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Message Publié : 02 Juin 2010 13:43 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines
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Atahualpa a écrit :
l'écrasante majorité des témoins de la seconde guerre mondiale affirmait en 1946 ne pas avoir entendu l'appel du général De Gaulle ; alors que 30 ans plus tard tous affirmaient l'avoir entendu. C'est quand même troublant...


Je ne sais pas si votre exemple est correct, mais, même en l'imaginant tel, cet écart s'expliquerait assez facilement je pense. La propagande gaulliste sur la Résistance, le matraquage sur l'appel du 18 juin, tout cela a forcément pesé sur les mémoires et a contribué à reconstruire les souvenirs. En un sens, les témoignages de 1946 seraient sans doute plus "sûrs", mais ceux de 1976 ont également leur importance et permettent eux aussi d'établir des faits sociaux. Reste à les interpréter correctement (et de façon scientifique :wink: ).
Les témoignages ne sont pas toujours (et sont même rarement) les meilleurs documents pour notre discipline. Conclure la non-scientificité de l'histoire et rouvrir un débat déjà long avec cet exemple me paraît bien hasardeux.

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«L'humanité est comme un paysan ivre à cheval: quand on la relève d'un côté, elle tombe de l'autre.»
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Message Publié : 02 Juin 2010 13:48 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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Comme Jean-Claude, je dirais que le débat a été long et plutôt argumenté. Vous utilisez pour principale argument le manque de fiabilité de la source et mais aussi des historiens soumis à des interprétations diverses et variées. Cependant n'est-ce pas oublié que toute science n'est que le fruit de la pensée de l'homme ?
Personne n'a encore prouvé que 1 était 1, 2 était 2, et même que ces notions existaient. Encore un long débat philosophique. Toute science qu'elles soient dures ou souples, sont donc soumises à la subjectivité de la pensée humaine.
Les exemples d'interprétations diverses à partir d'un sujet d'étude unique en science ne manquent pas.

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Message Publié : 02 Juin 2010 13:51 
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Polybe
Polybe

Inscription : 05 Mai 2010 17:02
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Alceste a écrit :
Jean-ClaudeP a écrit :
Chaque fois que j'ai demandé à un(e) historien(ne) si l'histoire était une science on m'a toujours répondu par l'affirmative. Or, dans les sciences expérimentales les théories sont construites rationnellement à partir de confrontations avec des expériences que les chercheurs peuvent imaginer, monter et répéter quand ils le veulent, il n'en est pas de même en histoire.
Alors en quoi l'histoire peut-elle être une science ?

