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 Sujet du message : Sade ou Laclos?
Message Publié : 04 Juil 2009 20:35 
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Plutarque
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Enfants terribles des Lumières ils furent tous deux emprisonnés,conspués...néanmoins ces écrivains à la prose libidineuse ont traverse les siècles et ont trouve aujourd' hui leurs lettres de noblesse au sein du monde littéraire

Auquel des deux va votre préférence?

Mon choix ira à Laclos...En effet si chez Sade la perversité réside surtout dans les scènes décrites ,chez l auteur des" liaisons "elle est inhérente a ses personnages...galerie de portraits a la psychologie fouillée et vénéneuse....perversité discrète, feutrée ,de velours si félin mais tellement présente...piège machiavélique du jeu d une Merteuil ou d un Valmont où l' on se laisse prendre avec délices...

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Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche. Charles Baudelaire


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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 04 Juil 2009 20:45 
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Fustel de Coulanges
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Laclos, nettement. Sade est juste horrible, ce qui a fait son succès chez certains, mais en toute franchise, ce n'est pas de la grande littérature.

Cataloguer Sade dans la littérature de haut niveau est bien une idée de surréalistes! :wink: Ce serait comme comparer Barnum et le cirque de Pékin!

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"[Il] conpissa tous mes louviaus"

"Les bijoux du tanuki se balancent
Pourtant il n'y a pas le moindre vent."


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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 04 Juil 2009 20:53 
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Plutarque
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Inscription : 30 Juin 2009 8:57
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Sade est un des plus célèbres auteurs de la littérature libertine, mais ses écrits sont en effet manifestes d 'un profond dérangement...Pour ma part, j 'avais commencé La Philosophie dans le Boudoir, mais j 'ai vite laissé tomber cette lecture, avec une sensation de nausée

Par contre les Liaisons Dangereuses de Laclos, je les ai lues avec délice!

je les compare car Laclos a été longtemps considéré comme un écrivain aussi scandaleux que le marquis de Sade .mais leurs façons d 'écrire sont très différentes, c 'est le jour et la nuit!

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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 05 Juil 2009 6:16 
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Jean Mabillon
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Inscription : 26 Juin 2008 8:11
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Sade et Laclos n'ont rien à voir.

Sade, c'est de la "littérature" pornographique. Il est connu pour avoir été un précurseur, pas pour la qualité de son "écriture". Ce serait comme de dire que Brigitte Lahaie ou Tabatha Cash sont de grandes actrices du 7ème art... :rool:

Laclos est un véritable écrivain qui a peint un saisissant portrait des moeurs de l'Ancien-régime finissant. Dans les liaisons dangereuses, vous trouvez une intrigue, un style.


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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 05 Juil 2009 9:11 
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Plutarque
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Inscription : 30 Juin 2009 8:57
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Sade a d 'ailleurs fini interné dans un asile,pensionnaire de Charenton je crois?
Avec un esprit aussi malsain, cela ne m 'étonne pas!

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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 05 Juil 2009 10:02 
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Eginhard
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Je crains que Sade soit bien mal défendu sur ce forum ! J'avoue que moi aussi il me tombe des mains (sauf sa correspondance, plus vive) mais il faut reconnaître que Sade représente une "bloc d'abime" (expression à identifier) dans le dépassement des tabous qui n'a rien à voir avec du porno commercial ! C'est Pasolini qui a adapté Sade, pas John B. Root !
Sade est probablement beaucoup plus dérangeant que Laclos qui est avant tout un écrivain. Sade est, lui, un cas. Il faudrait le comparer à un "performer" qui remet tout en cause dans l'ordre sexuel, d'où Charenton. Mais encore une fois, on est ici tributaire des lectures qui en ont été faites, en particulier celle de Georges Bataille qui reste passionnante.
Enfin, je donnerai quand même tout Laclos et tout Sade pour qq pages de Diderot !

