces Françaises de l'Intérieur (FFI) ou tous les groupes de résistance se fondaient. * Franc Tireurs et Partisans Français, réseaux de résistance souvent dirigés par des communistes. Ils combattront en liaison étroite avec les autres groupes mais veilleront à se distinguer des FFI bien qu’en en faisant organiquement partie. Le général Omar Bradley, qui a remplacé Montgomery le 29 juillet à la direction générale des opérations, craint que les F.T.P.F ne déclenchent une guerre civile, et ne veut pas leur laisser le soin de nettoyer seuls la péninsule. Au début de juillet, le général Koenig a dû promettre que l'insurrection serait contrôlée, et a, dans ce but, le 4 juillet à Londres, confié au colonel Eon le commandement des FFI des cinq départements bretons (avec la Loire Inférieure) en lui donnant pour adjoint le colonel Passy et en lui remettant un document signé "Bigot" Le plan "Bigot" prévoyait l'envoi de neuf nouvelles missions Jedburgh et un très important programme de parachutages d'armes et de munitions avant que le colonel Eon lui-même n’arrive sur place avec son état-major (Mission Aloès). Le 27 juillet, il a été décidé que toutes les unités françaises de Bretagne, y compris le bataillon de Bourgoin, seraient placées sous les ordres du colonel Eon, et celui-ci obtient le 31 que quatre équipes Jedburgh soient envoyées auprès des quatre commandants départementaux des FFI pour assurer la liaison entre eux et lui. Le 2 août, la compagnie de choc "Bretagne" du capitaine Dampierre est parachutée à Guern où elle prend immédiatement contact avec le maquis de Déplante. Dans la nuit du 4 au 5, la mission Aloès est parachutée sur le terrain Bonaparte à 15 km au sud de Guingamp, prés de Kérien. Trente officiers en tout. Le 5 août, vers 18 h, le major Broussard, de l'état-major de Patton, se présente à Kérien au colonel Eon, et devient auprès de celui-ci l'officier de liaison de l'armée américaine. Rassuré sur l'encadrement et la combativité des résistants, Patton laisse maintenant aux formations des maquis la tâche de nettoyer la Bretagne, avec le soutien de trois divisions de son armée, et il se porte vers l'Est. Conformément à des instructions antérieures de l’OKW*, les Allemands se replient sur les trois ports de Brest, Lorient et Saint-Nazaire. * L’Oberkommando der Wehrmacht est le commandement suprême de la Wehrmacht (équivalent à l'État-major des armées).
Le 3 août après midi, commence un mouvement de repli général : Tandis que les troupes de la base aérienne de Meucon, le 708ème bataillon de Osttruppen* stationné à Surzur et le bataillon de parachutistes de Josselin se mettent en route vers Saint-Nazaire, les autres unités du Morbihan ainsi qu'un certain nombre venant des Côtes du Nord, du Sud Finistère et même de Carhaix, essaient de gagner aux abords de la "Forteresse de Lorient", la ligne de sécurité Quimperlé, Arzano, Plouay, Baud.
* Osttruppen, troupes de l’Est, des Russes, Ukrainiens, Polonais et autres Slaves intégrés dans la Wehrmacht, souvent de force. Du jour au lendemain, les rôles se renversent et les Allemands passent sur la défensive. Le 2 août, alors qu'on se bat aux abords de Rennes, les Allemands qui viennent de rafler la veille plus de soixante containers d'armes, attaquent encore à Moréac la 2ème Compagnie du 4ème bataillon FTPF, mais cette fois les Résistants les obligent à décrocher. Les Résistants abattent ici et là des arbres en travers des routes, sectionnent des câbles téléphoniques, sabotent des pylônes électriques. A Malansac, l'attaque du dépôt de carburant, dont les quatre gardiens sont tués, permet l'enlèvement de 25 000 litres d'essence. A Pont-Kerlo en Plouay, un groupe de FFI attaque un convoi et tue deux allemands, deux autres périssent dans l'attaque d'un véhicule isolé sur la route de Josselin à Pontivy, deux autres encore sont faits prisonniers à la Trinité-Surzur par la compagnie Ferré du bataillon de Vannes.
L'aviation alliée déploie une intense activité qui surexcite les esprits. A Pontivy elle attaque des camions chargés de munitions et en fait sauter un, mais un avion est abattu et son pilote tué. « Dans la fébrilité des veilles de combat, plusieurs collaborateurs notoires sont exécutés à Cléguérec, Silfiac, Sérent, Pleucadeuc. Certains nostalgiques, sous couvert d’articles concernant «l’épuration sauvage » cherchent à les ériger en martyrs. Ceux-la ne l’étaient pas. La justice populaire, durant ces événements tragiques, a sans doute été expéditive, probablement illégale, mais n’a pas toujours été injuste » dira plus tard l’un de ces résistants, Roger Lenevette.
Traqués depuis des semaines, les maquisards dont la plupart ne reçoivent pas de solde, qui doivent souvent se contenter d'une maigre nourriture, qui éprouvent de plus en plus de peine à se cacher maintenant que les blés sont coupés et même craignent dans certains secteurs de ne plus pouvoir tenir bien longtemps, contiennent mal leur impatience de se battre. Ils ne disposent pourtant que d'un armement bien insuffisant, et les parachutages se poursuivent dans la nuit du 2 au 3 août, notamment à la Chapelle-Neuve et à Kergroix en Landévant ou les FFI de Mendon accueillent en outre cinq parachutistes.