L'histoire, comme d'ailleurs les autres sciences humaines n'est pas une science si vous donnez cette définition réductrice de la science. En réalité cela prouve simplement qu'il y a plusieurs façon d'être une science.
Il y a une démarche scientifique en histoire. Elle n'est évidemment pas fondée sur la réalisation d'expérience répétées. Je crois qu'on peut donner quelques pistes pour définir ce qu'est l'histoire scientifique.
Défini une problématique. Construire un corpus de sources croisées. Étudier avec soin ce corpus en pointant les concordances et les contradictions. Donner au lecteur toutes les clés pour qu'il puisse vous vérifier et éventuellement vous contredire. Prenons un exemple très concret: l'établissement d'un texte antique. Cela vous permettra de comprendre que la physique n'est pas le seul modèle de démarche scientifique.
Pour donner au public par exemple le texte de la guerre du Péloponnèse, vous recensez tous les manuscrits dont on dispose, papyrus ou manuscrits du moyen âge. Ce sera votre corpus. Vous établissez une véritable généalogie. Quel est le texte le plus ancien donc le plus proche du Thucydide? Quels sont les manuscrits les moins fautifs? Vous ferez cette analyse de votre corpus grâce à votre parfaite connaissance du grec qui vous permettra de repérer les fautes et de qualifier un copiste ou de la disqualifier. Vous utiliserez vos connaissances sur le support, (datation du papyrus ou du parchemin), de l'écriture. En suite à partir du manuscrit le plus ancien, mais aussi en vous aidant pour combler les lacunes des autres manuscrits, vous établirez le texte. Vous n'oublierez toutefois pas de citer les variantes des autres manuscrits en expliquant en note pourquoi vous ne les avez pas retenues. Après cet établissement du texte vous donnerez une traduction, la plus fidèle possible grâce à votre parfaite connaissance de la langue utilisée, construite non seulement dans vos études mais à travers une longue pratique. Ensuite vous ou d'autres pourrez confronter ce texte à d'autres, utiliser les sources épigraphiques pour confirmer ou éventuellement le texte de Thucydide. C'est vrai que l'histoire ancienne est un exemple particulièrement facile, mais on attend des autres historiens la même rigueur. Il ne faut pas plus bidouiller des sources que le physicien ne peut bidouiller ses expériences. Le chemin pour arriver à une conclusion n'est pas le même mais la nécessité de la rigueur est la même.
Juste une remarque annexe les mots ne se réduisent pas à leur étymologie. Étymologiquement historiographe devrait être simplement "celui qui écrit l'histoire" donc strictement synonyme d'historien, mais ce n'est pas le cas. Historiographe du roi c'était une charge, l'historiographe était un personnage appointé chargé d'écrire les hauts faits du roi, leurs écrits peuvent éventuellement être une source, mais leur perspective première n'est pas celle de la vérité, mais celle de la gloire du roi.


C'est une citation pour illustrer mon avis:

L'histoire c'est comprendre dans un premier temps la vision de l'époque:

En simple traduire un texte revient tout d'abord à comprendre le contexte. Donc il faut avoir des notions en sociologie, économie, etc...
La datation des papyrus: Comprendre l'oxydo réduction etc... Pour bien employer un moyen de datation il faut le comprendre à mon avis.
La langue : il faut maitriser la langue avec un certain niveau.
Je pourrais continuer avec pratiquement tous les domaines. L'histoire ce n'est pas l'étude d'un livre (littérature) mais d'un ensemble de paramètres. Ces paramètres débouchant sur l'évènement, le texte etc...
Donc pour moi l'histoire n'est pas une science. :mrgreen: je ne trouve pas les mots, je ne veux pas dire la "mère de toutes les sciences" mais la résultante des sciences.

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Message Publié : 02 Juin 2010 14:15 
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Jean Froissart
Jean Froissart

Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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@ LGV : pour vous l'histoire est une fusion des sciences ?

Il est vrai que l'argument est certain et qu'aujourd'hui toute branche scientifique n'est pas isolée.
La physique n'est elle pas une convergence de la chimie, des mathématiques, mais aussi de l'histoire, des langues ?

Donc rester sectaire sur le concept de science est réellement une conception datée.
Ce n'est pas l'objet, ni le scrutateur qui fait la science, mais la méthode.

Et à ce compte-là on en a entendu des gogologues.

Il me semble que ces arguments ont été déjà utilisés!

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Message Publié : 02 Juin 2010 14:44 
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Polybe
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Inscription : 05 Mai 2010 17:02
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Et bien excusez moi j'ai une licence d'histoire de l'art et archéologie, j'ai touché autant aux sciences "dures" que "molles". Peut être parce qu'avec l'art, les sciences vont de paire. Mais à mon avis l'historien que je qualifierai de la vieille école est dors et déjà aux oubliettes. Donc je vais préciser l'Histoire en tant que matière et je parle à la date d'aujourd'hui 02/06/2010 est obligatoirement associée avec d'autres sciences. Et le gogolol il a étudier le carbone 14 avant d'apprendre la datation par la céramique, ce qui abouti par exemple:

Prenons le cas des rites funéraires de la Grèce antique, à athènes pour donner un lieu géographique.

