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Message Publié : 15 Oct 2017 21:21 
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Jean-Pierre Vernant
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Anténor a écrit :
Effectivement, je ne tiens pas compte du réel étant donné que je ne le connais pas, surtout celui d'il y a quinze siècles. Le but étant justement de s'en approcher autant que possible. Tout ce dont on dispose, ce sont des témoignages et nous n'avons pas de "Réel" sous la main pour nous dire s'ils sont justes ou faux. Pour en juger, nous n'avons que l'identité de leur auteur et le contexte de leur rédaction et quand c'est possible, on peut les recouper entre eux sans que cela ne soit forcément très concluant. Quand un évêque de Tours présente son roi converti comme un quasi saint chrétien, je me méfie. Quand un ancien légionnaire fait l'apologie de son général païen tout comme lui, je me méfie tout autant. Le contexte de la rédaction compte autant voir plus que le contenu du texte.


Si vous avez le mépris de la source ou tout du moins aucune envie de l'analyser pour gloser par dessus autant arrêter l'Histoire tout de suite pour vous lancez dans la fiction. Les sources c'est ce qui permet d'entrevoir des éléments du passé et si on se contente de bavarder hors sol cela ne possède aucune valeur en Histoire. Pour ce qui est d'Ammien, il était protector domesticus, un grade l'amenant à vivre à proximité des états major sans y participer. Il a effectué par la suite un travail d'historien, cherchant dans les archives impérial des documents permettant de retracer son Histoire. Son jugement sur les princes et les faits est un des plus mesurés à notre disposition et s'il est admiratif de Julien cela ne verse jamais dans l'apologie comme vous le suggérez. Il condamne par exemple le zèle religion de Julien, et ce n'est qu'un exemple. Mais évidemment ce n'est pas le genre de chose que l'on remarque en parcourant en 5 minute une notice wikipédia. Votre méfiance n'est pas fondé sur grand chose, sur une impression vague qui dit en substance que les gens sont partiaux et partisans. C'est un peu fruste quand on désire produire un semblant de réflexion sur le passé... D'autant que les textes les plus partiaux et les plus orientés qui nous sont fournis par l'Antiquité, les panégyriques, ne sont pas sans enseignement, loin s'en faut. D'ailleurs celui de Julien pour son "cher" cousin Constance est un modèle de langue de bois, surtout quand il prête à ce dernier des qualités qui sont très précisément l'inverse de tout ce que les auteurs nous ont transmis sur son caractère.

Anténor a écrit :
Les légionnaires gaulois en Mésopotamie représentaient quel pourcentage de leur nombre total ? Quand Julien part à l'assaut de l'Empire Perse, cela fait déjà un petit moment que la situation a été rétablie en Gaule et qu'une partie des troupes peut être réaffectée à des opérations de conquête. On n'est pas passé du jour au lendemain d'une situation d'ultra mobilité des légions à un immobilisme total. Il y a eu une tendance progressive mais de plus en plus marquée à la sédentarisation.
Même question pour les Francs, quel pourcentage représentaient ceux qui se voyaient affectés à l'autre bout de l'Europe ?


Un petit moment? Vous pensez que Julien règne combien de temps? Pour information il règne comme César de Constance entre 355 et 361 et c'est au sortir des campagnes germaniques qu'il est revêtu de la pourpre par ses troupes. Il décède en 363. Donc le petit moment l'est vraiment. Sauf que justement, lorsqu'il devient Auguste il déclenche de une guerre civile et part immédiatement avec son armée vers l'Orient, donc une armée composée de Gaulois, de Germains et d'une foule d'autres soldats de diverses origines. Et ces soldats qui refusaient de suivre Constance, qui, il faut le dire, a une mauvaise réputation (en plus il est arien, je vous renvoie vers Hilaire de Poitiers, un nicéen...), vont aller joyeusement gambader en Orient à sa suite. Mais pour ce qui est des soldats dont je parlais assiégés dans Amida nous sommes en 359, un peu avant cette épopée et pourtant il y a bien des soldats Gaulois stationnés sur cette frontière orientale. Mais si vous désirez suivre les mouvement des unités il vous suffit de prendre la Notitia Dignitatum et de voir le stationnement des unités au début du Ve siècle et de comparer avec les sources littéraires qui nous les signale à d'autres époque. Il me semble que cela a été fait mais je n'ai pas le temps de farfouiller dans mon fourbi.

Anténor a écrit :
Pour tenir un pays, il faut déjà le conquérir. La thèse dominante actuelle selon laquelle de toute manière la Germanie aurait été ingouvernable me laisse plus que sceptique vu le peu qu'on connaît des institutions germaniques. La Germanie est souvent présentée comme on présentait la Gaule il y a encore quelques décennies et on a vu le chemin parcouru depuis. A mon sens, la conquête de la Germanie a été rendue impossible par la trop faible fiabilité de la Gaule. Imaginez que les dirigeants romains se soient entêtés et que les Teutoburg se soient multipliés. D'une part, l'armée romaine aurait été sérieusement amoindrie ; de l'autre les Germains rendus très confiants auraient tenté de suivre les traces d'Arioviste et je vous laisse imaginer la réaction des Gaulois. Les structures administratives mésopotamiennes n'avaient rien à envier à celles de la Gaule pré-romaine et pourtant Rome a tenu l'une mais pas l'autre. La Mésopotamie et la Germanie n'étaient pas tenables parce que la Syrie et la Gaule ne présentaient pas des garanties assez solides.


Vous êtes sérieux? La faible fiabilité de la Gaule? Qu'est-ce qu'il ne faut pas lire... La Gaule est tellement peu fiable que les Romains décident de positionner leurs armées sur la frontière rhénane et ne laissent que de très faibles effectifs en garnisons dans les terres? Sérieusement ; les troupes romaines sont des troupes protégeant le domaine impérial, elles sont tournées vers l'ennemi d'autre Rhin. La gaule est clairement soumise et pacifiée sous Auguste et c'est ce qui permet à l'empereur d'envoyer d'immenses expéditions de conquête en Germanie. Vous croyez qu'un empereur aurait procédé de la sorte sachant ses arrières menacés? La Germanie sera effectivement soumise et le pays occupé sur certains points par des garnisons et des forts. Mais sans villes et relais du pouvoir comment gouverner. La solution romaine a été simple ; créer ex nihilo des cités, comme dans le reste du monde qu'ils ont conquis. Et là je ne suis pas en train de dérayer sévèrement, on en a retrouvé des traces en fouille : https://www.cairn.info/comment-les-gaul ... age-85.htm

Or comme vous le savez il y a eu la catastrophe de Teutobourg et des révoltes, non pas en Gaule, mais en Illyrie où là on a eu de véritables résistance au départ à l'occupation romaine. La guerre s'y est éternisée et a mobilisé d'important effectifs, effectifs qu'on ne pouvait plus injecter dans une conquête difficile en Germanie, d'autant que le territoire ne semblait guère intéressant en terme de richesse. Et cela a souvent été une motivation profonde à la conquête ; c'est ce qui se passe en Dacie. Les Daces menacent les frontières, font germer une centralisation, possèdent des mines d'or et voilà Trajan qui y mène campagne et conquiert le pays... Ce n'est pas très compliqué à saisir comme mécanique. Pour ce qui est de nos Germains excités par la victoire d'Arioviste ils ont été globalement châtié par Germanicus.

Sinon, la Gaule pas tenable? Tenue pendant 5 siècles... ok... imparable.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 16 Oct 2017 18:03 
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Polybe
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Analyser une source sans la contextualiser est le meilleur moyen de passer à côté de l'essentiel. En matière de "hors-sol" on fait difficilement pire. Ammien Marcellin n'est pas un historien d'une démocratie occidentale du 21ème siècle, à peu près libre de raconter tout ce qu'il veut sans risquer sa peau. Ma "vague impression" se base notamment sur la petite trentaine d'empereurs assassinés sans parler des généraux et autres hauts responsables qui doivent se compter par centaines. L'historien païen prend ses distances avec le zèle religieux de son héros au moment où le christianisme devient dominant, hasard ou coïncidence ? Quant aux sources, il faut pousser la démarche jusqu'au bout et s'interroger sur celles que ces auteurs antiques ont souvent reprises à leur compte. Nous sommes face à des montagnes d'incertitude. Il ne s'agit pas de mépris des sources mais bien de leur respect le plus scrupuleux et de la conscience de nos limites dans ce domaine. Prendre du recul et tourner le dos, ce n'est pas tout à fait la même chose.