Les Allemands, eux aussi, savent que les blindés ne tarderont guère, ils ne croient plus à la victoire, redoutent la vengeance de la Résistance, et se demandent s'ils pourront se rendre aux Américains, pour bénéficier de leur protection.
Le 3 août, les mouvements des troupes déclenchent un peu partout l'action offensive des FFI. Le même jour, à 18 h, la B.B.C. lance la phrase "Le Chapeau de Napoléon est-il toujours à Perros Guirec ?". Le message n'est généralement pas compris. Les parachutistes qui assurent la liaison radio avec Londres pour la plupart des unités en ignorent la signification et attendent vainement une autre phrase : " Le manchot n'est pas mort ". Cette négligence du haut commandement empêche que soit entreprise la réalisation méthodique du plan de sabotages qui a été préparé et facilite le repli des Allemands, l'opposition que ceux-ci rencontrent n'étant pas coordonnée.
Le colonel "Morice" envoie certes aux douze bataillons de la Résistance Morbihannaise l'ordre de gêner les déplacements des allemands en évitant les accrochages trop importants. Le 1er bataillon reçoit la mission d'encercler Vannes et de s'opposer à toute tentative allemande de destruction. Avant même que ces ordres ne soient lancés, nombre de sections et de compagnies se sont rassemblées un peu partout, pour ainsi dire spontanément, et ont pris position.
Les FFI de Pontivy et une compagnie du 4ème FTPF se portent au devant des convois qui arrivent des Côtes du Nord. A la tête d'une centaine d'hommes, le capitaine Le Berre s'empare de deux camions et de deux voitures du côté de Mür de Bretagne. A Saint-Caradec, la destruction d'une automobile blindée cause la mort de quatre Allemands. Les combats du Pont-Rouge en Saint-Gonnery et de Saint-Maudan, l'attaque d'un camion ennemi aux environs de Marronnière en Crédin, témoignent de la pugnacité des Résistants de la région Pontivyenne. Les 50 Allemands qui minaient le Pont-Rouge ripostent avec énergie à leurs assaillants et malgré leurs pertes tiennent bon jusqu'à ce que l'arrivée de renforts leur permette de rester maîtres du terrain. Par contre, près de Noyal-Pontivy, une section de la compagnie Bacon tue un officier et fait trente trois prisonniers. A 150 Allemands qui viennent d'évacuer Guémené, une section de "La Marseillaise", pendant trois heures de fusillade, barre la route de Lorient à Kerliono en Lignol. Non loin de là à Poulprio en Persquen, c'est la section locale des FFI qui arrête un convoi, s'empare d'une camionnette et de plusieurs armes automatiques. Dans la région de Lorient les accrochages se multiplient sur les routes qui convergent vers la ville. A trois km de Plouay, sur la route de Caudan, un camion est mis hors de service et ses trois occupants tués. Prés de Pont-Scorff, un détachement de Résistants attaque une colonne de trois cent hommes et ne se retire qu'après une vingtaine de minutes de combat. Entre Landévant et Brandérion, au lieu-dit "Fouille-Poche", c'est un convoi de charrettes réquisitionnées que les FFI bousculent. Le capitaine Jacques de Beaufort veut intercepter dans la nuit du 3 au 4 août, des convois qui venant de Bubry se dirigent soit vers Hennebont soit vers Lorient.
La section de Bubry qu'il avait l'intention de poster en embuscade prés de Poul et Groëz, sur la route de Plouay, ne peut aller chercher ses armes dans leur cachette en raison de la surveillance qu'exercent les Allemands. Il décide donc de recruter quelques hommes et d'aller lui-même avec eux à l'endroit prévu. Un groupe de cyclistes allemands passe à proximité, se dirigeant vers Plouay. Bubry est debout dans la clarté de la pleine lune. Une grenade l'abat, ses compagnons s'enfuient. Un convoi survenant, les Allemands le chargent sur un camion et s'acharnent sur lui. On retrouvera le lendemain matin, son cadavre affreusement ensanglanté à Kerchopine sur la route de Plouay à Lorient Le Nord-Est du Morbihan vit déjà les heures à la foi sanglantes et exaltantes de la Libération. Vers 13 h une colonne américaine se présente à l'entrée du bourg de Mauron sur la route de Gaël. Le feu violent qui l'accueille tue trois soldats et un jeune Parisien de dix sept ans grimpés sur un char par enthousiasme. Les Allemands ne décrochent que trois heures et demie plus tard, après avoir eu 11 tués.
