Oliviert a écrit :
Je note quelques points qui sèment la confusion :
Dissipons-là
L'emprunt est en francs, mais Balzac parle d'une rente en livres.Il ne faut pas confondre avec la livre tournoi. Il s’agit simplement de francs. Comme indiqué dans le Littré, édition 1874 :
Il se dit aujourd’hui pour franc quand on parle d’un revenu annuel. Avoir dix mille livres de rente.Il existe plusieurs type de rendements, et c'est pour cela que les financiers modernes préfèrent parler de taux nominal, taux actuariel, etc. Ici, je pense comme vous que Balzac a considéré un rendement sans actualisation.Le taux actuariel est le taux donné par le calcul mathématique. Le taux nominal, commercial ou autre peut en différer. Généralement, quand on veut emprunter de l’argent, l’organisme financier annonce un taux qui ne tient pas compte des frais de dossier et autres subtilités. Heureusement la loi exige qu’à la suite des boniments commerciaux soit précisée la vérité vraie. Celle-ci figure tout en bas de la feuille en petits caractères. C’est le taux actuariel. Il est toujours un peu plus élevé que le taux commercial.
Pour les emprunts remboursés par mensualités, le calcul du taux annuel fait partie de ces subtilités. On part du taux mensuel qui permet de calculer mois après mois l’intérêt dû et la fraction de capital remboursé. Soit tm ce taux mensuel. Le taux actuariel est ta tel que (1 + ta) soit égal à (1 + tm) élevé à la puissance 12. Le taux commercial, ou proportionnel, est ta = tm x 12. La différence est minime mais quand il s’agit de 200 000 € empruntés sur vingt ans, ce n’est pas totalement négligeable.
Sous la Restauration a été lancé un emprunt perpétuel à 3 % à un prix d’émission égal à 75 % de la valeur nominale. Quel est le taux actuariel ? Difficile à dire parce que cela dépend du temps au bout duquel l’emprunt aura été remboursé. S’il n’est jamais remboursé, le taux actuariel est 3 / 0,75 soit 4 %.
Mais il ne faut pas se faire de nœuds au cerveau. Ce qui préoccupe Balzac est le rendement. Si vous louez 500 € par mois un appartement que vous avez acheté 150 000 €, le rendement de votre investissement est de 4 %. Vous n’allez pas chipoter sur le caractère actuariel ou proportionnel de cette valeur. D’ailleurs je ne crois pas que le terme de rendement se lise dans les romans de Balzac. Simplement, Balzac mentionne le revenu annuel (tant de livres de rente) et parfois une évaluation de la fortune. Quand il mentionne les deux, comme c’est le cas pour Bridau dans
La Rabouilleuse, on peut en déduire le rendement qui est tout simplement le rapport du revenu sur le capital.
Le taux de 5% n'est pas mentionné explicitement par Balzac. Le tiers consolidé comprenait des titres à 5% ainsi que des rentes viagères à 10% :
[i]"Le montant des rentes perpétuelles à 5% s'élève à 120 millions, ce qui correspond à un capital de 2,4 milliards répartis entre 112.000 titulaires. À cela s'ajoutent deux millions de dettes diverses et 70 millions de rentes viagères et de pensions versées à 180.000 bénéficiaires." https://www.herodote.net/30_septembre_1797-evenement-17970930.php[/i]
Il faut lire la suite de l’article d’Hérodote :
Par la loi du 9 vendémiaire an VI (30 septembre 1797), le ministre Ramel consolide le tiers de la dette publique et «mobilise» les deux autres tiers en les représentant par des bons au porteur de 5% pour les rentes perpétuelles et de 10% pour les rentes viagères. Dans la réalité, ces bons, qui sont une nouvelle forme d'assignats, ne trompent personne. Leur valeur s'effondre de suite, consommant la ruine des créanciers de l'État.Pour dire les choses simplement, le Directoire avait décidé de rembourser les deux tiers de la dette de l’Etat en monnaie de singe et un tiers, dit le Tiers Consolidé, en vrai numéraire sous la forme d’obligations à 5 %. Les coupons de celles-ci n’ont pas toujours été payés en temps et en heure dans les premières années les plus troubles, mais l’État n’a jamais fait défaut. Les détenteurs de ces titres ont toujours pu en percevoir les intérêts et, sous la Restauration, les vendre à un montant proche du nominal et même à un montant supérieur sous la monarchie de Juillet. Les bons à 10% remis en compensation de rentes viagères étaient de la monnaie de singe.
Les titres à 5% représentent une somme beaucoup plus importante au total, mais le nombre de détenteurs des titres est plus important pour les rentes viagères, ce qui indique que ces dernières ont la faveur des petits épargnants.Les rentes viagères étaient principalement des pensions versées par l’État. Selon les personnes elles ont été retirées, transformées en bons ou maintenues. Le terme peut prêter à confusion. Les pensions de retraite des fonctionnaires ne sont plus aujourd’hui considérées en comptabilité comme des remboursements de dettes. A ma connaissance, les rentes viagères n’ont jamais été des produits d’épargne parce qu’elles n’ont jamais correspondu à des emprunts en numéraire.
En ce qui concerne la fiscalité, je crois en effet que les intérêts des emprunts d’État n’étaient pas taxés. L’impôt sur le revenu n’a été introduit qu’en 1914.