Narduccio a écrit :
En fait, ce qu'on nomme hasard est la conjonction de plusieurs phénomène allant des fondamentalement imprévisibles à ceux qu'on ne peut pas prévoir puisque :
- certaines données sont inconnues;
- le nombre de données est trop complexe pour nos moyens;
- on sait que certaines données participent au phénomène, mais on ne comprend pas encore les corrélations.
Par exemple, régulièrement on entend évoquer dans la presse la fameuse loi des séries. Loi qui n'existe pas, soit-dit en passant. Le grand avantage de ces pseudos-lois des séries, c'est que des gens expliquent très bien comment fonctionne la notion de hasard pour la plupart des humains. Bref, en lisant les 4 articles suivants, vous devriez avoir une très bonne compréhension du phénomène. Savez-vous par exemple que statistiquement, il suffit de réunir 23 personnes pour avoir une chance appréciable (supérieure à 50%) que 2 d'entre-elles aient la même date anniversaire ?
Science & Avenir : Accidents d'avions, y-a-t'il une loi des séries ?Blogs Science & Avenir : du hasard et des lois des sériesCiter :
Comme la probabilité de survenue d'un accident d'avion est très petite il est tentant de conclure que la probabilité d'avoir autant d'accidents en si peu de temps est trop petite pour qu'on puisse les attribuer au hasard. Ce raisonnement souffre de deux lacunes : tout d'abord le nombre d'avions est très grand et donc il est pas si rare d'avoir des accidents (voir par exemple ici pour obtenir une probabilité d'environ 10% d'avoir deux accidents dans la semaine au cours d'une année) De plus il est trompeur de se limiter à la dernière semaine car les avions volent depuis pas mal d'années et donc il serait plus logique de chercher la probabilité d'avoir au moins trois accidents dans une semaine au cours d'une longue période. On montre par exemple ici pour obtenir qu'il y a une probabilité de 60% d'avoir trois accidents dans la semaine si on regarde une période de 10 ans. C'est le même raisonnement qui montre qu'il n'est pas étonnant d'avoir les mêmes numéros dans deux tirages successifs du loto (et même que c'est moins étonnant que d'avoir un gagnant).
A ce moment on peut se demander pourquoi donc la loi des séries est populaire. Si nous sommes si fascinés par les coïncidences, c'est parce que nous avons une piètre intuition des probabilités qui s'y rapportent. Un certain nombre d'explications psychologiques ont été proposées (voir par exemple ici ou là) qui peuvent se résumer par la phrase attribuée à Jacques Chirac: " les emmerdes volent toujours en escadrille". Néanmoins on peut se demander si notre fascination des coïncidences n'est pas que le reflet de la piètre intuition des probabilités qui s'y rapportent. Nous avons tendance à sous-estimer des probabilités élevées et à surestimer les probabilités faibles. Examinons l'une des coïncidences les plus communes : celle des dates d'anniversaire. Combien de personnes doit-on réunir dans une pièce pour avoir une probabilité supérieure à un demi que deux d'entre elles au moins aient la même date de naissance ? Nous montrerons dans un prochain billet que la réponse est 23.
M-blogs : Accidents d’avion : le mythe persistant de la loi des sériesCiter :
Six éléments qui renforcent le mythe. Il n’empêche que la croyance persiste. L’existence d’une prétendue loi des séries rassure l'animal anxieux qui est en nous, et conforte ceux qui ont peur de l’avion qu’ils ont, après tout, bien raison d’avoir peur. La popularité de cette croyance est en outre renforcée, ces jours-ci, par au moins six éléments de contexte.
1/ Le tir de missile qui a touché le vol MH17 le 17 juillet fait suite à la mystérieuse disparition de du vol MH370 en mars. Deux événements ont donc touché la même compagnie, la Malaysian Airlines, dans des circonstances inhabituelles, à cinq mois d’intervalle. Certains y voient davantage qu’une coïncidence et la survie de la compagnie fait question.
2/ Le choc du 17 juillet demeurera dans les mémoires. Ce n’est pas la première fois qu'un avion est détruit par un missile (voir ici) mais cela frappe les esprits. Si la disparition du MH370 était mystérieuse, celle du MH17 est limpide : on a tiré sur l’avion, comme dans un film de guerre. Logiquement, chacun se demande si ce type d’attaque peut se produire ailleurs. On s’est interrogé sur les capacités des rebelles du nord-Mali à diriger leurs lance-roquettes sur les avions qui survolent le Sahara. Et bien que rien ne soit prouvé, Air France a annoncé, le 25 juillet, que ses vols allaient contourner le Mali, avant de renoncer à cette mesure préventive quelques heures plus tard.
3/ La théorie du mort-kilomètre s'invite dans l'histoire : plus les personnes touchées par une catastrophe sont physiquement et géographiquement proches, plus l’accident nous paraît grave. 118 passagers, dont 54 Français, se trouvaient à bord de l’avion d’Air Algérie, ce qui augmente, en France, la probabilité de connaître une victime. D’ailleurs, à chaque accident, s’ajoute au décompte macabre cet addendum : "dont x Français". Comme si la mort de compatriotes inconnus devait obligatoirement nous émouvoir davantage que la mort d’inconnus qui ne possèdent pas le même passeport.
