Lucius Aemilius a écrit :
J'ai de nouvelles questions à propos du NT. On lit dans Matthieu et dans Marc que Jésus dit au moment de sa mort
: "Mon dieu ! Mon dieu ! Pourquoi m'as tu abandonné". Il s'agirait d'une citation du psaume 22.2.
Alors que dans Luc, il est écrit : "Père, je remets mon esprit entre tes mains". Visiblement, là aussi il s'agirait d'une citation d'un psaume (31.6).
Pourquoi ces deux phrases en Matthieu et en Marc ? J'ai dû mal à me les expliquer. Est ce que Jésus renonce ? Luc a-t-il été écrit après Matthieu et Marc ?
On voit également en Luc qu'il aurait un disciple du nom de Cléopas. J'ai l'impression que ce nom sonne grecque. Jésus avait-il des disciples grecques ? Et ce qui est étrange, c'est qu'il semblerait que ce disciple soit Simon (ou j'ai mal lu).
Enfin, on dirait que Jésus a été jugé pour trouble à l'ordre public. Le jugement paraît assez sévère. Barabbas semble avoir troublé l'ordre public mais pas de la même manière. Que reproche-t-on réellement à Jésus ? Et pourquoi le évangiles "blanchissent" Pilate et Hérode ?
Vous devriez regarder "Corpus Christi", la mini-série de Jérôme Prieur et Gérard Mordillat, qui s'interroge sur l'origine du christianisme en faisant intervenir de nombreux chercheurs. Entre autre, il décrit les différentes versions des évangiles, et leur lien entre eux. Il paraît certain en tout cas que l'Evangile de Marc en tout cas est le plus ancien et que Matthieu et Luc en ont repris des versets, ainsi que d'un manuscrit inconnu dit "Source Q".
Ensuite, les différences entre les Evangiles sont expliquées par le fait que chacun est rédigée suivant une thèse particulière.
Pour ce qui est du prénom grec, rappelons que les Evangiles sont écrits en grec et que la Palestine était un lieu très héllenisé, depuis la conquête du pays par les Séleucides. Le Livre des Maccabées raconte d'ailleurs la révolte victorieuse des Juifs contre l'occupant, avant que les Romains ne prennent en main la région. Il mentionne que des Juifs commençaient à s'hélléniser, renonçant à la circoncision et acceptant de manger du port. La Palestine était un carrefour de marchands et de voyageurs conversant en grec et en araméen. Une région à l'est de Jérusalem était peuplée de colons Grecs : la Décapole.
Il est permis de penser que l'idée d'un dieu unique qui s'incarne devient plus naturelle dans un monde où s'entrecroisent le monothéisme hébraïque et la mythologie grecque !
Pour ce qui est de l'accusation de "trouble à l'ordre public", rappelons qu'en 70 après Jésus-Christ se passe la grande révolte racontée par Flavius Josèphe dans la Guerre des Juifs, qui aboutit à la destruction du temple de Jérusalem. La catastrophe entraîna une reconstruction du judaïsme autour de la Loi, portée par les Pharisiens, et l'expulsion de différents courants dont les paléo-chrétiens. Des hypothèses semblent indiquer que les mentions anti-juives des Evangiles proviennent d'une volonté partagée de bien distinguer la nouvelle croyance du judaïsme.
En tout cas, il est avéré que la région apparaissait aux yeux des Romains comme une poudrière et le portrait de Pilate par les sources non évangéliques sont celles d'un homme craintif et brutal. Il est tout-à-fait vraisemblable qu'une accusation de troubles lui ait suffit pour condamner brutalement. D'autant plus que certains courants Juifs, les Zélotes et les Sicaires, prônent la violence et le terrorisme. Certaines théories font de Barabbas un zélote. Et parmi les disciples de Jésus se trouvent Simon le Zélote (ne pas confondre avec Simon Pierre), et Judas "Iscariote" qui pourrait être Judas "le Sicaire", ce qui n'indique rien sur le propre mouvement de Jésus.
En revanche, l'épisode de la "grâce pascale" où Pilate recherche qui grâcier la veille de Pâques relève du mythe. Une des explication se base sur les premières versions de l'Evangile qui donnent à Barabbas le prénom de Jésus (prénom dérivé de Joshua et dont on connaît plusieurs occurrences dans la Bible). On aurait donc une opposition assez étrange entre Jésus Barabbas - le Fils du Maître - et Jésus Bar Nasha - le Fils de l'Homme. Prieur et Mordillat imagine qu'il s'agit de la mise en scène de l'hésitation entre deux aspects du Christ, le prédicateur et le Messie, qui conduit ce dernier à son destin. Un peu tiré par les cheveux, mais pas plus que la scène originale qui verrait Pilate baser sa juridiction sur les vociférations d'une foule.