Disperser ses troupes en pays conquis est le meilleur moyen de les faire massacrer par petits morceaux. Les légionnaires que César a laissés à Noviodunum en savent quelque chose. On ne peut le faire que si on peut compter sur de nombreux supplétifs locaux. La concentration des légions sur les limes du Rhin permettait de dissuader les Germains d'attaquer, les Gaulois de se soulever et d'éviter les collusions entre les deux. Surtout que cette frontière n'avait rien de naturelle pour ces "peuples". On a vu à l'occasion des quelques révoltes gauloises du 1er siècle avec quelle vitesse les légions sont intervenues parfois même en provenance d'Italie. La dispersion aurait de plus imposé un dangereux temps de regroupement des unités. La révolte illyrienne n'a pas duré trois siècles. Qu'est-ce qui empêchait la conquête de la Germanie après sa fin ? Cette histoire d'ingouvernable ou d'absence de richesses ressemble plus à une mauvaise excuse qu'autre chose. On est certain que ces Gaulois d'Amida ne sont pas en réalité des Galates d'Anatolie ?


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Message Publié : 16 Oct 2017 18:56 
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Jean-Pierre Vernant
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Anténor a écrit :
Analyser une source sans la contextualiser est le meilleur moyen de passer à côté de l'essentiel. En matière de "hors-sol" on fait difficilement pire. Ammien Marcellin n'est pas un historien d'une démocratie occidentale du 21ème siècle, à peu près libre de raconter tout ce qu'il veut sans risquer sa peau. Ma "vague impression" se base notamment sur la petite trentaine d'empereurs assassinés sans parler des généraux et autres hauts responsables qui doivent se compter par centaines. L'historien païen prend ses distances avec le zèle religieux de son héros au moment où le christianisme devient dominant, hasard ou coïncidence ? Quant aux sources, il faut pousser la démarche jusqu'au bout et s'interroger sur celles que ces auteurs antiques ont souvent reprises à leur compte. Nous sommes face à des montagnes d'incertitude. Il ne s'agit pas de mépris des sources mais bien de leur respect le plus scrupuleux et de la conscience de nos limites dans ce domaine. Prendre du recul et tourner le dos, ce n'est pas tout à fait la même chose.


Niveau hors sol sur la période vous êtes en tout cas un sacré champion. Que l'on trouve encore des païens zélés autour de la fin du Ve siècle ou au début du VIe n'a pas dû tellement vous écornez puisque vous ne connaissez pas Zosime... Que Libanios dans ses propos sur le paganisme soit aussi bien plus virulent n'a pas dû vous étouffer beaucoup... Le paganisme n'est pas pourchassé dans l'Empire, ce sont ses cultes publiques qui le sont. Mais bien entendu pour cela il faut avoir à l'esprit que nous ne sommes pas dans un Etat totalitaire des années trente pour reprendre votre rhétorique.

Arrêtez avec vos boniments sur les sources, vous les maltraitez et construisez votre petite tambouilles sur vos propres représentations. Ce qu'ils racontent vous n'en avez cure parce que votre idée est déjà faite. Dans tout ce que vous nous avez raconté jusque là combien de fois avez vous carrément fait parler les protagonistes? Vous voilà en train de parler d'incertitude.

Anténor a écrit :
Disperser ses troupes en pays conquis est le meilleur moyen de les faire massacrer par petits morceaux. Les légionnaires que César a laissés à Noviodunum en savent quelque chose. On ne peut le faire que si on peut compter sur de nombreux supplétifs locaux. La concentration des légions sur les limes du Rhin permettait de dissuader les Germains d'attaquer, les Gaulois de se soulever et d'éviter les collusions entre les deux. Surtout que cette frontière n'avait rien de naturelle pour ces "peuples". On a vu à l'occasion des quelques révoltes gauloises du 1er siècle avec quelle vitesse les légions sont intervenues parfois même en provenance d'Italie. La dispersion aurait de plus imposé un dangereux temps de regroupement des unités. La révolte illyrienne n'a pas duré trois siècles. Qu'est-ce qui empêchait la conquête de la Germanie après sa fin ? Cette histoire d'ingouvernable ou d'absence de richesses ressemble plus à une mauvaise excuse qu'autre chose. On est certain que ces Gaulois d'Amida ne sont pas en réalité des Galates d'Anatolie ?


Oh oui bien sûr, pratique pour dissuader une révolte des Aquitains, coller des troupes à 1000 kilomètres de là... Collusion entre Gaulois et Germains? Oui oui, on a bien vu avec Arioviste combien les Germains considéraient comme une vaste fraternité la Gaule... Vous voulez faire des populations soumises par Rome ou ennemi d'elle en Occident des opprimés luttant contre un adversaire vaguement impérialiste et donc en cela porteur de je ne sais quel idéal de liberté. Cela transpire dans tous vos commentaires... Cela ressemble beaucoup à du Benabou mais sans la moindre méthode historique.

Ammien XIX, 5, (2) Il y avait dans la garnison, comme je l'ai déjà dit, deux légions récemment tirées de la Gaule, et qui avaient combattu pour Magnence. C'étaient des hommes hardis et dispos, excellents pour tenir campagne, mais n'entendant rien à la défense d'une place, et même plus propres à en troubler les opérations qu'à les seconder. Incapables de manoeuvrer une machine, de prendre part à l'exécution d'aucun ouvrage, ils ne savaient que s'exposer témérairement dans des sorties intempestives, dont ils revenaient chaque fois numériquement affaiblis, après s'être vaillamment battus, mais sans avoir contribué plus à la défense que l'homme qui, pour éteindre un incendie, y porterait, comme dit le proverbe, de l'eau dans le creux de sa main.

(erant nobiscum duae legiones Magnentiacae recens e Galliis ductae) si vous aimez le latin...

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Message Publié : 17 Oct 2017 17:42 
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Polybe
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Si vous voulez à tout prix démontrer que vous connaissez mieux certains de ces textes que moi, je vous le concède sans façon. Cela vous détendra peut-être un peu. Mais cela ne modifie en rien le fond du problème. Vous pouvez convoquer tous les auteurs de tous les temps, vous ne changerez pas le fait que lorsqu'un historien moderne étudie un historien antique, il y a rencontre entre deux subjectivités. Toute la partie implicite du discours risque de passer à la trappe. Et en voulant recentrer les échanges sur mes supposées lacunes vous éludez la question depuis le début.

Vous caricaturez mes propos et m'imaginez des intentions assez comiques. Fraternité des Gaulois et des Germains ? Idéal de liberté défendu par les Gaulois ? Il ne manque plus que l'Egalité ! Alors que je ne parle que d'opportunisme et de xénophobie. Par vos commentaires vous illustrez exactement le travers que je dénonce chez les historiens : mélanger ses lubies personnelles avec la recherche historique. Ce travers, nous l'avons tous, le problème est de le nier.

Pour répondre à votre point Godwin : combien de villes incendiées, de campagnes ravagées, de populations déportées ou massacrées à l'époque romaine ? Un nombre incalculable. Cette époque était ultra-violente et Rome à l'image de son époque dans ce domaine : ni mieux ni pire. Pareil pour les Gaulois, je ne fais pas d'échelle de valeur entre eux.

Maintenant si vous voulez que nous continuions à débattre sur les causes du déclin de Rome sans procès d'intention, pas de problème. Mais si votre but est uniquement de faire comprendre à votre interlocuteur combien vous êtes supérieur et qu'il ferait mieux de ne plus intervenir, ne vous étonnez pas du nombre de plus en plus faible d'interventions sur la partie Antiquité du forum.


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Message Publié : 17 Oct 2017 17:59 
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Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Anténor a écrit :
Si vous voulez à tout prix démontrer que vous connaissez mieux certains de ces textes que moi, je vous le concède sans façon. Cela vous détendra peut-être un peu. Mais cela ne modifie en rien le fond du problème. Vous pouvez convoquer tous les auteurs de tous les temps, vous ne changerez pas le fait que lorsqu'un historien moderne étudie un historien antique, il y a rencontre entre deux subjectivités. Toute la partie implicite du discours risque de passer à la trappe. Et en voulant recentrer les échanges sur mes supposées lacunes vous éludez la question depuis le début.


