L'éthologie et la paleoarcheologie ont me semble t'il apporté beaucoup de réponses à ce sujet.
Déjà qu'est ce que l'intelligence? Une capacité à résoudre un nouveau problème? Si on part de cette définition, on se rend compte aujourd'hui que certains humains sont plus lents à résoudre des nouveaux problèmes pourtant très utiles (ex : aller cherche de la nourriture au fond d'un tube trop long pour le bras) que des singes. Alors...
Là on va me sauter à la gorge en me disant : Arrêtez on a un gros cerveau c'est pas pour rien!!
Eh bien... là c'est complexe parce que la question se pose du fait que notre cerveau soit gros plutôt pour y accumuler une somme incroyable de connaissances ...nécessaires pour résoudre des problèmes multiples dont la connaissance se transmet. Donc développer une culture et la perpétuer.
La grande particularité de l'homme, c'est d'avoir été capable de perpétuer une culture évolutive à l'échelle mondiale. On observe aujourd'hui chez pas mal d'animaux les prémices de cultures techniques, je pense par exemple aux grands singes, aux oiseaux plutôt imposants et sociaux comme les corbeaux, aussi les pieuvres, les dauphins, peut-être les éléphants je ne sais plus. Les éthologues prouvent que des groupes d'individus de ces espèces perpétuent de génération en génération des connaissances techniques qui ne sont pas génétiques.
Le processus est simple : un jour un individu découvre une technique (par exemple pour un corbeau, jeter les noix sur une route pour que les voitures roulent dessus et les ouvre) et les autres individus du groupe se l'approprient. On a une transmission mimétique de la connaissance, une culture primitive est née. Sauf qu'il suffit qu'il y ait un isolement trop prononcé de ce groupe et disparition du groupe pour que cette technique ne se déploie pas.
La particularité des hominines est qu'ils ont sur une longue période de l'histoire, étaient capables d'étendre la connaissance technique découverte par un individu démographiquement et dans le temps. Un individu découvre qqch et un grand nombre d'individus se l'approprient sur plusieurs générations. Ce qui donne une forte probabilité qu'un autre individu, plus futé que les autres, "rebondisse" sur cette première invention technique (on va dire la 1.0

) pour la perfectionner et donner disons la technique 1.1. Là on arrive à une vraie culture car la transmission des connaissances devient si efficace qu'il peut y avoir évolution de la technique. Sauf que plutôt que de gargariser en disant ouaiiis l'humain est trop fort et inventif, les paléoarchéologues auraient tendances à nous dire qu'il y a peut-être eu 1000 individus qui n'ont strictement rien fait d'autres que d'utiliser la technique 1.0 avant qu'un esprit particulièrement inventif invente la 1.1.
Du coup l'important pour les paléoarchéologues ne serait plus tant que l'homme soit intelligent qu'efficace à apprendre les techniques existantes et les transmettre au plus grand nombre d'individus possible pour augmenter la probabilité qu'un individu un peu particulier ponde une évolution d'une des techniques.
Pour que la culture humaine explose il faut donc, avant que chaque individu soit inventif, qu'il y ait déjà une bonne capacité d'apprentissage, une forte démographie, une forte communication entre groupes d'individus. Sinon les archimèdes australopithèques, néandertaliens, corbeaux ou autres ne vont servir à rien... ce qu'ils auront découvert se perdra.
D'ailleurs on voit que notre culture technique a évolué considérablement avec la première explosion démographique liée à l'expansion dans le monde entier de sapiens et ensuite à la 2ème explosion du néolithique (d'ailleurs quel meilleur moyen à l'époque de transmettre les connaissances que de se regrouper en cités?). Et il y a encore un boum (que dis je une explosion) de la culture avec l'extraordinaire invention de l'écriture qui permet d'outrepasser certaines limites liées à la transmission des connaissances dans l'espace et dans le temps. Déjà même si on ne sait pas vraiment s'il y a eu une explosion ou une lente croissance des capacités langagières humaines, je ne serais pas étonné qu'on découvre qu'une éventuelle explosion du vocabulaire soit liée à une explosion de la technique. Normal l'apprentissage oral permet déjà d'outrepasser certaines limites géographiques et temporelles par rapport à l'apprentissage mimétique.
