Nous sommes actuellement le 29 Mars 2024 0:43

Le fuseau horaire est UTC+1 heure




Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 11 message(s) ] 
Auteur Message
Message Publié : 15 Fév 2019 17:15 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote

Inscription : 22 Sep 2016 20:06
Message(s) : 18
Bonjour à tous,

Je ne parviens pas à trouver de références bibliographiques pertinentes au sujet des représentations que se faisaient les contemporains du XXe siècle sur l'éducation des enfants. Auriez-vous quelques pistes de travaux à me suggérer?

Dans le genre : "L'évolution des valeurs, des représentations et des mentalités au XXe siècle (1934-1980) à partir de l'étude des petites annonces d'un quotidien franc-comtois", thèse de Nathalie Bardey en 2010
... Mais quelque chose de plus accessible (je suis sur Paris) et si possible sur le thème de l'éducation.

Je vous remercie par avance pour vos aimables lumières!
Kath+


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 16 Fév 2019 10:29 
Hors-ligne
Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
Message(s) : 2953
Il doit bien y avoir des choses à dire en lisant Alain qui était la tarte à la crème des dissertations pédagogiques des écoles "normales" des années 40 à 80 ou bien l'histoire de Victor de l'Aveyron.......Il y avait aussi pour les" instits" le Code Soleil. tout ce qui était aussi dit dans " l 'Ecole Libératrice" revue Syndicale du SNI.........


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 16 Fév 2019 14:29 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote

Inscription : 22 Sep 2016 20:06
Message(s) : 18
Sir Peter, je vous remercie pour votre contribution. J'ai déjà une source primaire actuellement à l'étude (année 1937); je suis plutôt à la recherche de travaux d'historiens. Je ne crois pas qu'il existe à ce jour une synthèse sur les "représentations et discours" que se faisaient les hommes et les femmes du XXe siècle sur l'éducation, mais peut-être existe-t-il quelques articles ou quelque étude qui pourrait me servir de point d'appui, de près ou de loin (plutôt sur la première moitié du XXe). Je reste à l'affût.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 16 Fév 2019 15:10 
Hors-ligne
Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
Message(s) : 2953
Il y a beaucoup de jugements,d'appréciations mais la majorité immense vient de gens "du sérail" éducatif que j'ai fréquenté côté profs et syndicats ou rectorats et ministères de 1960 à 2000...Il y a eu aussi les parents d'élèves et leurs associations ainsi que tout l'éventail politique......C'était un monde que je connaissais bien...le cousin de ma grand mère paternelle fut directeur d'écoles de 1910 à 1940,mon cousin germain fut instituteur de 1930 à 1970........


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 16 Fév 2019 17:02 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9041
Kath+, je ne sais pas si vais répondre à votre question, mais je vais évoquer mon expérience perso. (Vous pouvez me contacter par MP, si nécessaire.)
Pour ce qui vous intéresse, je dirais que l'école était transparente aux parents d'élèves, ce n'était pas un milieu fermé, et à l'inverse les parents d'élèves n'avaient pas encore appris à venir faire la leçon aux enseignants.

Pour ma part j'ai été normalien de 78 à 80. (En réalité, Alain venait juste de passer de mode.)

L'enseignement y était encore assez concret, moins que chez les filles, mais enfin on nous donnait vraiment des billes sur ce qu'il fallait faire faire en classe à nos élèves. Et pour plus de véracité dans l'exercice, souvent nous le faisions nous-mêmes. (n'allez pas en conclure que c'était deux années de "glandage", on était plutôt chargés.)

Malgré tout il y avait à peu près 30% de théorie pure, en particulier des cours qui ne s'appelaient pas encore "sciences de l'éducation", mais plus simplement psychopédagogie.
(Pour avoir fréquenté dans les années 2000 un groupe d'élèves "professeurs des écoles" en IUFM, j'ai constaté que la proportion pratique/théorie s'était inversée jusqu'au cauchemar, qu'ils bossaient comme des malades sur les matières théoriques, ce dont ils se plaignaient amèrement, et n'étaient guère préparés concrètement à leur futur métier, au point qu'ils s'en inquiétaient, malgré les stages.)

