Homme de Néandertal : une analyse ADN sème le doute sur sa migrationVous connaissez l'adage en préhistoire, quand on réponds à une question, on en découvre plusieurs autres. C'est plus ou moins ce qui arrive avec quelques études ADN récentes sur le génome de Néandertal.
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Alors que l'analyse a permis d'éclaircir certains chapitres de l'histoire des Néandertaliens, quelques doutes subsistent. Tout d'abord, en dépit de la similarité de l'ADN nucléaire des Hommes de Néandertal à travers le temps et l'espace, l'ADN mitochondrial du fémur de la grotte de Stadel diffère en tout point de celui des Néandertaliens étudiés jusque-là, observe le coauteur de l'étude Stéphane Peyrégne, qui a mené cette analyse dans le cadre de ses recherches doctorales à l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste.
Ce mystérieux ADN mitochondrial avait déjà été évoqué dans une étude publiée en 2017 dans la revue Nature. Dans la dernière étude, l'équipe a confirmé la précision de cette analyse et a eu recours à des tests numériques démontrant que la variation génétique n'était pas uniquement due au hasard. Ils ne sont toutefois pas en mesure d'expliquer comment elle apparue.
Peut-être qu'elle provient d'un autre groupe d'anciens Néandertaliens qui se serait séparé du reste de la population il y a bien longtemps. Ou peut-être, proposent les chercheurs, que les ancêtres des premiers humains s'étaient immiscés dans le patrimoine génétique de l'Homme de Néandertal. Bien que les membres de cette longue lignée européenne de néandertaliens aient disparu depuis très longtemps, nous savons qu'ils se sont reproduits avec l'Homme moderne qui a quitté l'Afrique il y a environ 55 000 ans, transmettant au passage 2 % d'ADN néandertalien dans le génome de l'Homme moderne d'origine non-africaine. (À lire : La lignée de l'Homme de Denisova pourrait représenter trois espèces humaines.)
Il se pourrait également que le scénario inverse se soit produit et qu'un groupe antérieur d'humains modernes ait transmis de l'ADN aux Néandertaliens. Dans ce cas, l'Homme moderne aurait légué au moins deux types de mitochondrie aux Hommes de Néandertal, explique Prüfer. L'un aurait évolué vers la séquence identifiée dans le fémur de la grotte de Stadel alors que l'autre aurait donné naissance à toutes les autres séquences mitochondriales néandertaliennes découvertes à ce jour.
Cet écart dans les résultats entre les ADN nucléaire et mitochondrial est surprenant mais peut-être qu'il ne devrait pas l'être, fait remarquer Qiaomei Fu de l'Académie chinoise des sciences de Pékin, spécialiste de l'ADN préhistorique, non impliqué dans l'étude.
« Étant donné que l'on retrouve le même scénario chez les Dénisoviens, avec d'autres preuves de ce type, je pense qu'il devient de plus en plus clair que les croisements survenus au cours de l'histoire des hominini sont assez complexes et qu'ils pourraient bien avoir eu lieu fréquemment, » explique Fu par e-mail.
Même entouré de tous ces mystères, cette dernière étude apporte de nouveaux détails à l'histoire d'un ancien parent de l'Homme avec lequel nous commençons seulement à faire connaissance mais qui avec chaque découverte nous apparaît de plus en plus familier.
« Je pense que cela change notre perception dans une certaine mesure, » conclut Prüfer, « pour comprendre qu'il existait vraiment un parent qui aurait pu nous ressembler et qui… habitait les mêmes régions que nous peuplons actuellement. »