Un mythe traduit parfaitement la double qualité du souverain, il s'agit de la théogamie. Déjà dans les contes du papyrus Westcar, les premiers rois de la Ve dynastie étaient présentés comme les enfants de Rê. Au Nouvel Empire, la conception surnaturelle d'Hatshepsout et d'Aménophis III a été représentée en une série de tableaux qui mettent en scène le dieu Amon-Rê et la Grande Epouse royale. Le dieu, sous l'apparence du roi régnant, s'unit charnellement à la reine et conçoit l'héritier du trône qui est à la fois l'enfant légitime du couple royal et le fils spirituel du dieu.

L'essence de la fonction royale est issue du Soleil. Elle fait de Pharaon un être hors du commun, intermédiaire idéal entre le monde terrestre et les sphères divines. Le protocole royal place d'emblée le souverain dans une dimension divine. Sa titulature comprend cinq éléments précédés d'un titre. Le premier nom du roi l'identifie au dieu Horus. Il est également qualifié d'Horus d'or et associé aux deux déesses tutélaires de l'Egypte, Nekhbet et Ouadjyt. Enfin les cartouches contiennent, l'un le nom ou prénom que le roi reçoit lorsqu'il vient au monde, l'autre celui qui est choisi lors de son couronnement. Le premier est introduit par l'expression « fils de Rê », tandis que le second le définit comme « roi de Haute et de Basse Egypte ». Ces titres reflètent la façon dont la fonction monarchique s'insère dans la création. Les noms dHorus et de fils de Rê le désignent expressément comme l'héritier du Soleil, ou plutôt comme le détenteur légitime de la fonction royale en tant qu'institution divine. Le nom du roi régnant est souvent précédé de l'appellation « le dieu parfait », moyen magique de conférer par les mots la qualité particulière de la fonction monarchique à un être mortel. Lorsque les Egyptiens désignent un dieu par son nom, jamais ils ne disent « le dieu Untel». Le terme «dieu» rappelle que derrière un support matériel, se manifeste une qualité divine. Quant à la mention « le grand dieu » désignant un souverain décédé, elle souligne que le défunt évolue désormais parmi les entités qui accompagnent le Soleil.

La précision « qui a donné la vie (comme Rê) », que l'on rencontre aussi bien derrière le nom d'un dieu qu'après un cartouche royal, est l'affirmation que toutes les fonctions divines émanent du Soleil créateur et qu'elles ont pour mission de permettre l'existence des hommes et du cosmos. Souvent traduit, à tort, par « doué de vie » pour les souverains, le qualificatif exprime un concept essentiel: le roi est destiné à servir d'intermédiaire entre la terrible énergie émanant de l'astre et le monde des hommes.