Vous en revenez à vos habitude ; le scepticisme extrême qui vous permet de gentiment évacuer sous le tapis la matière même de l'Histoire. C'est très pratique, cela vous dispense d'avoir à réviser votre jugement ; les sources mentent, elles sont subjectives, allons chercher dans la "raison" des explications. Or il a bien fallu à un moment analyser les sources pour pouvoir parler de notre sujet. Il existe des invariants dans l'ordre des causes et des conséquences.

J'aimerais bien savoir ce que j'élude.

Anténor a écrit :
Vous caricaturez mes propos et m'imaginez des intentions assez comiques. Fraternité des Gaulois et des Germains ? Idéal de liberté défendu par les Gaulois ? Il ne manque plus que l'Egalité ! Alors que je ne parle que d'opportunisme et de xénophobie. Par vos commentaires vous illustrez exactement le travers que je dénonce chez les historiens : mélanger ses lubies personnelles avec la recherche historique. Ce travers, nous l'avons tous, le problème est de le nier.


Ce n'est même plus de la mauvaise foi à ce niveau... Vous avancez sans la moindre source des opinions personnelles sur un sujet et je devrais prendre le temps de les réfuter avec méthode et analyse sans jamais souligner le grotesque de la chose? Et c'est moi qui ai des lubies? Vous ne cessez de prendre l'Empire comme un méchant oppresseur régnant sur des peuples qui ne rêvent que d'indépendance et quand j'avance des faits vous les contournez en m'accusant d'avoir des "lubies personnelles"? Mes "lubies" comme vous dites c'est le résultat de l'étude des textes et des historiens contemporains. Et ce ne sont pas vos élucubrations qui vont beaucoup peser face à cela.

Anténor a écrit :
Pour répondre à votre point Godwin : combien de villes incendiées, de campagnes ravagées, de populations déportées ou massacrées à l'époque romaine ? Un nombre incalculable. Cette époque était ultra-violente et Rome à l'image de son époque dans ce domaine : ni mieux ni pire. Pareil pour les Gaulois, je ne fais pas d'échelle de valeur entre eux.


On aime tellement ce genre d'énoncé en l'air sans la moindre substance...

Anténor a écrit :
Maintenant si vous voulez que nous continuions à débattre sur les causes du déclin de Rome sans procès d'intention, pas de problème. Mais si votre but est uniquement de faire comprendre à votre interlocuteur combien vous êtes supérieur et qu'il ferait mieux de ne plus intervenir, ne nous étonnez pas du nombre de plus en faible d'interventions sur la partie Antiquité du forum.


Me sentir supérieur? Voilà ce qu'on récolte donc à pointer du doigt les faiblesses méthodologique du contradicteur? Commencez pas ne plus agir comme si les sources n'étaient qu'un tissu de mensonge et on pourra commencer un débat.

Ha et puis m'imputer le peu d'activité du chapitre Antiquité sur ce forum c'est assez fort de café ; je n'ai repris que récemment quelques interventions et il ne me semble pas que mon absence prolongé ait largement dynamisé le secteur...

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Message Publié : 18 Oct 2017 21:23 
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Disons que vous participez à une ambiance. Relisez vos messages précédents. Bien sûr, les petites piques ne sont pas bien méchantes mais est-ce leur place ici ? Cela donne l'impression que le but premier est de faire déraper le débat.

Pour revenir à nos moutons :

Si j'insiste sur la méthodologie, ce n'est pas pour fuir le débat mais au contraire pour y entrer dans les meilleures dispositions et éviter les malentendus en remettant quelques pendules à l'heure. Pour ceux que le sujet intéresse, cet article donne une perspective éclairante sur l'évolution de la place de l'auteur dans la recherche historique française qui semble de plus en plus confondre consensus établi et vérité démontrée.

Je n'ai pas le moindre grief contre l'Empire Romain ni je ne sais quel fantasme celto-nostalgique. Je m'intéresse aux Gaulois en particulier parce qu'ils occupaient le pays où je vis et que l'histoire peut nous donner des éclairages intéressants sur nos sociétés modernes et leurs origines. Exemple : la France actuelle est un des pays les plus centralisés au monde et drôle de coïncidence, les Gaulois possédaient dès avant la conquête romaine une assemblée qui n'avait quasiment d'équivalent nulle part.

Mais place aux sources !

Pour commencer notre quête des origines "nationales" gauloises voyons le Livre III des Annales de Tacites paragraphes XL à XLVII.

Les Cités gauloises lassées de payer leurs impôts commencent à fomenter des révoltes et immédiatement, le lecteur de la Guerre des Gaules de César retrouve un champ lexical qui lui est familier, celui de la plèbe délinquante manipulée par les élites. C'est dans des termes quasi identiques que César décrit la prise de pouvoir de Vercingétorix chez les Arvernes. L'intention est claire, il s'agit dans les deux cas de ne pas se mettre à dos les Gaulois pro-romains et de légitimer l'intervention romaine. Leurs adversaires sont seulement les "mauvais" gaulois.

La liberté évoquée est évidemment celle de la Gaule vis à vis de Rome et non pas celle de la plèbe vis à vis de l'aristocratie qui dirige la manœuvre. On notera qu'une cohorte partie de Lyon ira mater les Andécaves. Les distances ne sont donc pas un gros problème. Idem pour les Turones vaincus sans difficulté apparente par des légions venues de Germanie.

S'ensuit l'habituel petit taquet à Tibère qui ne voit pas le double-jeu de Sacrovir. Question : si Tacite avait vécu sous Tibère, se serait-il permis, à tort ou à raison, ces critiques systématiques ?

Florus, bien dans les mœurs de l'époque, veut inaugurer sa guerre par le massacre des Romains qu'il a sous la main. Les soldats qui le suivent sont évidemment des "corrompus". Florus n'ayant reçut que le soutien de sa clientèle, son soulèvement se termine aussi vite qu'il a commencé.

L'affaire est plus sérieuse chez les Eduens où des cohortes entières ont suivi Sacrovir et se sont emparées d'Augustodunum qui semble-t-il n'a pas opposé une résistance désespérée dans l'attente des renforts romains pourtant prompts à intervenir. Bon stratège de son temps, il prend en otage les enfants de l'aristocratie gauloise. Il arme les habitants d'Autun qui bizarrement de ne se retournent pas contre lui. Pire ! Des Gaulois arrivent d'un peu partout sans attendre l'autorisation de leurs chefs pour lui porter main forte. Ils sont sous-armés et prêts à en découdre avec la meilleure armée du moment. De quoi rendre jaloux les Sicaire juifs. Si ça n'est pas du fanatisme nationaliste, je me demande bien quel nom cela porte.

A Rome, on est prêt à croire que la Gaule a entraîné l'Espagne et la Germanie avec elle. Grossière exagération mais révélatrice des possibilités envisagées à l'époque. Nouveau taquet contre Tibère. Silius s'offre un feu de joie en Séquanie et fonce sur Sacrovir. Les troupes de ce dernier sont subitement devenues sans enthousiasme et prennent la raclée attendue. Fin de l'histoire et ultime taquet à Tibère.

Reste une question en suspens, pourquoi Sacrovir a-t-il cherché l'affrontement rapide et direct avec les légions ? Mauvais souvenir d'Alésia ? Problèmes logistiques pour ravitailler son armée qui l'obligeait à chercher très vite le choc décisif ? Ne serait-ce pas plutôt parce qu'il aura été lâché par la majorité des élites gauloises et reçu un soutien uniquement populaire ? Tacite est muet sur les pertes de part et d'autre. Est-ce que ces évènement l'intéressent vraiment pour eux-mêmes où ne met-il en avant que ce qui peut nuire à l'image de Tibère ?

Autre observation. Les éléments en faveur d'un sentiment nationaliste gaulois sont plutôt objectifs comme la masse de soutiens affluant vers Augustodunum et leur sous-armement alors que les éléments allant en sens inverse sont du domaine du subjectif et très difficilement vérifiables même à l'époque : démotivation des troupes avant la bataille, peur de Sacrovir d'être livré après la défaite, les révoltés sont des criminels...


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Message Publié : 18 Oct 2017 23:54 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Inscription : 08 Juin 2009 10:56
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Anténor a écrit :
Si j'insiste sur la méthodologie, ce n'est pas pour fuir le débat mais au contraire pour y entrer dans les meilleures dispositions et éviter les malentendus en remettant quelques pendules à l'heure. Pour ceux que le sujet intéresse, cet article donne une perspective éclairante sur l'évolution de la place de l'auteur dans la recherche historique française qui semble de plus en plus confondre consensus établi et vérité démontrée.


