Alain.g a écrit :
Si on prend comme grande surprise l'épopée de Bonaparte, elle parait due au pur hasard, un jeune officier pauvre sans protection; vue de près, des causes apparaissent et des rencontres de séries causales: la série du jeune homme pressé intrigant, servi par sa famille très active, qui fait pression d'une manière incroyable pour avancer (mémoires de Barras) et une autre série du vide politique et de la recherche d'une épée par Sièyes pour en terminer avec la Révolution, qui va le propulser. Le hasard réduit à quelques généraux les possibilités; Bonaparte a ses atouts, son frère, un culot étonnant, son efficacité démontrée pour ramener l'ordre.
Réflexion de Napoléon sur son arrivée au pouvoir :
« j'ai trouvé tous les éléments du système impérial ; on était las de l'anarchie, on voulait en finir. Je ne serais pas venu, qu'il est probable qu'un autre aurait fait de même. La France aurait fini par conquérir le monde ! Je le répète un homme n'est qu'un homme. Ses moyens ne sont rien si les circonstances, l'opinion ne favorisent pas. »
(Gourgaud, Journal de Sainte-Hélène)
Quelques passages du Mémorial sur le hasard :
« Ce hasard tant cité, ce hasard dont les Anciens faisaient un dieu, qui nous étonne chaque jour, nous frappe à chaque instant, ne nous apparaît, après tout, si singulier, si bizarre, si extraordinaire, que parce que nous ignorons les causes secrètes et toutes naturelles qui l'ont amené; et pourtant il suffit de cette seule combinaison occulte pour créer du merveilleux et enfanter des mystères. »
« C'est parce que je sais toute la part que le hasard a sur nos déterminations politiques que j'ai toujours été sans préjugés, et fort indulgent sur le parti que l'on avait suivi dans nos convulsions : être bon Français, ou vouloir le devenir, était tout ce qu'il me fallait."
[...]
Et moi-même, puis-je affirmer, malgré mes opinions naturelles, qu'il n'y eût pas eu telles circonstances qui eussent pu me faire émigrer ? le voisinage de la frontière, une liaison d'amitié, l'influence d'un chef, etc. En révolution, on ne peut affirmer que ce qu'on a fait : il ne serait pas sage d'affirmer '' qu'on n'aurait pas pu faire autre chose." Et il citait à ce sujet un exemple bien singulier du hasard sur les, destinées: Serrurier et Hédouvillc cadet marchant de compagnie pour émigrer en Espagne, une patrouille les rencontre:
Hédouville, plus jeune, plus leste, franchit la frontière, se croit très heureux, et va végéter misérablement en Espagne. Serrurier, obligé de rebrousser dans l'intérieur, et s'en désolant, devient maréchal: voilà pourtant ce qui en est des hommes, de leurs calculs et de leur sagesse ! »