Croyez vous que sans la datation et la science qui se "cache derrière", les méthodes etc.. il est possible de décrire ce que sont les funérailles durant la période de la Céramique à figures rouges à Athènes de manière littéraire. (d'ailleurs encore une autre matière parce que dans ce cas il faut aborder l'art justement).

Donc je ne dis pas que l'histoire est dors et déjà une fusion des sciences, mais va le devenir.

Dans 50 ans vous aller décrire "la crise" comme on dit sans aborder quelques notions de mathématique et d'économie ? (sans parler des répercussions sociales etc...).

Et je peux me tromper en m'avançant autant. j'expose juste mon avis d'après mon vécu.

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Message Publié : 02 Juin 2010 15:22 
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Jean Froissart
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Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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J'ai dû mal m'exprimer car je ne faisais que confirmer vos dires.

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Message Publié : 06 Juil 2011 4:51 
Bien entendu nous utilisons des sciences annexes (histoire de l'art, archéologie, numismatiques, sociologie, économie, physique, statistique...) ceci directement ou indirectement (mais c'est un faux problème, une discipline ne peut être définit comme étant un agrégat brute). l'Histoire se base d'abord sur des sources ECRITES ( préhistoire ou encore protohistoire n'est pas Histoire et cela à une raison!)
Tout dépend ce que que tu appelle "science", tout les historiens ne considèrent pas leur discipline comme scientifique.. "science n'est pas un noble vocable" Jacques Le Goff... Toutefois le bon coté de l'Histoire est de pouvoir s'interresser à tous tant qu'il y a des traces (histoire "chronologique", histoire de tel ou tel fait, de la société... et même histoire des sciences).

En finissant ma licence d'Histoire j'ai une vision d'une Histoire "scientifisante". Je m'explique.

Pour une science? Plusieurs critère:
L'observation
L'expérimentation
La conclusions sur des lois
La réfutabilité

L'Histoire n'est pas une science brute en cela qu'elle ne peut pas prétendre à établir des lois, des modèles. Pourtant sa méthode reste scientifique. Il y a observation de faits, il y a expérimentation (l’historien fait l'expérience des sources en les questionnant -problèmatique), il y a réfutabilité puisqu'il y a débat et que l'on étudie toujours des faits étudié et réétudier. L'Histoire a une méthode inversé pour arrivé à résultat le plus objectif possible il y a court circuit du canaux normal (hypothèse découlant de l'observation, expérience pour vérifier l'hypothèse et conclusions), l'Historien évitera l'hypothèse au début (risque anachronisme, téléologie et autres ethnocentrismes). IL aura des données travaillé par ses prédécesseurs, il aura les sources qu'il devra étudier, critique. C'est son expérience de laquelle découlera l'hypothèse.

Les positivistes ont souhaité créer une science dure et ont poser une méthode stricte, méthode interréssante mais réductrice. Les sciences humaines ont cela d'interranstante, qu'elles sont plus mouvante car l'Homme lui même est mouvant. L'histoire est une étude qui ne s’arrêtera pas de ce faire tant qu'il y aura des hommes ( nouvelles sources, réflexion nouvelle par des hypothèse nouvelle, histoire du temps immédiat ou immobile (voir Braudel))

L'historien est un travailleur multiple un scientifique dans sa méthode, un artisans par son travail de construction à partir de données brutes et auxquelles il donne forme, un orateur pour les débats et un écrivain enfin pour rendre compte de son travail ( le maître ici est sans doute Michelet)


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Message Publié : 07 Juil 2011 21:28 
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Philippe de Commines
Philippe de Commines

Inscription : 21 Sep 2008 23:29
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Snape,

j'ai hier relu tout le fil. J'avais fait des notes des messages qui étaient le plus concordant avec ma vision de l'historiographie et des historiens. Et j'ai vu maintenant que j'ai déja fait la même liste le 31 Août 2009. Surpris que les deux listes se ressemblent et sont presque des copies. Seulement que dans ma deuxième liste j'ai les noms de Châtillion en plus avec son message du 5 Avril 2009 et celui de Narduccio avec ses messages du 7 Avril et du 30 Avril.

