Dans "L'Europe archéologique", une livre qui regroupe la contribution de plusieurs archéologues européens sous la direction de Jean-Paul Demoule
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-histoire/L-Europe-archeologiqueJean Paul Demoule revient sur la problématique de l'indo-européen dans le chapitre "steppe et langue".
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Certains considèrent même ces nomades guerriers comme les "indo-européens" originels. On sait en effet qu'une grande part des langues de l'Europe et une partie de celles de l'Asie (Iran, Inde) appartiennent à un même groupe linguistique, appelé indo-européen. L'explication la plus simple serait d'envisager, de même que la conquête romaine a donné naissance aux langues romanes actuelles, qu'un peuple préhistorique aurait répandu par invasions successive sa langue indo-européenne originelle, donnant naissance par scissiparité, à l'ensemble des langues indo-européennes connues. Certes, la première domestication du cheval est bien attestée dans les steppes du nord de la mer Noire à cette époque, mais d'abord pour des fins alimentaires. La monte n'est pratiquée qu'un millénaire plus tard, et le char de guerre n'est pas inventé avant le IIe millénaire avant notre ère. Il y a sans doute eu des mouvements de populations depuis les steppes vers les Balkans, dont les sociétés avec leurs manifestations d'opulence surdimensionnées, étaient forcément fragiles. Mais l'archéologie ne parvient pas à généraliser de tels déplacements à l'ensemble de l'Europe, en un phénomène de conquête totale, comme on avait pu suivre la progression du Néolithique - ou comme, plus tard, on suivra celle de l'Empire romain.
C'est pourquoi il a été proposé, symétriquement, que la diffusion des langues indo-européennes ait coïncidé avec celle du Néolithique à partir du Proche-Orient. Cette hypothèse a le mérite de l'économie ; encore faudrait-il prouver que les colons néolithiques ont bien parlé une langue indo-européenne. Il n'y a finalement pas de consensus archéologique pour rendre compte de l'histoire de cette famille de linguistique. Mais il est probable qu'il faille compter sur des modèles de formation de langues beaucoup plus complexes, comme nous le suggèrent d'ailleurs bien des exemples ethnologiques.
Ça, c'est au chapitre 3, à la fin, et sert un peu d'introduction au chapitre 4. Celui-ci est rédigé par Hermann Parzinger. C'est un spécialiste des steppes pontiques. Alors, lui il serait presque plus radical que Demoule, car pas une seule fois dans ce chapitre il ne cite les indo-européens. Mais, plusieurs fois on voit leur absence se dessiner "en creux", dans le sens où il insiste sur le fait que les personnes de telle ou telle culture ne sortirent pas de leurs espace, du moins durant l'age du Bronze. Et c'est assez net dans la conclusion de ce chapitre :
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Ce bref survol montre que c'est au plus tard au Chalcolithique que se mettent en place des nouvelles formes culturelles, qui vont marquer ensuite l'âge du Bronze. Elles se caractérisent par un mode de vie et une économie semi-nomades, conditionnés par des changements climatiques qui modifient l'environnement naturel des populations et réduisent les espaces cultivables aux seules vallées. l'aridité progressive et la désertification de vastes zones conduisent à des modes d'élevage plus mobiles, fondés sur le cheval comme bête de selle et de trait. Parallèlement se développe une hiérarchisation de la société : l'existence d'une aristocratie guerrière est révélée par la richesse des objets déposés dans les tombes et par des monuments funéraires bien visibles (les kourganes). Cette évolution commence à l'époque des cultures de Srednij Stog et Chvalynsk, elle se poursuit au Bronze ancien et au Bronze moyen, mais n'aboutit pas directement aux sociétés de cavaliers nomades du premier âge de Fer. Les cultures du Bronze final semblent en effet avoir brièvement interrompu cette évolution ; leurs relations s'orientent vers les cultures de l'est de l'Europe Centrale, comme le montre en particulier l'adoption de la pratique des dépôts métalliques enterrés. Au début du 1er millénaire avant notre ère, des groupes étrangers de nomades éleveurs de bétails s'infiltrent vraisemblablement depuis l'est dans les steppes nord-pontiques, préparant ainsi le terrain pour les Scythes. Avec les Scythes et les Sauromates, les cultures des steppes implantées entre le Danube inférieur et l'Oural prennent définitivement un caractère de nomadisme cavalier, qu'elles vont conserver durant de nombreux siècles.