C'est un peu facile ; vous assénez depuis le début des vérités reconstruites sur vos seuls opinions et vous voilà maintenant rhabillé en parfait analyste tempéré. Les choses vont vite en besogne mais soit, au moins on y vint.

Anténor a écrit :
Je n'ai pas le moindre grief contre l'Empire Romain ni je ne sais quel fantasme celto-nostalgique. Je m'intéresse aux Gaulois en particulier parce qu'ils occupaient le pays où je vis et que l'histoire peut nous donner des éclairages intéressants sur nos sociétés modernes et leurs origines. Exemple : la France actuelle est un des pays les plus centralisés au monde et drôle de coïncidence, les Gaulois possédaient dès avant la conquête romaine une assemblée qui n'avait quasiment d'équivalent nulle part.


Je le répète, en Grèce il y avait des institutions bien plus prégnantes que celle-là et quel avenir dans l'unité? Avoir conscience d'une proximité culturelle ne fait pas foi quand il s'agit de causer de réalités politique et précisément l'attitude des Gaulois face à l'envahisseur romain ne souffre guère de contestation ; ils se sont battus en fonction de leurs intérêts immédiats et n'ont trouvé de semblant d'unité que dès lors où la conquête passe pour insupportable. Et encore tous ne participent pas à l'effort.
Faire une continuité politique entre la Gaule indépendante et la France pour ce qui caractérise la forme du pouvoir est un non sens... Trouvez-moi de la centralisation sous les derniers Carolingiens ou sous les premiers Capétiens... En clair qu'y a-t-il de "drôle" là dedans?

Anténor a écrit :
Question : si Tacite avait vécu sous Tibère, se serait-il permis, à tort ou à raison, ces critiques systématiques ?


Question à mon tour, comment se fait-il qu'un auteur païen structure une grande partie de son oeuvre autour d'un empereur notoirement païen en plein christianisme triomphant? Il convient d'éviter de trop regarder les sources comme ayant été écrite sous une omerta complète. Il existe un invariant ; on ne critique pas ouvertement le prince régnant, on se défoule après sa mort, sans que celui en place puisse y faire grand chose.

Pour en venir à la question de la révolte de Sacrovir et Florus, je crois qu'en préambule il faut regarder leurs nom ; consonance latine pour l'un métissée pour l'autre. La culture romaine se diffuse dans les élites.

Tacite : [3,40] XL. Cette même année les cités gauloises, fatiguées de l'énormité des dettes, essayèrent une rébellion, dont les plus ardents promoteurs furent, parmi les Trévires, Julius Florus, chez les Éduens, Julius Sacrovir, tous deux d'une naissance distinguée, et issus d'aïeux à qui leurs belles actions avaient valu le droit de cité romaine, alors que, moins prodigué, il était encore le prix de la vertu.

Quelle stratégie pour les élites? La dissidence vis à vis de Rome ou au contraire la séduction de la perspective des carrières? On est dans une culture qui devient mixte.

De poursuivre : ils conviennent que Florus soulèvera la Belgique, et Sacrovir les cités les plus voisines de la sienne. Ils vont donc dans les assemblées, dans les réunions, et se répandent en discours séditieux sur la durée éternelle des impôts, le poids accablant de l'usure, l'orgueil et la cruauté des gouverneurs ; ajoutant "que la discorde est dans nos légions depuis la mort de Germanicus; que l'occasion est belle pour ressaisir la liberté, si les Gaulois considèrent l'état florissant de la Gaule, le dénuement de l'Italie, la population énervée de Rome, et ces armées où il n'y a de fort que ce qui est étranger."

On a là une belle citation qui nous laisse bien entrevoir le fonctionnement des peuples gaulois ; pour agir il faut non convaincre un ensemble mais une mosaïque de cités dans le langage romain. Et pour ce faire il faut débattre ; le pays ne semble pas sur le point d'exploser. Il faut faire valoir, comme c'est souvent le cas, la brutalité des gouverneurs et leur imposition pour motiver la révolte. Et encore, la conquête est encore proche.

Mais la foule des débiteurs et des clients de Florus prit les armes : la révolte suit les cheminement traditionnels de l'époque ; le jeu des clientèles assure les motivations, mais ce système n'est guère représentatif d'un sentiment d'appartenance à un tout, il est plus manifeste de la puissance des aristocrates en Gaule.

Ces forces étaient accrues par le concours des autres Gaulois, qui, sans attendre que leurs cités se déclarassent, venaient offrir leurs personnes

Par contre cela s'accorde davantage avec l'idée de communion.

[3,44] XLIV. Cependant à Rome ce n'étaient pas seulement les Trévires et les Éduens qu'on disait soulevés : à en croire les exagérations de la renommée, les soixante-quatre cités de la Gaule étaient en pleine révolte; elles avaient entraîné les Germains, et l’Espagne chancelait. Les gens de bien gémissaient pour la république. Beaucoup de mécontents, en haine d'un régime dont ils désiraient la fin, se réjouissaient de leurs propres périls.

On passera sur l’emphase du discours mais on peut remarquer que les troubles semblent contaminer d'autres régions. Les causes ne sont sans doute pas très différentes mais je me permets d'en suggérer une autre ; Tibère n'est pas un souverain très apprécié, or de par sa fonction il représente l'unité de l'Empire. Si le pouvoir central, le juge suprême pour les provinces, j'y reviendrais, l'édifice tremble d'autant qu'il est bien vert encore. Et justement, pour poursuivre sur le rôle de l'empereur, on a une multitude de cas qui nous indique que les population des provinces, dans des affaires judiciaires, préfèrent en appeler à la justice de l'empereur qu'à celle de leur propre cité. On a là un exemple de ce que j'évoque comme idée d'unité de la mosaïque par sa tête.

Anténor a écrit :
L'affaire est plus sérieuse chez les Eduens où des cohortes entières ont suivi Sacrovir et se sont emparées d'Augustodunum qui semble-t-il n'a pas opposé une résistance désespérée dans l'attente des renforts romains pourtant prompts à intervenir. Bon stratège de son temps, il prend en otage les enfants de l'aristocratie gauloise. Il arme les habitants d'Autun qui bizarrement de ne se retournent pas contre lui. Pire ! Des Gaulois arrivent d'un peu partout sans attendre l'autorisation de leurs chefs pour lui porter main forte. Ils sont sous-armés et prêts à en découdre avec la meilleure armée du moment. De quoi rendre jaloux les Sicaire juifs. Si ça n'est pas du fanatisme nationaliste, je me demande bien quel nom cela porte.


N'oubliez pas de quel société il s'agit ; sans convoquer un anachronisme comme vous le faite (nationalisme... au moins) il faut avoir à l'esprit que les structures gauloises impliquent encore une conscience de l'être libre par le maniement des armes, tel qu'il existe tard en Germanie. Il s'agit bien plutôt des restes encore virulents de ce que l'ethnologue Pierre Clastres appelait "l'être pour la guerre". Si vous lisez des sources traitant des combats féroces livrés par mes Germains, pourtant sous armés, vous verrez les mêmes prodiges de courage et de détermination, qui dure jusqu'à un certain point au combat, mais cela serait trop long à développer.

Anténor a écrit :
Reste une question en suspens, pourquoi Sacrovir a-t-il cherché l'affrontement rapide et direct avec les légions ? Mauvais souvenir d'Alésia ? Problèmes logistiques pour ravitailler son armée qui l'obligeait à chercher très vite le choc décisif ? Ne serait-ce pas plutôt parce qu'il aura été lâché par la majorité des élites gauloises et reçu un soutien uniquement populaire ? Tacite est muet sur les pertes de part et d'autre. Est-ce que ces évènement l'intéressent vraiment pour eux-mêmes où ne met-il en avant que ce qui peut nuire à l'image de Tibère ?


Il existe peut être une autre explication ; il rassemble des combattants décidés qui ne viennent pas avec l'idée de pratiquer une guerre stratégique longue. En suivant ce que j'ai évoqué au dessus, ils sont dans une exaltation belliqueuse qui peut retomber rapidement. On a précisément la même chose qui s'opère autour d'Arminius ; une férocité des combattants germaniques excités contre l'ennemi commun et passé les premiers feux de la guerre ils retrouvent bien vite leurs divisions, fruit d'une structuration politique essentiellement tribale et de faible taille. Chez les Gaulois on est incontestablement sur des structures plus élaborées mais néanmoins très attachées à l'idée de peuple régionaux ; on est Eduen ou Trévire avant d'être Gaulois et vous remarquerez que Tacite ne s'y trompe guère. Il montre on l'a vu que c'est aussi par peuple qu'ils se révoltent, non dans une véritable unité.