Avec notre prof de psychopéda, on ne risquait pas d'être à la traîne sur le plan théorique, sachant qu'elle était communiste, donc à l'avant-garde. (j'exagère, mais quand elle a attaqué le matérialisme dialectique, j'ai fermé mon cahier et posé mon crayon, en vertu de ce principe un peu désuet qu'on appelle la laïcité. Elle a eu le bon goût de ne pas en faire un clash.)

Qu'elle nous parle de Bourdieu-Passeron ("les Héritiers") ne me semblait pas sortir du cadre.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement la vision de ce qu'est l'enfant, nous avons eu droit dans tous les sens à Jean Piaget, psychologue du développement de l'enfant, dont la vision m'a toujours semblé sensée et utile. C'était vraiment le gros morceau, Dieu sait qu'on en a bouffé, sachant qu'il n'était pas toujours d'un accès immédiat, et qu'une explication de texte ne faisait pas de mal. (on ne risquait pas de sortir de l'EN en ignorant qu'un jeune enfant portait sur le monde un regard syncrétique - exemples à l'appui, Piaget avait beaucoup expérimenté avec des enfants de tous âges - ou encore que l'accès à l'abstraction ne pouvait se faire qu'à travers des exercices pratiques - ce qui me parait solide, et que mon expérience future n'a pas démenti. Le côté rabâché de certains exemples, et l'obligation de rendre des résumés écrits de tel ou tel de ses bouquins, finissait par lasser. C'est bon merci, on a eu notre dose, en avaler plus serait de la gourmandise.)

D'autres psychologues de l'enfance, dont j'ai oublié les noms. Un en particulier - à la fois très connu et bisontin - dont j'ai également oublié le nom, qui avait beaucoup travaillé en maternelle sur la communication non verbale entre les enfants, et même de l'enfant à l'adulte. (Avec qui j'ai eu l'occasion de discuter, il continuait ce travail dans la classe d'une amie plus âgée, où il avait installé une caméra et un point d'observation. Ah oui : nous avions, élèves masculins, un stage en maternelle, tant pour notre élévation que parce que les postes en maternelle étaient depuis peu ouverts aux enseignants masculins, grosse révolution.)

Et quelques heures consacrées à la psychanalyse et au développement de l'enfant vu par Freud. (sans implications éducatives pratiques, dans mon souvenir, mais simplement à titre d'information.)

Je signale au passage l'excellence des cours d'éducation physique, avec un prof qui avait une vision passionnante de l'enfant en activité. Du style :"ne les emm...ez pas avec la répétition et la perfection d'un geste technique, les enfants s'en tapent ! Ce qu'ils veulent, c'est ga-gner ! - Tenez, si Björn Borg était tombé sur un prof de tennis conventionnel, jamais il n'aurait trouvé lui-même ce revers à deux mains qui lui convient si bien, innovation qui lui a déjà valu x succès en grand shelem." - ça se défendait, comme idée. D'où des mises en situation où même le plus pataud de la classe était assuré de marquer pour son équipe. Par exemple, 9 enfants de CE2 sur 10 étant bien incapables de marquer un panier, entourer un terrain de basket avec des cartons ouverts, 1 point à celui qui met le ballon dans un carton. Comme on le pratiquait nous-mêmes en étudiant des variantes et en regardant comment optimiser le truc, les cours d'EPS n'étaient pas tristes. Beaucoup d'autres choses intéressantes - sur la natation, par exemple - assorties de ce conseil "politique" que j'ai toujours trouvé justifié : "Ne vous laissez pas déposséder de votre rôle éducatif par le moniteur de sport, le moniteur de natation, le moniteur de musique, etc... C'est peut-être la mode et le "progrès", mais c'est vous qui connaissez vos élèves, et ce que vous perdrez sur le plan technique - et ça reste à prouver - vous le compenserez largement par votre pertinence psychologique.