En gros ce qui fait "l'intelligence" humaine, c'est l'extraordinaire efficacité de la mise en réseau de tous ces innombrables cerveaux capables d'accumuler une quantité astronomique d'informations. La plupart de ces cerveaux ne seront pas beaucoup plus utiles que pour accumuler puis transmettre cette connaissance. Mais il s'agit déjà de 2 tâches extrêmement importantes pour que certains "génies" rebondissent sur cette connaissance préalable plutôt que de réinventer la roue, régulièrement, en de multiples coins du monde.
Atlante a écrit :
J'ai bien peur d'avoir une réponse, Skippy, tout au moins pour les humains : l'humain est naturellement flemmard et opportuniste. Il évolue sous la pression des éléments, pas quand tout va bien autour de lui. Des humains ont vécu isolés sur leurs îles, à l'écart du reste du monde pendant des millénaires, sans changer de mode de vie depuis l'arrivée de leurs ancêtres sur lesdites îles. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait aucune pression pour les contraindre à changer de mode de vie. Quand tu as l'eau, la nourriture en quantité suffisante à proximité et un climat clément en permanence, pourquoi te casser la tête à développer des techniques plus élaborées pour produire plus (tout au moins en l'absence de monnaie ou de système de valeurs financières) ? A contrario, ceux qui "inventent" et découvrent ne le font pas par hasard : pression démographique, climat plus rude, environnement hostile... Ça n'a, je pense, rien à voir avec le niveau culturel mais plutôt avec les contraintes. Si tu vis dans un milieu où tout t'est interdit, à un moment, tu vas enfreindre ces interdictions. A contrario, dans un milieu ultra-permissif, tu auras le choix ; tu en feras de bons ou de moins bons, mais tu n'auras pas à dépasser tes limites. C'est la même chose avec les limites naturelles : Christophe Colomb, persuadé qu'il pouvait atteindre l'Inde par l'océan Atlantique, a franchi le susdit océan réputé infranchissable, voire, pour certains esprits encore englués dans les ténèbres, se déversant par dessus les bords d'une terre plate. Devant une montagne, plus ou moins autre, n'importe quel esprit basique a envie de voir ce qu'il y a de l'autre côté. Des fois que l'herbe serait plus verte.
Je suis d'accord mais je n'aime pas trop le fait de voir l'arrêt évolutif comme négatif. C'est gratuitement péjoratif. En fait c'est très positif en terme de consommation énergétique de stopper l'évolution technique s'il n'y a pas necessité. On le voit aujourd'hui, notre société n'a jamais été si techniquement évolué... et n'a jamais autant consommé d'énergie par individu. L'utilisation massive d'une technique plus évoluée est en général plus énergivore que celle d'une technique plus simple. Un exemple simple, un agriculteur laboure beaucoup plus de terrain avec un tracteur que sans, et donc s'est simplifié la tâche... mais il a fallu toute une chaine de production, hyper énergivore, pour fabriquer le tracteur. Et pour faire rouler cet engin de 2-3 tonnes, il faut bien plus d'énergie que pour bouger une herse seule. Un autre exemple bien moins glorieux, l'esclavage n'existe pas (ou vraiment peu) chez les chasseurs-ceuilleurs aux techniques peu évoluées. Il a explosé au néolithique car un énorme besoin en énergie s'est fait sentir notamment toujours par l'invention de l'agriculture. Il faut bien plus d'énergie pour survivre grâce à un champ, qui nécessite beaucoup de travail physique pour qu'il se mette à produire ce qu'on souhaite, que par ce qui est déjà fabriqué par la nature. Certes le "ramassage" de cette production toute prête en pleine nature peut-être laborieuse mais dans les faits elle est souvent bien plus facile que de travailler un champ, sans oublier que la récolte n'est pas forcément physiquement simple non plus.
Quand ce n'est pas nécessaire pourquoi consommer plus d'énergie? Au contraire, c'est stupide car se faire du mal pour rien. Et même dangereux dans le cas où on trouve comme solution d'exploitation de la technique uniquement l'asservissement humain.
C'est devant ce constat qu'un courant de pensée actuel, celui soutenant la décroissance, pense que l'unique moyen d'éviter le désastre écologique actuel est de se remettre à utiliser des techniques plus simples, relocaliser les productions, etc.