Méthodologiquement parlant il vous faut réviser ce concept de "nationalisme" ; il n'apparaît qu'au XVIIIe siècle dans un contexte bien particulier et avec une idée du peuple très étranger à l'Antiquité.

(Et vous conviendrez qu'argumenter face à des textes et non face à des points de vue péremptoires me rend plus doux lol )

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Message Publié : 20 Oct 2017 12:31 
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Grégoire de Tours
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les Gaulois possédaient dès avant la conquête romaine une assemblée qui n'avait quasiment d'équivalent nulle part.


Alors je ne sais pas où vous avez vu ça mais non... chaque peuple avait probablement une assemblée... que César appelle "Sénat", ce qui implique que seuls les aristocrates y siégeaient. Si vous parlez de l'assemblée qui eut lieu comme prémisse à la révolte de Vercingétorix, il s'agissait probablement d'un événement ponctuel dans un contexte bien particulier: la conquête par un empire qui vient totalement perturber les repères et organisations d'avant (l'acculturation avait en fait commencé bien plus tôt).

Ces "Sénats" étaient peut-être les héritier d'un modèle d'assemblée d'hommes libres comme on en trouve chez les germains jusqu'au Haut Moyen Age (et jusqu'à l'an Mil voire après en Scandinavie) et qu'on retrouve également en Irlande au Haut Moyen Age.

Mais la définition de la société gauloise, c'est bien celle d'une société justement totalement décentralisée, où de nombreux peuples, qui n'ont de réalité que ponctuelle (avec l'instauration des Civitates Rome a cristallisé les peuples gaulois sur des territoires tel que César les avaient trouvé, mais on ne sait pas depuis quand et comment ces territories associés à des peuples/tribus s'étaient constitués), mouvant, ruraux (la civilisation des oppida, c'est l'extrême fin de l'âge du fer celtique, et on ne peut même pas parler d'urbanisation: beaucoup d'oppida sont en fait des systèmes de défense qui ne sont pas occupés en permanence, ou bâtis de façon très peu dense) n'ont de cesse de se battre entre eux, de se conquérir, de s'allier puis de se désunir. Il n'y a aucune institution à l'échelle de la Gaule qui n'a d'ailleurs comme réalité qu'une invention de César pour bien distinguer ce qu'il a fait passer sous la domination romaine du reste.

A côté de ça, la civilisation classique, urbaine de Rome et de la Grèce, héritée en partie des monarchies divines orientales et leurs administrations déjà bureaucratiques et bien huilées, est très centralisée. C'est Rome qui amène la première l'idée d'un Etat centralisé et institutionnalisé dans ce qui est la France actuelle. Modèle repris plus tard par les monarques francs (carolingiens, qui échoueront, puis capétiens surtout qui finissent par instituer un Etat royal institutionnalisé, centralisé, dont notre régime actuel est l'héritier direct (en fait quelque part, la République jacobine est l'aboutissement d'une politique de centralisation menée depuis au moins Philippe Auguste) pour asseoir leur pouvoir durablement et faire disparaître les dernières traditions germaniques où le roi est "le premier parmi les pairs". D'ailleurs, nos bâtiments officiels actuels cherchent à faire référence à l'antiquité classique et ont des colonnes corinthiennes et des frontons de temples romains.... j'y ai rarement vu des évocations de l'art laténien.


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les structures gauloises impliquent encore une conscience de l'être libre par le maniement des armes, tel qu'il existe tard en Germanie.


Votre réflexion fait écho à un autre sujet (celui sur les femmes combattantes chez les vikings): le port d'arme est le symbole de l'homme libre dans une société où la seule structure sociale de référence et la famille étendue: la parentèle, le clan, la tribu et où la "chose publique" n'existe pas, est très floue. Tout ou presque n'est qu'affaire privée entre les parentèles. C'est seulement sous l'influence du monde classique que les choses changent.

Citer :
Avoir conscience d'une proximité culturelle ne fait pas foi quand il s'agit de causer de réalités politique et précisément l'attitude des Gaulois face à l'envahisseur romain ne souffre guère de contestation


Faut-il rappeler que les cités grecques n'ont eu de cesse de se battre entre elles alors qu'on a certainement l'un des ensemble culturel les plus cohérent de l'antiqutié (il y avait bien moins de différences culturelles, il me semble) entre Athènes et Sparte, ou entre Corinthe et Thèbes, qu'entre les Eduens et les Bellovaques, ou plus encore entre les Bituriges et les Icènes par exemple, je ne connais pas d'exemple de fêtes communes comme les jeux olympiques chez les Gaulois...)?

Dans l'antiquité, l'association entre culture et sentiment d'appartenance n'existe pas. Les Cultures sont de grands ensembles mouvants regroupant tout un tas d'ensembles sociaux et politiques autonomes. Il n'y a pas de sentiment d'appartenance ethnique (et encore moins nationale qui est un anachronisme total, cette notion a une poignée de siècles tout au plus), même au sein d'un même peuple: il ne s'agit que d'un ensemble de parentèles s'étant alliées par intérêts communs: on est dans une société où la seule référence absolue, c'est la famille, les ancêtres.


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Message Publié : 20 Oct 2017 14:28 
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Pierre de L'Estoile
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Dans l'antiquité, l'association entre culture et sentiment d'appartenance n'existe pas. Les Cultures sont de grands ensembles mouvants regroupant tout un tas d'ensembles sociaux et politiques autonomes. Il n'y a pas de sentiment d'appartenance ethnique


Mais ou allez-vous chercher cela ????
Les grecs participant aux jeux olympiques avaient bien un sentiment d'appartenance commune.
Si Vercingetorix a rallié a lui des centaines de milliers de gaulois de toutes tribus en -52 c'est bien qu'il y avait un certain sentiment d'appartenance, non ?

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Le souvenir ne disparait pas, il s'endort seulement.
Epitaphe trouvée dans un cimetière des Alpes

La science de l'histoire est une digue qui s'oppose au torrent du temps.
Anne Comnène, princesse byzantine (1083-1148)

Le passé fait plus de mal que le présent
Proverbe Albanais


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Message Publié : 20 Oct 2017 16:32 
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Jean-Pierre Vernant
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Pouzet a écrit :
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Dans l'antiquité, l'association entre culture et sentiment d'appartenance n'existe pas. Les Cultures sont de grands ensembles mouvants regroupant tout un tas d'ensembles sociaux et politiques autonomes. Il n'y a pas de sentiment d'appartenance ethnique


Mais ou allez-vous chercher cela ????
Les grecs participant aux jeux olympiques avaient bien un sentiment d'appartenance commune.
Si Vercingetorix a rallié a lui des centaines de milliers de gaulois de toutes tribus en -52 c'est bien qu'il y avait un certain sentiment d'appartenance, non ?


Ce sont des choses très très vagues pour l'Antiquité qui ne se recoupent pas avec des choses que l'on entend de nos jours. Jusque très tard en Occident la focalisation de l'identité est majoritairement prise à l'échelle locale. la lecture de la globalité nécessite une vue d'ensemble que même les dirigeants ne saisissent pas complètement dans l'Empire romain. J'étudie en ce moment l'identité de l'empereur Julien ; c'est très intéressant parce que justement elle est polysémique. Julien se disait Thrace de naissance et plus particulièrement de Constantinople, se sentait Grec de culture mais ressentait un fort attachement pour les Gaulois à travers certains éléments du mode de vie. Dans le même temps il incarne l'unité impériale romaine et maîtrise le latin, et a laissé des textes dans cette langue. Chez une personne de son rang c'est déjà très compliqué et selon ses propres mots c'est en premier lieu sa "patrie" de naissance qui a la primauté de l'identité, même pas l'échelon grec. On parle pourtant d'un lettré qui est complètement pénétré de la notion culturelle de l'hellénisme à une époque où l'on a vécu la structuration étatique impériale romaine depuis presque quatre siècles. Comment voulez vous qu'il existe une pensée homogène d'identification culturelle dans des sociétés où la construction politique est à une échelle très petite, au maximum régionale? Les institutions communes grecques se limitent à quoi? Les jeux olympiques, quelques assemblées oecoumèniques, quelques alliances... fort précaires... Les lettrés ont plus le sentiment d'appartenance à un tout mais malgré tout il distinguent bien Doriens, Ioniens... Les forces centrifuges restent les plus fortes. Alors dans l'espace gaulois... je le répète, regardez leur politique à l'égard de l'invasion romaine ; aucun front uni et une révolte tardive quand ils perçoivent ce qu'ils ont à perdre dans l'annexion. S'il y avait eu un sentiment fort d'unité certaines tribus n'auraient pas joué une carte personnelle dans l'alliance romaine. Je reprends aussi mon exemple d'Arminius ; c'est un homme formé à Rome qui parvient à unifier certaines tribus germaniques pour lutter contre l'Empire mais la menace estompée ils sont gentiment retourné à leurs divisions.
Vous raisonner avec un logiciel de pensé tout à fait apte à décrire des structures modernes mais qui n'est pas celui des populations antiques.