Au cours de la soirée, les FFI qui les poursuivent dans leur retraite, capturent trente trois prisonniers. A Concoret, les Américains occupent le château de Comper, évacué le matin. Plus à l'Est, la compagnie locale du capitaine Le Tallec, forte de cent quatre vingt hommes qui se sont groupés au village de Pengrain, libère, au prix d'un tué et six blessés, le secteur de Coëtquidan et occupe le camp, causant aux allemands des pertes sérieuses et faisant six cents prisonniers. Un commandant est notamment arrêté alors qu'il s'apprêtait à mettre le feu au magasin de literie. Les Américains arrivés vers 18 h, laissent les Résistants nettoyer les environs et poursuivent leur avance, dépassant Guer puis Carentoir en direction de Redon A la veille de leur départ, le 3 août, les Allemands perpétuent de nouvelles exécutions : Le FTPF Henri Jegat, de Bignan, est extrait de la prison de Locminé et fusillé à Trébimoël en Colpo. Avant de quitter Josselin, les Allemands abattent dans la cour de la clinique Saint-Martin les sept prisonniers qu’ils leur restaient. A Peillac, un Français, en tentant de s'emparer d'une motocyclette, rend furieux des soldats qui s'en vont. Ils tirent et abattent cinq personnes, dont un cantonnier qui fauchait l'herbe sur le bord de la route. A Quily, vers 23 h, les allemands surprennent deux résistants, Antoine Guillard et Théophile Geffroy qui partent armés de fusils, pour se rendre à un parachutage. Ils les abattent sur place et en arrêtent deux autres qui ne portent pas d'armes. Ceux-ci conduits le lendemain sur la Lande de Meslan, y sont contraints de creuser leur tombe avec trois autres Résistants. Un bombardement aérien leur sauvera la vie en leur permettant de fuir.
Le 4 août, les mouvements de troupes s'amplifient. Pontivy est évacué. Vers trois ou quatre heures du matin, les portes sont ouvertes aux détenus de l'Ecole Supérieure. Toute la matinée, on entend des explosions. Celles de la poudrière de Kerjalotte allument d'immenses brasiers. Les quatre ponts du Blavet sautent ainsi que celui du chemin de fer. Dans l’après-midi, les FTPF du capitaine "Alexandre" arrivant par la route de Malguénac, occupent la butte de Kerjalotte et déclenchent une vive fusillade pour réduire les éléments retranchés dans le faubourg de Verdun et route du Sourn. Les alliés envoient des avions qui, en plusieurs piqués, nettoient rapidement les nids de résistance allemands.
La 18ème compagnie des FFI (capitaine Bacon) entre alors dans la ville, précédant de peu les blindés de l'armée américaine. L'intense activité de guérilla se traduit par de très nombreux accrochages. On s'empare d'un camion allemand sur la route Gourin en Plouray. Les sections de FFI de Lignol et Guémené bloquent un convoi à Ploërdut, s'emparent de deux camions et d'un canon antichar. Dans l'après-midi, prés de Pont-Tanguy en Meslan, les FFI du Faouët attaquent un convoi d'une cinquantaine de véhicules. Les Allemands tirent de tous côtés, et après dix minutes de combat, les Résistants, qui ont détruit deux camions, se replient, tandis que leurs adversaires mettent le feu à une maison avant de reprendre la route. Plusieurs sections du 7ème bataillon attaquent des colonnes qui descendent sur Lorient et font quelques prisonniers. Dans la région de Pontivy, les FFI du capitaine Le Berre livrent de brefs combats à Kerbigot en Saint-Connec (Côtes du Nord) et au Poteau en Kergrist pour s'emparer de véhicules allemands et d'armes.
Au Roduel en Neulliac, la même compagnie attaque et disperse un autre convoi. Une section de la compagnie de Locminé, postée au carrefour de Sainte-Brigitte en Naizin échange des coups de feu avec une colonne hippomobile de l'importance d'une compagnie qui se replie de Rohan sur Lorient. Des éléments de la 2ème compagnie du 4ème FTPF détruisent des camions sur la route de Pontivy à Josselin et capturent plusieurs allemands. Prés de l'étang de Kervinien en Rubry, un groupe du 1er FTPF attaque une voiture allemande et tue trois de ses occupants.
D'autres convois sont également attaqués dans la région de Questembert, sur la route de Vannes à Redon, et sur les petites routes adjacentes. La compagnie de Guer harcèle les Allemands qui se retirent vers Marzan et les accrochera le 5 à Péaule. De nombreux avions mitraillent en outre les troupes ennemies qui, de diverses provenances se dirigent vers la Roche Bernard, donc vers la future «Poche de Saint-Nazaire ».
Les Allemands ont reçu l'ordre de procéder à des destructions étendues. Ceux de Josselin mettent le feu aux réserves de munitions, incendient un de leur cantonnements et font sauter une arche du pont de Sainte-Croix. Dans la soirée une escadrille intervient sur les landes de Meslan et transforme leur retraite en déroute. A Rohan, ils mettent le feu à la féculerie. A Peillac, ils détruisent le pont métallique sur l'Oust et tous les ponts à Malestroit. Dans la presqu'île de Ruys, ils font sauter tous les forts de la côte et incendient l'école de Penvins. A Elven, ils mettent le feu à un de leurs camions-citernes, tombé en panne, incendiant ainsi deux immeubles
Parfois, comme à Locminé ou au Faouët, ils n'ont pas le temps de détruire quoi que ce soit. Quelques petites unités décident de mettre bas les armes. Les 200 Géorgiens laissés en arrière garde dans la presqu'île de Ruys tuent leurs gradés allemands pour se rendre. A la Gacilly, un officier capitule avec ses hommes sans combat et livre à la compagnie du capitaine Montfort un important matériel intact.
