Après la ridicule affaire de Tintin au Congo, le Figaro a publié un article des œuvres susceptibles d'être, un jour ou l'autre, interdites pour cause d'"incorrection politique":

http://www.lefigaro.fr/livres/2009/09/1 ... iques-.php

Au nom de la lutte contre toutes les discriminations, on peut en arriver aux résultats les plus absurdes.
Tiens, en tant qu'athée, je me sens profondément offusqué par les textes contenus dans la Bible et le Coran ! Ils sont misogynes, homophobes et incitent aux pires violences... Vous croyez que je pourrais les faire interdire par décision de Justice !?

Tiens, sérieusement... ça me rappelle le cas de l'écrivain américain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), régulièrement accusé de racisme. Du reste, il est notoire qu'il est était xénophobe, et que l'on peut trouver, dans ses nouvelles, des descriptions assez gratinées d'immigrés réçents "grouillants" dans les bas-fonds de certaines cités américaines... Il considérait généralement avec dégoût tout ce n'était pas WASP pur jus (ce qui ne l'a pas empêché d'épouser une femme d'origine ukrainienne et juive ! ).
Mais bon... Lovecraft n'était que le produit de la bonne société bien-pensante de la Nouvelle-Angleterre. A son époque, la ségrégation raciale était encore en vigueur, et personne ne remettait en question la prépondérance des Blancs au sein de la société.
Enfin, aucun admirateur de Lovecraft - à ma connaissance - n'apprécie son oeuvre pour ça ! Et quand on lit des textes datant d'une certaine époque, je crois qu'il faut savoir remettre les choses en perspective... Sinon, rien ou presque ne pourra trouver grâce aux yeux des censeurs !

_________________
“La barbarie est l'état naturel de l'humanité, [...]. La civilisation n'est pas naturelle. Elle résulte simplement d'un concours de circonstances. Et la barbarie finira toujours par triompher.” ― Robert E. Howard

A méditer aussi cette phrase d’Ammien Marcellin : "La vérité est violée aussi bien par le silence que par le mensonge".

_________________
Je n'ai pas cru que tes édits pussent l'emporter sur les lois non écrites et immuables des dieux. Sophocle

j'ai pas très bien compris votre intervention gaete59 mais bah ! Tant pis !

Un écrivain, non cité, qui est exposé aux foudres de la clique des "politiquement corrects", c'est l'immense Jules Verne ! Pourquoi ? Mais parce que c'était un bourgeois du XIXème siècle et qui avait le préjugé des classes éduquées européennes vis à vis des africains, des océaniens et même des asiatiques

Il n'a jamais remis en question le bien fondé des civilisations. Quand à sa vision des noirs elles est soit très négative comme dans "cinq semaines en ballon", le noir y est parfois ridicule comme dans "Robur le conquérant". Parfois il est vu de façon plus positive, mais toujours ils ont un état de subordonné.

Néanmoins j'aime Jules Verne et gare à qui oserait y toucher

_________________
C'est l'ambition qui perd les hommes. Si Napoléon était resté officier d'artillerie, il serait encore sur le trône.

Mr Prudhomme

Attribuer aux écrivains tantôt la palme du correct chez les corrects tantôt le titre d'incorrect chez les incorrects est illusoire mais a le mérite de tous les placer sur un pied d'égalité: il n'est pas douteux que tous soient tôt ou tard susceptibles d'être incorrects, eussent-ils précédemment reçu la palme du correct chez les corrects. On imagine déjà chaque alternance politique, chaque renouvellement des idées qui produirait son lot d'écrivains à panthéoniser ou à vouer aux gémonies.
En région communiste, Hergé serait banni, et les pauvres Tintin et Milou voyageant chez les Soviets passeraient par le feu. Dans la région voisine des pacifistes, on tairait le nom de von Molkte. Un néo-maccarthysme américain supposerait-il que Tintin et Milou deviennent les meilleurs compagnons des jeunes élèves, et Tintin au pays des Soviets leur bréviaire ?
Si être "politiquement correct" signifie que l'on fasse partie l'éphémère, de l'accord de la majorité, du consensus sur un auteur, alors il y a peu à parier que tous, sans exception aucune, soient un jour inscrits à l'interminable liste des incorrects tant rien n'est moins instable et solide qu'un consensus.

