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Message Publié : 01 Mars 2015 15:29 
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Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 07 Sep 2008 15:55
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Un sociologue athée a développé devant moi une analyse intéressante et à mes yeux relativement nouvelle mais un peu manichéenne de la baisse de la pratique catholique en Europe depuis 50 ans.

L'Eglise selon lui aurait été fondée sur trois piliers
- la peur de l'Enfer après la mort
- la peur du clergé avant la mort
- une liturgie absurde mais très impressionnante (latin, grégorien, encens , cathédrales) entretenant ces deux peurs et liée à une doctrine très cohérente et très rigide.

Paul VI aurait substitué à ces trois piliers trois idées symétriques
- le primat du pardon des fautes
- l'engagement des laïcs
- une liturgie simplifiée liée à une Doctrine très ouvertes voire carrément tolérante

Cette réforme ne pouvait qu'aboutir d'un point de vue strictement humain à l'effondrement de la pratique en faisant disparaître ses moteurs psychologiques ( la peur ou du moins l'intimidation produite par une Église austère, autoritaire et sûre d'elle) pour leur substituer des idées sympathiques mais sans portée vraiment convaincante.

Qu'en pensez vous ?


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Message Publié : 01 Mars 2015 20:10 
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Inscription : 10 Fév 2009 0:12
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Là on est davantage dans un débat d'opinions que dans un débat historique, si ce n'est qu'en fait vous êtes en train de demander quelles raisons ont suscité Vatican II.

Je pense qu'il faut inverser les termes de la proposition : l'église a changé ses pratiques parce qu'elles ne fonctionnaient plus. La peur de l'enfer, l'autorité de la soutane et le côté mystérieux de la liturgie en latin, ça marchait au Moyen-Age mais dans les années 60, avec un public de plus en plus éduqué, l'église aurait fini par perdre tous ses fidèles en se cramponnant à ces vieilles lunes.

L'église a fait le choix de la conviction contre la coercition, et dans un monde d'information ouverte et de fidèles à l'esprit critique aiguisé, c'était une nécessité.

Ce n'est d'ailleurs pas qu'une question malsaine d'offre et de demande : l'église elle-même avait déjà évolué avec le monde. Les prêtres qui ont caché des Juifs ou servi d'aumônier dans un maquis ne vivaient déjà plus sur une autre planète.

Il y a quelques années, j'ai demandé à mon oncle (ordonné en 58) si l'église professait encore la peur de l'enfer. Il m'a répondu avec un sourire que c'était une vieille histoire, que l'enfer n'existait pas, "mais en revanche ce qui existe c'est le mal."

Je n'ai pas creusé pour savoir s'il s'agissait d'une position officielle ou de son opinion, mais vu son âge (né en 32) on peut considérer qu'il reflétait en tous cas une opinion ancrée et que l'enfer avait vécu.

Je parle là de la France, après il y a des disparités selon les pays et les continents. (80% des catholiques américains disent croire à la présence réelle et active des anges dans le quotidien, par exemple.)

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


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Message Publié : 01 Mars 2015 20:11 
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Hérodote
Hérodote

Inscription : 29 Jan 2014 15:50
Message(s) : 15
Il me semble que les églises protestantes ont connu des baisses de fréquentation similaires. Vatican II ne semble pas pouvoir être invoqué.


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Message Publié : 01 Mars 2015 20:18 
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Polybe
Polybe

Inscription : 01 Fév 2011 18:14
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Les voies du Seigneur sont impénétrables...

[i][/Vanitas vanitatum et omnia vanitas]


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Message Publié : 02 Mars 2015 10:16 
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Marc Bloch
Marc Bloch
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Inscription : 09 Août 2006 6:30
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Localisation : Allemagne
4434 a écrit :
Il me semble que les églises protestantes ont connu des baisses de fréquentation similaires. Vatican II ne semble pas pouvoir être invoqué.

Oui, cela est exact. Pourtant le protestantisme avait été très en avance pour dépoussiérer les dogmes catholiques. Ce manque de fréquentation, ne viendrait-il pas plutôt de la réticence à croire à une religion révélée ? Encore que ce ne soit pas vrai partout : par exemple l'Eglise orthodoxe et l'Islam.