Le 3 août, les Allemands brûlent leurs archives et commencent à évacuer Vannes vers 20 heures pour se diriger vers La Roche-Bernard avec un cortège invraisemblable de véhicules les plus divers (dont une roulotte de nomade).
Le 4 août, à 3 h du matin, le Feldkommandant quitte Vannes. A l'aube les dernières troupes allemandes incendient divers immeubles, les casernes, l'arsenal, l'usine Douaud et un peu plus tard les baraquements du parc du château de Meudon ainsi que le grand séminaire. A 10 heures, l'évacuation est terminée.
Ce même 4 août, le commandant Hervé a reçu l'ordre de Bourgoin, qui dirige les opérations militaires du Morbihan de «marcher sur Vannes ». Comme son bataillon n'est soutenu, ni sur sa gauche, où, militairement parlant, c'est le vide, ni sur la droite où le bataillon d'Auray n'est pas encore armé convenablement ni entièrement rassemblé, Hervé décide de rentrer en ville et de se battre sur les lisières extérieures. Ses ordres sont diffusés vers 15 h.
La compagnie de commandement du capitaine Le Frapper, venant de Locmiquel s'avancera par la route de Plescop; le capitaine Gougaud qui tient la région d'Elven avec la 1ère compagnie arrivera par la route de Rennes et la 2ème compagnie du capitaine Ferré, concentrée prés de Kerbiquet, à 2 km au sud de la Trinité-Surzur, gagnera le chef-lieu par la R.N. 165. Quant à la 3ème compagnie, que commande le capitaine L'Hermier, aux alentours de Pluvigner, elle devra, en couverture, prendre position à l'ouest de Grand-Champ.
Une colonne allemande, forte d'environ cent cinquante hommes, venant de Monterblanc et se dirigeant vers Redon tente de forcer le passage d'Elven alors même que la section locale s'y rassemble. Après quatre heures de combats, les Allemands sont dispersés par le feu de deux avions alliés et refluent sur le bois voisin de Kerlo en emportant une dizaine de morts.
Au début de la nuit, deux autres colonnes allemandes groupants cette fois 1 100 hommes, tentent à leur tour de traverser Elven. Une section de la 1ère compagnie les harcèle mais ne peut les arrêter. Elles passent et se dirigent vers Redon, non sans avoir tué deux civils. Pendant ce temps la 3ème compagnie prend position, la 2ème se regroupe vers le château de Meudon, non loin de Bohalgo. Son mouvement est terminé le 5 vers 7 h.
A 8 h le commandant Hervé place deux groupes de combat sur les routes d'Auray et de Saint-Anne, puis entre dans la ville à la tête de son état-major et de la compagnie de commandement, drapeau déployé, puis se rend prés du nouveau préfet, Onfroy. Il a donné rendez-vous à 10 h aux deux autres compagnies au Collège Jules Simon, mais il apprend qu'elles sont engagées vers Saint-Avé et le Polygone et qu'une forte colonne de camions allemands descend de Plescop sur Vannes. La compagnie de commandement va prendre position à la sortie de la ville pour barrer les routes de Sainte-Anne et d'Auray. A Saint-Avé, la 1ère compagnie a attaqué vers 8 h des détachements motorisés qui voulaient rejoindre la route de Redon (La Poche de Saint-Nazaire) sans passer par Vannes. Elle les arrête pendant trois quarts d'heure au prix d'un seul blessé. Elle met une dizaine d'hommes hors de combat et s'empare d'un camion. Les derniers allemands qui traversent le bourg abattent au passage trois civils. Déjà la 1ère compagnie se porte vers le Polygone où elle disperse une colonne légère, et la 2ème compagnie accourt à la rescousse, tuant cinq allemands et en capturant quelques autres. Les Allemands essaient de déborder vers Le Bondon. Des civils se présentent pour prêter main forte. On en arme une trentaine avec des fusils fournis par la gendarmerie, et ils vont sur la route de Sainte Anne renforcer la compagnie de commandement qui se bat maintenant au pont de Kerluherne et au Bondon. Les 5 ou 6 000 allemands qui ont rôdé toute la matinée autour de Vannes, cherchant à reprendre la ville pour rétablir la liaison entre les troupes de la région de Saint-Nazaire et celles de la région Lorientaise, diminuent leur pression en début d'après midi, mais tout danger n'est pas écarté.
"Hervé" répartit son bataillon aux diverses portes de la ville. Vers 19 h, alors que se termine la première séance du Comité Départemental de Libération, une douzaine de chars Shermann font leur apparition dans Vannes en liesse, puis se replient à mi-chemin d'Elven. Cependant des Américains patrouilleront en ville avec des FFI jusqu'au matin. Une mission de liaison interalliée constituée quelques jours plus tôt prend contact à la préfecture et étudie la situation locale. Un fort détachement allemand pourvu d'artillerie a été signalé à l'est d'Auray. Le 6 août au matin, à 6 h, les allemands attaque à nouveau la compagnie de commandement. Le colonel allemand Borst a reçu l'ordre de reprendre Vannes. Il dispose de deux bataillons. Cette fois les Allemands mettent des canons de campagne et des canons antichars en position à l'angle des routes d'Auray et d'Arradon et tentent de déborder les FFI vers le sud. A 8 h «Hervé » demande le secours des blindés américains.