Est-ce que vous avez lu le fil entier avant d'éditer votre message?

Est-ce que des résultats obtenus selon la méthode scientifique ne sont pas de la science? Vous avez écrit:"Pourtant sa méthode reste scientifique".

Vous avez écrit:
"L'historien est un travailleur multiple un scientifique dans sa méthode, un artisans par son travail de construction à partir de données brutes et auxquelles il donne forme, un orateur pour les débats et un écrivain enfin pour rendre compte de son travail ( le maître ici est sans doute Michelet)"

Un artisan par son travail de construction? Ce travail de construction est-ce que ce n'est pas un travail scientifique aussi? Travail régi par les rêgles de la logique et par la rigueur de la science?

Un orateur pour les débats? Des débats télevisés où les deux antagonistes se disputent le parti pris et où celui qui peut le dire le mieux recoit des points du public, un peu comme en politique?

Un écrivain pour rendre compte de son travail? Ne serait-ce pas mieux de laisser ça à des livres vulgarisants rédigés par des éditeurs qualifiés qui se fondent sur le travail des vrais historiens?

Cordialement,

Paul.

PS et hors sujet:
je suis toujours un peu triste, quand je vois les jeunes gens, mêmes diplomés, qui éditent un texte avec des participes passés pour des infinitifs, et parfois pas rapport de genre et de nombre...peut-être parce que je suis néerlandophone et que j'essaie de faire mon mieux pour éditer mes textes le plus correctement que possible dans une langue étrangère? Mais dans l'aire néerlandophone je rencontre les mêmes cas...peut-être que c'est propre aux jeunes gens modernes?
Et c'est quoi: "interranstante"? De l'Espagnol?
"rant over" on dit en anglais...(fini les lamentations?)


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Message Publié : 09 Juil 2011 23:18 
Je ne savait pas que les historiens construisaient des lois...
Si on interroge des ufologues, il vous disent qu'ils utilisent la méthode scientifique. L'ufologie est donc une science?
Pour le reste du "sujet" le mieux est de lire F. FURET, A. PROST, P. VEYNE. Les "débats" le mots est inexacte colloque serait mieux, le "débat" dont vous parlez n'en sont pas.


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Message Publié : 25 Nov 2013 16:28 
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Je viens de présenter sur Livres de guerre le livre de Hans Helmut Kirst Voici qui est SORGE l'espion du siècle
http://www.livresdeguerre.net/forum/suj ... sujet=1644

Donc c'est tout sauf scientifique

Mais c'est aussi utile, parce que je trouve que connaître, l'ambiance, le contexte, les chamailleries, les haines, les passions etc. etc..c'est fort utile aussi en Histoire, même si ce n'est pas scientifique. Avec ce livre on entre dans le contexte et la connaissance du contexte c'est, je trouve, souvent ce qui manque aux historiens scientifiques


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Message Publié : 03 Déc 2013 10:58 
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Jean Froissart
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Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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Le jour où on me prouvera que les sciences dites dures, ne sont pas que des interprétations humaines basées sur des conventions humaines appelées mathématiques, alors je concéderai la "supériorité" des sciences dites dures.
C'est pas demain la veille....

Parce qu'on confond toujours méthode et interprétation !
Une méthode peut-être scientifique et une interprétation pas du tout....

C'est la différence entre la technique scientifique et l'art interprétatif.

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Message Publié : 03 Déc 2013 17:25 
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Tout cela est bien confus. Manifestement il vous manque un peu de pratique de la physique, pour la confondre avec une simple application des mathématiques.

Polycarpe de M. a écrit :
Le jour où on me prouvera que les sciences dites dures, ne sont pas que des interprétations humaines basées sur des conventions humaines appelées mathématiques, alors je concéderai la "supériorité" des sciences dites dures.
C'est pas demain la veille....

