Rebecca West a écrit :
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Tout le monde se rangea à ce désir, chacun pour des raisons politiques différentes, on laissa les choses se faire. Talleyrand -refoulé dans un premier temps- devenait incontournable pour le petit coup de pouce qui allait orienter le choix français via des réseaux réactivés.
Le pays, habitué à une obéissance passive, a pourtant -depuis trois ans- ankylosé le régime napoléonien par de soudaines désobéissances dues aux événements (défaites, poids croissant de la conscription et des impôts indirects, conflits avec l'Eglise, séquelles de la crise frumentaire de 1811 etc.).
Ce qui a étonné les princes réunis et plus encore les "
royalistes" fut l'accueil très positif du peuple -hormis l'armée- à l'arrivée du comte de Provence.
L'entrée du roi à Paris (3 mai) déchaîne l'enthousiasme de la population. La province marque une vive adhésion et l'armée bloque à l'exception des anciens cadres que l'on retrouvera -pour l'essentiel- sous la Restauration.
Les coalisés quittant Paris le 5 juin, il a fallu établir en hâte une constitution afin qu'elle soit promulguée le 4 : la charte. D'emblée des points posent problème (presse, Eglise, séparation des pouvoirs).
Si les 79 articles (?) reflètent certaines influences anglaises, on y retrouve aussi les idées des "
monarchiens " de 1789. La Charte reconnait les principes fondamentaux, cependant il est déjà prévu que la liberté de la presse pourrait être restreinte par des lois "
afin d'en réprimer les abus".
Il semble donc que -dans une certaine mesure- le régime mis en place avait la caution des Français... pour un temps.
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Votre analyse a le mérite de souligner d'une part l'état d'esprit général mais également le rôle des princes (Berry et Angoulême, ainsi que leur père, d'Artois) qui préparent efficacement la voie en gagnant les principales villes, à l'aide des Chevaliers de la Foi.
L'occupation de Paris se passe bien, loin de l'image des féroces cosaques bivouaquant sur les champs Elysées.
En revanche, vous semblez dire que le tsar Alexandre penchait déjà pour les Bourbons avant l'intervention de Talleyrand. Pourriez-vous préciser ?
Mes connaissances sont très scolaires et j'avais lu qu'Alexandre n'avait même pas songé aux Bourbons avant Talleyrand...
Il un autre point plus fondamental. Vous évoquez une "constitution", ce que n'est précisément pas la Charte constitutionnelle. elle remplit les objectifs d'un texte de lois fondamentales mais se garde bien, dans l'esprit de Louis XVIII, de satisfaire Talleyrand. Le projet de Constitution sénatoriale préparé par Talleyrand échoue lors de ce "happening" qu'est la Déclaration de Saint-Ouen. C'est en cela, je trouve, qu'on peut discuter le rôle de Talleyrand, qui ne parvient pas à orienter le régime dans la voie libérale.
La Chartre est un
octroi du roi, elle n'a donc rien d'un pacte mutuellement consenti entre le Sujet et le Souverain, dans l'esprit des Lumières...
Louis XVIII ne sait que trop bien ce que rappellerait le mot constitution, celle du roi faible et humilié de 1791, roi par les Français, pour les Français, au nom des Français... La manœuvre est d'autant plus efficace qu'elle permet dans le même temps de reprendre un grand nombre des idées du texte de Talleyrand, notamment le bicaméralisme. Mais le roi demeure divin, ce qui est essentiel - il n'est pas "appelé" par son peuple, il revient, de son bon gré, pour le sauver.