CEN_EMB a écrit :
Du coup, Postumus peut créer un vaste "empire des Gaules" (étendu à la Bretagne et à l'Espagne) en 260, qui lui survit et dure jusqu'en 274 ; Zénobie se taille un proto-empire depuis son royaume palmyrénien entre 271 et 273 ; Régillien soulève la Pannonie vers 260. Et les exemples sont légion, il suffit de creuser autour des "Trente Tyrans" qui se déclarent entre 253 et 270.
La question ici, c'est de savoir si Odénat, le mari de Zénobie, était un usurpateur si fort qu'on préférait lui attribuer une reconnaissance impériale pour maintenir la fiction de la primauté de Rome et éviter que celle-ci ne soit dénoncée par l'intéressé, ou si c'est avec la bénédiction de l'empereur qu'il a procédé ainsi, Rome reconnaissant ses succès comme ceux d'un proconsul largement indépendant, et que sa veuve a été trop loin dans la tension, au point de provoquer la rupture sous Aurélien.
Il est vrai que Gallien (l'empereur à la plus forte longévité de l'"anarchie militaire", quinze ans, de 253 à 268, même s'il ne règne seul que les huit dernières années) et Claude II (mort de la peste en 270), avant Aurélien, avaient déjà redressé la barre. Mais lorsque Postumus franchit le Rubicon, en 260, l'empire est au fond du trou. Et Odénat acquiert l'autonomie de fait dans les premières années de la décennie 260, également. Lorsque ces vastes pans de l'empire s'en désolidarisent, c'est bien au pire moment de l'histoire impériale, vers 260.
Je pense que la situation de l'empire en 260 est cataclysmique, au point que des audacieux ont pu croire en leur chance. L'"année des quatre empereurs" de 253 l'illustre d'ailleurs parfaitement sur la scène politique intérieure, comme les sécessions de Postumus et de Zénobie la décennie suivante souligne l'attraction centripète qui règne dans certains territoires agrégés et non-italiques.
CEN EMB
Voici ce qu'en pense J.-M. CARRIE.
Concernant Odenath, celui-ci, bardé de titres prestigieux et ayant reçu la délégation de tous pouvoirs en Orient, est resté fidèle à Gallien. En revanche, ce ne fut pas le cas pour Zénobie et Vaballath.
Quant à Postumus, il s'est placé dans la continuité du fonctionnement de l'Empire romain. Le pouvoir a certes été pris sans l'accord de l'empereur (Valérien avait désigné son fils pour lui succéder à la tête de la défense des Gaules), ce qui fait de Postume un usurpateur, mais ce dernier n'a fait sécession que pour défendre la "Romanitas". Il a gouverné comme si c'était Rome, avec comme capitale Trèves, son Sénat, ses consuls, ses prétoriens, ... Dans une inscription issue d'un autel dédié à la "sainte déesse Victoire" trouvée en 1992 à Augsbourg, la victoire sur les Juthungues remportée par Postumus a été proclamée au nom de Rome. Une fois le pouvoir central à nouveau en capacité de protéger les populations et la Romanité, Tetricus s'est assez naturellement rendu.
Bref, on retrouve ici l'intelligence qu'a eue Gallien dans cette période: il a différé, contraint ou forcé certes, la reprise en main de ces territoires qui trouvaient une défense adéquate, stratégique et "économique" (au sens général de bonne gestion) par rapport aux dangers multiples et aux capacités du moment, et ce, au nom de Rome.