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Message Publié : 20 Oct 2017 17:29 
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Grégoire de Tours
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Mais ou allez-vous chercher cela ????


Dans le fait que l'on constate que le premier repère social et culturel dans les sociétés celtiques et germaniques de l'antiquité et même du Moyen Age c'est la famille, guère au-delà.

Quand César rentre en Gaule, il arrive dans un pays déjà ravagé par les guerres, il vient d'ailleurs à l'appel d'un peuple celte pour repousser un autre peuple celte qui le menace. Les "Germains" partagent exactement la même culture que les Gaulois (celle de la Tène, si le voyage dans le temps était possible, je pense que l'on serait incapable de faire la différence entre un guerrier gaulois de Vercingétorix, et un guerrier germain d'Arminius: la culture matérielle était quasi la même), eux-même divisés en nombreux ensembles et sous ensembles: Belges, armoricains, peuples de la celtique dont certains déjà bien plus proches des romains que d'autres peuples gaulois (les Eduens, ou même les arvernes: on constate dans les fouilles que le mode de vie "à la romaine" a déjà pénétré en Gaule parmi les élites bien avant la conquête). En 52, quand Vercingétorix rassemble un certain nombre de peuples sous son autorité (toute relative, et à force de menaces et de prises d'otages), la Gaule est ravagée, les élites guerrières probablement exsangues (certains peuples comme les Nerviens ont quasiment été rayés de la carte), bref, toutes les structures politiques, sociales et économiques sont probablement très perturbées: on a une situation exceptionnelle et donc des évènements exceptionnels.

Durant la période des migrations, ce qu'on a tendance à appeler "peuples" germains (francs, goths, saxons...etc) sont en fait des assemblages complexes d'entités beaucoup plus petites.

Ce qui crée un sentiment d'appartenance, c'est un pouvoir fort et centralisé, ce que ces peuples ne connaissaient pas. Après, une invasion a bien entendu tendance à souder les envahis contre une menace commune: c'est le cas des Grecs contre les perses et des gaulois et germains contre Rome. Mais il y a fort à parier que les Gaulois seraient revenu à leurs divisions et à leurs guerres locales si César avait été vaincu, comme Arminius a été assassiné par des membres de son propre peuple après sa victoire contre Rome.

Je prendrai un autre exemple: celui des "vikings". Si on s'est servis de ce mot comme d'un qualificatif à connotation ethnique, ce qu'il n'est pas du tout à l'époque (la Scandinavie est alors peuplée de tout un tas de "peuples" (danes, svears, goth, geats et autres), c'est que tous ces hommes qui sont partis en expédition à l'époque étaient issus de tout un tas de petites tribus, clans, communautés éparses (on se rend même compte que parmi les vikings, on comptait beaucoup d'irlandais, de saxons ou même de francs "recrutés" par les scandinaves dans leurs expéditions). Ces sociétés n'ont que très peu d'éléments qui les cimentent et créent un sentiment d'union ou d'appartenance: la religion est en grande partie privée (je parle bien des germains là), empirique, ensemble de pratiques et de rites plus ou moins informel. Politiquement, on a simplement des assemblées d'hommes libres qui se mettent d'accord entre eux et une aristocratie au pouvoir très relatif et qui n'est rien d'autre que des guerriers charismatiques ayant réussi à assembler autour d'eux une troupe.

Ce n'est pas pour rien que toutes les sociétés germaniques, même sous l'influence de souverains christianisés, éduqués à la romaine et ambitieux, ont été très réticentes à accepter un pouvoir central fort (en Gaule, ça n'a été réalisé que par Charlemagne et non sans mal, et ça ne lui a pas survécu et il a fallu attendre le XIIème, voire le XIIIème siècle pour que les Etats modernes se "fixent" et encore de manière très inachevée) et que jusqu'à la Révolution en France, le royaume était avant tout la propriété du roi et la féodalité une histoire d'ententes privées, de droits et de privilèges que l'on s'échange et que l'on négocie.

C'est moi ou on a déjà eu 10 fois cette discussion sur ce forum?


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Message Publié : 20 Oct 2017 18:10 
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Jean-Pierre Vernant
Jean-Pierre Vernant
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Brennus a écrit :
C'est moi ou on a déjà eu 10 fois cette discussion sur ce forum?


Comptez celles qu'on a eu sur la fin de l'Empire romain lol

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Message Publié : 20 Oct 2017 20:52 
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Polybe
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La réunion annuelle des druides est évoquée par César dans sa description générale de la Gaule (DBG VI 13). Je vois mal pourquoi il l'aurait inventée de toute pièce. Il y précise que les Gaulois y venaient pour y régler leurs différents. Les druides constituant la faction la plus cultivée des Gaulois, on peut s'attendre à ce qu'ils fassent office de diplomates et de hauts fonctionnaires un peu à l'image des religieux lettrés médiévaux. Ces druides élisent même un chef (à l'échelle seulement de la Cité ou de toute la Gaule ?).

Il n'est pas précisé au début du livre VII si l'assemblée secrète des dirigeants gaulois s'est tenue chez les Carnutes mais Brennus a fait automatiquement le rapprochement. Et en effet, ce sont bien les Carnutes qui vont ouvrir le bal des hostilités. Cette assemblée chez les Carnutes apparaît donc comme une sorte de système de médiation visant à réguler les relations entre les Cités. Ses décisions n'étaient pas souveraines, le but était de trouver un accord.

On peut remarquer également que les Cités gauloises étaient beaucoup plus vastes que leurs homologues italiennes. En terme de superficie, l'équivalent du territoire arverne ou éduen aurait été le Latium ou l'Etrurie tout entiers. On a là un niveau d'intégration politique plus poussé vers le haut. Le fait que Rome soit en Italie nous donne une vue très biaisée. L'Italie était l'inverse de la Gaule avec un patchwork énorme de Celtes, d'Etrusques, de Ligures, de Latins, de Lucaniens etc... Et si l'unité politique italienne s'est faite aussi tard, ce n'est pas par hasard.

Je ne crois pas qu'un pouvoir fort et centralisé crée un sentiment d'appartenance. Voyez l'Espagne : c'est parce que les populations ont de fortes aspirations autonomistes que cette république est très décentralisée et non l'inverse. L'Etat jacobin a-t-il rendu les Français plus nationalistes que leurs voisins ? Rome a surtout apporté de la stabilité à la Gaule et l'idée qu'un Etat et une monarchie pouvaient fonctionner à très grande échelle. En ce sens, je vois plus le roi de France comme une symbiose entre un empereur romain et un roi davidique.

Pour en revenir à Tacite et Sacrovir, j'utilise le terme "nationalisme" par défaut. Mais on peut effectivement parler de communion ou de conscience commune. D'ailleurs les druides et la religion ont pu jouer un rôle dans le conditionnement des troupes. Que cela soit chez les Romains, les Gaulois ou les Germains, la question de l'imaginaire collectif est centrale dans la motivation des combattants. La question des impôts m'apparaît plutôt comme un prétexte.

Si l'enthousiasme des volontaires gaulois est retombé avant la bataille, c'est peut-être parce qu'ils ont appris qu'ils ne recevraient aucun renfort (ou qu'ils ont été exemptés de taxe d'habitation ?). On peut voir derrière cela une attitude attentiste des dirigeants gaulois. Si Sacrovir gagne, ils embrayent derrière proclamant qu'ils l'ont toujours soutenu. S'il perd, ils sont resté fidèles à Rome et n'ont rien à voir avec les agités qui l'ont rejoint. Dommage que nous ne connaissions pas l'origine des cohortes régulières rebelles et que nous ne sachions pas s'il s'agit de troupes impériales dissidentes ou de forces de sécurité locales.