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"Denken heisst überschreiten" : Penser signifie faire un pas au-delà. Ernst Bloch (1885-1977)


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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 05 Juil 2009 12:43 
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Jean Mabillon
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Je ne vois pas en quoi Sade remet tout en cause dans l'ordre sexuel; c'est tout le contraire en fait: c'est essentiellement quelqu'un qui profite à fond d'une situation acquise: il ne fait que profiter des droits et privilèges que lui confère sa haute position sociale pour défouler ses pulsions sexuelles sur une catégorie de femmes traditionnellement réservées à cet usage: les femmes de basse classe (mendiante, domestiques, prostituées).
Ce droit sexuel des hommes puissants et riches sur les femmes pauvres et sans importance sociale n'est en rien révolutionnaire, en fait il est de tous les temps, et il existe encore (cf tourisme sexuel des Occidentaux riches dans des pays pauvres) ; simplement Sade va plus loin et pousse le simple abus sexuel jusqu'au crime, en ce qu'il torture et met en danger la vie de ses victimes.
Il faut rappeler que le père de Sade était aussi un débauché libertin (revenu à la religion en vieillissant) qui collectionnait les conquêtes et reléguait sa femme dans ses terres pour ne pas être entravé si peu que ce fut dans son libertinage; simplement ses pulsions n'allaient pas jusqu'à la pratique de la torture, il savait respecter les limites sociales et garder les apparences.
Sade se croit tout permis, et exprime très bien ce complexe d'omnipuissance/surhumanité: "« Allié par ma mère, à tout ce que le royaume avait de plus grand ; tenant, par mon père, à tout ce que la province de Languedoc pouvait avoir de plus distingué ; né à Paris dans le sein du luxe et de l’abondance, je crus, dès que je pus raisonner, que la nature et la fortune se réunissaient pour me combler de leurs dons ; je le crus, parce qu’on avait la sottise de me le dire, et ce préjugé ridicule me rendit hautain, despote et colère ; il semblait que tout dût me céder, que l’univers entier dût flatter mes caprices, et qu’il n’appartenait qu’à moi seul et d’en former et de les satisfaire. »
C'est une sorte de continuateur des excès de luxure, de folie et de cruauté d 'un type historique classique: celui du tyran cruel et débauché qui utilise son pouvoir illimité pour assouvir tous ses instincts: les tristement célèbres empereurs romains, Héliogabale, Néron, Caligula en sont les prototypes
Ce type du "grand seigneur méchant homme" existe aussi en France avec Gilles de Rais, le maréchal de Richelieu et quelques autres grands seigneurs libertins du XVIIIe. Louis XV s'en approche un peu, sauf que ses excès sexuels (qui ont considérablement désacralisé la monarchie et ainsi contribué à la Révolution) ne s'accompagnaient pas de sadisme, pour ce que j'en sais.
Ce qui est intéressant chez Sade, c'est qu'il fournit une théorie du mal, en plus de sa pratique: il pose que, contrairement à la version chrétienne, ce n'est pas la loi d'un Dieu paternel et bon qui prévaut dans l'univers ; du microcosme au macrocosme, la loi naturelle est celle de la prédation universelle, les forts écrasent les faibles, les méchants triomphent des bons etc. Sade est donc ainsi, en quelque sorte, un précurseur de Nietzsche; et par son dévoilement cru de la puissance et de la brutalité des instincst sexuels et de la part d'ombre humaine, c'est aussi un précurseur de Freud; mais du point de vue purement littéraire, Laclos lui est infiniment supérieur.