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" Je n'oublie pas le Colonel Arnaud Beltrame "


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Message Publié : 02 Mars 2015 10:24 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Les exemples donnés par Faget sont très bons. Il est assez clair sur le plan non pas sociologique mais psychologique qu'une religion douce voire molle et peu spirituelle ne peut guère attirer. C'est peut être sur le plan tactique la première faute ou du moins le premier risque couru par Paul VI. Un croyant aspire au paradis et craint l'enfer - il se moque assez du niveau du SMIC ...

Il y a aussi un autre aspect : l'Eglise de 1960 semblait être en crise. Or je pense qu'on a vraisemblablement beaucoup exagéré cette crise. Certes les JOC , les étudiants, les scouts étaient un peu influencés par le discours politique de gauche mais c'était largement conjoncturel ( guerre d'Algérie) . Et statistiquement la pratique restait forte : 90% de mariages à l'église ou d'enfants baptisés, catéchismes et patronages remplis, etc ...quant à la législation elle restait assez proche des normes catholiques ( pilule et avortement interdits par exemple).

En revanche après 1970 le recul de la pratique est fort. Mais est ce du à mai 68 ou au concile ? Ou aux deux ?


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Message Publié : 02 Mars 2015 15:12 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Inscription : 23 Oct 2004 9:14
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Localisation : village des Pyrénées
Citer :
L'Eglise selon lui aurait été fondée sur trois piliers
- la peur de l'Enfer après la mort
- la peur du clergé avant la mort
- une liturgie absurde mais très impressionnante (latin, grégorien, encens , cathédrales) entretenant ces deux peurs et liée à une doctrine très cohérente et très rigide.

Paul VI aurait substitué à ces trois piliers trois idées symétriques
- le primat du pardon des fautes
- l'engagement des laïcs
- une liturgie simplifiée liée à une Doctrine très ouvertes voire carrément tolérante

Cette réforme ne pouvait qu'aboutir d'un point de vue strictement humain à l'effondrement de la pratique en faisant disparaître ses moteurs psychologiques

Bien sûr, le poète l'a dit :wink:
Jojo a écrit :
Tempête dans un bénitier, le souverain pontife avec
Les évêques, les archevêques, nous font un satané chantier.
Ils ne savent pas ce qu'il perdent, tous ces fichus calotins,
Sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde.
A la fête liturgique, plus de grandes pompes, soudain,
Sans le latin, sans le latin, plus de mystère magique.
Le rite qui nous envoûte s'avère alors anodin,
Sans la latin, sans le latin, et les fidèles s'en foutent

_________________
"La vie des hommes qui vont droit devant eux, renaitraient-ils dix fois en dix mondes meilleurs, serait toujours semblable à la première. Il n'y a qu'une façon d'aller droit devant soi." (Pierre Mac Orlan)


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Message Publié : 05 Déc 2019 6:45 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Pour rebondir sur la chanson de Brassens, c'était il y a 50 ans (en novembre 1969) que la pape Paul VI, devenu Saint Paul VI, promulguait le missel réformé.

Deux discours de présentation ici :

19 novembre 1969

Nous voulons attirer votre attention sur un prochain événement concernant l'Eglise catholique latine : l'introduction dans la liturgie du nouveau rite de la messe, qui sera obligatoire dans les diocèses d'Italie à partir du premier dimanche de l'Avent, 30 novembre. La messe sera célébrée d'une façon quelque peu différente de celle à laquelle nous étions habitués jusqu'à maintenant, et qui remonte à saint Pie V, il y a quatre siècles.

Cette réforme imminente répond donc à un mandat officiel de l'Eglise ; elle est un acte d'obéissance ; elle montre que l'Eglise est cohérente avec elle-même ; c'est un pas en avant dans la ligne de sa tradition authentique; c'est une preuve de fidélité et de vitalité qui requiert de nous tous une prompte adhésion. Ce n'est pas décision arbitraire; ce n'est pas une expérience temporaire ou facultative ; ce n'est pas une improvisation due à un quelconque dilettante. C'est une loi élaborée par d'éminents liturgistes après de longues discussions et de longues études. Nous ferons bien de l'accueillir avec un joyeux intérêt et de l'appliquer ponctuellement et unanimement. Cette réforme met fin aux incertitudes, aux discussions, aux initiatives arbitraires et abusives.

