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Message Publié : 12 Avr 2021 18:51 
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Pédro a écrit :
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A l'époque d'Alésia, seule l'armée romaine est structurée aussi solidement. On ne peut pas attendre de l'armée de secours gauloise, peu importe ses effectifs et son état, qu'elle soit autre chose qu'une vaste cohue. Il doit bien y avoir des chefs dans chaque peuple et des chefs de village à l'échelon en dessous, ce qui permet, tout de même, de faire descendre des consignes, mais cela ne permet pas de conduire une bataille, alors que côté romain on peut prendre des décisions, les appliquer, éventuellement les modifier...


C'est bien plus compliqué que cela ; les structures socio-politiques des sociétés anciennes ne sont pas inexistantes ou primitives, sans lien, sans organisation. Au contraire même.
Je prends l'exemple germanique que je connais mieux pour expliciter (et pour ne pas trop indigner les spécialistes). Lors de la coalition des Alamans qui mène à leur défaite à Argentoratum en 357, ce sont les liens de don et contre-don qui structurent l'ensemble : Chnodomar, le chef, est désigné comme rex dans Ammien qui établit ensuite les rangs de dignité inférieure des autres chef, regulus et subregulus. En clair, le chef suprême a fait entrer dans sa clientèle des potentats régionaux qui eux-mêmes avaient dans leur dépendance d'autres chefs de moindre importance. C'est par l'extension de ces clientèles que se sont construites les grandes ligues guerrières que l'on appelle "peuples" dès le IIIe siècle. Là où on trouvait chérusques, Mattiaques, Bructères, Marses, Chamaves, Turons... au Ier siècle on trouve Francs, Alamans ("tous les hommes" littéralement)...
De ce fait les armées des peuples archaïques avaient une structure solide, sanctionnée par des liens d'homme à homme extrêmement solides, liés par des rites. Mais la faiblesse d'une telle organisation est que la durée et le théâtre d'opération est de fait limité par la "coutume". Un chef n'est pas Napoléon, il ne fait pas ce qu'il veut et les liens de vassalité impliquent que le chef suprême reste un parmi ses pairs et non un monarque tout puissant.


C'est aussi l'image que j'ai de l'action de Vercingétorix. Il est le rix, désigné par l'assemblée, mais il me semble relié aux chefs subalternes par des liens d'homme à homme. Ces chefs étant liés à leurs subordonnées, et ainsi de suite. Quand Vercingétorix se rend, même si une grande partie de la Gaule pourrait encore décider de continuer la révolte et nommer un autre rix, ils ne peuvent pas le faire, car il faut reconstruire la pyramide. Il faut choisir parmi les chefs subalterne qui a suffisamment de charisme pour accéder au titre suprême, déclenchant par là une escalade de pouvoir auprès de ses subalternes direct.

C'est aussi ce qui explique qu'il y a souvent des crises de succession car chacun des pairs composants le cercle d'où va émaner le chef pense avoir sa chance. En fait, celui qui a le pouvoir suprême est souvent vu comme le premier d'entre les pairs.

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Message Publié : 12 Avr 2021 19:01 
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Philippe de Commines
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Pédro a écrit :

Bien entendu, c'était un simple rappel pour la clarté général du propos ; j'ai gardé un vif souvenir d'un intervenant qui décrivait l'Empire romain tardif et sa bureaucratie comme une annexe de la dictature totalitaire soviétique avec le plus grand sérieux. ;)


Peut-être Michel Rouche dans le tome 1 de la trilogie "Le Moyen Age" de R. Fossier ? :wink:
"Une bureaucratie dévoreuse d'hommes et d'or", "une charge militaire vaine et écrasante"...

Pédro a écrit :
Ici c'était surtout pour reprendre les catégories de Clausewitz. Mais si cet appel peut fonctionner à l'époque d'Auguste il est clairement moins opérant au IVe siècle. Il s'est passé quelque chose d'important avec la professionnalisation. L'Empire n'est plus à même de faire appel à des citoyens soldats et à jouer de son avantage démographique considérable. Mais oui, Rome a toujours joué du recrutement d'auxiliaires pour compenser ses besoins en soldats ou parfois en tactiques (cavalerie notamment). Cela rejoint le point de vue d'Ibn Khaldoun dont je parlais plus haut ; perte du potentiel militaire du centre déplacé vers la périphérie.

