2 articles intéressantsQUOI DE NEUF NEANDERTAL ?Toujours beaucoup d’incertitudes que les cinéastes auront du mal à rendrehttp://www.metamag.fr Le dernier Dossier d’archéologie (n°345, mai-juin) est encore consacré à la question récurrente de « l’Homme de Néandertal », sous le titre « Néandertal réhabilité ». Deux articles y abordent les possibles croisements avec « l’Homme moderne ».
Jean-Jacques Hublin, de l’Institut Max Planck d’anthropologie de l’évolution, de Leipzig, en reprend les points essentiels, dans l’article «L’homme de Néandertal, biologie et génétique». Ainsi, écrit-il : « la lignée néandertalienne s’est développée dans l’Ouest de l’Eurasie au cours des derniers 400 000 ans. Tout au long de cette période, on assiste, dans les populations européennes, à l’accentuation plus ou moins régulière de caractères particuliers, qui ont surtout été décrits sur le crâne, le mandibule et la denture… Notre ancêtre commun avec les Néandertaliens est un homme au cerveau relativement grand et dont le volume a continué à augmenter dans les deux espèces…»
Quand se serait effectuée la séparation? « Les premières études de paléogénétique ont surtout apporté des informations sur l’histoire évolutive des Néandertaliens, confirmant notamment une séparation d’avec nos ancêtres directs il y a environ un demi-million d’années.»
Le tableau de Jean Jacques Hublin, qui s’en tient lui à l’hypothèse « Out of Africa », montre cette souche, commune aux Néandertaliens et aux « Homo Sapiens Sapiens », entre – 700 000 et – 450 000. Il la nomme « Homo rhodesiensis », mais se réfère aussi à « l’Homo heidelbergensis » qui, lui, nous renvoie à l’hypothèse multi-régionale, défendue notamment par Yves Coppens. « La lignée néandertalienne a évolué en Europe pendant environ 400 000 ans. A certaines époques, elle a aussi peuplé le Proche- Orient, l’Asie Centrale et même le sud de la Sibérie »
Que s’est-il passé entre – 100 000 et – 60 000 ?« Un des points qui a eu le plus de retentissement médiatique a été l’indication d’un faible flux génétique entre Néandertaliens et hommes modernes (de l’ordre de 2, 5 %). Les chiffres produits par les paléogénéticiens pour le couple hommes modernes/Néandertaliens viennent, en fait, battre en brèche l’idée d’un mélange massif, prôné par quelques uns. C’est bien un remplacement génétique, presque total, qui a eu lieu ».
Il n’y aurait donc de Néandertal en nous « qu’une minuscule part du génome échangée… » Or, « cette « trace néandertalienne » est observée hors d’Afrique, dans l’ouest de l’Eurasie, mais aussi dans des régions où l’homme de Néandertal n’a jamais vécu ».
Jean Jacques Hublin, pour rendre compte de cette distribution, envisage que le phénomène s’est produit au début de l’expansion des hommes modernes (hors d’Afrique, selon sa thèse Out of Africa, ou hors d’ailleurs selon la perspective multi-régionale). « Au Proche Orient, les hommes modernes auraient rencontré des groupes de néandertaliens et les traces de ce contact initial auraient ensuite été exportés partout en Europe ». Donc entre – 100 000 et – 60 000 ans.
Dans son article « Y avait-il une espèce néandertalienne?», Milfod H Wolpoff, professeur au département d’anthropologie à l’université du Michigan, note : « En 1939, une monographie d’importance capitale fut publiée sur les anciennes sépultures humaines des grottes du Mont Carmel dans le Levant, en Asie occidentale… Certains spécimens pouvaient être considérés comme des hommes de Néandertal, et d’autres comme des hommes modernes (ou Cro-Magnons)… D’où « l’hypothèse que l’homme de Néandertal était l’ancêtre de l’homme moderne… Théodosius Dobzhansky…en 1944….interpréta la variation du Mont Carmel comme le résultat du métissage entre populations néandertaliennes et modernes… »
L’Europe cas à partToutefois, « ce n’est pas le cas en Europe, où tous les Néandertaliens identifiables sont plus anciens que les hommes modernes ». En Europe, des questions se posent donc.