De nouveau, elle requiert de nous cette uniformité de rites et de sentiments qui est propre à l'Eglise catholique, héritière et continuatrice de la première communauté chrétienne, laquelle ne faisait « qu'un coeur et qu'une âme ». (Actes, 4, 32.) L'unanimité de la prière dans l'Eglise est l'un des signes et l'une des forces de son unité et de sa catholicité. Le prochain changement ne doit ni rompre ni troubler cette unanimité. Il doit, au contraire, la confirmer, l'affirmer avec un esprit nouveau et jeune.

Ne parlons donc pas de « nouvelle messe », mais de « nouvelle époque » de la vie de l'Eglise.
https://lacriseintegriste.typepad.fr/we ... audience-générale-de-paul-vi.html


Et 26 novembre 1969

Et c'est là, bien sûr, que l'on constatera la plus grande nouveauté : celle de la langue. Ce n'est plus le latin, mais la langue courante, qui sera la langue principale de la messe. Pour quiconque connaît la beauté, la puissance du latin, son aptitude à exprimer les choses sacrées, ce sera certainement un grand sacrifice de le voir remplacé par la langue courante.

Nous perdons la langue des siècles chrétiens, nous devenons comme des intrus et des profanes dans le domaine littéraire de l'expression sacrée. Nous perdrons ainsi en grande partie cette admirable et incomparable richesse artistique et spirituelle qu'est le chant grégorien. Nous avons, certes, raison d'en éprouver du regret et presque du désarroi. Par quoi remplacerons-nous cette langue angélique ? Il s'agit là d'un sacrifice très lourd. Et pourquoi ? Que peut-il y avoir de plus précieux que ces très hautes valeurs de notre Eglise ?

Plus précieuse est la participation du peuple, de ce peuple d'aujourd'hui, qui veut qu'on lui parle clairement, d'une façon intelligible qu'il puisse traduire dans son langage profane. Si la noble langue latine nous coupait des enfants, des jeunes, du monde du travail et des affaires, s'il était un écran opaque au lieu d'être un cristal transparent, ferions-nous un bon calcul, nous autres pécheurs d'âmes, en lui conservant l'exclusivité dans le langage de la prière.

https://lacriseintegriste.typepad.fr/we ... audience-générale-de-paul-vi-1.html


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Message Publié : 05 Déc 2019 9:43 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 19 Fév 2011 17:03
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Jérôme, je n'ai pas réussi à ouvrir vos liens. Les citations que vous mettez sont-elles de Paul VI?

Je pense qu'il faut distinguer entre:
- la promulgation du missel de 1970 en langue vernaculaire
- Vatican II (1962-1965)
- l'esprit du temps (mai 68 pour faire un gros raccourci, mais également bien d'autres sujets comme celui de l'exode rural par exemple)
- l'effondrement des vocations et des pratiquants

Il y a clairement corrélation. Mais corrélation veut-il dire causalité, et si oui, quel est l’œuf, quelle est la poule?

En 2018, Guillaume Cuchet de l'Université de Créteil a répondu à une partie de ces questions en montrant très finement que la chute des vocations n'est pas une érosion mais bien une rupture très nette, qui se situe en 1965. Idem pour la pratique religieuse: c'est évidemment plus diffus, mais la rupture se fait la même année. Il dispose là-dessus de statistiques rigoureuses.
Ce qui met le missel de 1970 hors de cause;
En 1960, le catholicisme en France possède une vitalité inédite depuis le XIXème siècle, si l'on considère la pratique (les personnes à la messe, mais surtout les personnes au confessionnal -indicateur très important car sans biais social), le poids dans les médias, le poids dans les activités de jeunesse...

Comment tout cela a pu s'arrêter en moins 10 ans?
Pour l'auteur, c'est bien Vatican II qui est l'ouverture d'une vanne. On peut donc parler d'élément déclencheur.

Mais constater que la vanne a été ouverte et que le réservoir s'est vidé signifie également qu'il y avait de la pression en amont auparavant!


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Message Publié : 05 Déc 2019 15:04 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Je réintroduis les deux liens :

https://lacriseintegriste.typepad.fr/weblog/1969/11/audience-g%C3%A9n%C3%A9rale-de-paul-vi.html
https://lacriseintegriste.typepad.fr/weblog/1969/11/audience-g%C3%A9n%C3%A9rale-de-paul-vi-1.html
Ils renvoient à un dossier très complet sur la crise intégriste post-conciliaire : https://lacriseintegriste.typepad.fr/weblog/

Par ailleurs, il est bon de marquer les citations au moyen des balises quote ou des caractères en italique.