Et l'ennemi d'outre-Rhin ou d'outre-Danube pratique plutôt la "guerilla" que la bataille rangée, d'où un recrutement barbare qui se développe grandement au IVe siècle... C'est peut-être aussi l'erreur des gaulois que d'avoir combattu César de manière frontale.

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Message Publié : 12 Avr 2021 19:08 
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Pédro a écrit :
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Je réitère une observation constatée régulièrement au cours de pas loin de 25 années d'études en polémologie, dont je peux défendre la pertinence à la demande : jusqu'à ce que la guerre d'industrialise, Dieu est du côté des petits bataillons, pas des gros, ceux-ci posant des problèmes insolubles dans les domaines de la logistique (soutenabilité) et du commandement (cohésion, capacité à manœuvrer).


D'ailleurs c'est la solution choisie par les Romains au moment de la crise du IIIe siècle ; la grosse légion vole en éclat et on multiplie les vexiliations jusqu'à entériner la fragmentation des anciennes unités et se concentrer sur des unités de environ 1000 hommes.


Il ne me semble pas que ce soit l'angle de la soutenabilité qui impose la division des légions en vexillations plus ramassées - c'est-à-dire une volonté intrinsèque des militaires romains - mais plutôt la nécessité.
Les légions sont peu nombreuses (une trentaine tout au long de l'empire) et les menaces se multiplient entre le début du Principat et la crise du IIIe siècle. Elles deviennent non seulement plus nombreuses, mais aussi protéiformes : là c'est un état de conflit endémique avec un empire voisin, là il s'agit de lutter contre la pénétration de bandes pictes qui raident, ici c'est détecter une bande germanique qui franchit le fleuve-frontière et l'intercepter.
S'y ajoutent les désorganisations, terribles, liées aux multiples guerres civiles qui ensanglantent épisodiquement l'empire, et la nécessité, parfois, de renforcer le groupement de forces régional (en raison d'une poussée parthe particulièrement vicieuse ou agressive, d'un conglomérat germanique plus puissant que d'habitude, quand ce n'est pas pour favoriser les projets de conquête du prince).

La question de la soutenabilité, toutefois, est bien présente dans cette narration : le "plafond de verre" de l'empire était sans doute représenté par cette masse d'une trentaine de légions, qu'il lui était difficile d'augmenter significativement.

Il est vrai en revanche qu'une chute du niveau de l'encadrement de contact (les centurions de César, pour faire simple) et une organisation moins précise de la chaîne de commandement ont pu imposer une atomisation des unités parce que le niveau tactique requis par la légion n'était plus atteint.

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Message Publié : 12 Avr 2021 20:00 
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Jean-Pierre Vernant
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Narduccio a écrit :
C'est aussi l'image que j'ai de l'action de Vercingétorix. Il est le rix, désigné par l'assemblée, mais il me semble relié aux chefs subalternes par des liens d'homme à homme. Ces chefs étant liés à leurs subordonnées, et ainsi de suite. Quand Vercingétorix se rend, même si une grande partie de la Gaule pourrait encore décider de continuer la révolte et nommer un autre rix, ils ne peuvent pas le faire, car il faut reconstruire la pyramide. Il faut choisir parmi les chefs subalterne qui a suffisamment de charisme pour accéder au titre suprême, déclenchant par là une escalade de pouvoir auprès de ses subalternes direct.


Chez les Celtes en effet c'est l'image que je m'en fais mais la diversité des systèmes de gouvernance, la place des druides... semblent grandement complexifier l'édifice politique. Je repère bien le don contre-don dans les relations des chefs avec leurs ambacts, après c'est plus flou pour moi.

Citer :
Peut-être Michel Rouche dans le tome 1 de la trilogie "Le Moyen Age" de R. Fossier ? :wink:
"Une bureaucratie dévoreuse d'hommes et d'or", "une charge militaire vaine et écrasante"...