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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 05 Juil 2009 16:00 
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Eginhard
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Visiblement, personne ne veut défendre Sade sur ce forum ! Je n'en ai nullement la vocation mais je vais chercher à répondre (mollement) à Tonnerre en faisant le candide.
Je ne comprend pas pourquoi Sade, s'il était à ce point dans la norme, a passé 25 années ou presque en prison. Mirabeau aussi a été envoyé en prison pour ses amours. Je crois que c'est bien minimiser le poids de l'Eglise à la veille de la Révolution que de dire qu'il suffisait d'une particule pour faire ce que l'on désirait. Gilles de Rais a été condamné aussi me semble-t-il (mais au 15e s., je le sais). Être athée sous l'Ancien Régime n'avait rien de conformiste !
Le second point est la contradiction entre la situation sociale de Sade qui tirerait avantage de son état de noblesse, et son engagement républicain. N'oublions pas que c'est lui l'auteur de "Français, encore un effort si vous voulez être républicain". Il a donc bien une vision du monde égalitaire.
Autrement dit: est-il ou non un homme des Lumières ? est-ce l'homme de la liberté absolue ou simplement la dérive la plus abjecte de la puissance féodale ?
Je reste persuadé que Sade est surtout connue à cause de ses commentateurs talentueux ou d'oeuvres comme Marat/Sade de Weiss. J'ai retrouvé l'auteure de "Soudain un bloc d'abîme,Sade", c'est Annie Le Brun qui est la référence actuelle sur le "divin marquis".
sur ce je passe la main car je ne suis pas un sadien et ne suis pas non plus masochiste au point de défendre un auteur que je n'aime pas :P !

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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 05 Juil 2009 18:14 
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Jean Mabillon
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"Je ne comprend pas pourquoi Sade, s'il était à ce point dans la norme, a passé 25 années ou presque en prison."

Je n'ai certainement pas dit que Sade était dans la norme, à moins que vous ne considériez que Caligula ou Gilles de Rais étaient dans la norme lol .
J'ai dit par contre qu'il faisait un usage extrême, de fait un abus non toléré socialement, de certains droits et privilèges sexuels reconnus plus ou moins tacitement aux hommes de son rang.
Il a incontestablement franchi les lignes jaunes, non pas en allant à contre-courant des normes sexuelles en vigueur, mais au contraire en les radicalisant et en les dévoilant dans toute leur crudité: ainsi il était admis que les hommes eussent recours à des prostituées et exigent d'elles toutes sortes de pratiques sexuelles plus ou moins désagréables ou répugnantes pour celles-ci, il était moins admis qu'ils les torturent et les laissent pour mortes, crimes crapuleux qui pouvaient souiller l'honneur de leur famille s'ils venaient à être connnus.
Il était normal que les maîtres couchent avec leurs servantes (voir ce que dit La Varende dans ses romans à ce sujet), à condition de ne pas créer de scandale public, de les garder "à leur place" et de ne pas dilapider la fortune familiale dans leurs débauches.

Quant à Sade républicain, c'est un de ces clichés absurdes lancés par des proto-bobos adeptes du chic transgressif. Lisez cet article (qui rappelle que les révolutionnaires l'ont condamné à mort en 1794 parce qu'il persistait à faire des discours sur le thème de l'impossibilité d'une République en France), il fera justice de ces illusions:

http://www.cofc.edu/desade/papers/Brix-Sade.pdf

Comment voulez-vous qu'un homme aussi mégalomane, aussi convaincu qu'il est au-dessus des hommes ordinaires et de leurs lois puisse être républicain, sauf par abus de langage caractérisé?
Quant à voir, comme l'ont déclaré certains critiques, une oeuvre féministe dans la "Philosophie dans le boudoir", c'est n'importe quoi; les femmes n'y existent que pour se plier docilement aux exigences sexuelles masculines les plus extrêmes, d'où la glorification sadienne des putains, femmes soumises au désir masculin par excellence.
Une phrase citée par l'article ci-dessus résume assez bien l'approche "féministe" du marquis: "où sont les titres de votre autorité sur moi?" demande Justine à l'homme qui veut la soumettre. "Les voilà, dit Bandole en montrant son v..t. Je bande et je veux foutre".
(Désolé pour le langage >:) ).