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Message Publié : 20 Oct 2017 21:19 
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Jean-Pierre Vernant
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Localisation : Limoges
Anténor a écrit :
on peut s'attendre à ce qu'ils fassent office de diplomates et de hauts fonctionnaires un peu à l'image des religieux lettrés médiévaux.


Vous voyez c'est très précisément dans ce genre de cas qu'on entre en pleine spéculation...

Anténor a écrit :
On peut remarquer également que les Cités gauloises étaient beaucoup plus vastes que leurs homologues italiennes. En terme de superficie, l'équivalent du territoire arverne ou éduen aurait été le Latium ou l'Etrurie tout entiers. On a là un niveau d'intégration politique plus poussé vers le haut. Le fait que Rome soit en Italie nous donne une vue très biaisée. L'Italie était l'inverse de la Gaule avec un patchwork énorme de Celtes, d'Etrusques, de Ligures, de Latins, de Lucaniens etc... Et si l'unité politique italienne s'est faite aussi tard, ce n'est pas par hasard.


C'est totalement faux ; l'intégration politique n'a rien à voir là dedans, c'est surtout une question de taille ; la Gaule fait deux fois l'Italie et n'étais sans doute guère plus peuplée. En conséquence la densité de peuplement y était plus faible.
Au delà l'unité italienne n'a absolument rien à voir avec les peuplades d'origine... C'est très simplement dû, comme en Allemagne au fait que le pouvoir central n'a pas réussi à s'imposer comme en France... Encore une fois une spéculation en l'air...

Anténor a écrit :
Je ne crois pas qu'un pouvoir fort et centralisé crée un sentiment d'appartenance. Voyez l'Espagne : c'est parce que les populations ont de fortes aspirations autonomistes que cette république est très décentralisée et non l'inverse. L'Etat jacobin a-t-il rendu les Français plus nationalistes que leurs voisins ? Rome a surtout apporté de la stabilité à la Gaule et l'idée qu'un Etat et une monarchie pouvaient fonctionner à très grande échelle. En ce sens, je vois plus le roi de France comme une symbiose entre un empereur romain et un roi davidique.


Vous oubliez les décennies de pouvoir franquiste très centralisateur...
Le roi de France a un pouvoir d'essence surtout germanique teinté de christianisme dans les origines.

Anténor a écrit :
Pour en revenir à Tacite et Sacrovir, j'utilise le terme "nationalisme" par défaut. Mais on peut effectivement parler de communion ou de conscience commune. D'ailleurs les druides et la religion ont pu jouer un rôle dans le conditionnement des troupes. Que cela soit chez les Romains, les Gaulois ou les Germains, la question de l'imaginaire collectif est centrale dans la motivation des combattants. La question des impôts m'apparaît plutôt comme un prétexte.


Faites attention aux termes, ils portent un sens précis et avec tous les gens qui ont eu un cursus historique ils sont porteurs d'énormément de sens. La question du druidisme est intéressante ; sans être spécialiste il me semble que si les Romains vont interdire cette fonction c'est parce qu'elle possédait une charge politique importante faisant craindre pour la stabilité de la gaule conquise. Ce que l'on peut déduire avec prudence de cette question c'est que s'il existait en Gaule des gens ayant une moindre idée de globalité, sans doute très partielle, de la Gaule cela ne pouvait être qu'eux. mais attention, au moment de l'invasion de César il me semble que cette institution n'est pas au mieux de sa forme et je pense que Brennus pourra nous en dire davantage.
Ensuite ce qui motive les guerriers au combat est un élément complexe ; j'ai déjà cité je crois Ibn Khaldoun, un penseur arabe qui définissait très bien ce qui animait et fédérait les populations "tribales" ; l'Asabiyya. Il montre qu'elle est très forte dans ce type de société. Par ailleurs et je reprends Clastres, un ethnologue ; les populations gauloises et germaniques étaient constituées sur un modèle d'être pour la guerre, à savoir qu'un homme n'est vraiment un homme libre de plein droit que s'il porte les armes. En cela se sont des sociétés où la notion de guerre et de combat est bien ancrée dans les mentalités. Il est évident qu'elle s'étiole avec l'intégration à l'Empire. Elle est encore vivace à l'époque de Sacrovir mais au IIIe siècle elle a disparut.

Anténor a écrit :
Si l'enthousiasme des volontaires gaulois est retombé avant la bataille, c'est peut-être parce qu'ils ont appris qu'ils ne recevraient aucun renfort (ou qu'ils ont été exemptés de taxe d'habitation ?). On peut voir derrière cela une attitude attentiste des dirigeants gaulois. Si Sacrovir gagne, ils embrayent derrière proclamant qu'ils l'ont toujours soutenu. S'il perd, ils sont resté fidèles à Rome et n'ont rien à voir avec les agités qui l'ont rejoint. Dommage que nous ne connaissions pas l'origine des cohortes régulières rebelles et que nous ne sachions pas s'il s'agit de troupes impériales dissidentes ou de forces de sécurité locales.


Là vous êtes sans doute dans le vrai concernant l'attentisme. Mais je ne suis pas spécialiste une nouvelle fois...

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Message Publié : 20 Oct 2017 22:35 
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Grégoire de Tours
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Citer :
sans être spécialiste il me semble que si les Romains vont interdire cette fonction c'est parce qu'elle possédait une charge politique importante faisant craindre pour la stabilité de la gaule conquise.


Il semble en effet que les druides aient été une épine dans le pied pour les romains. Ceci dit, le SEUL druide qualifié en tant que tel (et par Cicéron, jamais par César alors que c'est un personnage récurent de la Guerre des Gaules), c'est Diviciac, un "ami de Rome", probablement une connaissance de César et un des acteurs clef dans le déclenchement de l'annexion de la Gaule par Rome.

Les autres sources qui nous parlent des druides, ce sont des allusions assez imprécises de César et une autre poignée d'auteurs classiques, et les textes mythiques irlandais du haut Moyen Age (qui sans trop de doutes puisent leurs origines dans la civilisation celtique de l'âge du fer, cf tous les "anachronismes" présents dans des textes comme la razzia des vaches de Cooley, où on parle de chars de combat ou de casques à crêtes alors qu'on en a pas retrouvé la moindre trace archéologique en Irlande), c'est très maigre, et la question des druides et du druidisme est une des plus insolubles concernant les Celtes anciens.

Ils semblent avoir constitué une sorte de caste à part, de philosophes (voir le controversé "les druides" de Jean Louis Brunaux où il n'hésite pas à évoquer le fait que les druides aient pu influencer les pythagoriciens grecs), sortes de prêtres, qui en dehors de leur fonction sacerdotale semblent avoir exercés toutes les fonctions et avoir partagé les valeurs de l'aristocratie.

Reste que c'était un problème pour Rome... Lors de la conquête de la Bretagne par Rome, les responsables romains n'ont pas hésité à déployer des moyens non négligeables pour aller massacrer les druides sur l'île de Mon (dans la mer d'Irlande, aux confins de la Bretagne et du monde celtique) alors que la situation politique et militaire était loin d'être stabilisée dans l'Angleterre actuelle (des légions entières y ont été envoyées, alors que les colonies romaines bretonnes étaient laissées sans défenses face aux révoltes et troubles qui ont émaillés la conquête de la Bretagne).

Comme les autres paganismes, la religion celtique ancienne semble avoir été complexe et diversifiée. Les druides auraient représenté un certain échelon de l’appréhension de cette religion que n'auraient pas forcément partagé tous les Celtes (et il faudrait à nouveau ergoter sur ce qu'est un Celte: réellement un membre d'un peuple ou d'une ethnie qui aurait conquis l'Europe, s'imposant aux populations locales, ou tout simplement quelqu'un faisant partie d'une communauté ayant adopté une culture dite celtique, celle de l'âge du Fer (Hallstatt puis La Tène), culture surtout matérielle et pouvant avoir revêtu de nombreuses caractéristiques variées en fonction du lieu. En gros, les Gaulois étaient-ils des Celtes ou étaient-ils des populations issues de l'âge du bronze et de la Préhistoire ayant adopté une culture matérielle donnée, comme leurs homologues "germains", "pictes", "bretons", "belges"....etc.

