Prévôt de Lascaux a écrit :
Aspasie mineure a écrit :
Invité a écrit :
C'est certainement là où nous divergeons, en effet ; je pense que ces conceptions du "beau" étaient innées chez eux mais que le "sentiment religieux" (la religion pour faire simple) n'a été que le produit d'une convention sociale destinée à "fédérer" une population. Mais bien plus tard, certainement.
Le sentiment du Beau n'a rien d'inné, c'est une construction culturelle (pour reprendre l'exemple de l'enfant qui dessine que vous prenez plus haut, l'enfant donne un sens à ce qu'il dessine, mais quand il trouve ça "beau", il répète un mot qu'il a entendu dire dans son environnement : s'il dessine sa maman, il dira qu'elle est belle parce que c'est sa maman, et que le mot "belle" ou "beau" est chargé d'une valeur positive, pas parce qu'elle est belle). .
Et puis pourquoi le sentiment du beau serait-il plus inné que le sentiment religieux ?
Bien sûr ! Mais que l'enfant connaisse et/ou utilise le terme "beau" n'a aucune importance. Vous dites vous-même que l'enfant dit
que sa maman est belle parce qu'il la trouve belle. Ce n'est pas de l'acquis, on ne lui a jamais dit ni appris : "Il faut la trouver belle" !
Non, je n'ai pas du tout écrit cela : j'ai écrit qu'il la trouvait belle parce que c'était sa maman.
L'émotion physique, le plaisir éprouvé en compagnie de la mère _ pour peu qu'elle soit caressante (si elle tape, ça m'étonnerait que le bébé éprouve du plaisir !)_ ce n'est pas ça le sentiment du beau, c'est simplement une émotion physique dont tout être est capable du moment que son corps est capable de le ressentir. C'est la culture qui transforme les sensations physiques en autre chose, que ce soit le Beau/le laid, le sentiment religieux, ou n'importe quoi d'autre.
Citer :
Il la trouve belle uniquement parce que c'est dans son inconscient, parce que dès le premier jour de sa vie il y a trouvé refuge (et nourriture) ; et ça, c'est dans son inné, dans ses gènes, quelle que soit sa culture postérieure.
Des pédiatres ont d'ailleurs travaillé sur des enfants de quelques mois en leur présentant des images belles ou apaisantes et d'autres plus disgracieuses. Le verdict des sourires ou des grimaces a parfois été immédiat.
Vous confondez sentiment et sensation. Si l'image est violente par association de couleurs vives, les gamins auront mal au yeux et feront la grimace. Si vous leur criez dans les oreilles, ils se mettront à pleurer parce qu'ils aurontmal aux oreillles, mais ça n'a rien à voir avec le Beau ou le Laid, qui sont des concepts que nous chargeons de sens, de signification.
Passer de la simple sensation de plaisir ou de désagrément au sentiment exprimé et exprimable extérieurement, de manière symbolique, cela appartient à la culture.
Sedullos a écrit :
Le sentiment du beau, peut-être pas mais de l'harmonieux, très certainement. Lorsque l'on juge (désolé ce n'est pas adéquat), les différentes oeuvres, sur quelques siècles, toutes civilisations confondues, certaines "normes" sont là, évidentes. Bien-sûr que votre exemple maternel est réaliste mais il est aussi avéré que certains environnement, couleurs ou sons apaisent. Pour ma part, l'art commence ici.
Non, cela n'est pas vrai : rien que l'oreille de l'homme occidental a changé musicalement entre le XIXe siècle et aujourd'hui. Quand Stravinski à donné le Sacre du Printemps, ce fut un énorme scandale et la plupart hurlé au bruit insupportable parce qu'il brisait les règles de l'harmonie, et que c'était effectivement désagréable pour des oreilles non habituées. A présent nous le sommes et nous nous étonnons des réactions épidermiques de rejet provoquées à l'époque (croyez-en l'expérience d'une musicienne qui s'aperçoit bien que sur un même concert, avec les mêmes interprètes, le même soir, les auditeurs-spectateurs peuvent percevoir des choses extrêmement différentes, les uns peuvent détester, les autres adorer, etc...).
L'harmonie et le beau n'ont rien d'évident par leur nature. Si une certaine forme est devenue "évidente", c'est qu'une norme l'a emporté sur d'autres, à tel point que nous la croyons naturelle.
Citer :
Aspasie mineure a écrit:
Citer :
D'ailleurs, sentiment du beau et sentiment religieux ne sont pas nécessairement antinimique ni contradictoire. C'est nous qui mettons des mots différents sur des émotions qui peuvent être de même nature..
En effet, et c'est bien pour cela que la mise en avant de l'attribution automatique d'un objet à du religieux me gêne, depuis les nombreuses années, dans la littérature de la préhistoire.
On a presque l'impression que c'est du "Préhistoriquement correct", et qu'il n'est pas de bon ton, dans les milieux spécialisés d'oser d'autres éventualités.
Là nous nous rejoignons, la systématisation est effectivement très agaçante. D'autant qu'ici, elle peut apparaître comme la légitimation d'un sentiment religieux, qui finirait fatalement, comme un progrès inéluctable de l'humanité, par aller vers la transcendance, les religions à dogmes, etc,etc, etc... C'est-à-dire qu'on recherche une origine aux religions, et plus nous trouvons de choses, plus nous les chargeons de "sentiment religieux", plus nous légitimons les religions.
Certes... mais en réfutant un système rigide, vous en proposez un autre tout aussi rigide et qui ne se justifie pas davantage !