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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 05 Juil 2009 19:44 
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Eginhard
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Je crains que le combat ne s'arrête faute de combattant. Faut-il voir dans l'immense littérature suscitée par Sade une imposture, une vessie prise pour une lanterne à cause des billevesées des surréalistes ? Les arguments convaincants de Tonnerre le laissent croire. Bref, Sade aurait-il profité d'une vocation d'auteur sulfureux, dérangeant (alors qu'il perpétue de vieux schémas de domination) chez des artistes finalement beaucoup plus petite-bourgeois qu'ils ne voulaient l'admettre ? Ce qui me frappe, c'est que personne ne vient ici le défendre, comme si l'évolution des moeurs en faisait un auteur dépassé, voire réactionnaire. Une fois le frisson de l'interdit, du pseudo-subversif passé, il ne resterait pas grand chose de cet écrivain. Requiescat in Pace !

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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 05 Juil 2009 21:38 
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Jean Mabillon
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Calade, je ne dis pas que Sade ne mérite pas d'être étudié--loin de là--, encore faut-il ne pas faire de la projection et lui prêter des vues ou des positions qui lui sont radicalement étrangères, voire à l'opposé de des siennes, ce qu'on fait certains surréalistes.
Vous soulignez à juste titre le rôle que ceux-ci ont joué dans l'élaboration de ces contresens, de cette fausse image révolutionnaire et républicaine de Sade. Je crois que Sade n'a été impliqué dans certaines activités révolutionnaires que par opportunisme et sans doute par rancune contre le système qui l'avait embastillé.
Mais sur le fond, il est manifeste que sa pensée reste fondamentalement aristocratique, une sorte d'aristocratisme exacerbé, perverti et hubristique, reposant sur la notion que certaines individualités exceptionnelles dominent de si haut l'humanité ordinaire que cette supériorité leur confère le droit d'en disposer à leur volonté et selon leur désir, sans s'encombrer d'aucune morale ou d'aucune compassion. D'où la filiation avec Nietszche bien sûr, dont le rapproche aussi la folie;
D'aucuns considèrent Sade comme un produit type des Lumières; s'il est dans les Lumières, c'est comme ver dans le fruit, parce que sa philosophie est fondamentalement vitaliste et irrationnaliste.


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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 06 Juil 2009 19:04 
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Jean Mabillon
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Inscription : 26 Juin 2008 8:11
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Tonnerre a écrit :
Quant à Sade républicain, c'est un de ces clichés absurdes lancés par des proto-bobos adeptes du chic transgressif. Lisez cet article (qui rappelle que les révolutionnaires l'ont condamné à mort en 1794 parce qu'il persistait à faire des discours sur le thème de l'impossibilité d'une République en France), il fera justice de ces illusions:
http://www.cofc.edu/desade/papers/Brix-Sade.pdf
Ce lien est très intéressant. Merci Tonnerre!

Calade, je ne comprends pas trop votre interrogation. Pourquoi Sade aurait-il besoin d'être défendu (ou attaqué d'ailleurs)? Nous parlions seulement de son style d'écriture (si tant est qu'il y ait un style), de la pauvreté de ses intrigues et de certains mythes qui se sont raccrochés au personnage.


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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 06 Juil 2009 20:20 
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Eginhard
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Juste pour le plaisir du débat ! Mais je reconnais avoir été un piètre avocat d'un client pas très ragoutant.