Enfin il faut expliquer que tous ces cours sur Piaget et consorts n'auraient pas eu de justification pratique (sauf dans l'enseignement du calcul, évidemment) si ces années-là n'avaient été marquées par l'enseignement de l'éveil. (jusqu'en CE2) Perso, ça me paraissait sensé, et je regrette que depuis on ait tout jeté.

L'idée de base est qu'il est inutile de parler de Charlemagne à un enfant de six ans qui se représente mal si le père de son grand-père a connu les rois ou hommes préhistoriques ? (je sais que je parle à des historiens incrédules, mais posez quelques questions à un enfant en grande section de maternelle, vous allez être édifiés.) Donc on travaillait en histoire sur les souvenirs et les récits familiaux, ce qui permettait en gros - en 1978 - de situer la SGM et d'en parler. Evidemment, dans l'approche du temps, on apprenait aussi à lire l'heure et le calendrier, ce qui va sans dire mais ne fait pas de mal. On commençait à y ajouter des repères chronologiques plus lointains, ne serait-ce que pour savoir ce que signifie l'expression av J.C.
En géographie, on partait du plan de la classe, puis du quartier, pour aboutir au plan de ville (en ville !) et à la lecture de carte. Il n'était pas interdit d'utiliser des cartes routières dans des "situations-problèmes" mathématiques, ces exercices ouverts et concrets qu'on faisait plutôt en groupe. Du style : calculer le coût d'un voyage en voiture pour partir en vacances. (Distances, carburant, péages... Et oui, la calculette était autorisée dans ce cas. Ce qui ne simplifie le pb qu'en apparence.) J'ai eu la chance de faire bosser sur la carte IGN des CE2-CM1 à qui j'avais fait faire une mini course d'orientation - hyper bordée à l'avance question sécurité. 14 élèves dans une école à 200 m des premiers sapins, un rêve d'instit.

Soyons clair, l'introduction de l'éveil, évidente et amusante pour nous - et pour ma part, il aurait fallu me passer sur le corps pour que j'en oublie de leur donner des notions d'histoire et de chronologie - a mis un souk pénible chez les instits plus anciens. Les plus sensés ont adopté à l'aveuglette les quelques exemples d'exercices donnés par les inspecteurs, en saupoudrant le tout avec l'apprentissage classique de l'histoire, mais allégé. ça c'était le cas favorable. Puis les inspecteurs ont rappelé qu'il ne fallait pas oublier les repères chronologiques et le récit classique de l'histoire (peut-être déjà avec la critique du roman national et la consigne de partir de documents concrets, photos d'objets ou de vestiges ?) et là, ça a été un foutoir dans lequel chacun faisait un peu comme il l'entendait, et où on a vu de tout. J'avais déjà divergé vers d'autres études, et un autre métier, mais j'ai failli péter un câble le jour où mon garçon, en CE1, m'a demandé de lui faire réciter "les trois fils de Clovis" ! (Non mais allo, Daumier, quoi !)

Bref, le bordel ambiant a été tel que l'enseignement de l'éveil a été supprimé - je ne saurais dire, pour ce qui concerne les IO, au profit de quelle pratique (ésotérique ?) de l'enseignement de l'histoire - ce que je trouve dommage, mais la loi du balancier finira bien par en réintroduire une certaine dose. (Les enfants de 5 ans sont persuadés que les poilus avaient des smartphones, ... les hommes préhistoriques gambadent au milieu des dinosaures... :mrgreen: Pas de panique ! Une autre chose qu'on m'a apprise : ils ont le temps de grandir, de vivre leur enfance, et la compétition vitale viendra bien assez tôt.)