Je rebondis à mon tour quatre ans après. Je ne suis que très partiellement convaincu par la vision du sociologue évoqué par Aigle qui me paraît très réductrice.

En situant le phénomène dans le temps long, on ne peut que constater que cette crise n’est pas la première. La plus grave fut indéniablement la Réforme de Luther qui conduisit à l’éclatement de la chrétienté en Europe Occidentale. La Réforme marque une rupture fondamentale avec la tradition au point que, pour certaines églises comme l’église copte, elle est considérée comme une apostasie. Plus anecdotiques sont deux petits schismes qui n’ont pas prospéré mais dont il est tout de même intéressant de connaître l’existence. Le premier est celui de la Petite Eglise qui, en France, n’a admis ni la Constitution civile du clergé ni le concordat de 1801. Le second est celui des Vieux catholiques qui n’ont pas admis le concile de Vatican I et le dogme de l’infaillibilité pontificale.

Je ne pense pas du tout que Vatican II ait conduit à l’effondrement de la pratique religieuse parmi les Catholiques. Sans cette réforme, l'effondrement aurait été pire.

A mon sens il résulte essentiellement de l’acceptation de l’athéisme dans les populations européennes, beaucoup plus sensible à l’ouest qu’à l’est : le monde slave est, me semble-t-il, moins touché malgré soixante-dix ans de communisme officiellement athée. L’athéisme, entendu comme l’absence de sentiment religieux – le bouddhisme, religion sans dieu, n’est pas un athéisme - est un phénomène récent dans l’histoire de l’humanité. Il est difficile d’en relever des traces avant le dix-huitième siècle.

Il est le mal par excellence parce qu’il est incompréhensible. C’est le péché contre l’esprit. Certains ouvrages littéraires l’évoquent. Dans Les Misérables de Victor Hugo paraît un saint homme, l’abbé Mériel. Il se dévoue pour les pauvres et pardonne à tous, le brigand qui a pillé des églises comme l’ancien Bagnard qui lui a volé son argenterie. Un seul est exclu de cette bonté, un ancien conventionnel régicide. Celui-ci pouvait se comporter en honorable citoyen, la mansuétude de l’abbé Mériel ne pouvait s’étendre jusqu’à lui : il professait l’incroyance en Dieu. Le saint homme finit néanmoins par franchir le pas et rendre visite au mécréant. Ce n’était même pas pour le convertir avant sa mort. Victor Hugo appelle à travers son roman les Chrétiens à ne pas condamner les incroyants. C’est nouveau dans l’histoire du Christianisme. Jusqu’alors la condamnation de l’incroyance, une évidence pour le croyant, impliquait une condamnation de l’incroyant. A l’opposé Barbey d’Aurevilly, dans Un prêtre marié, demeure dans la position traditionnelle. Qu’un prêtre ne vive pas dans la chasteté, c’est regrettable, mais ce n’est qu’une faiblesse, il peut être pardonné, tandis que s’il se marie il se révolte contre Dieu et ce n’est pas pardonnable (peu importe que la vision du mariage de Barbey d’Aurevilly s’écarte de la doctrine de l’Église, ce n’est pas le propos). Une réaction similaire se lit dans je ne sais plus quel roman de Bernanos. Un prêtre quitte le sacerdoce pour se marier. Il explique à un ami, prêtre lui aussi, qu’il a évolué intellectuellement. L’ami lui répond qu’il aurait préféré que ce fût pour l’amour d’une femme plutôt qu’en raison d’une évolution intellectuelle. Un souvenir personnel enfin, à propos d’un franc-maçon, cela devait se passer dans les années 1950 : « Il a renié Dieu jusqu’à ses derniers instants » m’a-t-on rapporté avec horreur. Quant aux francs-maçons, quand le Grand-Orient de France cessa d’invoquer le Grand Architecte de l’Univers, ce fut une rupture fracassante avec les autres obédiences.

Ces temps sont passés. Désormais l’athée, qui était déjà libre selon les lois civiles mais restait frappé d’opprobre dans les communautés croyantes, est devenu un être respectable et respecté.