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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 16 Juil 2009 19:37 
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Thucydide
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« Défendons » donc un peu Sade ! :wink: (Et désolé pour la longueur de ce post…)
Il me semble, pour ma part, que toute la vie et l’œuvre de Sade sont révolutionnaires : cet homme ne fut jamais accepté, ni sous l’Ancien Régime, ni sous la Révolution ; il a refusé les normes sociales de ces deux sociétés. Conséquence : il a passé une grande partie de sa vie en prison, ses livres furent interdits et conspués, jusqu’au XX° siècle. Si Sade n’est pas subversif, qui l’est ? Chateaubriand peut-être ?... Et cette condamnation allait bien plus loin que la condamnation de la pornographie : tous les auteurs d’écrits de ce genre du XVIII° ne se sont pas retrouvés en prison comme Sade ; je pense que les contemporains sentaient bien que Justine, par exemple, allait bien plus loin que ça.
A propos de la morale sexuelle de Sade, je suis en partie d’accord avec ce que dit Tonnerre, mais j’y vois aussi de vraies subversions de l’ordre sexuel : il fait tout de même l’éloge d’une sexualité hors mariage et à but non-reproductif (voir le rejet complet d’une sexualité axée sur la reproduction dans La philosophie dans le boudoir), du plaisir sexuel, y compris des femmes (qui peuvent jouir et jouir des autres), des relations homosexuelles, des pratiques non tolérées socialement comme l’onanisme, la sodomie, etc. Ce n’est quand même pas pour rien si cela a choqué (et choque encore) ! Il faut quand même se rappeler quelles étaient les normes sociales en la matière, et l’abime avec la sexualité bourgeoise des deux derniers siècles…
Alors certes, le sexe pour Sade c’est l’asservissement de l’autre à son propre plaisir, c’est la jouissance et le pouvoir mêlé, mais d’une certaine façon il ne limite pas à un groupe ce pouvoir et ce plaisir : tout le monde peut assouvir son désir. C’est une des significations de « Français encore un effort… » : la libération de toutes les passions, tous les désirs individuels, le rejet de toutes les valeurs et morales traditionnelles, par tous.
Faire de Sade un républicain traditionnel, un jacobin bon teint, est en effet difficile, je rejoins ce qui a été dit plus haut et dans l’article donné par Tonnerre. Cependant, est-ce que c’est cela que les surréalistes disaient de Sade et souhaitaient personnellement ? Breton, Eluard, Desnos, Bataille, Blanchot : robespierristes, jacobins, radicaux III° République ? 8-| Cela me semble difficile à soutenir… Sa pensée politique fondamentale est bien une sorte d’individualisme extrême, centré sur la jouissance de l’individu, sans prise en compte de l’autre : difficile d’établir une société avec une telle pensée, c’est sûr ! Sa politique c’est bien la destruction de toute politique, de toute cité. C’est une sorte d’anarchisme individualiste radical, qui allait aussi bien contre l’Ancien Régime que contre la société post-révolutionnaire ou bourgeoise.
Je pense que c’est cette radicalité, cette remise en cause de toutes les valeurs – notamment de toute religion et de Dieu, qui l’amena à soutenir la déchristianisation radicale prônée par les hébertistes et lui attira l’hostilité de Robespierre – qui intéressa les écrivains qui le réhabilitèrent au XX°. Sade c’est la quintessence de la radicalité, jusqu’à l’horreur ou l’autodestruction, c’est une « insurrection permanente » comme le dit le titre d’un livre de Maurice Nadeau. Pas étonnant dès lors que les surréalistes et les grands critiques littéraires français de la 2° moitié du siècle se soient passionnés pour Sade. Non pour reprendre et prôner toutes ses idées, les sévices ou l’asservissement de l’autre, mais comme geste artistique, comme figure de la liberté, de la subversion totale, pour sa célébration du plaisir et des sens, etc.
En ce qui concerne l’aspect littéraire de l’œuvre de Sade, j’ai du mal à comprendre pourquoi on lui dénie des qualités littéraires et stylistiques. On peut tout à fait préférer Laclos (les Liaisons sont un chef d’œuvre que j’apprécie beaucoup – même si on peut remarquer que le livre n’a jamais été interdit ni Laclos emprisonné, l’œuvre est donc beaucoup moins subversive…), mais Sade est quand même publié en Pléiade, par Michel Delon, l’éditeur de Diderot. J’ai du mal à voir Marc Dorcel à la Cinémathèque ou dans un numéro spécial des Cahiers du Cinéma… :mrgreen:
Encore une fois, ce n’est pas un hasard si de grands écrivains et critiques comme Flaubert, Baudelaire, Apollinaire, les surréalistes, Bataille, Barthes, Blanchot (excusez du peu!) s’y sont intéressés ; tous des grands stylistes ou accordant au style, à l’écriture, à la littérarité d’une œuvre une grand importance. Car chez Sade, la pensée et l’écriture (les deux vont ensemble) sont à la limite, sont extrêmes. Il détruit tout et il est également parfois à la limite de la littérature, notamment dans Les 120 journées de Sodome, avec cette écriture quasi chirurgicale (revendiquée), encore plus accentuée par la partie inachevée du livre qui se compose d’une liste froide de sévices. Il me semble qu’il y a chez lui un style qui se rapproche d’une certaine manière de cette « écriture blanche » recherchée par Barthes et Blanchot. Ou aussi quelque chose de proche d’un catalogue des horreurs reprenant la forme du Décaméron, de Chaucer (il est d’ailleurs intéressant, je trouve, de voir que Pasolini a adapté ces 3 œuvres). En tout cas, lorsque j’ai utilisé, à plusieurs reprises, Sade dans mes dissertations de littérature en khâgne, mon prof ne m’a jamais reproché que ce n’était pas assez littéraire…