Une dernière chose : j'ai vu passer à la télé ces dernières années une critique surréaliste de l'enseignement de la lecture par la méthode globale, qui serait généralisée et fabriquerait actuellement des millions d'illettrés... J'ignore ce qu'il en est. Lorsque j'étais à l'EN, on nous briefait sur les méthodes de lecture, sans insister spécialement sur l'une d'elle, à chacun de faire son choix, mais en signalant que l'enseignement de la méthode globale n'était pas un exercice facile et demandait à être mené avec beaucoup de rigueur.
(De même il n'y avait pas d'opposition de principe à la pratique de la méthode Freinet - qui n'était que rapidement décrite - mais assortie du conseil de prendre d'abord un peu d'expérience du métier, et de ne pas le faire seul, sans conseils ou soutien disponible.)

j'ignore si ces pages vécues ne sont pas HS, considérez cela comme du "renseignement d'ambiance". (Ce terme vient de l'espionnage.) :mrgreen:

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 28 Fév 2019 22:57 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote

Inscription : 22 Sep 2016 20:06
Message(s) : 18
Pierma a écrit :
Kath+, je ne sais pas si vais répondre à votre question, mais je vais évoquer mon expérience perso. (Vous pouvez me contacter par MP, si nécessaire.)
Pour ce qui vous intéresse, je dirais que l'école était transparente aux parents d'élèves, ce n'était pas un milieu fermé, et à l'inverse les parents d'élèves n'avaient pas encore appris à venir faire la leçon aux enseignants.

Pour ma part j'ai été normalien de 78 à 80. (En réalité, Alain venait juste de passer de mode.)

L'enseignement y était encore assez concret, moins que chez les filles, mais enfin on nous donnait vraiment des billes sur ce qu'il fallait faire faire en classe à nos élèves. Et pour plus de véracité dans l'exercice, souvent nous le faisions nous-mêmes. (n'allez pas en conclure que c'était deux années de "glandage", on était plutôt chargés.)

Malgré tout il y avait à peu près 30% de théorie pure, en particulier des cours qui ne s'appelaient pas encore "sciences de l'éducation", mais plus simplement psychopédagogie.
(Pour avoir fréquenté dans les années 2000 un groupe d'élèves "professeurs des écoles" en IUFM, j'ai constaté que la proportion pratique/théorie s'était inversée jusqu'au cauchemar, qu'ils bossaient comme des malades sur les matières théoriques, ce dont ils se plaignaient amèrement, et n'étaient guère préparés concrètement à leur futur métier, au point qu'ils s'en inquiétaient, malgré les stages.)

Avec notre prof de psychopéda, on ne risquait pas d'être à la traîne sur le plan théorique, sachant qu'elle était communiste, donc à l'avant-garde. (j'exagère, mais quand elle a attaqué le matérialisme dialectique, j'ai fermé mon cahier et posé mon crayon, en vertu de ce principe un peu désuet qu'on appelle la laïcité. Elle a eu le bon goût de ne pas en faire un clash.)

Qu'elle nous parle de Bourdieu-Passeron ("les Héritiers") ne me semblait pas sortir du cadre.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement la vision de ce qu'est l'enfant, nous avons eu droit dans tous les sens à Jean Piaget, psychologue du développement de l'enfant, dont la vision m'a toujours semblé sensée et utile. C'était vraiment le gros morceau, Dieu sait qu'on en a bouffé, sachant qu'il n'était pas toujours d'un accès immédiat, et qu'une explication de texte ne faisait pas de mal. (on ne risquait pas de sortir de l'EN en ignorant qu'un jeune enfant portait sur le monde un regard syncrétique - exemples à l'appui, Piaget avait beaucoup expérimenté avec des enfants de tous âges - ou encore que l'accès à l'abstraction ne pouvait se faire qu'à travers des exercices pratiques - ce qui me parait solide, et que mon expérience future n'a pas démenti. Le côté rabâché de certains exemples, et l'obligation de rendre des résumés écrits de tel ou tel de ses bouquins, finissait par lasser. C'est bon merci, on a eu notre dose, en avaler plus serait de la gourmandise.)