En partie, il me semble que chez MacMullen on est un peu dans les mêmes idées.

Citer :
Et l'ennemi d'outre-Rhin ou d'outre-Danube pratique plutôt la "guerilla" que la bataille rangée, d'où un recrutement barbare qui se développe grandement au IVe siècle... C'est peut-être aussi l'erreur des gaulois que d'avoir combattu César de manière frontale.


De mon point de vue je pense que le monde celtique était en voie de structuration politique importante au moment de l'invasion césarienne. Les noyaux urbains se développaient, des peuples prenaient l'ascendant sur d'autres dans des systèmes proches il me semble des hégémonies grecques, les aristocrates affirmaient leur pouvoir... tout concourait à la construction politique de l'ensemble, au moins dans certaines parties. Cela donnait aux chefs gaulois l'impression d'une puissance organisée. Deux siècles plus tôt les choses auraient été très différentes.

Citer :
Il ne me semble pas que ce soit l'angle de la soutenabilité qui impose la division des légions en vexillations plus ramassées - c'est-à-dire une volonté intrinsèque des militaires romains - mais plutôt la nécessité.


Complètement ; de toute façon dans l'armée romaine l'usage définit la norme le plus souvent.

Citer :
Les légions sont peu nombreuses (une trentaine tout au long de l'empire) et les menaces se multiplient entre le début du Principat et la crise du IIIe siècle. Elles deviennent non seulement plus nombreuses, mais aussi protéiformes : là c'est un état de conflit endémique avec un empire voisin, là il s'agit de lutter contre la pénétration de bandes pictes qui raident, ici c'est détecter une bande germanique qui franchit le fleuve-frontière et l'intercepter.


Complètement, on est souvent plus sur de la police des frontières que de la guerre. Les Romains essaient d'attraper quelques centaines de pillards qui volent des chèvres et des bijoux... littéralement. D'où également un système de fortifications et de relais d'informations stratégique très performant.

Citer :
S'y ajoutent les désorganisations, terribles, liées aux multiples guerres civiles qui ensanglantent épisodiquement l'empire, et la nécessité, parfois, de renforcer le groupement de forces régional (en raison d'une poussée parthe particulièrement vicieuse ou agressive, d'un conglomérat germanique plus puissant que d'habitude, quand ce n'est pas pour favoriser les projets de conquête du prince).


La guerre civile c'est clairement LA faiblesse principale de l'édifice politique romain d'Auguste à la chute de Constantin XI. On a beaucoup écrit de papier sur les problèmes liés à la mortalité des troupes de Valens après Andrinople. Il est à peu près certain qu'à la bataille de Mursa la boucherie fut bien plus grande et malgré l'usage de troupes germaniques en grand nombre, cela a dû impacter négativement les circuits du recrutement.
Autre problème fondamental ; l'impossibilité pour les princes de déléguer les opérations par crainte d'une usurpation : la Tétrarchie est construite dans ce but. Constance II en nommant Julien en Gaule agit de la même façon. De fait des situations stratégiques compliquées s'aggrave par absence de décision. Les militaires colmates mais ne peuvent se lancer dans des opérations d'envergure sans menacer le Prince.

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Scribant reliqua potiores, aetate doctrinisque florentes. quos id, si libuerit, adgressuros, procudere linguas ad maiores moneo stilos. Amm. XXXI, 16, 9.


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Message Publié : 13 Avr 2021 9:59 
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Pédro a écrit :
Narduccio a écrit :
C'est aussi l'image que j'ai de l'action de Vercingétorix. Il est le rix, désigné par l'assemblée, mais il me semble relié aux chefs subalternes par des liens d'homme à homme. Ces chefs étant liés à leurs subordonnées, et ainsi de suite. Quand Vercingétorix se rend, même si une grande partie de la Gaule pourrait encore décider de continuer la révolte et nommer un autre rix, ils ne peuvent pas le faire, car il faut reconstruire la pyramide. Il faut choisir parmi les chefs subalterne qui a suffisamment de charisme pour accéder au titre suprême, déclenchant par là une escalade de pouvoir auprès de ses subalternes direct.