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 Sujet du message : Re: Sade ou Laclos?
Message Publié : 16 Juil 2009 23:09 
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Jean Mabillon
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Inscription : 04 Juin 2006 12:47
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Citer :
sous l’Ancien Régime, ni sous la Révolution ; il a refusé les normes sociales de ces deux sociétés. Conséquence : il a passé une grande partie de sa vie en prison, ses livres furent interdits et conspués, jusqu’au XX° siècle. Si Sade n’est pas subversif, qui l’est ? Chateaubriand peut-être ?...


C'est une bonne défense, vallès, et il y a beaucoup de points de votre analyse qui sont justes: son affirmation individualiste radicale, son refus de toutes les limites, conventions et devoirs qui empêchent l'assouvissement total des pulsions, sa totale absence de prise en compte de l'autre etc etc.
Son style est minimal, sans fioritures, coupant comme un rasoir, brutal comme un coup de poing (un coup de fouet devrais-je dire >:) , et il a l'art de trouver des formules d'autant plus fortes qu'elles sont extrêment concises et ramassées, et j'apprécie cela. Ma citation favorite quand j'étais jeune et en pleine crise d'adolescence était (je cite de mémoire, je n'ai pas réussi à la retrouver sur le net): "si le monde entier dit une chose, et moi une autre, c'est moi qui ai raison et le monde entier qui a tort..." Excusez du peu... :mrgreen:
Ce que j'apprécie chez Sade c'est sa lucidité absolue, son dévoilement impitoyable de la prédation universelle qui est le fondement de la loi naturelle; il ne fait pas de quartier, pas d'illusions consolantes avec lui, il pulverise toutes les hypocrisies, toutes les rationalisations, toutes les précautions oratoires, et après lui il ne reste plus rien des croyances religieuses, principes moraux, liens sociaux et affectifs qui nous empêchent de voir la réalité dans toute son horrrible et nue vérité.
C'est un grand iconoclaste, un grand nettoyeur qui met à bas toutes les fictions qui ne tiennent debout que par le consensus social, donc il y a un (petit) quelque chose de sain et d'utile dans la philosophie qu'il développe, ça désencombre, ça allège, ça secoue tous les cocotiers.

