Disons que je cherchais à remettre les choses en place. Je viens de passer 6 semaines en Thaïlande, je vais passer 3 semaines en Italie, et chque fois que je reviens en France, je suis frappé par cette aptitude bien française à tout voir en noir, à ne plus voir ce qui fonctionne et à se concentrer sur ce qui est négatif. Avec en plus ces petites piques sur ce que devraient faire ou ne pas faire nos gouvernants. Vu de l'étranger, la France est devenue un pays de "ouin-ouin".
Alors, si on remettait les choses dans leur contexte, c'est d'ailleurs la base des études historiques : mettre les choses dans leur contexte. Cette phrase du PR a été dite lors d'une visite de celui-ci à un Salon du livre. S'il y allait, c'est parce qu'il avait été invité, et sûrement pour répondre à des interrogations d'un secteur économique et culturel qui est un marqueur politique depuis qu'on a cru bon de créer des spécificités culturelles françaises en ce qui concerne la lecture. Le prix du livre est fixé en France, ce qui doit être un cas quasi unique. Mais ce n'est pas depuis la dernière actualisation de la loi sur le prix du livre qui date de 2021, mais depuis la loi Lang du 10 août 1981. C'est quelque chose qui fait consensus en France, puisqu'aucun des gouvernements, depuis lors, n'a tenté de la remettre en cause. La phrase répond a un problème qui ne cesse de s'amplifier. Cela a commencé de manière confidentielle, il y a une vingtaine d'année, mais depuis environ 10 ans, la majorité des ventes de livres d'occasion se font en ligne, comme les ventes de livres neufs. Dans la loi de 2021, on autorise les communes à subventionner les librairies locales, car ces commerces sont perçus par de nombreux maires de petites et moyennes agglomérations comme des commerces qui créent du lien social, mais qui sont en voie de disparition parce que non rentables. En fait, cela rejoint la vielle problématique de la désertification des centres-villes. Et, tous les gouvernements depuis plusieurs décennies se sont intéressés au problème, sans réussir à le résoudre.
Je poserais une question accessoire, si Mitterand, Chirac, Sarkosy, ... avaient dit la même phrase devant un parterre de professionnels lors d'une visite d'un salon du livre, y aurait-il eu le début d'une polémique ? Même si cela avait été au plus fort de la guerre du Golfe, ou de l'intervention en Lybie ?
Alors, oui, quand on regarde le problème par le petit bout de la lorgnette, il peut sembler anecdotique. Quand on le remet en contexte, c'est nettement moins anecdotique. Mais, c'est un indice très net de comment on perçoit nos gouvernants depuis quelques décennies. On leur demande de résoudre un tas de petits cailloux dans les godasses. J'ai donné deux exemples, mais on en trouverait facilement une bonne centaine, sans trop se creuser la cervelle. Mais ce n'est pas nouveau. Je me souviens d'un exemple cité dans un livre que j'ai lu il y a une vingtaine d'années : sous Louis XIV, les pêcheurs d'un port de la façade Atlantique avaient sollicité le droit d'instaurer un marché au poisson dans leur ville. Donc, cela avait suivi toute la ligne hiérarchique pour finir par arriver en séance royale où le roi avait accordé ce droit. Alors, j'ignore qui avait préparé le dossier, mais dans son arrêt, Louis XIV définissait l'horaire dans lequel se marché avait le droit de se tenir. Seul problème, c'est que cela ne correspondait pas aux marées, et les bateaux arrivaient trop tard. Bien entendu, personne n'a osé solliciter le roi pour déplacer l'horaire...
On en est revenu à un mode de fonctionnement assez similaire, notre société est tellement complexe, qu'il n'y a aucun moyen simple pour régler aussi bien le problème des gens qui ne respectent pas leurs rdv chez un médecin que le fait que les lecteurs compulsifs en court-circuitant le marché du neuf sont en train de faire couler celui-ci. Donc, on se retourne vers le gouvernement. Et ce sont bien les instances professionnelles qui ont demandé, voire qui ont mis le gouvernement en demeure de résoudre ces problèmes. Et, le gouvernement essaye d'apporter une réponse, qui ne sera jamais parfaite. Et les gens, vous, moi, peuvent trouver ridicule que le PR, ou divers membres du gouvernement, perdent du temps à résoudre cela. Mais, s'ils ne le faisaient pas, les mêmes hurleraient au scandale et on trouverait injuste que les bouquinistes, les petites librairies de quartier soient contraintes à la fermeture. On voit le problème par le petit bout : "regardez, ils sont tellement cons qu'ils vont taxes les livres d'occasion pour ramener quelques eurois dans les caisses de l'état". La réalité est que cette taxation doit faire en sorte que les ventes de livres neufs permettent de maintenir une industrie à flot.
Alors, les gros éditeurs s'en sortiront. Ils vendront leurs livres via les plateformes en ligne : Amazon, Fnac, Cultura, ... Les petits couleront. Regardez au-delà de nos frontières, il y a des pays où presque toutes les librairies sont fermées. Il reste quelques magasins qui font du click-et-collect. Bref, qui distribuent des colis, et qui récupèrent les retours. Au citoyen de choisir s'il préfère vivre dans un pays avec ou sans librairies... C'est nous qui choisissons.
_________________ Une théorie n'est scientifique que si elle est réfutable. Appelez-moi Charlie
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