Je ne crois pas que les sciences dures revendiquent une "supériorité" sur les sciences humaines.

Elles n'ont pas le même objet, et les méthodes qui s'appliquent en physique (à commencer par l'expérimentation) ne sont pas toujours, et même rarement utilisables dans les sciences humaines.

Pour autant la physique ne prétend pas avoir le dernier mot sur tous ses sujets d'étude. Je ne vais pas vous refaire toute l'histoire de la physique, mais on sait qu'elle fonctionne en mettant en place une explication de certains phénomènes, qui fait apparaître une "loi physique", laquelle est considérée comme valable jusqu'à ce que d'autre phénomènes physiques viennent la remettre en cause.

Un exemple très connu est celui de la "loi d'attraction universelle" de Newton. newton fait la synthèse des observations astronomiques et des mesures connues sur la rotation des planètes pour dire : tout se passe comme s'il y avait entre deux masses M1 et M2 une force d'attraction (disons un élastique) qu'on peut exprimer par F= k.M1.M2/d^2
A l'usage, cette loi semble s'appliquer parfaitement, elle va permettre la prédiction du mouvement des planètes et sera suffisamment pertinente pour permettre les calculs de puissance et de trajectoire permettant d'aller poser un homme sur la lune.

Pourtant, en 69, quand Armstrong marche sur la lune on sait déjà que cette loi est fausse. En fait, elle est fausse à la 8ème ou 10ème décimale : on a détecté depuis le début du siècle un écart de 2 secondes d'arc par siècle dans la trajectoire de Neptune. Ecart infime avec la théorie, qui demandera un moment pour être confirmé (pour être certain de cet écart, il faut d'abord être certain qu'il ne provient pas de l'imprécision des instruments de mesure) et amènera Einstein à postuler la théorie de la relativité.

Au pasage, Newton savait parfaitement que sa loi était descriptive mais n'expliquait rien. Autrement dit, elle mesurait bien la force de l'élastique, mais ne donnait aucune explication sur son origine. Pendant plus de 2 siècles les physiciens se sont demandés comment cette force se transmettait, sans trouver d'explication.

Aujourd'hui la loi de Newton reste valable pour la plupart des applications cinématiques. Par contre la mise en place du système GPS, par exemple, aurait été impossible sans la théorie de la relativité, parce que les satellites concernés se déplacent à des vitesses qui commencent à devenir non négligeables par rapport à la vitesse de la lumière, surtout si on considère leurs vitesses cumulées pour les échanges d'informations de synchronisation entre eux. Sans corrections relativistes les mesures échangées par ces satellites seraient incohérentes.
La théorie de la relativité a donc trouvé des domaines d'application.

Pour autant, si une loi physique reste en théorie toujours sujette à caution, il en existe quelques unes qui sont tellement fondamentales qu'il est douteux qu'elles soient un jour contestées. On appelle ça des "principes" plutôt que des lois. Par exemple, la loi qui relie une force avec l'accélération qu'elle produit : F=Mg est un corolaire qui vérifie le principe d'inertie.

Cela dit on peut toujours imaginer que nous ne voyons qu'une face de l'univers et que nous pourrions être victimes d'une illusion générale, ce qui reste une possibilité théorique mais n'empêche pas les physiciens de continuer à examiner l'univers. "non, disait Einstein, le vieux est subtil, mais il n'est pas méchant."

Au passage, dans des loi du style F= k.M1.M2/d^2 la présence d'une constante k, dite constante d'attraction universelle, pose question. Les physiciens sont parfaitement conscients que de nombreuses lois incluent des "constantes" de ce genre, ce qui fait un peu bricolage (surtout celle-ci, qui dépend du système d'unités de mesure utilisé pour exprimer F, M et d. On les exprime aujourd'hui respectivement en Newton, Mètre, et Kilos, mais la présence de cette constante indiquait dès le début qu'il s'agissait d'une loi imparfaite.)