On comprend mieux le phénomène si l’on observe de plus près le fait religieux dans ses différents aspects. Hugo, Barbey d’Aurevilly ou Bernanos en donnent en fait chacun une vision idéalisée. La réalité est plus diverse. Un exemple : j’ai entendu un jour une émission sur les marins bretons qui partaient pêcher la morue au large de Terre-Neuve au cours du siècle dernier. Y étaient évoquées leurs pratiques religieuses. Ils emportaient nombre d’images pieuses et vénéraient tout particulièrement la Vierge Marie. Ils lui rendaient grâce quand la pêché était bonne. Mais quand les temps étaient mauvais, ils retournaient les images et proféraient d’abominables blasphèmes. Pierre Schoendorfer évoque aussi dans le Crabe Tambour un recteur breton fou à lier mais néanmoins suivi par ses ouailles. Cette fiction doit bien reposer sur quelque fait divers réel. Ce sont de tels sentiments et de telles pratiques qui sont devenus incompréhensibles et non plus l’indifférence en matière religieuse. L’évolution des esprit s’est opérée parmi la génération du bébé boum qui parvenait à l’âge adulte en 1968.


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Message Publié : 05 Déc 2019 19:26 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Cette démontsration est intéressante avec une précision et une réserve

La précision : Dans les Misérables, il est question d'un évêque : Mgr Myriel, évêque ed Digne - qui est inspiré d'un personnage réel : Mgr Miollis dont le frère fut général de Napoléon.

La réserve : comment savoir ce que serait devenue l'Eglise sans le Concile ? sans la réforme liturgie (qui d'ailleurs est indirectement liée au Concile) ?
Je note pour ma part que la crise fut plus violente en France (et au Benelux) que dans d'autres pays européens ou aux Etats Unis (si on se limite à la la période 1965-1991)


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Message Publié : 05 Déc 2019 19:30 
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Marc Bloch
Marc Bloch

Inscription : 10 Fév 2014 7:38
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Localisation : Versailles
Pour revenir à la liturgie, je note cette intéressante étude d'Yves Daoudal (très hostile à la réforme liturgique mais néanmoins très fouillée) :

http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archi ... 94697.html


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Message Publié : 05 Déc 2019 21:26 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Jerôme a écrit :
La précision : Dans les Misérables, il est question d'un évêque : Mgr Myriel, évêque ed Digne - qui est inspiré d'un personnage réel : Mgr Miollis dont le frère fut général de Napoléon.
Oui, c’est Myriel, avec un y. J’ignorais que Victor Hugo s’était inspiré du personnage de l’évêque en place à l’époque où se situe le roman. Du coup je découvre cette note très intéressante : DE MgrMYRIEL A Mgr DE MIOLLIS:«RESSEMBLANCE»ROMANESQUE,TRANSPOSITION«HISTORIQUE » ?. La famille de Mgr de Miollis a réagi à la sortie des Misérables. Elle n'admettait pas la scène avec l’ex-conventionnel : Monsieur Victor Hugo en fait à la fois le type du juste et la personnification de ses doctrines. Il loue, il exalte sa charité d’apôtre ; mais il lui attribue des idées, des sentiments, il lui prête une figure et nous offre de lui une vie fabuleuse qui sont, autant que possible, contraires à la vérité et en opposition avec ce que le dernier des chrétiens doit croire et penser. Une scène surtout, celle du conventionnel, est comme on l’a exprimé au nom de la conscience publique, une révoltante profanation. En effet, au temps du Syllabus de Pie IX, cela ne pouvait passer.

Jerôme a écrit :
La réserve : comment savoir ce que serait devenue l'Eglise sans le Concile ? sans la réforme liturgie (qui d'ailleurs est indirectement liée au Concile) ?
Je note pour ma part que la crise fut plus violente en France (et au Benelux) que dans d'autres pays européens ou aux Etats Unis (si on se limite à la la période 1965-1991)
La réforme liturgique est en fait tout à fait accessoire. Le fond du problème est le passage de la condamnation du modernisme à l’acceptation des droits de l’homme avec la démocratie qui donne la souveraineté au peuple, c'est à dire, dans la perception qu'en ont les opposants aux réformes conciliaires, la loi des hommes qui supplante la loi de Dieu. Récemment, la loi sur le blasphème, un résidu du code pénal allemand de 1871, encore en vigueur en Alsace-Lorraine a été abrogée. L'épiscopat l'avait demandé. Pour les intégristes, c'est infiniment plus grave que de passer du latin à la langue vulgaire.


