Jerôme a écrit :
Sans être un expert, je pense que Spinola, le chef du gouvernement issu de la révolution des œillets, n'était pas du tout un homme de gauche. Il s'inscrivait plutôt dans la lignée de Salazar- il avait notamment combattu avec les franquistes durant la guerre civile.
Comment expliquer cela?
C'était bien la marque que le régime avait perdu les soutiens de ceux qui pouvaient être vus comme proches idéologiquement, ce qui explique qu'il se soit effondré aussi vite. Mais le gouvernement provisoire n'a pas tardé à se se fissurer.
J'ai l'impression en lisant sur cette date du 25 avril qu'elle fait l'objet d'une quasi-sacralisation. A ma grande surprise, la transition démocratique après a été en fait très mouvementée et les craintes de basculement dans le camp communiste étaient fondées.
Voici une relation des événements dans Geo :
1968-1976 : la longue marche vers la démocratie au Portugal.
Aussitôt après la révolution, j'ai l'impression que le Parti Communiste Portugais (PCP) commence à avoir des velléités de collectivisation (occupation d'usines, de logements vides...) Spinola tente donc d'organiser une grande manifestation le 28 septembre sur le modèle de celle de de Gaulle en 1968, mais c'est un échec en raison des obstacles posées sur les routes par les forces de gauche. Spinola démissionne, puis tente d'organiser un putsch le 11 mars 1975 - avec des partisans probablement "de droite" du MFA. C'est un nouvel échec grâce à la mobilisation civile qui bloque les casernes. Spinola part en exil en Espagne franquiste - qui, on l'a vu, lui devait bien ça.
Le 25 avril 1975 ont lieu les premières élections libres remportées par le Parti Socialiste, partisan, si j'ai bien compris, d'une politique "de gauche à la française, sans passer par la révolution. Mais le PCP, avec l'appui de ce qui reste du MFA, le mouvement des Capitaines - son aile gauche peut-être - prend la majorité des ministères. Le MFA se considère comme le garant de la révolution des Oeillets et proclame, le 8 juillet, la supériorité de la démocratie directe sur la démocratie électorale
Il encourage les occupations de domaines agricoles et d'usines, ainsi que les expériences auto-gestionnaires.
Bien évidemment, comme le montraient les élections du 25 avril, tout le monde 'est pas d'accord et des troubles éclatent dans tout le pays. En quelques semaines, une centaine de sièges du PCP, de syndicats et d’autres partis de la gauche révolutionnaire sont attaqués, parfois à la bombe, par des groupes souvent financés par le patronat local, dit-on. Affrontements et autres batailles rangées deviennent quasi quotidiens. Le MFA ne parvient pas à rétablir l’ordre, et finit par reculer devant le risque de guerre civile : en août, il redécouvre les vertus de la démocratie pluraliste, suivi par le PCP qui pousse le premier ministre à la démission. En septembre, un nouveau gouvernement dominé par le Parti Socialiste est formé.
En novembre, les derniers radicaux de gauche passent à l'action : le PCP est débordé par son extrême-gauche qui entreprend une série d'actions à base de séquestration de députés et de grève. Le 25 novembre, la fraction la plus à gauche du MFA tente un coup d'état militaire qui, comme celui du 11 mars, est un échec, cette fois-ci grâce à l'intervention des militaires modérés.
Le 25 avril 1976, de nouvelles élections confortent les socialistes et font enfin démarrer le pays sur la voie des démocraties occidentales.
Il semble toutefois que les troubles de ces deux ans aient fait beaucoup de dégâts économiques et financiers.