René Fonck a écrit :
Est ce que quelqu'un peut m'expliquer ce que veux dire la phrase en gras ? Je ne comprends pas ces histoires de lignées maternelles et masculines.
C'est relativement simple. Pour définir des lignées on se sert de marqueurs génétiques.
Il y a en fait 3 types de marqueurs qui eux-mêmes se subdivisionnent en différentes séries. Allons au plus simple et parlons des séries. Ce n'est pas le terme exact, mais il ira pour expliciter mon propos. Nos gènes se subdivisionnent en des gènes codants et des gènes non-codants. En fait, la division entre les codants et les non-codants n'est pas aussi simple et fluctue en fonction des découvertes. Mais, pour ce qui est des filiations, on s'intéresse plutôt aux mutations que présentent nos gènes. Et on se retrouve avec des gènes qui mutent peu et des gènes qui mutent beaucoup. Or, quand un gène a une fonction codante, sa mutation peut entrainer à plus ou moins long terme la mort de l'individu porteur de cette mutation. Donc, la mutation des gènes utiles est contrainte par la capacité de ces allèles à maintenir l'organisme porteur vivant. Donc, ils ne sont pas utiles pour ce type d'étude (ils peuvent servir pour étudier des filiations sur le très long terme, ce qui ce compte en centaines de milliers d'années, voire en millions d'années).
Parmi les gènes "inutiles", il y a des portions d'ADN qui mutent souvent et celles qui mutent moins souvent. En fonction du type de recherche, on privilégiera donc des marqueurs dont la vitesse de mutation correspond avec les phénomènes qu'on veut percevoir. Un allèle qui mute que tous les 100 000 ans en moyenne ne permettra pas de suivre les filiations entre nous et le néolithique. A l'inverse, un allèle qui mute trop vite peut servir pour suivre des filiations à l'échelle du siècle, mais ne permettra pas de voir des variations sur 10 000 ans.
Une fois cela posé, on comprend qu'un marqueur est adapté à une certaine échelle de temps.
Revenons sur nos types de marqueurs. Je disais qu'il y en avait 3. En fait, toutes les parties variables de nos chromosomes et des mitochondries peuvent servir de marqueurs. Mais, il y en a 2 qui sont privilégiées.
Si vous êtes un homme, il y a une portion de votre ADN dont nous sommes sûrs qu'elle provient de votre père : votre chromosome Y. Donc, en analysant les variations génétiques des marqueurs portées par les chromosomes Y on a un renseignement précis sur les lignées patrilinéaires. Donc, les pères des pères.
Les mitochondries sont transmises par les mères. Donc les marqueurs mitochondriaux renseignent sur les lignées matrilinéaires.
En fait, on sait que les histoires racontées par les divers marqueurs ne sont pas identiques. Dans les faits presque chaque marqueur raconte une histoire différente. Pourquoi ? Parce que si vous êtes sûr que 50% de votre ADN vient de votre père (sauf votre chromosome X, si vous êtes un hommes) et que vous êtes sûr que 50% de votre ADN plus votre ADN mitochondrial vient de votre mère. Dès que l'on monte à la génération d'avant on se retrouve avec un nombre de cas possibles infinis. Ainsi, bien que ce soit très peu probable, il est possible que vous ne possédiez pas d'ADN provenant de votre grand-père maternel ou de votre grand-mère paternelle. De votre grand-ère maternelle, vous avez au moins l'ADN mitochondrial. Et, si vous êtes un homme, vous avez le chromosome Y de votre grand-père paternel. Le tout à quelques mutations près. L'histoire des marqueurs portés par les autres chromosomes que le chromosome Y ou l'ADN mitochondrial est trop compliquée à restituer sur le long terme. On préfère donc se concentrer sur les 2 ADN plus facile à suivre : l'ADN mitochondrial qui vient de votre lignée matrilinéaire et l'ADN du Y qui suit les lignées patrilinéaires.
Quand on suit les variations des lignées patrilinéaires et qu'on les compare avec de l'ADN ancien, on se rend compte que 80% des ancêtres de nos pères viennent du Proche-Orient. Ce qui est compatible avec les chemins de diffusions de l'agriculture. Donc, seulement 20% des européens actuels descendent des populations présentes sur ces zones AVANT le néolithique.
Mais, l'ADN mitochondrial que portent les européens modernes provient en majorité de l'ADN mitochondrial des populations présentes en Europe AVANT le néolithique. Il n'y aurait pas eu de remplacements de populations, mais il y aurait eu croisements.
Après, les paléontologues sont partagés. Parce qu'il y a 2 explications plausibles.
Une explication pacifique : les agriculteurs arrivants auraient eu des contacts avec les populations anciennes. Certains pensent même qu'il y aurait eu des échanges les agriculteurs échangeant leurs céréales avec de la viande du gibier des chasseurs mésolithique. La vie plus difficile des chasseurs n'aurait pas permit la survie des enfants issus des filles des agriculteurs qui auraient épousés des chasseurs. Tandis que les enfants des filles de chasseurs qui auraient épousé des fils d'agriculteurs survivaient.
Il y a une explication guerrière : les agriculteurs auraient fait la guerre aux chasseurs et ils auraient massacrés les hommes et gardés les femmes en esclavage.
Chacun des tenants de l'une ou l'autre explications peuvent s'appuyer sur des récits mythiques qui semblent raconter de telles histoires.
Il y aurait une troisième explication : les agriculteurs étaient porteurs de maladie et elles auraient décimés les populations de chasseurs mésolithiques. Mais cette théorie n'explique pas pourquoi l'ADN mitochondrial nous viendrait des femmes mésolithiques.