Là où vous je ne vous suis plus, c'est quand vous posez un certain nombre d'affirmations contestables, provenant parfois d'une perception anachronique de certaines réalités sociales du XVIIIe siècle.
Ainsi, vous dites que Sade a passé une grande partie de sa vie en prison à cause de ses écrits; non: il a été mis en prison à cause de sa vie scandaleuse, et toujours sur la demande de sa famille, éffrayée par ses pratiques sexuelles criminelles et par la dilapidation extravagante de la fortune familiale.
Je rappelle par ailleurs que ces pratiques de sexualité hors mariage et non reproductive dont vous lui savez gré d'avoir fait l'éloge incluent l'enlèvement de petites filles, ensuite violentées et torturées de diverses façons, en particulier entaillées par tout le corps à coup de couteau.
Mais surtout qu'est ce que ça a de révolutionnaire d'être mis en prison par lettre de cachet sur la demande de ses parents? C'était ce qui arrivait typiquement à beaucoup de fils de familles nobles appartenant à l'espèce des brebis galeuses qui, par leurs conduite déréglée, risquaient d'attirer le déshonneur et la ruine sur leur famille. Ca n'en faisait pas pour autant des révolutionnaires.
D'une façon générale, le fait d'être mis en prison ne fait pas automatiquement de vous un rebelle, les escrocs, les politiciens corrompus, les trafiquants de drogue ne sont pas des rebelles, et en général il n'y a rien de plus conformiste, de plus conservateur--et de plus politiquement à droite--- que les truands.
Et en fait, Sade a essentiellement commencé à écrire après être entré en prison, pour se distraire et occuper son esprit, donc ses écrits ne sont pas à l'origine de ses séjours à la Bastille et autre geoles--où d'ailleurs les conditions de détention des gens riches étaient loin d'être pénibles: petits plats fins apportés par des traiteurs, bonnes bouteilles, appartements clairs et bien aérés, possibilité de décorer avec des meubles personnels; il suffisait d'avoir les moyens.

Ensuite vous considérez que faire l'éloge de l'onanisme, de la sodomie etc représente une subversion de l'ordre sexuel. Ca représente sans aucun doute une attaque majeure contre le mur d'hypocrisie et de silence derrière lequel étaient pratiquées certaines formes de sexualité, mais ces formes de sexualité, si elles étaient officiellement réprouvées par la religion et la société, étaient néanmoins assez courantes, au moins dans le milieu des riches débauchés et clients de la prostitution.
Quant à la sexualité hors mariage, elle était assez largement pratiquée dans les hautes classes, et bien d'autres auteurs à part Sade et Laclos s'en sont fait les peintres et même les avocats: par exemple dans "Point de lendemain", de Vivant Denon, les "Mémoires du chevalier de Faublas" de Louvet de Couvray, "Les égarements du coeur et de l'esprit", de Crébillon, et j'en passe. Le XVIIIe siècle a été celui du libertinage sexuel (qu'on ne doit cependant pas imaginer comme ayant concerné toutes les classes sociales, loin de là), et Sade n'a pas été le seul à écrire sur ce thème de la sexualité extra-conjugale.

Enfin, vous dites que le fait que Sade ait intéressé de grands écrivains, et les surréalistes, est la preuve qu'il était une "figure de liberté". En fait, il se pourrait que certains de ces écrivains aient lu les écrits de Sade uniquement ou en partie pour leur caractère pornographique (et aient prétendu hypocritement que c'était ses idées qui les intéressaient). Vous savez qu'à la fin de sa vie, Sade ruiné survivait grâce à la vente de ses textes pornographiques.
Et même si c'était pour ses idées, qu'est ce que vous entendez exactement par "figure de liberté? Flaubert, Baudelaire étaient socialement et politiquement des conservateurs qui avaient assez horreur du peuple. Les surréalistes (la plupart) étaient des petits bourgeois machos qui se voulaient révolutionnaires mais dont les communistes se défiaient comme de la peste, Breton "Déroulède du rêve" (Prévert je crois) pontifiait, excluait tous ceux qui n'adhéraient pas à ses diktats et stigmatisait les homosexuels.
La liberté qui les intéressait sans doute chez Sade, c'était uniquement la liberté individuelle, ce fantasme infantile d'omnipuissance et de complète irresponsabilité: se croire tout permis, faire tout ce qui vous plait sans se soucier des conséquences, plier les autres à sa volonté, les instrumentaliser et nier leur humanité, en bref être un tyran .
Encore une fois, je ne vois pas en quoi cette complète amoralité a quoi que ce soit de révolutionnaire ou de subversif car elle est depuis toujours la règle de conduite de la majorité des hommes de pouvoir. A ce compte là, et plus encore que Sade, Hitler et Staline, les serial killers et ces types qui "s'achètent une cave et fondent une famille" sont de grandes "figures de liberté".


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