D'autres psychologues de l'enfance, dont j'ai oublié les noms. Un en particulier - à la fois très connu et bisontin - dont j'ai également oublié le nom, qui avait beaucoup travaillé en maternelle sur la communication non verbale entre les enfants, et même de l'enfant à l'adulte. (Avec qui j'ai eu l'occasion de discuter, il continuait ce travail dans la classe d'une amie plus âgée, où il avait installé une caméra et un point d'observation. Ah oui : nous avions, élèves masculins, un stage en maternelle, tant pour notre élévation que parce que les postes en maternelle étaient depuis peu ouverts aux enseignants masculins, grosse révolution.)

Et quelques heures consacrées à la psychanalyse et au développement de l'enfant vu par Freud. (sans implications éducatives pratiques, dans mon souvenir, mais simplement à titre d'information.)

Je signale au passage l'excellence des cours d'éducation physique, avec un prof qui avait une vision passionnante de l'enfant en activité. Du style :"ne les emm...ez pas avec la répétition et la perfection d'un geste technique, les enfants s'en tapent ! Ce qu'ils veulent, c'est ga-gner ! - Tenez, si Björn Borg était tombé sur un prof de tennis conventionnel, jamais il n'aurait trouvé lui-même ce revers à deux mains qui lui convient si bien, innovation qui lui a déjà valu x succès en grand shelem." - ça se défendait, comme idée. D'où des mises en situation où même le plus pataud de la classe était assuré de marquer pour son équipe. Par exemple, 9 enfants de CE2 sur 10 étant bien incapables de marquer un panier, entourer un terrain de basket avec des cartons ouverts, 1 point à celui qui met le ballon dans un carton. Comme on le pratiquait nous-mêmes en étudiant des variantes et en regardant comment optimiser le truc, les cours d'EPS n'étaient pas tristes. Beaucoup d'autres choses intéressantes - sur la natation, par exemple - assorties de ce conseil "politique" que j'ai toujours trouvé justifié : "Ne vous laissez pas déposséder de votre rôle éducatif par le moniteur de sport, le moniteur de natation, le moniteur de musique, etc... C'est peut-être la mode et le "progrès", mais c'est vous qui connaissez vos élèves, et ce que vous perdrez sur le plan technique - et ça reste à prouver - vous le compenserez largement par votre pertinence psychologique.

Enfin il faut expliquer que tous ces cours sur Piaget et consorts n'auraient pas eu de justification pratique (sauf dans l'enseignement du calcul, évidemment) si ces années-là n'avaient été marquées par l'enseignement de l'éveil. (jusqu'en CE2) Perso, ça me paraissait sensé, et je regrette que depuis on ait tout jeté.

L'idée de base est qu'il est inutile de parler de Charlemagne à un enfant de six ans qui se représente mal si le père de son grand-père a connu les rois ou hommes préhistoriques ? (je sais que je parle à des historiens incrédules, mais posez quelques questions à un enfant en grande section de maternelle, vous allez être édifiés.) Donc on travaillait en histoire sur les souvenirs et les récits familiaux, ce qui permettait en gros - en 1978 - de situer la SGM et d'en parler. Evidemment, dans l'approche du temps, on apprenait aussi à lire l'heure et le calendrier, ce qui va sans dire mais ne fait pas de mal. On commençait à y ajouter des repères chronologiques plus lointains, ne serait-ce que pour savoir ce que signifie l'expression av J.C.
En géographie, on partait du plan de la classe, puis du quartier, pour aboutir au plan de ville (en ville !) et à la lecture de carte. Il n'était pas interdit d'utiliser des cartes routières dans des "situations-problèmes" mathématiques, ces exercices ouverts et concrets qu'on faisait plutôt en groupe. Du style : calculer le coût d'un voyage en voiture pour partir en vacances. (Distances, carburant, péages... Et oui, la calculette était autorisée dans ce cas. Ce qui ne simplifie le pb qu'en apparence.) J'ai eu la chance de faire bosser sur la carte IGN des CE2-CM1 à qui j'avais fait faire une mini course d'orientation - hyper bordée à l'avance question sécurité. 14 élèves dans une école à 200 m des premiers sapins, un rêve d'instit.