Ainsi, « deux spécimens transitoires furent mis en évidence sur des sites récents comme celui de Spy (Belgique) et Saint Césaire (Charente maritime), vieux d’environ 36 000 ans. Exemples des derniers Néandertaliens évoluant vers des Européens plus modernes ? Ou de Néandertaliens métissés avec des populations entrant en Europe ?»
Même questionnement sur « une ascendance double pour les premiers hommes modernes d’Europe centrale de la grotte Mladec, en République Tchèque » (- 31 000 ans).
Cependant, Milford H Wolpoff fait remonter le processus beaucoup plus tôt dans le temps. Il évoque « un ancien allèle -variante d’un gène résultant d’une mutation héréditaire- et provenant d’un peuple archaïque… ». Il se réfère, pour cela, à l’exemple de Denisova ( Sibérie ), découvert en 2010, daté de – 40 000 ans , mais, «lignage différent de l’homme de Néandertal», qui continue une lignée bien plus ancienne, remontant à des hommes archaïques, ancêtres de l’homme moderne, voici un million d’années. «On estime que ces populations anciennes, combinées avec les Néandertaliens, constituent environ 8% de l’ascendance des hommes modernes».
Et là, la théorie multirégionale, évoquant des mouvements de populations, il y a plus de 2 millions d’années, d’Afrique, mais aussi d’Asie, vers l’Europe et d’Europe vers l’Asie (dossier de Sciences et Avenir de juin 2011 étudié dans ces colonnes), suggère un foisonnement lointain qui, d’une découverte à l’autre, fait rebondir hypothèses et interrogations, et bouscule incessamment les certitudes.
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LES ORIGINES PLURIELLES DE L’HOMME *Nouveaux approfondissements suscités par le dossier de Sciences et AvenirPosté par: Jean Aurel le: 26/06/2011
L’article de Julien Peyrié, sur le dossier anthropologique de Sciences et Avenir, est une bonne synthèse. Toutefois, l’ayant étudié aussi, j’y vois d’autres enseignements importants.
C’est certes le menton chinois de – 110 000 ans qui constitue le point le plus nouveau : «Désormais, c’est à Zhirendong (Chine sud), que se trouve la plus vieille mandibule porteuse d’un faible menton. Est-ce que cela prouve que les hommes modernes sont d’abord apparus en Chine et se sont répandus à travers le monde ? Probablement non. Cela montre surtout que la découverte africaine (d’un mandibule de 95 000 ans avec faible menton) a été surinterprétée », dit Milford Wolpoff.
Sur le plan archéologique, écrit Rachel Mulot : « les outils chinois vieux de 60000 ans auraient une facture très proche de ceux utilisés par les populations antérieures ». Et elle reprend la remarque de Wu Xinzhi : « si, comme le veut la théorie de l’Out of Africa, les nouveaux arrivants venus d’Afrique ont remplacé en totalité les anciennes populations, pourquoi ces nouveaux venus dotés d’outils plus perfectionnés – appelés moustériens et que l’on retrouve sur leur passage en Europe et en Israël- les ont-ils abandonnés à leur arrivée en Chine ? » Ceci supposerait donc en Chine une origine bien antérieure, plongeant dans des types humains bien plus anciens.
L’archéologue Hou Yamei ajoute aussi : « avec l’Out of Africa, nous perdons nos explications. Nous peinons à expliquer la présence et l’âge de certaines pierres, leur taille spécifique ». La chercheuse imagine même que les Homo Sapiens installés en Chine ont pu prendre le chemin à rebours, retourner vers l’Ouest. Qui sait quels espaces ils ont recolonisé à partir de leur foyer asiatique ? Il pourrait avoir existé une route lithique vers l’Europe, comme il existera plus tard une route de la soie», conclut Rachel Mulot.
