Squalll a écrit :
Précisément, je n'ignore pas tout ça. C'est pour cela que je pense qu'il serait absurde de qualifier le prince noir de criminel de guerre. Je pense cependant que le relativisme de l'historien, qui est sans doute impératif pour éviter l'anachronisme, peut mener à faire tout accepter en se cachant derrière le contexte.
Je crois qu'il faudrait commencer par être clair sur les termes ; l'historien n'est pas relativiste, il ne juge simplement pas, ce n'est pas son objet, il explique. C'est une prémisse fausse que vous avez là et elle soutient l'intégralité de votre argumentaire. Donc on ne va pas aller bien loin si vous la conserver comme un acquis.
Squalll a écrit :
Le texte que vous avez posté me semble limpide et très bien dans sa forme, mais ne fait-il pas également preuve d'une certaine naïveté ? Peut-on complètement séparer la recherche historique de l'utilisation politique qui peut en être faite ? Les imbrications entre les deux ont longtemps été assez fortes et comme vous le dites les mémoires en opposition ravivent les tensions et les demandes de réparation, au moins d'un point de vue symbolique.
On ne le sépare jamais vraiment évidemment et les controverses ont été vives et le restent sur beaucoup de dossiers, simplement parce qu'un marxiste n'aura pas les mêmes interprétations qu'un catholique ou un libéral, mais même si les paroles peuvent être orientées, si les angles d'analyses témoignent d'une certaine inclinaison d'esprit il n'en reste pas moins que les historiens tendent vers l'objectivité, essaient de se rapprocher de la vérité historique par l'application de méthodes d'analyse rigoureuses... Et d'ailleurs la communauté historienne est très active dans la critique et la mise en question du travail des collègues. L'intention est radicalement différente de celle des idéologues qui racontent un récit orienté qui sert avant tout leurs intérêts et où le mensonge et la dissimulation ne sont jamais rares. De ce fait il n'est pas si dur de séparer histoire et mémoire, cela demande seulement de respecter le travail des historiens et de ne pas le confondre sciemment avec les productions mémorielles ou idéologiques, ce que les médias et certains politiques aiment à faire quotidiennement.
Pour ce qui est des travaux de la mémoire la boite de pandore a été ré-ouverte par l’État lui-même avec ses lois mémorielles, qu'il se débrouille maintenant avec les sensibilités exacerbées de tous bords. La seule chose que peuvent faire les historiens c'est de continuer leur travail de sensibilisation et de remise en contexte. Si leur voix était plus relayée il y aurait sans doute moins d'usages fallacieux de l'Histoire.