Là encore, la notion de peuple ou d'ethnie semble particulièrement floue, et mon intime conviction est qu'on avait à faire avant tout à des sociétés basées sur la famille élargies (clan, parentèle, tribu) où au-delà de ce cercle, c'étaient surtout des accointances, des goûts et des intérêts privés qui primaient: pas de sentiment d'appartenance (et des devoirs qui en résultent), de dévotion envers une abstraction qu'on appelle aujourd'hui "Etat", "République", Patrie", "nation" ou ce que vous voulez.

Les druides là dedans restent un mystère. Caste sociale panceltique? Culte particulier ayant réussi à s'imposer à la tête de la société? Rois prêtres de la tripartition indo européenne? (sachant que le roi Celte a une fonction religieuse importante: il est le guarant de l'harmonie entre les dieux et les hommes, entre la terre et la société... en cas de manquement, il pouvait être sacrifié en Irlande archaïque).

Le fait est qu'on en sait très peu sur les rites et cultes des Celtes, beaucoup de ce qu'on croit savoir nous vient d'interprétations partielles de données archéologiques ou de sources textuelles souvent tardives ou étrangères. Les druides ont occupé une place importante là dedans, ceci semble à peu près sûr. Maintenant, en quoi le paysan moyen gaulois partageait les conceptions métaphysiques et mystiques des druides, on en sait rien!

En parlant de termes, j'ai lu un certain nombre d'articles (qui concernaient plutôt la religion germanique et scandinave) qui évoquaient le fait qu'on ne peut réellement parler de croyances quand on parle du paganisme de ces cultures: ces gens ne "croyaient" pas en leurs dieux, ils ne les vénéraient pas, ne leur portaient pas une affection ou une dévotion particulière (je parle bien des germains et dans une moindre mesure des Celtes, pas du monde classique largement influencé par les religions orientales). Les dieux étaient des puissances surnaturelles, liés à un monde invisible, un monde double, avec lesquels il fallait composer, des forces qui dépassaient la compréhensions des simples mortels, et qu'il fallait apaiser ou dont il fallait s'attirer les faveurs. On est loin des conception de foi et de croyance contenues dans le Christianisme et qu'on a tendance à calquer inconsciemment sur ces religions anciennes quand on les étudie.

Il ne faut pas oublier que l'archéologie et l'Histoire sont nées à une époque où on était en plein dans la concrétisation de l'idée d'Etat nation et que ces "sciences" avaient une vocation importante à trouver dans le passé une légitimité à cette idée. On reste sous l'influence des travaux et conceptions des premiers historiens ou archéologues (quand on pense que l'archéologie s'est fortement développé sous le règne de Napoléon 3 en France, et sous le 3ème Reich en Allemagne (ce qui a donné lieu à des polémiques croustillantes dans le milieu des archéologues en France dans les années 70), et que la statue de Vercingétorix à Alésia évoque les traits de Napoléon 3 et de sa moustache, ça laisse la place à un certain nombre de réflexions).

Si on ajoute à cela deux siècles de romantisme où on a fantasmé les civilisations antiques face à une société industrielle rationaliste, on est dans le flou total et il est très difficile de lutter avec son inconscient pour avoir une vision la plus objective possible de la question.

Citer :
On peut remarquer également que les Cités gauloises étaient beaucoup plus vastes que leurs homologues italiennes. En terme de superficie, l'équivalent du territoire arverne ou éduen aurait été le Latium ou l'Etrurie tout entiers. On a là un niveau d'intégration politique plus poussé vers le haut. Le fait que Rome soit en Italie nous donne une vue très biaisée. L'Italie était l'inverse de la Gaule avec un patchwork énorme de Celtes, d'Etrusques, de Ligures, de Latins, de Lucaniens etc... Et si l'unité politique italienne s'est faite aussi tard, ce n'est pas par hasard.


Vous comparez l'incomparable: les sociétés italiques sont empreintes de culture grecque, c'est le modèle de la cité qui y prévaut. Pour les Celtes de la période laténienne, on est dans une société rurale. La civilisation des oppida n'est qu'un épiphénomène de la fin de la période, née probablement sous l'influence grandissante du monde classique. L'apogée de la culture de la Tène, c'est une culture très rurale, disséminée dans d'innombrables fermes aristocratiques, aristocrates dont les relations prennent la forme d'un clientélisme tout ce qu'il y a de plus privé. On est très loin de l'idée de la chose publique née en Grèce et récupérée par les peuples italiques.


Citer :
Vous oubliez les décennies de pouvoir franquiste très centralisateur...


Comparer les revendications régionalistes d'aujourd'hui aux divisions des peuples gaulois est un non sens. Il serait presque (pour le fun) plus pertinent de comparer ce qui sépare un peuple gaulois d'un autre à ce qui sépare la France et l'Allemagne au sein de l'Union Européenne.

On oublie aussi que le sentiment d'appartenance à un peuple et une nation est très lié à des notions de frontières et de territoire. Hors, dans la culture celtique antique comme dans la culture germanique, la notion de propriété de la terre reste relativement floue: ces peuples bougent en permanence toutes les deux ou trois générations. Ils ne sont pas attachés à un territoire, ce sont des sortes (je fais exprès de provoquer un peu, n'y voyez qu'une boutade) de "super migrants". Hors l'apogée de l'empire romain aux Ier et IIème siècles avant JC qui a temporairement ralenti le phénomène, l'Histoire de l'Europe de la Préhistoire jusqu'à l'an Mil, ce n'est qu'une histoire de migrations: des peuples bougent et s'installent ailleurs en permanence, des peuples de la mer aux mongols, en passant par les Celtes, Belges, Teutons, Cimbres, suèves, hélvètes, goths, francs, saxons, huns, scandinaves, hongrois...etc.

Là dedans, difficile d'y replacer des notions très contemporaines comme l'idée d'un peuple associé à une terre et un Etat ou ne serait-ce que des institutions communes. C'est Rome qui a introduit cette idée en Occident, et quand l'Empire d'Occident a chuté, il a fallu des siècles pour que son exemple soit imité par les puissants du Moyen Age puis de l'époque moderne pour arriver jusqu'à nos modèles socio politiques organisés autour d'un Etat centralisé et autour de l'idée d'Etat Nation.

Citer :
les populations gauloises et germaniques étaient constituées sur un modèle d'être pour la guerre, à savoir qu'un homme n'est vraiment un homme libre de plein droit que s'il porte les armes.


Tout à fait. Cependant je nuancerai cette idée que le port d'arme reflète nécessairement un modèle "d'être pour la guerre". Porter les armes, c'est un symbole de liberté dans le sens où cela signifie que l'on proclame ne pas dépendre d'un Etat ou d'un "tuteur" (seigneur, organisation, autre) pour assurer sa défense. On en trouve des restes dans la société américaine d'aujourd'hui. Porter une arme, c'est affirmer que l'on est libre, ça ne veut pas dire que l'on est prêt à faire la guerre en permanence ou que l'on est en un état permanent de guerre. Il faut en outre relativiser cette notion de guerre. Pour nous elle évoque les boucheries industrielles du XXème siècle, où des nations entières s'engouffrent dans des orgies de destructions et y consacrent toutes leurs ressources. La guerre chez les Celtes et les gaulois est une activité "normale", fréquente, mais aussi ponctuelle et limitée dans l'espace et dans le temps (c'est aussi pour cela que la Guerre des Gaules est un événement exceptionnel qui ne doit pas servir de mesure étalon pour comprendre la civilisation gauloise), faite de razzias, d'escarmouches et de vendettas entre parentèles qui peuvent être sanglantes mais n'ont pas systématiquement une énorme portée.

En outre, c'est une activité mystique, et c'est je pense un élément essentiel à prendre en compte.

L'arme est un objet bien particulier dans les sociétés anciennes. On lui confère volontiers des propriétés magiques, voire une âme. Dans sa conception, on y met les savoirs les plus aboutis, la technicité la plus avancée, et on la décore le plus possible. Elle est également une offrande de choix aux dieux (et on leur sacrifie les armes les plus belles et les plus performantes). On la craint au point de la briser quand on l'offre aux dieux ou qu'on l'inhume avec les défunts. Le port d'arme et la présence d'armes revêt dans ces cultures une signification qui nous échappe probablement en grande partie. Elle a en tous cas un symbolisme énorme que l'on retrouve jusqu'au Moyen Age.


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