Le dossier met en relief effectivement la théorie multirégionale. Mais il convient d’en dégager davantage les étapes chronologiques, pour s’y retrouver, un peu, dans ce vaste tableau qui va de – 2 millions d’années à – 100 000 ans.
Divers foyers dès 2 millions d’années….[/b
Ainsi, page 59, le tableau d’Yves Coppens suggère une diffusion de l’Homo habilis ou homo rudolfensis, à partir de l’Afrique, à – 2,7 millions d’années. (Homo habilis, donc, premier Homo reconnu, à distinguer des pré-humains antérieurs : le dossier de Sciences et avenir fait aussi allusion à la séparation, voici 7 millions d’années, entre chimpanzés et pré-humains, dont la lignée des australopithèques.).
Mais, dit Yves Coppens, «la première sortie d’Afrique a certainement eu lieu très vite après l’émergence du genre humain, il y a plus de 2, 5 millions d’années. L’homme était déjà dans le Caucase, il y a près de 2 millions d’années et je parie que nous retrouverons sa trace en Europe plus tôt encore . Il était en Chine il y a 2 millions d’années également. Et il a eu sur place, semble-t-il, une belle destinée »
La carte en page 56 (« La Chine, terre d’hommes fossiles », montre en effet de façon impressionnante une occupation humaine très ancienne : premiers outils à Renzidong (Chine Est) à – 2, 2 millions d’années, à Longuppo (Chine Sud Est ) à – 1, 9 million d’années . Et premier fossile d’homo erectus à Yuanmou (Chine du Sud) à – 1, 7 million d’années.
Donc, après les Homo habilis ou Homo rudolfensis, « hommes premiers d’origine africaine », Yves Coppens montre, sur son tableau, le surgissement des « Hommes seconds », Homo ergaster-erectus, en Afrique , et, « en Europe, la lignée néandertalienne ». Ainsi l’Homo georgicus, - 2 millions d’années, puis vers – 700 000 ans l’Homo Heidelbergensis (Néandertal ancien, que l’on retrouve donc en Allemagne, mais aussi Angleterre, Espagne, Grèce, mais aussi Ethiopie, Zambie. En France, l’homme de Tautavel, - 450 000 ans, est de cette lignée). En Asie, ces « hommes seconds » sont l’homme de Java, l’Homo érectus Florensis, en Indonésie aussi, l’homme de Denisova en Sibérie.
Il faut chercher dans le reste du dossier d’autres éléments complémentaires sur ces « hommes seconds » ailleurs : page 60, homme de Casablanca (-1 million d’années), p 56 homme de Pékin ( entre – 670 000 et – 400 000 ans ). Enfin, l’homo sapiens sapiens, auquel la découverte de la mandibule chinois de – 110 000 ans est à rapporter, est la lignée des « hommes troisièmes », selon Yves Coppens. Dont notre Cro Magnon, vers – 35 000 ans. Or, un aspect du dossier, qui me paraît très nouveau, est de montrer, contrairement à ce que je pensais jusqu’alors, une continuité entre «hommes premiers, seconds et troisièmes ».