Ceux-ci, 17 Shermans, entrent en action vers midi sur la route d'Auray tandis que dix-sept autres vont surveiller la route de Meucon où une autre formation ennemie a été signalée. A 15 h 30, le combat s'achève : 75 camions, autocars, et autres véhicules allemands ainsi que de nombreux canons ont été détruits. Selon les rapports de la Wehrmacht, l'un des deux bataillons allemands a été pratiquement anéanti. Seulement quatre officiers et une trentaine d'hommes auraient réussi à rejoindre Lorient. L'autre bataillon a perdu 4 officiers, un médecin et environ 350 sous officiers et hommes de troupes. D'autres rescapés se cacheront dans les bois et se rendront dans les jours suivants aux patrouilles FFI.
Pour assurer à Vannes une double protection en cas de nouvelle menace, le général US Wood placera des blindés dés le lendemain sur une ligne Baden-Plescop-Meucon, tandis que le 1er bataillon s'installera tout autour de la ville. L'Est sera couvert par la 5ème compagnie qui tient la presqu'île de Ruys, la section de Muzillac et la section d'Arradon.
A 20 h, le général Wood fait appeler "Hervé" à la préfecture. Il lui demande un guide pour marcher sur Lorient le lendemain matin. "Hervé" se propose lui-même, dans l'espoir d'être le premier FFI à y entrer.
Les villes de l'Est du Département connaissent en même temps que Vannes les joies et les craintes d'une Libération qu'endeuillent ici et là les crimes d’unités allemandes ou d’Osttruppen. Plusieurs points de passage des unités qui se replient vers les futures "Poches" sont le théâtre d'événements sanglants. La volonté allemande de tenter le rétablissement d'une liaison permanente entre Lorient et Saint-Nazaire les conduits à maintenir ouverte la traversée d'Auray.
Le 4 août, des Allemands mettent un canon en batterie sur la Place de la République. A 14 h 30 les habitants d'Auray, constatant que les Allemands ont disparu, pavoisent et manifestent leur joie. Vers 22 h, deux colonnes fortes de 30 à 40 camions chacune y arrivent avec canons antichars, mitrailleuses, grenades. Tout autour, dans la région, ce ne sera que viols, pillages, crimes, incendies, prises d'otages, tels les sanglants événements de Sainte-Anne-d'Auray. De nombreux accrochages avec les FFI auront lieu, jusqu'au passage de la colonne US qui se dirige vers Lorient et que guide "Hervé" le 7 août 1944. La colonne est bloquée à Hennebont par des ponts détruits et un tir de barrage d'artillerie ennemi.
C'est à l'automne 1942 que les Allemands ont commencé la construction d'une ligne de fortifications autour de Lorient sur une longueur de 24 km. Sur 600 ouvrages projetés, 400 étaient achevés (auxquels il faut ajouter une centaine de petits ouvrages pour canons et armes de toutes sortes) lorsqu'ils cessèrent les travaux en mai 1944. Les éléments allemands qui se replient éprouvent beaucoup de difficultés a atteindre la forteresse, lorsqu'ils sont trop peu nombreux pour résister aux attaques surprises des FFI. Tandis que diverses unités se replient vers Lorient, le commandement allemand redistribue les troupes sur les positions qu'il se propose de tenir.
Le 6 août, la "Poche de Lorient" reste encore assez mal délimitée. Ce dimanche 6 août, le commandant Mailloux tente d'obtenir de l'amiral Matthiac la reddition de Lorient. A 11 h il obtient comme réponse que c'est le général Fahrmbacher qui commande désormais à Lorient. Il en informe immédiatement le général Wood qui intervient aussitôt en rédigeant une lettre reprenant les mêmes arguments mais sous une forme plus sèche. Réponse des Allemands : "Nous avons reçu l'ordre de résister".
A 19 h 50, vingt-cinq "Liberators" attaquent la base de Kéroman sur laquelle ils lâchent des bombes de six tonnes Le 7 août, la colonne américaine apprenant à Hennebont par les FFI que les Allemands viennent de faire sauter les ponts qui sont devant eux, il est décidé de passer par Lochrist. Deux adolescents se proposent pour montrer la route. Un civil indique les emplacements de six canons allemands que le colonel américain veut aussitôt détruire. A ce moment, il est à peu prés 10 h, tombent sur la place de l'église les premiers obus tirés de Lorient et par les 203 de Groix. Brusquement s'abat sur le centre de la ville une pluie d'obus percutants, fusants et incendiaires qui ne cessera qu'après 16 h. Une vingtaine d'habitants tués, 180 blessés. Les sinistrés se réfugieront dans les communes voisines.
Quand à 16 h "Hervé" dit adieu au colonel américain pour rentrer à Vannes, Hennebont est en flammes. En outre plus d'une centaine de projectiles ont fait 5 morts et 15 blessés sur Languidic, 6 morts sur Branderion.