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Message Publié : 05 Déc 2019 21:51 
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Barbetorte a écrit :
Je ne pense pas du tout que Vatican II ait conduit à l’effondrement de la pratique religieuse parmi les Catholiques. Sans cette réforme, l'effondrement aurait été pire.

+1
Pour moi il ne fait pas de doute que si l'on avait parlé en latin à l'église, lorsque j'étais gamin, nous aurions mené un cirque infernal à nos parents pour la déserter. (je suis né en 1960) disons à peine passée la "petite communion".

Je suis un peu surpris que les changements liturgiques soient datés par Jérôme de 1970.

Dans le quartier de HLM et de maisons populaires que j'habitais enfant, je peux témoigner que je n'ai jamais entendu la messe en latin. La pratique religieuse, en 67, était encore fermement établie : il y avait une "messe des enfants" dans la chapelle du quartier, par exemple, à 9h00 le dimanche. Ce qui nous bouffait la seule grasse matinée possible de la semaine et où on se rendait donc avec un enthousiasme modéré. Je préférais aller à la messe de 11h00, lorsque mes parents s'y rendaient. (Bien que participant à divers actions chrétiennes, tel que le CPM - la "préparation au mariage" des fiancés - ils n'y allaient pas chaque semaine, ce qui est déjà un signe : ç'aurait été impensable dans notre "village de famille", à 40 km de là.) Circonstance amusante, les HLM et le quartier ayant poussé comme des champignons pour élargir la ville, la grand messe avait lieu, à l'époque,... dans le cinéma du quartier, toujours bondé pour l'occasion. Jamais je n'y ai entendu un seul mot de latin, pas même le "credo". Jamais non plus, je n'ai été mieux assis à la messe ! :mrgreen:

Surprenante, d'ailleurs, cette pratique encore très présente, dans un quartier semi-populaire (le bas de Montrapon - Besançon est en pentes - groupait plutôt des maisons bourgeoises) dans les années 67 ou 69. Tous les gamins des HLM (où toutes les professions se mélangeaient, à l'époque, et où je n'ai jamais connu une famille arabe) se tapaient non seulement le caté le jeudi matin, mais encore deux séances d'une demi-heure, les mardi et vendredi de 11h45 à 12h15. Sortis de l'école, il fallait dévaler la rue de Fontaine-Ecu, puis ensuite la remonter en courant pour manger avant de retourner à l'école, à 13h45. Alors qu'on avait école le samedi après-midi -jusqu'à fin 69 - on ne risquait pas de s'ennuyer !

En même temps, si on avait voulu nous en dégoûter... (A la même période, mon ex, dans le fin bout du Haut-Doubs, solide bastion religieux, se tapait la messe tous les matins à 7h30, et quand on connait les températures du lieu en hiver...) Il va de soi que les loulous parmi mes copains, futurs ouvriers, s'en sont dispensés assez tôt. Pour moi, qui avais déménagé dans un quartier plus "classe", je me souviens que pendant la "retraite de la communion solennelle" le curé critiquait les gamins qui ne mettaient plus un pied à l'église passée cette étape... ce qui était tout à fait mon intention ! :mrgreen:

Quand au missel en latin, je témoigne n'en avoir jamais vu un exemplaire, ni en ville ni à la campagne.

@Barbetorte : Pour revenir au sujet, en 63, plus de 2/3 des familles françaises allaient encore chaque dimanche à la messe ! Mais si mon expérience personnelle témoigne d'une résistance très au delà de 65, et même dans un quartier populaire, il a pu en être autrement dans les grandes villes, dans certaines régions très à gauche (dans le sud, par exemple) et bien entendu, définitivement, dans les bastions ouvriers comme le Nord-Pas de Calais.

Donc la date de cassure de 1965 ne me choque pas. Pour ce qui me concerne, j'ai vu la pratique s'effriter progressivement dans mon nouveau quartier, disons entre 72 et 78. Je ne crois pas qu'un seul de mes copains y soit retourné après la Communion, en 74. Mais comme rien jamais n'est si simple, je suis resté plus longtemps parmi les scouts, mouvement catholique, en théorie, puis retourné à la paroisse Saint Louis de Montrapon pour y participer au jumelage avec une paroisse catholique de Dortmund, dans la Ruhr. De bons souvenirs, mais à vrai dire peu religieux. (Ceux des copains qui s'aimaient le plus ont réactivé ce jumelage il y a quelques années, mais je dois dire que nos amis allemands sont autrement plus fidèles que nous à leur foi, et y créent même, pour l'une d'elles, des évènements artistiques très étonnants.)

