Cuchlain a écrit :
Pour les autres peuples que vous citez, connaît-on lesdites "quelques raisons que ce soit" ? Y a-t-il une chance que les Celtes aient partagé l'une ou l'autre de ces raisons ?
Perso, je ne connais pas ces raisons. Mais je crois que c’est une fausse question, une évidence qu’à nos yeux de XXIe sièclards éduqués. Nous sommes conditionnés par notre culture de l’écrit, notre capacité à lire est en permanence mise à l’épreuve dans notre quotidien, c’est la base de notre éducation et même de notre mode de pensée (influence sur la mémorisation par exemple), au point qu’il nous est devenu inimaginable (du moins pour ma pomme) de vivre sans. Or il faut bien se rendre compte que le monde fut analphabète pendant une éternité et personne ne s’en plaignait. L’Antiquité est analphabète à 99 %, et même dans les cultures où l’écrit a une place importante, comme l’Athènes classique, les lettrés au sens propre ne sont pas forcément majoritaires. Apprendre à lire/écrire est long et difficile, cet investissement lourd ne peut qu’être motivé par des puissantes raisons. Alors qu’à l’inverse, ne pas apprendre est naturel…
Par conséquent, la question n’est peut-être pas « pourquoi les Celtes n’utilisent pas l’écriture », mais au contraire « pourquoi tel ou tel peuple, ou telle ou telle classe sociale a eu recours à l’écrit dans tel ou tel contexte », ce que Diviacus a commencé à explorer plus haut.
D’autant qu’il n’y a pas de « tabou » formel à ma connaissance de l’écriture pour les Celtes, puisqu’il leur arrive d’écrire, rarement certes par rapport à d’autres, y compris sur des documents officiels, comme certaines monnaies par exemple (d'ailleurs, à partir de quand trouve-t-on des monnaies épigraphes gauloises ?) ou les tablettes helvètes.
Bref, je crois que le sujet est pris à l’envers.
Diviacus a écrit :
Par ailleurs (voir JL Brunaux - Les Druides), l'apogée des druides se situe plutôt entre le VIème et le IVème siècle av JC, et la citation de César est unanimement reconnue comme une reprise de Poseidonios, qui n'a connu lui-même les druides qu'à une époque où leur influence déclinait déjà (Ier siècle av JC).
Je ne comprends pas cette chronologie. Si le druide existait en Gaule au Ve, alors des druides apparaîtraient en Cisalpine, colonisée à partir de cette époque par des tribus en provenance de Celtique. Ce n’est pas le cas. Si les druides existaient au IVe, nous les retrouverions dans les Balkans ou en Galatie. Ce n’est pas le cas non plus. Chez les uns et les autres nous avons des prêtres/prêtresses, des devins/prophétesses, mais pas de druides.
Le problème est peut-être lié à la définition d’un druide. Si ce mot est pris comme un synonyme quelconque de prêtre, alors d’accord, une classe sacerdotale existe. Mais il me semble qu’un druide est différent, puisqu’il n’est pas attaché à un sacerdoce particulier (ce qui exclut par exemple les prêtres de Cybèle galates), et a en outre un rôle culturel et politique central, à une échelle supérieure à celle de la tribu (arbitrage entre tribus, réunion panceltique, etc.) ; le druide touche à tout, se mêle de tout, incontournable (je crois, mais je peut me tromper, je ne connais les Celtes qu’à travers les vagues échos gréco-latins). Or cette réalité particulière à la Gaule du Ier et aux îles Britanniques ne me semble pas trouver un quelconque échos dans les siècles précédents et les autres zones géographiques celtiques, pour les régions où les Grecs nous ont laissés des descriptions antérieures. Et je doute que l’archéologie puisse différencier avec un minimum de vraisemblance un druide d’un prêtre (ou d’un quidam quelconque d’ailleurs). Autrement dit, comment Brunaux peut-il considérer les remarques de Posidonios comme reflet d’une époque déclinante alors qu’au contraire, il est le tout premier Méditerranéen à les remarquer et à leur accorder un place de choix dans la société celtique ? Alors que les Grecs occidentaux sont en contact avec eux depuis 5 siècles, et les orientaux depuis plus de 200 ans… Sur quels éléments se base-t-il pour invalider ce témoignage ? Comment explique-t-il au contraire cette précision inattendue ? Par ailleurs, il place leur apogée me semble-t-il à l’époque justement des grandes principautés celtiques, c’est-à-dire à un moment où leur rôle d’encadrement de la société est a priori moins nécessaire.
???
PS : je crains d’initier une nouvelle discussion parallèle sur un thème porteur au cas où l’on me réponde… Un sujet sur les druides existe déjà me semble-t-il, autant satisfaire ma curiosité là bas !