De Lochrist le "Combat Command A" du colonel Bruce C. Clarke se dirige d'abord vers Hennebont rive droite où l'artillerie l'empêche de s'établir, puis vers Caudan qu'il traverse à 18 h 30 se dirigeant vers Lanester. Il sera bloqué par un intense tir de barrage qui va se prolonger toute la nuit et frapper également la population, rassemblée après avoir fêté les Américains.
Le "Combat Command B" venu de Ploërmel par Baud et Languidic arrive à Pont-Scorff au matin du 7 août et s'engage sur la route de Lorient. Des FFI de la compagnie locale oeuvrant sous la couverture de deux chars vont ouvrir le feu sur certaines maisons, d'où s'échappent des allemands ? Quelques-uns uns sont tués à coup de fusils, une trentaine sont fait prisonniers. Les FFI du capitaine Reglain (3ème compagnie, 7ème bataillon) fouillent les bois de la rive droite du Scorff.
Vers midi deux volontaires se présentent pour conduire des américains en reconnaissance sur la route d'Hennebont. Louis Rémond conduit la voiture et l'Espagnol Garcia, portière ouverte est prêt à sauter en cas d'alerte. Les Américains suivent à quelque distance. En face de l'étang de Kersalo, un Allemand lève les bras.
La voiture s'arrête, Garcia descend et le désarme. A ce moment surgissent environ 200 allemands qui criblent la voiture de balles. Rémond est tué. Garcia plonge dans l'étang, passe sous le pont pour échapper aux balles et reste deux heures caché sans que les allemands qui ont jeté des grenades au jugé dans l'étang l'ai repéré. Ensuite les Allemands font sauter leur dépôt de munitions de Kersalo et se replient sur Lorient. Garcia peut alors sortir et rentrer à Pont-Scorff à pied.
Les véhicules du "Combat Command B" viennent d'entrer dans deux champs à droite de la route, prés de l'endroit où le petit train traverse celle-ci, lorsque les premiers obus sifflent. Pendant deux heures, l'état major et l'infanterie du 51ème R.I. sont cloués sur place par le tir très précis d'une batterie allemande en position à Loustoir-Plam, prés de Lann-Bihoué. Le tir est réglé par un officier et un sergent du haut d'un observatoire installé au château de Bivière qu'on finit par découvrir, et ils sont tués prés de leur téléphone.
Vingt hommes de la 4ème D.B. sont morts et 85 sont blessés. 5 half-tracks, 6 Jeeps, 2 camions et 2 voitures blindées sont détruits. La voiture radio ayant été mise hors d'usage, la liaison avec le général Patton (alors à Rennes) est coupée pour deux jours. Impossible d'obtenir l'aide de l'aviation.
Pour le capitaine Kenneth Koyen de la 4ème D.B US : «La preuve était faite que Lorient était bien défendue et bien garnie d'hommes. L'armée allemande et les forces navales étaient supérieures en nombre aux hommes des blindés dans la proportion de 5 à 1. Des fossés antichars, des champs de mines, la Flak, les défenses côtières, les pièces de marine protégeaient la ville d'un cercle d'acier. On estimait que 500 pièces de campagne garnissaient la base de sous-marins, et d'énormes réserves de munitions leur permettaient de résister pendant des mois ».
Quelques chars cependant ont traversé Quéven et s'avancent vers Lorient. Vers 17 h 30 ils sont à Beg-Runio en Quéven, à 200 mètres de la voie ferrée lorsque survient un train. Un obus bloque la locomotive, des balles incendiaires mettent le feu à un wagon. Or dans ce wagon sont enfermés 33 otages arrêtés lors de l'attaque de la Kommandantur de Rosporden. Avec beaucoup de difficultés ils arrivent à faire sauter le cadenas et s'enfuient. Les Allemands du train tirent sur les fuyards et sur les Américains. 9 otages sont tués et sept blessés, les 17 autres ont gagné la liberté.
Les chars reprennent leur marche et approche du "Perroquet Vert". Devant Kerlétu, le feu d'une unité de D.C.A. les arrête et détruit trois chars dont les carcasses rouilleront sur place pendant plusieurs années.
Les autres font demi-tour. Impressionné par une puissance de feu qui s'est manifestée avec une efficacité redoutable, le général Draggers évacue Quéven et se replie sur une ligne solide, le ruisseau de Kerrusseaux.
Le lendemain matin 8 août des blindés du "Combat Command A" guidés par des FFI paraissent tenter une progression vers Lanester. Venant des abords de Caudan, ils se dirigent vers le Scorff et anéantissent à Manéhullec la batterie de DCA "Hambourg" de 128 mm, une des plus puissantes de la forteresse de Lorient. Mais bientôt ils essuient un tir d'artillerie qui met un char hors d'usage. Ils restent sur place.
Le 9 ils se retireront après un bref combat et à 18 h, un officier américain informe le commandant Mailloux que les troupes alliées se replient au nord de Caudan. Après l'avance rapide et déployée en éventail de la 4ème D.B., le général Wood ne souhaite pas immobiliser ou même perdre devant Lorient les précieux chars qui doivent lui permettre de reprendre sans tarder l'offensive vers le Centre de la France. Dés le 10 août, ayant reçu du carburant, il ne garde que le C.C. B sur le front de la "Poche" et envoie le C.C. A sur Nantes. Le 12, interrogé par Branges de Civria, il déclare qu'il ne dispose que d'engins blindés, et que les chars ne sont pas faits pour prendre les villes. Le 14 il quitte Vannes pour installer son PC en Anjou à une douzaine de km de Pouancé. Il a définitivement confié aux FFI le soin de contenir les Allemands dans les poches de Lorient et de Saint-Nazaire.