Bref la physique tâtonne, se pose des questions sur la validité de ses lois, se reconfronte sans cesse à la réalité, et il faut une bonne dose de manque de culture scientifique pour s'imaginer qu'il pourrait s'agir d'une pure construction mathématique sortie de l'imagination des physiciens et considérée comme intangible.
(Excusez-moi de le dire si durement, mais je ne vois pas comment le formuler autrement.)

L'interprétation des phénomènes physiques reste au coeur de la problématique de cette science, même si aujourd'hui on peut raisonnablement considérer qu'il existe des lois physiques qui ne seront jamais remises en cause. Ou alors on rentre dans la métaphysique, comme dans cette réflexion d'Einstein :"le plus étonnant est bien qu'il puisse exister des lois physiques !"

Hé oui, l'univers semble répondre à des principes d'organisation, on le constate. Quant à savoir pourquoi... Adressez-vous à votre prêtre favori ou émerveillez-vous des coïncidences du hasard, mais là on n'est plus dans la physique.
Citer :
Parce qu'on confond toujours méthode et interprétation !
Une méthode peut-être scientifique et une interprétation pas du tout....

C'est la différence entre la technique scientifique et l'art interprétatif.

Douuucement !

Tout d'abord c'est exact. Il y a un passage de l'observation à l'interprétation qui n'est pas toujours univoque, c'est une vraie question. Certains phénomènes ont le bon goût de ne permettre qu'une seule interprétation, évidente, mais c'est plutôt l'exception. Pour autant on ne va pas jeter au feu tout ce qu'on sait en physique.

La rigueur de l'interprétation est le coeur du débat sur la validité des conclusions scientifiques.

Il existe un domaine où les interprétations caricaturales foisonnent, c'est la génétique. Certains "scientifiques" passent leur temps à identifier le gêne de la délinquance, de l'alcoolisme ou du commérage en utilisant la mise en évidence de corrélations.

Le problème c'est qu'on est bien incapable de dire si c'est le gêne qui fabrique l'alcoolisme ou l'alcoolisme qui active le gêne, ou toute autre explication plus sophistiquée. Dans ce domaine je pense que si on veut être honnête il faut considérer qu'on en est aux constats. (Mais ces constats permettent déjà de fabriquer des médicaments, ce n'est donc pas seulement de l'entomologie gratuite.)

La corrélation présente un intérêt, évidemment, mais il faut s'en méfier comme de la peste. Vous connaissez peut-être la corrélation qui prouve l'existence centenaire du réchauffement climatique ? Hé bien depuis un siècle les maillots de bains féminins couvrent de moins en moins toutes les parties du corps, preuve que le climat se réchauffe ! :mrgreen: (la preuve par le string ! :mrgreen: )

Oui, il existe une part de conclusions "scientifiques" qui est bonne à jeter au feu. On sait en sciences humaines que l'interprétation des données est plus problématique que dans les sciences dures. Au delà d'ailleurs de cette séparation sciences molles/sciences dures, qui ne signifie pas grand chose, le problème est l'interprétation de la complexité.

Sur un sujet complexe, il faut admettre qu'on ne peut pas tout savoir tout de suite, et pire encore, qu'on va difficilement éviter les tâtonnements et les erreurs d'interprétation.

Ainsi va la science. on est très loin du fantasme que vous décrivez : une construction mathématique parfaite extrapolée une fois pour toute de la réalité, et intangible. Les scientifiques sont plus modestes que cela.

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Message Publié : 03 Déc 2013 17:47 
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Grégoire de Tours
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Tout en étant d'accord avec Pierma (qui m'a replongé dans mes cours d'histoire et de philo des sciences, un délicieux souvenir :mrgreen: ), je comprends Polycarpe de M. dans le sens où les pratiquants des sciences "dures" ont parfois la tendance de couper court à certaines discussions en utilisant l'argument de la "scientificité". J'ai surtout en tête certaines discussions qu'on peut avoir dans la vie de tous les jours et où certains essaient d'asseoir leur autorité en disant qu'ils ont raison parce que ce qu'ils disent est scientifique (et donc sous-entendu, est vrai).