Soyons clair, l'introduction de l'éveil, évidente et amusante pour nous - et pour ma part, il aurait fallu me passer sur le corps pour que j'en oublie de leur donner des notions d'histoire et de chronologie - a mis un souk pénible chez les instits plus anciens. Les plus sensés ont adopté à l'aveuglette les quelques exemples d'exercices donnés par les inspecteurs, en saupoudrant le tout avec l'apprentissage classique de l'histoire, mais allégé. ça c'était le cas favorable. Puis les inspecteurs ont rappelé qu'il ne fallait pas oublier les repères chronologiques et le récit classique de l'histoire (peut-être déjà avec la critique du roman national et la consigne de partir de documents concrets, photos d'objets ou de vestiges ?) et là, ça a été un foutoir dans lequel chacun faisait un peu comme il l'entendait, et où on a vu de tout. J'avais déjà divergé vers d'autres études, et un autre métier, mais j'ai failli péter un câble le jour où mon garçon, en CE1, m'a demandé de lui faire réciter "les trois fils de Clovis" ! (Non mais allo, Daumier, quoi !)

Bref, le bordel ambiant a été tel que l'enseignement de l'éveil a été supprimé - je ne saurais dire, pour ce qui concerne les IO, au profit de quelle pratique (ésotérique ?) de l'enseignement de l'histoire - ce que je trouve dommage, mais la loi du balancier finira bien par en réintroduire une certaine dose. (Les enfants de 5 ans sont persuadés que les poilus avaient des smartphones, ... les hommes préhistoriques gambadent au milieu des dinosaures... :mrgreen: Pas de panique ! Une autre chose qu'on m'a apprise : ils ont le temps de grandir, de vivre leur enfance, et la compétition vitale viendra bien assez tôt.)

Une dernière chose : j'ai vu passer à la télé ces dernières années une critique surréaliste de l'enseignement de la lecture par la méthode globale, qui serait généralisée et fabriquerait actuellement des millions d'illettrés... J'ignore ce qu'il en est. Lorsque j'étais à l'EN, on nous briefait sur les méthodes de lecture, sans insister spécialement sur l'une d'elle, à chacun de faire son choix, mais en signalant que l'enseignement de la méthode globale n'était pas un exercice facile et demandait à être mené avec beaucoup de rigueur.
(De même il n'y avait pas d'opposition de principe à la pratique de la méthode Freinet - qui n'était que rapidement décrite - mais assortie du conseil de prendre d'abord un peu d'expérience du métier, et de ne pas le faire seul, sans conseils ou soutien disponible.)

j'ignore si ces pages vécues ne sont pas HS, considérez cela comme du "renseignement d'ambiance". (Ce terme vient de l'espionnage.) :mrgreen:


Bonjour Pierma,
Je suis navrée de ne pas avoir vu votre message plus tôt mais je suis également ravie de le découvrir aujourd'hui car c'est un très beau bout de témoignage que vous m'offrez là et je le garderai précieusement.
Pour le moment, c'est effectivement HS pour le travail de recherche que j'effectue ; j'étudie un ouvrage qui a été publié en 1937, dans lequel des hautes figures de l'institution scolaire (comprenant divers inspecteurs et directeurs) ont rédigé leur point de vue sur de multiples sujets portant de près ou de loin sur l'éducation (l'âge de la maternelle, l'éducation professionnelle, l'éducation physique, l'école en plein air, l'école ailleurs dans le monde, etc.). Cela s'accompagne de photographies. J'essayais donc de trouver des travaux d'historiens qui auraient pu m'éclairer sur les représentations que des hommes politiques de l'entre-deux-guerres avaient de l'éducation et de l'enfance. Je trouve quelques informations générales sur l'histoire culturelle et des idées du XXe siècle dans un Pascal Ory. Cependant, j'ai bien l'impression à ce jour qu'aucun historien n'a étudié dans le détail les "discours" (notamment officiels et hors législation) relatifs à l'éducation au XXe siècle. Pourtant, il existe bien des documents à ce sujet comme celui que j'étudie actuellement, ou tous les corpus de photographies qui les accompagnent, mais encore (probablement) des articles de revues d'époque et des témoignages privés. Cela mériterait peut-être un ouvrage de synthèse à l'avenir.
Je vous remercie tout de même pour votre participation et encore une fois pour ce riche témoignage :-))