Chez les Celtes en effet c'est l'image que je m'en fais mais la diversité des systèmes de gouvernance, la place des druides... semblent grandement complexifier l'édifice politique. Je repère bien le don contre-don dans les relations des chefs avec leurs ambacts, après c'est plus flou pour moi.


Vous faites bien de rappeler le rôle des druides. Même si on a du mal à bien comprendre leur place exacte dans la société celte.

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Message Publié : 13 Avr 2021 10:27 
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Jean-Pierre Vernant
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J'ai lu il y longtemps que leur rôle politique avait été majeur au IIIe ou IIe siècle avant de s'étioler dans la période césarienne. Il me semble sue l'on n'en croise qu'un ou deux dans l'oeuvre de César.
Si les spécialistes pouvaient en dire davantage les concernant.

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Message Publié : 13 Avr 2021 13:46 
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Philippe de Commines
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Le druide Diviciac (Eduen) est le Gaulois plus souvent cité par César après Vercingétorix.


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Message Publié : 13 Avr 2021 14:51 
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Polybe
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J'ai lu il y longtemps que leur rôle politique avait été majeur au IIIe ou IIe siècle avant de s'étioler dans la période césarienne.


C'est en tout cas ce que défend JL Brunaux dans son livre Les Druides.
Brunaux nous les présente comme des personnages qui s'impliquent dans la vie politique. A un moment de leur histoire (vers le 4e siècle avant JC, à leur apogée) ils seront assez puissant pour s'imposer comme des sortes de juges au dessus des rois. Le conseil des druides dans la forêt des Carnutes devait ressembler d'ailleurs à un tribunal pour juger les différends entre peuples gaulois. Lors de la conquête romaine, les druides avaient déjà quasiment disparu, ou en tout cas perdu leur aura et l'influence sur les sociétés celtes.

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Message Publié : 13 Avr 2021 15:14 
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Polybe
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Le druide Diviciac (Eduen) est le Gaulois plus souvent cité par César après Vercingétorix.


Sauf erreur de ma part, César n'indique pas dans ses Commentaires que Diviciac a la qualité de druide. Il en parle plutôt à la façon d'un diplomate.

C'est Cicéron, dans De la divination, qui parle d'un Eduen nommé Diviciac qui a été son hôte. Il indique que ce Diviciac a été druide. On a fait le rapprochement entre les deux personnages.

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Message Publié : 13 Avr 2021 18:33 
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Philippe de Commines
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Bequelune a écrit :
Karolvs a écrit :
Le druide Diviciac (Eduen) est le Gaulois plus souvent cité par César après Vercingétorix.
Sauf erreur de ma part, César n'indique pas dans ses Commentaires que Diviciac a la qualité de druide. Il en parle plutôt à la façon d'un diplomate.
C'est Cicéron, dans De la divination, qui parle d'un Eduen nommé Diviciac qui a été son hôte. Il indique que ce Diviciac a été druide. On a fait le rapprochement entre les deux personnages.
Vous avez raison. César ne dit jamais que c'est un druide ; c'est Cicéron qui dira qu'il l'était (6 ans après la publication de La Guerre des Gaules).

De Divinatione, I,41 : "Les nations barbares elles-mêmes n'ont pas négligé les diverses sortes de divination. La Gaule a ses druides, parmi lesquels j'ai connu Divitiac l'Éduen, votre hôte et votre panégyriste, qui prétendait connaître les causes naturelles, science appelée physiologie par les Grecs, et prévoir l'avenir, partie par les augures, partie par conjecture."

Y a-t-il un doute que l'Eduen Diviciacus de César soit le druide éduen Divitiacus de Cicéron ?

Jean-Louis Brunaux indique qu'il s'agit effectivement du même homme (J-L Brunaux, Les Druides-Ed. du Seuil, chap. X, Diviciac et Cicéron, et Diviciac et César.


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Message Publié : 13 Avr 2021 19:48 
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Polybe
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Citer :
Y a-t-il un doute que l'Eduen Diviciacus de César soit le druide éduen Divitiacus de Cicéron ?