Juger à l'aune de l'air du temps est la meilleure manière de se baigner dans l'océan des anachronismes, de bannir tous ces salauds - les salauds, c'est comme les cons, on n'en trouve partout ailleurs que chez soi - encensés dans les vitrines de la gloire et de la postérité. Mais on peut parfois se questionner: pourquoi tant de fieffés garnements (pensez à Céline, au misérable Freud tancé vertement par le médiatique Michel Onfray, à l'ignoble Heidegger séduit par les lyres du IIIème Reich) ont-ils justement été placés dans les vitrines, devenant des "classiques", les "grands noms de" ? Et c'est bien souvent - pas toujours, mais les escrocs ne résistent bien souvent que peu de temps à l'épreuve du temps et des générations - leur talent qui détermine qu'on les y ait placés.
Après avoir déploré avec aigreur que le talent passe au second plan derrière la moralité et le consensus ambiants, on peut encore espérer que l'on ne substitue pas aux talentueux salauds de braves médiocres.

Le "politiquement correct" ne touche pas seulement la littérature et l'évocation de ses exemples dans le domaine politique serait bien fastidieuse.
Le principal risque du "politiquement correct" reste néanmoins le sacrifice de l'honnêteté par l'emploi de ces silences voire tabous, de ces références bannies: rien n'est plus malhonnête que l'utilisation de différents termes, de différentes expressions pour désigner une même chose.

Mais à l'opposé se trouve un autre travers auquel on peut prendre garde de s'engager: dénoncer le politiquement correct peut mener à promouvoir le règne du grand n'importe quoi, des grands n'importe qui, revendiquant au plus haut leur quête de liberté d'expression (comprenez liberté de dire n'importe quoi). On a pu voir des humoristes s'insurger justement pour défendre un travail injuste, la critique humiliante d'individus. Bref, il y a toujours un risque à s'opposer au nom de, tant on s'indigne de tout au nom de choses dont on ne connaît peu ou prou rien du tout. A quand le dramaturge qui fera parler la liberté d'expression, l'honnêteté, le juste et l'injuste, le vrai et le faux, le bien et le mal ? A l'heure où j'écris, tous doivent sans nul doute se retourner dans leur tombe. Et aucun répit pour eux, en plus de les avoir tués, nous les achevons outre-tombe, prétendant parler au nom d'eux, parfois même en leur nom !

Mouais. Cette expression est creuse, tout comme celle de "pensée unique" et d'ici à parler sérieusement de totalitarisme à propos du politiquement correct, y a un monde que des historiens sérieux ne devraient évidemment pas franchir.

_________________
Pour remonter à la source, il faut nager à contre-courant.

C'est vraiment vouloir faire un papier que de lister, suite à une affaire dans laquelle une oeuvre destinée à un public enfantin sera maintenant assortie d'un avertissement qui permettra aux enfants de mieux la comprendre, une liste d'oeuvres qui sont elles destinées à des adultes, ou au moins des adolescents, normalement au courant du contexte dans lesquelles elles ont été rédigées et a priori moins influençables, et de prétendre qu"elles devraient être censurées.
D'un côté, je dirais bien que ça mérite la poubelle, mais d'un autre, vu comment certains sont influencés par l'article sans montrer de recul ou de critique, faut croire qu'en effet lire Dumas peut rendre alcoolique... mrgreen:

_________________
Yoda

On ne peut jamais se reposer sur l'amour - et c'est pourtant sur lui que tout repose. - Jean Rostand