4/ L’actualité de l'été comporte une forte composante aérienne, entre la grève des contrôleurs aériens fin juin et la suspension de certains vols en direction de Tel Aviv, ces jours-ci. En outre, plusieurs avions militaires sont abattus à l’est de l’Ukraine.
5/ Nous sommes en été, la saison des voyages et des vacances en Europe et en Amérique du Nord. Parmi les passagers aériens figure une plus grande proportion de personnes qui ne sont jamais, ou rarement, montées dans un avion. Ces passagers sont plus inquiets que les autres et les accidents renforcent leur peur de l'avion. Il s’est passé exactement la même chose l’an dernier avec le train, suite à une série de catastrophes ferroviaires, en France, en Espagne ou au Canada.
6/ Enfin, les médias apprécient, au fond d’eux-mêmes, la "loi des séries", qui permet des reportages sur des quidams transis de peur à l’idée de mettre les pieds dans une carlingue. Le moindre incident dans un aéroport ou sur un tarmac, ces prochaines semaines, devrait être immédiatement relayé, sur le mode sensationnaliste : "regardez à quoi vous avez échappé".
Figaro : Crashs successifs: hasard ou loi des séries ?Citer :
Le Figaro - Pourquoi parle-t-on de loi des séries?
Elise JANVRESSE Il s'agit d'un mythe populaire. Cette expression n'existe que dans la vie courante. Elle n'a aucun fondement scientifique. Les gens l'utilisent pour rendre intelligible des phénomènes extraordinaires, des coïncidences qui ne s'expliquent pas. Un comportement assez naturel chez l'être humain. L'homme a en effet développé un sens pour repérer les coïncidences. Si vous mangez quelque chose et que vous tombez malade juste après, vous faîtes naturellement un lien de cause à effet avec la nourriture. La loi des séries suit la même logique.
En 1979, Die Beste, l’édition allemande du Reader's Digest, a organisé un concours parmi ses lecteurs, ayant pour thème : "La meilleure aventure personnelle”.
Désigné gagnant, parmi sept mil concurrents, Walter Kellner, un pilote d'avion de Munich, fournit un témoignage où il racontait comment son avion, un Cessna 421, tomba dans la Mer Tyrrhénienne, entre la Sicile et la Sardaigne, et comment il survécut grâce à son bateau pneumatique. Les enquêteurs du Digest vérifièrent très attentivement les faits présentés dans son témoignage, et au vu et lu des rapports allemands et italiens concernant l’accident ils furent complètement assurés de la véracité de l'aventure: L’appareil Cessna de Kellner, immatriculé I-NUR, avait vraiment chû dans la Mer Tyrrhénienne, d’une hauteur de 3000 mètres, ainsi que le pilote l’avait raconté. Kellner allait donc recevoir son prix le 6 décembre au siège de la revue.
Mais le matin du 6, au siège de Das Beste une lettre est arrivée, adressée au rédacteur en chef Wulf Schwartzwäller, qui devait donner le prix à Kellner. Elle était écrite par un autre Walter Kellner, pilote lui aussi, qui habitait à Kritzendorf, en Autriche, et qui affirmait que toute cette histoire était une mystification, qu'Il avait piloté lui-même un appareil Cessna pendant quatre années, au-dessus de l’Europe et de la Mer Méditerranée et que s’il avait été obligé de faire, une fois, un atterrissage forcé à cause de quelques problèmes de moteur, à Cagliari, en Sardaigne, il n’était jamais tombé en mer: un imposteur avait falsifié toute l’aventure pour s’approprier le prix.
Schwartzwäller était perplexe. Qui croire? d'autant que le témoignage du premier Kellner avait été vérifié d’une manière plus que rigoureuse !! Et le lauréat devait arriver ...
Et c'est ainsi qu'il se présenta en temps et heure attendue, en souriant, aux bureaux de Das Beste. Après quelques mots de convenance, on lui montra la lettre de son homonyme ce qui eut comme effet sur lui qu'à le faire rire vu que oui, il savait qu’un autre Kellner avait piloté un appareil Cessna, mais il ne savait pas qu’ils portaient le même prénom.
C'est seulement lorsqu’il apprit au passage l’atterrissage forcé de l’autre Kellner, en Sardaigne, qu'il pâlit: Le même appareil, la même zone, le même problème mécanique, un pilote ayant le même nom ! Quelle malédiction planait sur eux ? Etait-ce cet avion qui semblait désirer la mort de ceux qui s’appelaient Walter Kellner, et pourquoi cet acharnement à les détruire aux alentours de la Mer Tyrrhénienne ?
Il n’y eut jamais de réponses à ces questions. Les deux Kellner étaient tombés victimes d'un mystère, et ils avaient eu de la chance de s’échapper sains et saufs. Sans intention, les rédacteurs de Das Beste avaient en quelque manière ouvert un portail vers l’inconnu par lequel un souffle d’air glacé s'était engouffré et c'est également ainsi que la cérémonie de la remise du prix se déroula dans une bien inatendue et étrange atmosphère et inconfort.
[Der Spiegel, avril 1980, p. 12-13]