Je n'ai pas connaissance de doutes à ce sujet, même si évidemment ça reste possible qu'il y ait eu deux Divitiacus vivant à la même époque, tous deux Eduens et tous deux en contact avec l'élite romaine.

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Message Publié : 14 Avr 2021 12:26 
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Et on ne sais pas si César savait que Diviciacus était un druide.

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Message Publié : 14 Avr 2021 15:12 
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Grégoire de Tours
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Narduccio a écrit :
Pédro a écrit :
Citer :
A l'époque d'Alésia, seule l'armée romaine est structurée aussi solidement. On ne peut pas attendre de l'armée de secours gauloise, peu importe ses effectifs et son état, qu'elle soit autre chose qu'une vaste cohue. Il doit bien y avoir des chefs dans chaque peuple et des chefs de village à l'échelon en dessous, ce qui permet, tout de même, de faire descendre des consignes, mais cela ne permet pas de conduire une bataille, alors que côté romain on peut prendre des décisions, les appliquer, éventuellement les modifier...




C'est aussi l'image que j'ai de l'action de Vercingétorix. Il est le rix, désigné par l'assemblée, mais il me semble relié aux chefs subalternes par des liens d'homme à homme. Ces chefs étant liés à leurs subordonnées, et ainsi de suite. Quand Vercingétorix se rend, même si une grande partie de la Gaule pourrait encore décider de continuer la révolte et nommer un autre rix, ils ne peuvent pas le faire, car il faut reconstruire la pyramide. Il faut choisir parmi les chefs subalterne qui a suffisamment de charisme pour accéder au titre suprême, déclenchant par là une escalade de pouvoir auprès de ses subalternes direct.

C'est aussi ce qui explique qu'il y a souvent des crises de succession car chacun des pairs composants le cercle d'où va émaner le chef pense avoir sa chance. En fait, celui qui a le pouvoir suprême est souvent vu comme le premier d'entre les pairs.



C'est bien plus compliqué que cela ; les structures socio-politiques des sociétés anciennes ne sont pas inexistantes ou primitives, sans lien, sans organisation. Au contraire même.
Je prends l'exemple germanique que je connais mieux pour expliciter (et pour ne pas trop indigner les spécialistes). Lors de la coalition des Alamans qui mène à leur défaite à Argentoratum en 357, ce sont les liens de don et contre-don qui structurent l'ensemble : Chnodomar, le chef, est désigné comme rex dans Ammien qui établit ensuite les rangs de dignité inférieure des autres chef, regulus et subregulus. En clair, le chef suprême a fait entrer dans sa clientèle des potentats régionaux qui eux-mêmes avaient dans leur dépendance d'autres chefs de moindre importance. C'est par l'extension de ces clientèles que se sont construites les grandes ligues guerrières que l'on appelle "peuples" dès le IIIe siècle. Là où on trouvait chérusques, Mattiaques, Bructères, Marses, Chamaves, Turons... au Ier siècle on trouve Francs, Alamans ("tous les hommes" littéralement)...
De ce fait les armées des peuples archaïques avaient une structure solide, sanctionnée par des liens d'homme à homme extrêmement solides, liés par des rites. Mais la faiblesse d'une telle organisation est que la durée et le théâtre d'opération est de fait limité par la "coutume". Un chef n'est pas Napoléon, il ne fait pas ce qu'il veut et les liens de vassalité impliquent que le chef suprême reste un parmi ses pairs et non un monarque tout puissant.


Pour la bataille d'Alésia, il y a aussi un point à prendre en compte: à ce moment, les peuples de Gaule sont exsangues, éprouvés par 6 ans de guerres contre les Romains et les Germains. César nous dit que nombre de peuples, de "cités" (définitivement pour cette époque, on peut parler de cités et plus de tribus) avaient perdues "tout leur Sénat" (comprendre: l'élite aristocratique guerrière et décisionnaire) et avaient été obligées de remettre leurs armes à César au point où pour reprendre le combat, on fabrique des boucliers en osier et on récupère ce qu'on a réussi à cacher.

