À titre de précisions : Pour ce qui est des tablettes d’Ugarit, j’ignore si elles mentionnent Israël. Par contre les tablettes d’Ébla indiquent que les noms Yishra-il et Ishma-il étaient déjà attestés à l’époque présargonique, au ~XXIVe siècle (René Lebrun, Ébla et les civilisations du Proche-Orient ancien, Centre d’Histoire des Religions, Louvain-la-Neuve, 1984, p. 23-24). Pour ce qui est de la mention d’Israël sur la stèle de Mérenptah, elle est contestable. On y lit, parmi une liste de cités levantines vaincues, un ethnonyme féminin translittéré de manière phonétique y-s-i-r-i-â-r et suivi de la précision « dévastée (l’adjectif est accordé au féminin : en égyptien feket et non fek) plus de semence ». Il s’agit d’un hapax, seul exemplaire connu de cette appellation dans la littérature égyptienne. Sur la stèle, deux des hiéroglyphes entrant dans la mention de ce peuple (la troisième panicule de roseau i et le vautour percnoptère â) sont très dégradés et pourraient tout aussi bien représenter d’autres signes (par ex. le pilon ti et la buse tyou) ce qui en changerait complètement la lecture. La « transmutation » d’ysiriâr en ysriâl, qui signifierait « Israël », est due à William Flinders Petrie, inventeur du monument, et Wilhem Spiegelberg, son traducteur (Six Temples at Thebes, Quaritch, Londres, 1897). Le postulat traductionnel rapprochant ce terme l’ethnonyme Israël relève autant d’une orientation bibliste de ces deux auteurs que d’une lecture égyptologique car il est présenté de manière péremptoire, sans que sa difficulté d’interprétation et la précarité du rapprochement qu’il opère soient évoquées. Néanmoins, et bien qu’il pose plus de questions qu’il n’en résout, il a été accepté par la majorité des spécialistes. Il reste donc possible l’ethnonyme en question ait désigné des « proto-Israélites » en voie de sédentarisation mais, quoi qu’on en ait dit, rien ne relie ces gens à des Hébreux chassés ou déguerpis d’Égypte. Si Mérenptah avait fait ce rapprochement, celui-ci eût été mentionné à coup sûr. Dans l’état actuel de nos connaissances, il est plus raisonnable de supposer que l’armée du pharaon a rencontré, en un lieu non précisé du couloir syro-palestinien, un groupe semi-nomade se réclamant d’une figure locale du dieu El sous un nom qui a été compris par les Égyptiens Ysiriâr ou Ysiriâl. Cette peuplade aurait été défaite et ses cultures razziées (par « semence », il faut comprendre l’organe végétal que l’on sème ou enfouit et non le liquide séminal assurant la postérité, auquel cas il aurait comporté le signe du pénis (D53) dans sa transcription). Aucune trace de cette intervention n’a été découverte au Levant mais elle a pu avoir lieu avant l’an 5 du règne de Mérenptah car sur la stèle d’Amada, datée de cette année-là, "le roi a déjà introduit dans sa titulature l’expression : Celui qui s’est emparé de Gézer" (Claude Vandersleyen, L’Égypte et la vallée du Nil, II, De la fin de l’Ancien Empire à la fin du Nouvel Empire, Presses Universitaires de France, Paris, 1995, p. 560). Cette ville de Gézer (située entre Jérusalem et Jaffa) figure sur la liste des cités vaincues mentionnées par la stèle. Certains ont voulu lire ce nom Yzréel, le rapprochant de la vallée de Jezréel, alors que dans l’inscription, le groupe de signes terminaux formé par le bâton de jet, le couple humain et les trois traits verticaux du pluriel marque sans conteste une désinence ethnonymique et non toponymique.
La mention bit dvd, « maison de David » sur la stèle de Tel Dan, bien que très probable, ne fait pas non plus l’unanimité.
_________________ Roger
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