Au cours des journées des 7 et 8 août, la population d'Hennebont a manifesté son enthousiasme et sa joie à l'arrivée des Américains, et leur a volontiers apporté son aide. Furieux les Allemands recourent une fois de plus aux exactions et laissent des soldats ivres piller, incendier, massacrer des civils sans défense. La partie d'Hennebont non libérée vit des heures affreuses. Durant trois jours (les 7, 8 et 9), des éléments de la Wehrmacht tuent des civils. La plupart des soldats portent des lunettes noires et sont armés de mitraillettes. Ils arrêtent les habitants, les font mettre en rang, et les abattent. Ils jettent des grenades dans les abris. Ils mettent le feu aux récoltes. Ils iront même jusqu'à détrousser leurs victimes 31 civils seront assassinés dans la partie d'Hennebont restée aux mains des Allemands sans compter les autres meurtres parmi les habitants de Lanester, Caudan, Quéven et Guidel. A ceux-la, s'ajoutent de nombreux autres commis sans témoins.
A l'autre bout du département, à Marzan, les troupes qui se replient sur ce qui va devenir la "Poche de Saint-Nazaire" se livrent à de pareilles exactions. Ils assassinent, pillent et incendient sans explications.
Le 6 août, les éléments avancés franco-américains, venant de Muzillac ont atteint la contrée avoisinant la Vilaine, mais n'étant pas en nombre suffisant, ces éléments se sont retirés à une dizaine de km.
Constatant ce fait, les Allemands établissent une solide tête de pont, sur la rive droite de la rivière, au pont même de la Roche-Bernard : Occupation de fortins ainsi que de nombreuses tranchées et installation de mitrailleuses.
Le lendemain matin, Américains et Allemands se battent aux abords du bourg de Marzan. Les Allemands se précipitent dans les villages et tirent sur toutes personnes qui bougent sans motif. Après avoir évacué Pénestin, les Allemands y sont revenus le 5 et ils tiennent toute la rive gauche de la Vilaine. Dans la nuit du 11 au 12, une de leurs patrouilles pénètre dans Muzillac jusqu'à la Place de la Mairie.
Pendant une semaine, ils pillent et saccagent tout dans la région. Dans la matinée du 15 août, au cours d'un violent orage, la foudre met à feu les mines du pont de la Roche-Bernard. Celui-ci s'effondre.
Après la destruction du pont de la Roche-Bernard, le détachement Allemand qui tenait la tête de pont de Marzan et d'Arzal se retire sur la rive gauche. Désormais limitée au Nord par la Vilaine, la "Poche de Saint-Nazaire s'étend sur prés de 2 000 km2. Solidement établis d'un côté de la Loire, les Allemands interdisent aux alliés l'usage du port libéré de Nantes comme du port de Saint-Nazaire resté entre leurs mains.
A partir du 3 août, un certain nombre d'unités allemandes en retraite convergent vers Saint-Nazaire. Parmi elles figurent un bataillon de parachutistes stationné à Josselin, des unités de DCA de Rennes et de Vannes, la garnison de Rennes, un bataillon de Géorgiens et l'état-major de la 265 ID.
Le 5 août, ce regroupement est achevé. Les Allemands s'organisent de manière à empêcher aux alliés, l'usage de l'estuaire de la Loire et des ports de Nantes et de Saint-Nazaire. Le 10 août, le général Wood lance son CCA vers Nantes. Les chars parcourent sans encombre les 155 km séparant Hennebont de Nantes, se contentant de longer le canal de Nantes à Brest sans se préoccuper de la côte.
Le 11 août, les chars arrivent dans la banlieue de Nantes, où ils relèvent un bataillon de la 5ème D.I. US. Puis le 12 août, la ville, en partie occupée par les FFI tombe sans combat. Comme dans les environs de Lorient, la progression est ensuite stoppée.
Les Allemands tiennent une zone limitée au nord par la Vilaine jusqu'à Rieux, à l'ouest par le canal de Brest à Nantes puis par une ligne Bouvron-Marville-Cordemais, rive droite de la Loire et sur la rive gauche de la Loire par une ligne Frossay-Chaivé-Le Clion-Pornic. Tout autour de cette poche contre laquelle les forces américaines ne tentent rien, des bataillons de F.F.I. prennent place. Ce sont eux qui vont mener un siège qui, comme à Lorient durera neuf mois…
Si les Américains réussissent le tour de force de conquérir la Bretagne en une dizaine de jours (contre les 25 prévus dans les plans initiaux), les Allemands de leur côté remplissent les objectifs qu'ils s'étaient fixés.
Les unités du XXV. AK, hormis la 266 ID pratiquement entièrement capturée, sont parvenus à se retirer vers les forteresses en bon ordre et en évitant toujours le contact avec les avant-gardes américaines.
Mettant à profit les hésitations du commandement américain, et le retard pris par le général Wood avec ses troupes de la 4ème DB, les chefs allemands ont réussi à créer dans la péninsule bretonne 2 abcès de fixation : Lorient et Saint-Nazaire.