En outre, la Gaule à l'époque de César n'est plus la Gaule de quelques siècles auparavant. On a une organisation politique forte, qui commence à se centraliser autour d'une proto urbanisation (c'est pour cela que je pense qu'on peut parler de cités pour cette époque) où se concentre l'activité économique, sociale et politique. Des magistratures semblent avoir déjà été en place à cette époque (le "vergobret" par exemple) et l'on voit notamment chez les Arvernes que le roi a mauvaise presse (le père de Vercingétorix a été exécuté parce qu'ils cherchait à retrouver le pouvoir monarchique. Le cas des Arvernes est spécial dans la mesure où ce peuple a été battu à plate couture par les Romains en - 121. Leur roi Bituit a été tué au combat et la bataille semble avoir été un désastre qui a coûté la suprématie aux Arvernes. Qu'une crise politique où la royauté a été renversé ait eu lieu par la suite, on a aucune source qui le mentionne, mais c'est une possibilité.

Au moment de la Guerre des Gaules, la société gauloise a largement évoluée depuis 1 siècle (probablement suite à l'annexion de la "Provincia" par Rome et de la perte de l'hégémonie par les Arvernes au profit des Eduens (plus proches de Rome). On est passé d'une société très rurale, sans centres urbains (tout de même de gros "bourg" où se concentrent les activités artisanales et commerciales), fait d'une multitude de fermes aristocratiques dominées par des puissants qui entretiennent entre eux des liens d'hommes à hommes à la société des oppida qui est une sorte d'organisation en "proto-cités" sur un modèle classique (on voit que la société gauloise était de toute façon déjà plus ou moins acculturée, au moins pour les élites).

Cette évolution transparaît notamment dans l'art, et plus particulièrement encore sur l'art dans l'armement. alors que les périodes précédentes (La Tène ancienne, La Tène Moyenne) dévoilent des armes la plupart du temps très richement ornementées, c'est beaucoup moins le cas au Ier siècle av. : l'armement semble devenu beaucoup plus fonctionnel, beaucoup moins ornementé (et de façon plus sobre quand c'est le cas), et fabriqué quasiment "en série" (les modèles de casques, très fonctionnels, de type Alésia ou Port sont semblable d'un bout à l'autre de la Gaule par exemple). Peut-on y lire un glissement d'une société aristocratique "héroïque" vers une société de type "proto cité" où se met peu à peu en place une armée de citoyens soldats, impliquant du coup une organisation sociale différente avec la mise en place de véritables institutions et magistratures? La question se pose.

Il ne faut pas non plus nier l'apport (à prendre avec d'énormes pincettes) des sources concernant les Celtes de la facade Atlantique, notamment insulaires. On sait que dans ces sociétés l"homme libre" pèse très lourd dans les décisions et que le roi, le chef, est avant tout un garant et un représentant, sur qui pèsent beaucoup de responsabilités par rapport aux maigres prérogatives, en comparaison, qui sont les siennes.

La société Celte dans son ensemble semble avoir été un complexe imbroglio de relations d'hommes à hommes, d'intérêts et de traditions, le tout lié par des rites complexes.

On ne sait rien des druides antiques. Diviciac est le seul qui soit qualifié ainsi. César ne parle des druides que dans son chapitre où il traite de la société... chapitre qu'il a quasiment plagié sur Poseidonios d'Apamée, donc une vision périmée depuis un siècle ou deux. C'est tout de même très étonnant, alors qu'il prétend que les druides forment une sorte de pouvoir suprême à la tête de la société gauloise, qu'il n'en cite jamais un seul dans son exposé des évènements.

JL Brunaux dans son livre sur les druides émet des hypothèses intéressantes, mais je m'interroge sur ses conclusions sur la fonction druidique au vu du manque total de sources que l'on a à ce sujet.

En ce qui concerne l'armée de secours, j'ai lu chez beaucoup de spécialistes reconnus (Goudineau, Brunaux en effet) que les chiffres de César pouvaient être crédibles. Son oeuvre est certes un ouvrage de propagande, mais il ne faut pas oublier qu'il était à la tête d'une énorme armée où se trouvaient beaucoup de cadres romains qui appartenaient au camp de ses adversaires politiques et qui étaient également témoins des évènements: il ne pouvait pas se permettre de dire ce qu'il voulait.

