Je ne vois pas les choses de la même façon.
J’emprunte d’abord 2 citations de Lucien Musset (Les Invasions – Les vagues germaniques) :
«
Notre optique traditionnelle considère la période des « grandes invasions » comme une parenthèse de troubles entre deux ères de stabilité normale : celle de l’Empire romain et la nôtre. Il serait plus sage d’adopter une attitude inverse, et de tenir l’époque romaine pour une exception, une halte au milieu d’un tourbillon d’invasions. »
et
«
Mais comment se satisfaire d’une explication des invasions qui se trouverait toujours chez les envahis, jamais chez les envahisseurs ? »
(J’emploierai le terme migrations en lieu et place d’invasions)
Les migrations, ou les tentatives de migrations, de peuples n’ont pas cessé en Europe entre -1000 et +1000 (je me restreins à cette période)
-
Avant l’expansion de l’Empire romain Les migrations celtes (d’est en ouest, puis d’ouest en est), germaines (vers le sud et vers l’ouest) et autres ont été continues. Ces peuples changent de territoire, soit par la force, soit relativement pacifiquement. Les Celtes s’implantent en Europe occidentale, les Galates en Asie mineure, les Germains jusqu’au Rhin (freinés par les Celtes), les Bastarnes vers la mer noire,…
Globalement, ces migrations sont le faits de peuples non structurés (Celtes, Germains) vers des territoires occupés par des peuples non structurés (et à travers des territoires peu peuplés) ou insuffisamment (Grecs, Asie mineure). Ces peuples cherchent d’autres territoires pour « mieux vivre ».
La force grandissante de l’Empire romain fera échouer celles des Cimbres et Teutons, celle d’Arioviste, et celle des Helvètes.
-
A partir du Vème siècle et après la chute de l’Empire romainLes migrations de 406 des Vandales, Suèves,…, des Goths, des Huns, des Lombards, des Avars, des Slaves, des Arabes, des Vikings, des Hongrois,…
Quelles que soient les causes de ces migrations, leur réussite tient essentiellement à un rapport de force favorable aux migrateurs face aux envahis.
Ces migrations (et leurs causes) auraient-elles disparu entre le 1er siècle av JC et le Vème siècle après JC ?
Ces peuples n’auraient-ils eu plus qu’une volonté de pillage, et non de recherche d’autres territoires ?
- Pendant l’hégémonie de l’Empire romainPendant l’expansion de l’Empire romain, disons jusqu’à la fin du 2ème siècle, nous observons une relative stabilité. Mais les Germains continuent à se déplacer vers le sud (Goths), et les peuples se renouvellent le long du limes à mesure qu’ils s’épuisent à lutter contre Rome.
A partir du 3ème siècle jusqu’à la fin du 5ème siècle, l’Empire romain est en état de siège permanent. Le rapport des forces, d’abord largement favorable aux Romains, s’équilibre peu à peu en même temps que les « barbares » se structurent. La Dacie est abandonnée au 3ème siècle.
Dans ce contexte, est-ce que ces peuples ont renoncé à « mieux vivre » en recherchant d’autres territoires ? Je ne vois pas pourquoi.
Avaient-ils d’autres moyens que les raids et les pillages contre l’Empire romain pour cela ? Sans doute pas.
Je considère donc que les raids et pillages sont plus la conséquence d’un rapport de forces très en faveur de l’Empire romain, plutôt que d’une volonté de ne pas vouloir chercher d’autres territoires.
Parce qu’en fin de compte, quand le rapport de forces s’inverse (sous la poussée des Huns), ces Wisigoths, Vandales, Ostrogoths migrent et s’installent définitivement dans d’autres territoires.
J’ai volontairement passé sous silence dans ce message toutes les raisons internes à l’Empire romain, largement connues et débattues, qui expliquent le succès de ces migrations barbares (et non de la chute de l’Empire !
).