Ce qui rejoint l'idéal des peintres-lettrés chinois pour lesquels "Peindre n'est pas dépeindre".
L'art utilise des moyens disponibles dans les contraintes opérationnelles de la vie quotidienne pour en faire les vecteurs de messages décalés : la danse par rapport à la marche, la poésie par rapport à la prose, la peinture par rapport aux signaux optiques fonctionnels, la musique par rapport aux signaux sonores fonctionnels, etc.

Bonjour,

Je crois que l'art n'est pas forcément le fait d'artistes : Alberti (De Pictura, 1435) rappelle que la nature est le premier des artistes ; il cherche en effet à justifier le rôle de l'artiste à une époque où peindre, construire, sculpter.... n'était pas considéré comme des activités honorables. A la suite d'Alberti, combien de penseurs et d'artistes se passionneront pour les formes étranges issues de la nature ?

Ensuite, l'artiste ne cherche pas forcément à créer le beau. Il cherche à exprimer le sacré (comme Phidias ou des artistes contemporains : Maurice Denis, Manessier... et tant d'autres !) : c'est donc une spiritualité que l'art exprime dans de nombreux cas. Il peut aussi chercher à nous mettre en contact avec le divin (c'est le cas des icônes...), à dévoiler le sacré (artistes romantiques : Gaspar D. Friedrich, Blake, Runge : l'artiste est un voile! )

Souvent il se veut pédagogique : la peinture n'est-elle pas la Bible des pauvres ? Il n'est que de penser à Luther (pour prendre un exemple parmi tant d'autres) qui se fiche pas mal de l'esthétique d'une oeuvre: tout ce qu'il lui demande, c'est d'être lisible par le plus grand nombre afin de délivrer le message des Ecritures. Dürer se ralie tout à fait à cette position, comme plusieurs de ses émules. Ce qu'il fait est extraordinaire, mais c'est une auter question. Par contre, Calvin n'accepte de l'art que sa dimension esthétique : l'art est un don de Dieu. Il l'accepte pour l'émotion qu'il procure... et à condition qu'il débarasse le plancher des lieux de culte !

Je crois que le tournant est là : pour justifier leur existence, les images doivent devenir des oeuvres d'art. Leur esthétique devient leur raison d'être, elle prend de plus en plus d'importance, même dans les arts sacrés pour les catholiques. On les collectionne de plus en plus, les princes font appel à certains artistes pour leur renommée. Ce mouvement caractérise le XVIe siècle, au cours duquel tout se joue.

Ensuite, que de ramifications ! les fonctions des artistes et des arts se multiplient et en donner une définition concise devient une gageure. Pour mes profs d'art plastique du lycée, l'art devait faire réfléchir, un point c'est tout. L'un d'eux nous a parlé, il y plusieurs années, d'une exposition très spéciale : l'artiste avait vendu des places longtemps à l'avance pour l'exposition du "rien." Quand les visiteurs sont arrivés, et bien, il n'y avait rien (z'étaient prévenus). Donc l'art peut être pas mal de choses !

J'aimerais que l'art soit ce qui provoque l'émotion et fait croire en Dieu ou nous mette en contact avec le sacré (dans le sens du spirituel). Comme un tableau de Corot, une sonate de Prokoviev, une nouvelle de Stephan Zweig (pour ne parler que de mes goûts.) Mais je crains que sa définition, s'il y en a une, ne s'arrête pas là.

Qu'est-ce que l'ART ?

Pris dans son sens absolu, sans support déterminé, c'est une manifestation intellectuelle représentée par un objet créé par l'homme !
Dans ce sens, toutes les hypothèses sont valables, des plus farfelues au plus sérieuses.

Mais dès que l'on précise le support et la technique, l'Art s'inclue dans une histoire des techniques et ne devient plus neutre, il s'inclue également dans un filtre esthétique et résulte du clientélisme dominant.
Ce qui est considéré comme artistique aujourd'hui serait jugé comme une fumisterie un siècle plus tôt. Cela provient d'une captation du bon goût artistique par quelques professionnels qui dictent l'orientation d'un marché. Puisque celui-ci découle uniquement de quelques individus clefs.

Maintenant, on peut s'interroger sur "qu'est-ce que l'ART selon vous ?" (en dehors d'un marché). Là, nous aurions davantage d'arguments subjectifs et objectifs à formuler et la discussion deviendrait nettement plus intéressante avec des qualifications plus judicieuses !

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Et comme disait le grand philosophe François Valéry : Aimons-nous vivants. N'attendons que la mort nous trouve du talent...