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 28 Fév 2019 23:38 
Hors-ligne
Modérateur Général
Modérateur Général
Avatar de l’utilisateur

Inscription : 10 Fév 2009 0:12
Message(s) : 9041
kath+ a écrit :
J'essayais donc de trouver des travaux d'historiens qui auraient pu m'éclairer sur les représentations que des hommes politiques de l'entre-deux-guerres avaient de l'éducation et de l'enfance. Je trouve quelques informations générales sur l'histoire culturelle et des idées du XXe siècle dans un Pascal Ory. Cependant, j'ai bien l'impression à ce jour qu'aucun historien n'a étudié dans le détail les "discours" (notamment officiels et hors législation) relatifs à l'éducation au XXe siècle. Pourtant, il existe bien des documents à ce sujet comme celui que j'étudie actuellement, ou tous les corpus de photographies qui les accompagnent, mais encore (probablement) des articles de revues d'époque et des témoignages privés. Cela mériterait peut-être un ouvrage de synthèse à l'avenir.
Je vous remercie tout de même pour votre participation et encore une fois pour ce riche témoignage :-))

You are welcome. :wink:

Je me demandais : les instructions Officielles pour le primaire (si cela existait déjà) valables en 1937 peuvent contenir au moins une vue d'ensemble de la "doctrine officielle" concernant la vision des enfants ? (Bon, ce n'est pas la source du siècle pour votre projet, mais sait-on jamais ?)

_________________
Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 01 Mars 2019 15:55 
Hors-ligne
Hérodote
Hérodote

Inscription : 22 Sep 2016 20:06
Message(s) : 18
Pierma a écrit :
Je me demandais : les instructions Officielles pour le primaire (si cela existait déjà) valables en 1937 peuvent contenir au moins une vue d'ensemble de la "doctrine officielle" concernant la vision des enfants ? (Bon, ce n'est pas la source du siècle pour votre projet, mais sait-on jamais ?)


Effectivement, depuis le début de la IIIe République, il existe divers textes officiels donnant des instructions assez précises aux instituteurs. Cela serait intéressant de les comparer avec les textes contenus dans l'ouvrage de 1937 : "est-ce que ces deux discours institutionnels respectent la même ligne d'idées?" est une question qui pourrait ainsi être vérifiée.
J'y ai songé, cela pourrait s'avérer toujours plus utile que de n'avoir aucune référence sur les représentations qu'on avait à cette époque. Mais cela reste des sources primaires, les conclusions correspondraient donc à une analyse personnelle, or je n'ai pas le titre de "chercheuse" (je ne suis qu'en master), donc cela aurait moins de valeur qu'un propos s'appuyant sur les travaux d'historiens, dont les interprétations sont reconnues.
C'est très gentil de votre part de partager vos idées, je vous remercie :-))


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 16 Mars 2019 15:49 
Hors-ligne
Jean Mabillon
Jean Mabillon