Après, je pense qu'il ne faut pas imaginer qu'il y ait eu 200 000 hommes à Alésia. il devait s'agir de l'ensemble des forces, la coalition de Vercingétorix concernant une grande partie de la Gaule (y compris les Eduens!), mobilisées contre lui. Mais l'attaque manquée sur la circonvallation d'Alésia était loin de rassembler autant de combattants (un tel nombre aurait certainement fini par l'emporter sous la masse). Il est fort possible également que parmi ce nombre se trouvait une grande partie de guerriers "non professionnels" mal équipés et levés pour l'occasion.

Quant à la logistique, elle était déjà bien développée. On a du mal à se défaire de l'image d'une Gaule sauvage et impratiquable... et pourtant, il existait un réseau de routes importantes et le territoire était peut-être plus aménagé que durant certaines périodes ultérieur (notamment au Moyen Age): on le lit en filigrane dans les déplacements des armées de César à travers toute la Gaule en des temps assez étonnants (on parle d'une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes).


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Message Publié : 14 Avr 2021 15:29 
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Votre dernier paragraphe est en contradiction avec votre premier : la Gaule est exsangue, si bien organisée ait-elle pu être en -60, ce n'est vraisemblablement plus le cas en -52. Organiser parfaitement la logistique d'une telle armée dans un tel contexte semble difficile.

Du coup, mobiliser, concentrer et soutenir une armée de 200 000 hommes - fait unique dans les annales militaires pour encore près de deux millénaires je le rappelle - dans un pays largement affaibli et désorganisé par la guerre, qui n'est de toute manière pas uni, me semble une exagération très nette.
Que l'armée ait été très conséquente pour les standards de l'époque, je veux bien, à un niveau compris entre 100 et 150 000, pourquoi pas ? Ce serait aussi une armée d'un volume rarissime dans les annales militaires mais admettons. Qu'elle ait coïncidé avec les chiffres demandés et rapportés par César me paraît très douteux pour ne pas dire hautement improbable.

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"Sicut Aquila"/"Ils s'instruisent pour vaincre"/"Par l'exemple, le coeur et la raison"/"Labor Omnia Vincit"/"Ensemble en paix comme au combat"/"Si Vis Pacem Para Bellum"/"Passe toujours !"


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Message Publié : 14 Avr 2021 16:03 
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Grégoire de Tours
Grégoire de Tours

Inscription : 13 Avr 2006 23:08
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Du coup, mobiliser, concentrer et soutenir une armée de 200 000 hommes - fait unique dans les annales militaires pour encore près de deux millénaires je le rappelle - dans un pays largement affaibli et désorganisé par la guerre, qui n'est de toute manière pas uni, me semble une exagération très nette.


Sauf si ces 200 000 hommes ne sont que la somme de toutes les forces mobilisées à travers la Gaule contre César. Cette gigantesque armée n'aurait alors pas vraiment existée dans la mesure où elle n'a jamais été rassemblée en un même point. Du coup, les chiffres de César ne seraient que des estimations basées sur son réseau de renseignement (qui devait être important et développé).

Citer :
fait unique dans les annales militaires pour encore près de deux millénaires je le rappelle


Les armées Perses n'étaient-elles pas également dans cet ordre d'idée au niveau effectifs durant la conquête d'Alexandre? Il peut s'agir effectivement d'une exagération dans ce cas que je connais moins.

Comme je le disais, nombre de spécialistes reconnus affirment que la crédibilité des chiffres de César est à envisager malgré le fait qu'ils soient étonnants.

Ceci dit, oui, ce genre d'exagération est quand même monnaie courante dans les textes antiques. En outre, les stéréotypes sur les barbares très ancrés parmi les peuples méditerranéens voient les gens du Nord comme particulièrement fertiles et féconds, et c'est peut-être de "topos" qui a influencé César (et d'autres auteurs) sur ce point.


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