Ainsi, en Chine : « Pour les scientifiques chinois… la région a été peuplée de façon continue depuis près de 2 millions d’années. Ils imaginent une continuité entre les Chinois d’aujourd’hui et les hommes préhistoriques locaux ». Or, cette continuité s’observe ailleurs. Sur le tableau de la page 60, Sciences et Avenir indique, près de Casablanca, « la séquence démarre à presque – 1 million d’années et se poursuit jusqu’à – 200 000 ans environ. On y trouve des Homo erectus que l’on voit se « sapiensiser» peu à peu. Les crânes de Djebel Iroud appartiennent à l’espèce Homo Sapiens. Or ces Homo erectus et ces Homo Sapiens partagent un trait caractéristique avec les Berbères d’aujourd’hui : la dimension de leur cavité pulpaire. Il pourrait témoigner de l’évolution d’une lignée locale. »
En Israël, «une poignée de dents découvertes en 2010 dans la grotte de Qesem, à l’est de Tel Aviv, pourraient avoir jusqu’à 400 000 ans. Elles ont des traits néandertaliens, mais présentent, surtout, des affinités avec le matériel dentaire déjà découvert dans les grottes israëliennes de Qafzeh et Skhul, occupées il y a environ 100 000 ans par des Homo Sapiens Sapiens »
En Mongolie, l’homme de Salkhit découvert en 2006 dans une mine d’or, « est le plus ancien Homo sapiens découvert en Mongolie extérieure. Il aurait entre 20 000 et 30 000 ans. Ses bosses pariétales sont modernes, mais son front fuyant et ses orbites évoquent les Homo erectus de Chine »
[b]Une étonnante continuité Et en Chine, centre de ce dossier, qui paraît montrer une continuité frappante entre « Hommes seconds » et « Hommes troisièmes ». «La Chine, dit Yves Coppens, regorge de fossiles datés entre – 700 000 et – 50 000 ans. Des dizaines de sites ont livré des Homo erectus très anciens, des Homo sapiens anciens… et des Homo sapiens plus modernes, comme à Zhirendong. Depuis longtemps, on observe des passages morphologiques entre ces Homo erectus et ces Homo sapiens, même si nous n’avons pas tous les intermédiaires. Et c’est cela qui trouble les paléontologues.
Prenons le crâne de l’homme de Dali (- 300 000 à – 200 000 ans), ou celui de l’homme de Mapa ; cet Homo erectus fossile, vieux de près de 700 000 ans avec son front fuyant, a un côté très homme de Pékin. Mais il fait, aussi, très homme moderne chinois d’aujourd’hui, avec ses bosses pariétales déjà saillantes. Je suis d’accord avec le professeur Wu Xinzhi lorsqu’il estime qu’il y a une continuité entre l’homme chinois de la rue aujourd’hui et les hommes préhistoriques anciens découverts dans le pays ».
Et en Europe, sur la question de l’homme de Néandertal, plusieurs fois évoquée par Métamag, Yves Coppens dit : « Le passage des Homo érectus aux Homo Sapiens s’est fait partout, sauf dans un certain nombre de régions particulièrement isolées – l’Europe, avec Néandertal, les îles d’Indonésie avec l’homme de Flores et un isolat en Sibérie avec l’homme de Denisova, vieux de 40 000 ans. Dans ces endroits, la population n’a plus eu de contact, et s’est démarquée, divergeant de façon définitive d’avec les autres espèces humaines ».
Cependant, hors du dossier de Sciences et Avenir, la nouvelle revue de vulgarisation, Préhistoire magazine (n° 1 mai 2011, p 88), note: « Svante Pääbo, généticien suédois, du Max-Planck–Institut de Leipzig vient dans «Science» corroborer des recherches publiées en avril 2010 dans l’American Association of Physical Anthropologists. Svante Pääbo et ses collègues ont étudié cinq génomes d’homme moderne originaires d’Afrique, d’Asie et d’Europe. Ils ont ainsi pu préciser qu’environ 2 % des gènes d’Homo néanderthalensis se retrouvaient dans les populations actuelles d’Europe et d’Asie, mais pas dans celles d’Afrique». Une pièce de plus au dossier… Et une interrogation qui se poursuit.
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* Yves Coppens propose : « Out of nowhere », L’homme moderne sorti de nulle part ; c’ est, dit-il, une « formule de provocation » et il précise « Je ne crois pas que les hommes modernes aient surgi d’Afrique il y a 100 000 à 60 000 ans . Je pense qu’ils sont issus de plusieurs foyers dans le monde », ceci à partir des Homos erectus ou « hommes seconds » qui peu à peu se sont « sapiensis
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