En effet, contrairement aux instructions qui lui ordonnaient de faire route vers le sud-ouest, avec pour objectif Quiberon, le général Wood donne l'ordre à ses deux Combats Commands de contourner Rennes par l'ouest, afin de positionner sa division au sud de Rennes de manière à ce qu'elle puisse s'élancer vers l'est en direction de Châteaubriant, Angers, Chartres, c'est à dire à l'opposé des plans prévus.
Le 3 août, dans la soirée, le C.C. A est à Bain de Bretagne (32 km au sud de Rennes) et le C.C. B est à Derval (53 km au sud de Rennes). Dans la soirée, le général Wood qui ne doute de rien, demande qu'on lui donne comme objectif Angers !
Cette initiative est peu goûtée à l'état-major de la 3ème armée qui le rappelle à l'ordre le 4 août par un télégramme incisif signé du général Gaffey, chef d'état major de Patton. Il lui est ordonné de faire demi-tour immédiatement et de reprendre ses objectifs initiaux. La division, à court d'essence ne peut repartir aussitôt. Le 5 août, le C.C. A finit par quitter Bain de Bretagne vers 14 h pour arriver à 21 h à Vannes en partie libérée par les FFI, Elle doit faire face en soirée à une contre-offensive allemande dont l'objectif est la reprise de Vannes. Après l'échec de son ultimatum à l'amiral Matthiae demandant la reddition de Lorient, Wood reprend sa progression, s'empare d'Auray, puis se dirige vers Hennebont où il est bloqué par les défenseurs de Lorient
Pendant ce temps, le C.C. B quitte Châteaubriant où il est arrivé le 4 août, et reprend sa marche en faisant un large crochet au nord ouest de Redon suivant un axe Ploërmel-Baud via Malestroit. Le 7 août au matin, les éléments de tête de la C.C. B arrivent aux lisières de la forteresse de Lorient. A 19 h 30 ses chars sont à Pont-Scorff et à Caudan où ils sont immédiatement pris à partie par les canons de Lorient.
Plus de 24 heures ont donc été perdues. Pendant ce temps, profitant de cette aubaine, les unités allemandes ont pu se replier sur Saint-Nazaire et sur Lorient et organiser rapidement la défense de ces deux forteresses, dont ils resteront maîtres pendant encore neuf mois. Au 1er octobre 1944, subsistent donc derrière les grandes unités en marche vers les Pays Bas et l'Allemagne, des réduits négligés par le SHAEF*. *Supreme Headquarter of the Allied Expeditionnary Forces, Grand Quartier Général des Forces Expéditionnaires Alliées.
Ce sont six forteresses dans lesquelles les Allemands solidement retranchés sont bien décidés "à tenir jusqu'au bout". Tels sont, du reste, les termes de la directive de Hitler du 17 août 1944, qui ordonne après la retraite de l'été, que les secteurs de défense des côtes ouest et sud de la France soient tenus jusqu'au dernier homme. En effet, d’autres poches sont formées hors de la Bretagne : Dunkerque, la Pointe de Grave, La Rochelle et Royan. L'état-major considère qu'il est inutile de distraire quelques divisions engagées dans l'assaut final pour s'emparer d'installations portuaires hors d'usage ou inutiles.
La prise d'Anvers intacte place Dunkerque, Lorient, Saint-Nazaire, La Pallice et Royan au rang d'échardes (le mot est du général Montgomery). En revanche, comment expliquer la tactique allemande ?
Pourquoi se sont-ils enfermés dans ces poches côtières ? Pour Lorient et Saint-Nazaire, la réponse paraît évidente. Le général Fahrmbacher et l'amiral Matthiae à Lorient, le général Junck et l'amiral Mirow pour Saint-Nazaire n'avaient plus que deux solutions : La résistance sur place ou la reddition depuis que la prise de Nantes le 12 août 1944 leur a coupé toute possibilité de repli.
Pour les Allemands, la première solution a le mérite d'obéir à l'ordre du Führer parvenu le 17 août au moment ou Paris et Marseille vont être libérés : « Les forteresses et les secteurs de défense des côtes Ouest et Sud de la France seront défendues jusqu'au dernier homme » En réalité, à l'exception de Royan, point d'appui du "Mur de l'Atlantique", la défense des autres forteresses relève de l'improvisation.
Lâchée par la Heer qui jouait une partie décisive, la Kriegsmarine, coupée de la mer, ne peut songer à une retraite de vive force au travers du maquis français. Ce serait du suicide. Pour les Allemands, il est donc logique de faire front en position de force aux "Terroristes". D'abord, la survivance des poches pourrait se révéler payante si la situation se redressait, ensuite, elles restent un refuge pour les sous-marins.
Ce fut le cas pour un U-Boot en provenance d'Allemagne qui réussit à effectuer une liaison à la fin du mois de novembre et apporta des munitions et du courrier. Un autre arriva d'Extrême Orient le 24 avril 1945.
Il faut attendre le 29 octobre 1944 pour que le quotidien "Ouest-France" fasse une discrète mention au secteur "Loire Inférieure" FFI et emploie le mot "Poche" le 6 novembre.
|