Il me semble que Vatican II était aussi là pour répondre à ce phénomène grandissant de concurrences dans la très influente Amérique et dans le reste du monde. Le premier vecteur de cette concurrence est la liturgie, dont la langue.
Jerôme a écrit :
L analyse de Barbetorte est des plus intéressantes mais e semble très franco centrée. pourquoi l Italie ou l Amérique auraient-elles échappé à ce phénomène ?
1. On ne peut pas comparer la religiosité aux Etats-Unis avec celle des pays catholiques. Les Etats-Unis ont des églises évangéliques, pentecôtistes, avec une politique prosélyte de croissance et d'évangélisation décomplexée, Weberienne, agressive, axée justement sur la modernité, la prise directe avec la société et le monde: point de liturgies obscures, moins de "mystères" pour s'accommoder avec la science ou la philosophie, créationnisme littéral et simplification des interprétations, pasteurs qui sont "dans la vie", avec femme et enfants, souvent avec un métier, paroissiens qui chantent avec des guitares, femmes officiant, actions sociales extrêmement visibles et surtout, collectes de fonds qui rendent ces églises et leurs pasteurs très riches comparés à nos prêtres catholiques. Une politique expansioniste et pragmatique, assez proche d'un certain Islam en cela.
2. Dans la plupart des pays du monde, il n'y a pas eu le concept très français de laïcité. La laïcité est une des pierres fondatrices de l'édifice de la République, avec ses attributs: séparation des églises et de l'Etat, mais aussi séparation dans les coeurs et les esprits entre la spiritualité d'un individu et la manifestation de pratiques religieuses, la messe, le port de croix ostentatoire, etc. La religion catholique, chez nous, ne s'affiche pas, et doit rester une affaire essentiellement privée. Depuis la Révolution, il y eut plusieurs périodes où s'afficher trop catholique n'était pas bon.
Cette philosophie d'une religion très "privée" hors quelques sacrements, est ancrée en France, très peu ailleurs. Je ne sais pas s'il existe des sondages sur la question, mais il est fort possible que nombre de Français se disent croyants en leur fort intérieur, mais non pratiquants. Ce qui explique la persistance de certains sacrements à certains moments-clef (baptême, mariage, mort) alors que la messe dominicale passe à l'as.
Si l'on accepte que la religion remplit une fonction,
l'opium du peuple (Karl Marx,
Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843), c'est qu'elle est " le soupir de la créature opprimée" (il parlerait aujourd'hui de cocaïne: aux riches l'opium et la cocaïne, au peuple la religion). Il y a concurrence pour emplir cette fonction et pour les heures dominicales. D'autres religions ont pris des "parts", mais aussi la politique, l'engagement associatif offrent d'autres exemples.