@Barbetorte : en revanche je pense que vous poussez trop loin l'idée d'un passage total à l'athéisme. Toutes les gradations existent. Il y a une foule de Français qui ont eu, soit par le caté, soit en suivant leurs parents à reculons à la messe, ne serait-ce que pour les baptêmes, mariages et enterrements, quelques bribes d'éducation religieuse, et sont donc plutôt déistes que athées purs et durs. Je suis moi-même resté plutôt croyant (mais en rien de la race liturgique) et mes parents, qui ne pratiquent plus guère qu'à l'occasion, ont gardé une foi réelle. (mais qui ne va pas sans question, ce que je considère comme un signe de bonne santé religieuse : on ne questionne pas une foi inexistante.)

Parmi mes 6 frères et soeurs (je suis l'ainé, donc précurseur familial en tous domaines lol ) un seul a refusé mordicus de donner la moindre éducation religieuse à ses 4 filles, les autres, et moi-même, n'y voyant pas malice. Mon oncle et parrain, bien que me sachant païen, a baptisé mes deux enfants.

Du coup, lors de son enterrement dans la superbe église moderne Saint Jean à Dole, où s'étaient déplacés son évêque et pratiquement cinquante prêtres du diocèse - c'était une personnalité attachante et chaleureuse - seule une de mes petites nièces a été effarée par le spectacle de tous ces curés en aubes, et a confié son désarroi en sortant :"Pépère, tu trouves pas que c'était bizarre, tous ces curés ?" "Mais pourquoi, bizarre ?" (C'était pour nous très émouvant) "Je sais pas, ça faisait un peu... Comme le Ku Klux Klan, si tu vois ?" 8-|

Les athées nous grimpent sur les genoux ! :mrgreen:

En revanche, parmi les athées, il existe une frange non négligeable très hostile à l'Eglise, foyer d'endoctrinement réactionnaire. Héritage d'une tradition communiste ou anticléricale très vivace et très ancienne en France, mais pas seulement : ce courant s'est étoffé depuis. (J'ai mon fils dans ce courant là, alors qu'il serait volontiers plus réac que moi, mais il a pris les curés en grippe, et ma fille qui est nettement plus croyante que moi : Les voies du Seigneur sont parfois déroutantes.) :mrgreen:

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Message Publié : 06 Déc 2019 0:36 
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Pierre de L'Estoile
Pierre de L'Estoile

Inscription : 27 Déc 2013 0:09
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Pierma a écrit :
@Barbetorte : Pour revenir au sujet, en 63, plus de 2/3 des familles françaises allaient encore chaque dimanche à la messe ! Mais si mon expérience personnelle témoigne d'une résistance très au delà de 65, et même dans un quartier populaire, il a pu en être autrement dans les grandes villes, dans certaines régions très à gauche (dans le sud, par exemple) et bien entendu, définitivement, dans les bastions ouvriers comme le Nord-Pas de Calais.
En fait, je suis d'accord avec vous. J'ai surtout réagi à l'idée exprimée par un athée telle qu'elle est rapportée par Aigle : Cette réforme ne pouvait qu'aboutir d'un point de vue strictement humain à l'effondrement de la pratique en faisant disparaître ses moteurs psychologiques ainsi qu'aux liens donnés par Jérôme. Curieusement, l'athée et les intégristes catholiques se rencontrent : tout s'écroulerait parce que les clercs eux-mêmes auraient sapé l'édifice. Je ne le crois pas. Ces moteurs psychologiques fonctionnaient en 1860 mais ne fonctionnaient plus en 1960. Nous observons d'un côté une perte très sensible de la pratique religieuse et, d'un autre côté, une réaction conservatrice. Mais ce n'est pas un phénomène mondial. Ce phénomène est concentré en Europe occidentale et plus particulièrement en France. En Amérique latine ou aux Philippines, rien de tel. La pratique est restée vivace et la réaction conservatrice n'a pas eu lieu. Vatican II y est perçu comme une oeuvre de modernisation tout ce qu'il y a de plus naturel. Si l'église catholique était restée telle qu'elle était sous Pie XII, on aurait assisté dans ces pays à une fuite massive vers les églises évangéliques.


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