Polycarpe de M., votre idée est intéressante, mais il faudrait des textes pour l'appuyer, car les images ne peuvent ici nous aiguiller. En effet, le canon de beauté du jeune homme androgyne existe dès le IVe s. av. J.-C. dans la sculpture de Praxitèle, où il s'applique à des divinités bien masculines (L'Apollon Saurochtone, par exemple. Le gros catalogue de l'expo Praxitèle est assez fourni sur ce sujet), et est repris pendant très longtemps (l'Adam de Notre-Dame, au musée de Cluny, en est un exemple).
Or, si l'on en croit Jérôme Baschet dans
L'iconographie médiévale, l'idée d'un hermaphrodite originel existe dans certaines traditions juives, qui se réfèrent partiellement au
Banquet de Platon et surtout au fait que le singulier est utilisé dans le verset de la genèse sur la création d'Adam et Eve (I.26). Elle est récusée par Augustin, semble disparaître, puis retrouver vie sous la plume de théologiens chrétiens à partir du XIIe s., qui la récusent unanimement (Baschet se réfère à G. Dahan, "L'exégèse de la Genèse",
Revue des études Augustiniennes, 38, 1992 et M. van der Lugt, "pourquoi Dieu a-t-il créé la femme ?" dans
Eve et Pandora, la création de la première femme, Gallimard 2002). Ceci dit, rien que dans ses réfutations, elle existe !
A mon avis toutefois - mais ce n'est qu'un avis - la représentation parfois (plus ou moins) androgyne du Christ ou d'autres personnages sacrés relève surtout de notre regard sur les oeuvres. Nous n'avons pas du tout les mêmes canons esthétiques que les artistes, et notre oeil est très différent. On peut d'ailleurs citer, en contrepoint, l'existence de femmes très très masculinisées, par exemples le sibylles de la Sixtine de Michel-Ange, qui vous remplaceraient Atlas sans problème...
Le problème quand on manie des images, c'est qu'elles nous semblent plus directement accessibles ; mais ôtées de leur contexte, elles peuvent dire n'importe quoi, et nécessitent en fait une bonne connaissance de leur contexte de réalisation, du style de l'artiste, de la personnalité du commanditaire... pour être comprise.
Par exemple, dans sa dernière série d'images, je ne comprends pas ce que Magdalene cherche à montrer dans les deux premières, mais elle poste en 3e position ce qui me paraît ressembler à un Pérugin (mais qui n'en est probablement pas un puisque je ne l'ai pas retrouvé sur Internet ?), où elle voit sans doute un personnage masculin féminisé. Or le Pérugin est connu pour utiliser pour ses personnages, quels qu'ils soient, un canon identique, qui donne à ses personnages masculins ce caractère androgyne (le plus connu : Saint-Sebastien
http://www.wga.hu/support/viewer/z.html ; mon préféré, issu d'un cycle sur san bernardino :
http://www.wga.hu/support/viewer/z.html).
Son défaut selon moi est de manier des images qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre dans leur contexte de création - artiste, période, lieu, technique... - en les décontextualisant complètement pour en faire une série qu'elle estime cohérente et qui n'est en fait qu'un bric-à-brac. (D'ailleurs on se demande bien comment un tel "secret de l'Eglise" aurait pu arriver aux oreilles d'artistes aussi différents, et seulement à eux...).