Ensuite, concernant le fait que telle ou telle science se croient supérieure à d'autres, c'est quand même un phénomène que l'on retrouve partout (il n'y a qu'à voir en sciences sociales l'hégémonie qu'a eu pendant un certain temps l'histoire). Et j'ai parfois le sentiment, en parlant avec des amis scientifiques (c'est à dire venant des sciences dures), que ces derniers ont un sentiment de supériorité par rapport aux sciences sociales (moins "utiles", moins "scientifiques", etc.). En général, je reprends exactement le même argument que vous, m'inspirant aussi des travaux de Kuhn, et ils ont vite fait de reconnaître que finalement les sciences dures et leurs méthodes ne sont pas si indiscutables/inattaquables que cela et que les questions méthodologiques ne sont pas leur seul apanage car il y a en aussi en sciences humaines. Mais voilà, à moins d'avoir eu la chance de s'intéresser à ces questions, il n'est pas forcément facile d'être mis sur un pied d'égalité par un physicien, ce dernier (ab)usant de son autorité.

Ce n'est pas du tout le cas en histoire, car outre la confusion très courante entre histoire et mémoire, tout le monde peut facilement avoir un avis, beaucoup estimant avoir le droit de partager cet avis (ce qui est absolument vrai) et que ces avis valent tout à fait les opinions des historiens (ce qui peut-être vrai, même si justement les questions méthodologiques peuvent poser problème).

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Message Publié : 03 Déc 2013 19:02 
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C'est peut-être un effet positif de l'hégémonie intellectuelle de la science - très réelle au début du 20ème siècle - que les historiens se soient souciés de de leurs méthodes pour y chercher une rigueur scientifique.

par contre le prestige du mot "sciences" donne aujourd'hui une dérive un peu ridicule à afficher cet intitulé sur tous les enseignements et toutes les recherches. par exemple l'intitulé "sciences de l'éducation" m'a toujours laissé perplexe. ça comporte effectivement une évaluation rationnelle (et chiffrée) des pratiques, un appui sur les connaissances d'autres sciences, mais de là à faire de l'éducation une pratique à prétention scientifique il y a de la marge. :rool:

Même l'éducation physique n'échappe pas à la revendication de "science". Je ne sais plus ce que signifie exactement l'intitulé des UFR STAPS, mais il y a le mot "sciences" dedans. :rool:

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Message Publié : 03 Déc 2013 22:29 
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Jean Froissart
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Inscription : 08 Déc 2009 18:21
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Merci Adulith vous avez parfaitement compris le sens de mon intervention.

Tout est dans l'utilisation et la signification du mot science.

La science, c'est la connaissance d'une chose. Ainsi parler de science de l'éducation ou de science du sport ne me gêne pas dans cette acceptation...

Le problème, c'est que je ne suis pas naïf. Il y a eu un glissement sémantique qui fait que le mot "science" s'est revêtu d'une aura particulière. La science a été érigée en religion par certains. Aujourd'hui, on cale le mot science pour donner un ton solennel à ce que l'on dit, l'ériger en modèle et en "vérité". Enfin je parle pour les faux scientifiques, parce que n'importe quelle personne honnête intellectuellement sait que la vérité est une chose multiple, complexe et versatile.

D'ailleurs, en France, on a tendance à appeler docteur les seuls docteurs en médecine. Est-ce parce que ce sont les premiers représentants d'une science avec lesquelles les français avaient un contact ?
Dans les pays anglo-saxons, on reconnaît docteur le titulaire de n'importe quel doctorat. Est-ce dpu à une vision différente des sciences ? Une séparation inexistante des sciences dures et sciences souples ?

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