Inscription : 16 Jan 2010 19:18
Message(s) : 2953
Voici comment en1947 des auteurs d'un livre d'arithmétique pour les classes de cours supérieur ,de fin d'études et de certificat d'études primaires concevaient les choses :"Cours d'Arithmétique CH Pugibet"
" Si cet ouvrage est relativement épais,c'est qu'il contientun grand nombre de leçons de problèmes pratiques ainsi que l'exige l'orientation donnée à l'enseignement des enfants qui,au sortir de l'école primaire,vont directement entrer dans la vie.Enfants et maîtres n'ont pas à s'épouvanterd'avoir à apprendre ou à enseigner tant de choses.lorsqu'on en vient aux applications de l'arithmétique,c'est tout un monde que l'on a devant soi,et,l'on atteint,sans la chercher ,la culture générale.On trouvera ici des notions de géographie,de démographie, en mêmetemps que des renseignements sur la vie des artisans,des commerçants,des agriculteurs,des marins.......C'est d'ailleurs ce que prescrivent les instructions relatives à la classe de fin d'études.
Chacun pourra faire son choix,sans oublier néanmoins qu'il n'est pas mauvais ,pour un enfant de la campagne,d'avoir réfléchi sur la vie des centres industriels,ni,pour une fillette de connaître l'essentiel du labeur masculin,ou réciproquement.
Ces problèmes pratiques ont été répartis dans l'ensemble du livre et nous pensons que les m^aîtres pourront puiser à leur gré dans ces leçons en vue d'adapter leur enseignement au niveau de leur classe et aux intérêts de la région.
Ce qu'il faut par dessus tout,c'est qu'on habitue,qu'on entraine ls enfants à appliquer,aux multiples problèmes que pose la vie, des notions arithmétiques qu'on leur enseignait naguère sous une forme trop abstraite.....
Nos leçons sont conduites selon la méthode active dont la valeur s'affirme à l'expérience.La leçon s'élabore avec le concours réfléchi et vivant de la colasse entière,à partir d'exercices concrets,oraux,écrits,manuels mêmed'où se dégage progressivement,dans un effort commun d'observation et d'analyse,la découverte des propriétés nouvelles;.Celles ci sont aussitôt résumées,dans un langage simple,en quelques phrases que l'enfant devra apprenre et retenir.
Nous signalons en outre que les exercices d'observation et de réflexion doivent,le plus souvent possible,être,avant la leçon,préparés à domicile par les enfantsqui,de la sorte,prendront peu à peu l'habitude des travaux personnels et le désir d'apporter en classe desrenseignements originaux,des données puisées dans la réalité vivante................"


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 16 Mars 2019 20:00 
Hors-ligne
Salluste
Salluste

Inscription : 13 Fév 2010 8:36
Message(s) : 242
Marc Bloch partage ses opinions sur l'éducation d'avant-guerre dans un de ses "écrits clandestins": "Sur la réforme de l'enseignement" ( vous pourrez trouver ce texte dans l'édition folio histoire de l'étrange défaite )

"Un mot, un affreux mot, résume une des tares les plus pernicieuses de notre système actuel: celui de bachotage".

Cordialement


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Message Publié : 16 Mars 2019 20:20 
Hors-ligne
Salluste
Salluste

Inscription : 13 Fév 2010 8:36
Message(s) : 242
Ceci peut également vous intéresser:
aux origines de "le science des examens"1920-1940

https://journals.openedition.org/histoire-education/817

Citer :
La docimologie – ou sciences des examens – est apparue dans les années 1920 à l’initiative de scientifiques comme Henri Piéron et Henri Laugier. Elle s’inscrit dans le développement de la psychologie appliquée (travaux d’Alfred Binet et d’Édouard Toulouse) et du mouvement d’éducation nouvelle. Elle a voulu utiliser des méthodes objectives d’évaluation ; pour cela, elle s’est attachée à démontrer les lacunes et les insuffisances des examens traditionnels, notamment le certificat d’études primaires et le baccalauréat. Elle s’est appuyée sur l’essor du mouvement d’orientation professionnelle qui proposait de nouveaux objectifs éducatifs et de nouvelles pratiques d’évaluation. Sans connaître une véritable institutionnalisation, la docimologie a clairement influencé les débats sur l’école unique et la mise en œuvre de nouvelles méthodes pédagogiques.


Haut
 Profil  
Répondre en citant  
Afficher les messages publiés depuis :  Trier par  
Publier un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 11 message(s) ] 

Le fuseau horaire est UTC+1 heure


Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 5 invité(s)


Vous ne pouvez pas publier de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas insérer de pièces jointes dans ce forum

Recherche de :
Aller vers :  





Propulsé par phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction et support en françaisHébergement phpBB